Byzantins

Byzantins

Empire byzantin

Empire byzantin
Empire romain d'Orient

Imperium Romanum (la)
Βασιλεία Ῥωμαίων / Basileía Rhōmaíōn (grc)


Empire romain
330/610 — 1453
Empire ottoman

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Bannière des Paléologues Aigle à deux têtes

De l'Empire romain à l'Empire byzantin et ses états héritiers
De l'Empire romain à l'Empire byzantin et ses états héritiers

Informations générales
 Statut Autocratie / Monarchie
 Capitale Constantinople
Nicée (1204 à 1261)
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 Religion(s) Christianisme ancien puis orthodoxe
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 PIB/hab. {{{pib hab}}}
 Monnaie Solidus, nomisma, hyperpère, etc.
(Monnaie byzantine)
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Population
 IVe siècle env. 34 000 000 hab.
 VIIIe siècle env. 7 000 000 hab.
 XIe siècle env. 12 000 000 hab.
 XIIIe siècle env. 5 000 000 hab.
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Superficie
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Histoire et événements
 11 mai 330 Fondation de Constantinople
 1054 Grand Schisme d'Orient
 1204 Prise de Constantinople (IVe crois.)
 1261 Reconquête de Constantinople
 29 mai 1453 Chute de Constantinople
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Pouvoir exécutif
   Basileus
 306337 Constantin Ier
 527565 Justinien Ier
 610641 Héraclius Ier
 14491453 Constantin XI
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Pouvoir législatif
 Parlement Sénat byzantin
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Entité précédente Entité suivante
Empire romain Empire romain
Empire ottoman Empire ottoman

L'Empire byzantin (en grec : Βυζαντινή αυτοκρατορία / Bizandiní aftokratoría) ou Empire romain d'Orient (en grec Βασιλεία Ῥωμαίων / Basileía Rhômaíôn), est le nom donné depuis le XVIIe siècle à la moitié orientale de l'Empire romain. Dès la fin du IIIe siècle, une séparation est faite et il est définitivement partagé en deux parties en l'an 395, à la mort de Théodose Ier. L'Empire romain d'Occident disparaît en 476 et l'Empire byzantin dure jusqu'en 1453, date de la chute de Constantinople suite aux attaques ottomanes.

Le mot « byzantin » vient de Byzance, l'ancien nom de la capitale impériale Constantinople. D'origine occidentale, ce terme exonyme n'est utilisé que depuis 1557, quand il fut été créé par Hieronymus Wolf pour faire une distinction entre l'histoire de l'Empire romain dans l'Antiquité et celle de l'Empire romain d'Orient qui, depuis lors, est considérée comme une histoire grecque médiévale[1]. Majoritairement hellénophones, les habitants de ce pays, que nous appelons les « Byzantins », appellent leur état par l'endonyme « Empire des Romains » (Basileía Rhômaíôn)[2]. Si leur religion, leur langue de communication, et leur culture sont essentiellement grecques[3] plutôt que romaines[2], eux se voient néanmoins comme des Romains (en grec Rhomaioi), rejoints en cela par les Perses, les Arabes et les Turcs qui appellent les Byzantins « Rum », alors que les Européens les appellent « Grecs » et leur Empire « Imperium Graecorum », « Græcia », ou aussi « Terra Græcorum »[2]. Geoffroy de Villehardouin, comme d'autres auteurs occidentaux médiévaux, parle constamment de l'« Empire de Romanie » lorsqu'il mentionne cet État.

Au cours de ces mille ans d'existence, un certain nombre de lois et coutumes est conservé des Romains, ainsi que certains aspects culturels ou techniques comme l'architecture. La disparition de la partie occidentale de l'Empire romain et celle des légions romaines, les menaces permanentes sur leurs frontières amènent les Byzantins à se doter d'une armée puissante, dont la tactique évolue et commence à s'élaborer de manière autonome dès le VIe siècle. L'Empire byzantin est aussi un empire chrétien qui, entre autres, aura défini certains dogmes du christianisme. L'Église officielle est l'Église chrétienne universelle jusqu'au schisme de l'église romaine de 1054, ensuite cette partie de l'Église, qui conserve la théologie et le droit canon du premier millénaire (dite des sept conciles) prend le nom d'Église orthodoxe.

Sommaire

Histoire byzantine

L'Empire romain d'Orient durant l'Antiquité tardive (IVe au VIe siècle)

L'Empire byzantin tire ses racines de la fin de l'Antiquité romaine (284 à 641). L'empereur romain Constantin le Grand, qui favorise le christianisme (conversion de Constantin), donne une extension considérable à la colonie grecque de Byzance en 330 et en fait délibérément une « Nouvelle Rome » (Nova Roma) face à Rome qui — au moins depuis le court règne de l'empereur Maxence - n'est plus résidence permanente pour l'autorité impériale. La nouvelle résidence impériale devient capitale de la partie orientale de l'Empire romain. Le nom officiel ne tarde pas à être remplacé dans le langage courant par la dénomination usuelle de « Constantinople », ce qui n'empêche pas l'appellation « Byzance » de perdurer pendant des siècles. Constantinople reste le siège de l'autorité sous les empereurs suivants, quand bien même alors que tous les empereurs n'y séjournent pas très longtemps dans les premiers temps. Ainsi, Julien l'Apostat, dernier empereur païen, et Valens passent le plus clair de leur temps à Antioche, à l'est de l'Empire.

En 395, lorsque meurt l'empereur Théodose Ier, l'unité de l'Empire prend fin. Il est partagé entre les deux fils de Théodose, Honorius et Arcadius, qui se répartissent un Empire d'Occident et un Empire d'Orient. Cette division de 395 est traditionnellement considérée comme un point de départ plausible pour l'Empire byzantin. On a certes connu de telles divisions par le passé, mais celle-ci se révèlera définitive : Arcadius, qui réside à Constantinople passe donc comme le premier empereur de ce « premier » Empire byzantin. Cependant, les mêmes lois ont cours dans les deux moitiés de l'empire (elles sont en général promulguées conjointement par les deux empereurs) et chacun reconnaît le consulat de l'autre partie. Aussi cette date de 395 n'est-elle pas retenue par tous les historiens comme « origine » de l'Empire byzantin. Si certains le font remonter jusqu'à Constantin, la plupart s'en tiennent à Héraclius (610641) comme premier souverain byzantin. Peter Schreiner retient comme début de l'histoire byzantine seulement la mort de Justinien Ier (527-565).

Les grandes invasions du IVe au Ve siècle ; Chronologie associée.

À la fin du IVe siècle, au début des grandes invasions, la partie orientale de l'empire est tout de suite une cible pour les Germains notamment Wisigoths et Ostrogoths. En 378, à la bataille d'Andrinople, les Goths infligent une cuisante défaite à l'armée romaine d'Orient. Théodose Ier leur concède en 382 un territoire au sud du Danube. Cependant, à partir du début du Ve siècle, les Germains et les Huns concentrent leurs attaques contre l'Empire d'Occident, plus faible sur le plan militaire. L'Empire d'Orient pour sa part doit affronter seul les assauts du nouvel Empire perse des Sassanides, seul concurrent à sa mesure, bien que les deux empires soient presque continuellement en situation de paix entre 387 et 502 (voir à ce propos les guerres perso-romaines). En 410, pour la première fois, la ville de Rome est prise par les Wisigoths, ce qui est un choc pour les Romains, tandis que la partie orientale de l'Empire — si l'on excepte les Balkans — n'est pas inquiétée. À l'occasion, Constantinople s'efforce toutefois de venir en aide à l'Occident, par exemple en armant la malheureuse campagne navale de 467/468 contre les Vandales. Cependant, sous le règne de l'empereur Léon Ier (457-474), l'Empire doit affronter le problème posé par les troupes d'auxiliaires germains. Jusqu'à la fin du Ve siècle, la charge de « magister militum » (commandant en chef, un général de haut niveau) revient la plupart du temps à un Germain. Vers 480, avec l'intégration des Isauriens dans le service militaire, on peut envisager de résoudre ce problème en contrebalançant l'influence des Germains. Dans l'armée d'Orient combattent désormais de plus en plus de sujets de l'Empire. Les empereurs peuvent stabiliser leur situation à l'est également sur un plan de politique intérieure. Lorsque, en 476, le dernier empereur d'Occident Romulus Augustule est déposé par le chef germain Odoacre, l'Empire d'Orient se retrouve nettement en position de force. Le dernier empereur d'Occident reconnu par Constantinople, Julius Nepos, meurt en Dalmatie en 480. Les Germains reconnaissent dès lors l'empereur d'Orient comme leur seigneur en titre. L'empereur Anastase Ier renforce de surcroît les capacités financières de l'Empire, ce qui va favoriser la politique d'expansion ultérieure de Constantinople.

L'apogée de l'Empire byzantin avec les conquêtes de Justinien.

Au VIe siècle, sous le règne de Justinien Ier (527-565), les deux généraux orientaux Bélisaire et Narsès reconquièrent une grande partie des provinces occidentales : l'Italie, l'Afrique du Nord, et la Bétique. Ils restaurent ainsi brièvement l'« Imperium Romanum » dans ses limites d'autrefois. Cependant, les guerres contre les royaumes des Vandales et des Goths à l'ouest, et contre le puissant Empire sassanide de Khosro Ier à l'est, auxquelles vient s'ajouter une épidémie de peste (dite « peste de Justinien ») qui ravage à partir de 541 tout le bassin méditerranéen, affectent sérieusement l'équilibre de l'Empire[4]. C'est aussi pendant le règne de Justinien qu'est édifiée la basilique Sainte-Sophie (532-537). Ultime grande construction de l'Antiquité, elle restera longtemps la plus grande église de la chrétienté. Un travail juridique impressionnant est également accompli à travers la codification du droit romain (ce que l'on nommera plus tard « Corpus juris civilis »). Le long règne de Justinien représente une transition décisive entre le crépuscule de l'Antiquité et le Moyen Âge byzantin, même si Justinien, « dernier empereur romain » selon Georg Ostrogorsky, se rattache par de nombreux traits à l'Antiquité. Avec ses successeurs, on voit décliner irrémédiablement l'influence de la langue latine dans l'Empire, et lorsque l'empereur Maurice établit l'exarchat à Carthage et Ravenne, il abandonne un principe fondamental de l'Antiquité tardive, la séparation des compétences civiles et militaires.

Justinien laisse à ses successeurs des caisses vides ; les empereurs qui lui succèdent ne seront guère en mesure de relever les défis de la nouvelle politique extérieure, tels qu'ils apparaissent à partir de la seconde moitié du VIe siècle. Justin II engage une guerre désastreuse contre les Perses et à la faveur de la dépression nerveuse que lui occasionne la défaite, les Lombards mettent la main sur une grande partie de l'Italie à partir de 586. Entretemps, les Slaves sont eux aussi passés à l'attaque (vers 580) dans les Balkans et jusqu'à la fin du VIIe siècle, ils en contrôlent la plus grande partie. L'empereur Maurice a pu conclure en 591 une paix avantageuse avec les Sassanides et réagir vigoureusement face aux menées slaves, mais avec sa mort violente en 602, la situation militaire se tend dangereusement. En 603, sous la conduite du grand roi Khosro II, les Perses sassanides s'adjugent pour quelque temps le pouvoir sur la plupart des provinces orientales. Jusqu'en 619, ils détiennent même l'Égypte et la Syrie, les plus riches des provinces romaines. Comme de surcroît les Avars et leurs vassaux slaves menacent les Balkans, l'Empire semble au bord de l'effondrement. La situation se retourne lorsque l'empereur Héraclius (610-641) lance plusieurs offensives en territoire perse et finalement remporte une victoire décisive contre une armée perse à la bataille de Ninive, fin 627. La Perse conclut la paix avec Constantinople et ne tarde pas à sombrer dans des luttes intestines pour le pouvoir. Pour autant, après ces moments difficiles, les forces de l'Empire d'Orient sont quelque peu ébranlées et l'aristocratie sénatoriale elle-même, qui avait porté si haut les traditions antiques, était bien affaiblie[5],[6],[7].

De l'Empire romain d'Orient à l'Empire byzantin (VIIe siècle)

L'empereur Héraclius n'arrive pas à s'opposer à l'expansion arabo-musulmane dans les années 630. Aussi, le 20 août 636, à Yarmouk, les byzantins subissent une défaite décisive face à une armée commandée par Khalid ibn al-Walid du second calife Omar ibn al-Khattab, et tout le sud-est de l'Empire (Syrie et Palestine incluses) est perdu avant 642[8],[9]. Contrairement à son vieux rival, l'Empire sassanide, qui sombre malgré sa puissante contre-offensive de 642 à 651, l'Empire byzantin réussit cependant à se préserver d'une invasion totale par les Arabes musulmans. Les troupes byzantines qui ont assuré la sécurité des marches orientales, doivent néanmoins se replier sur l'Anatolie, en proie aux razzias arabo-musulmanes[5],[7].

Les thèmes vers 650.

Les difficultés militaires et la perte définitive des plus riches provinces conduisent à une transformation profonde de l'Empire, dans lequel le grec supplante pour toujours l'usage du latin. Ce que l'Empire perd sur le plan territorial, il le gagne en homogénéité. La culture antique est marquée depuis des siècles par l'existence d'innombrables cités, de taille diverse. Cette époque touche à sa fin. La plupart des villes sont abandonnées ou se réduisent à la dimension de villages fortifiés, appelés « castra ». Les différences culturelles entre les provinces perdues du sud et de l'est et celles du nord ne sont pas négligeables : dans leur majorité, les premières appartiennent depuis le Ve siècle, aux Églises orthodoxes orientales et monophysites, lesquelles sont en rupture avec les Églises orthodoxes grecques du Nord depuis 451. Ce conflit est peut-être une des raisons de la soumission rapide aux Arabes musulmans en Syrie et Égypte, mais cette thèse est très controversée par la recherche actuelle. Le nord, qui reste sous contrôle impérial manifeste une plus grande unité et une combativité supérieure. Le prix à payer pour survivre est néanmoins la perte des deux tiers du territoire et de la plupart des revenus fiscaux. Les structures étatiques et sociales de l'Antiquité tardive disparaissent par pans entiers. contre toute attente, Byzance a tenu bon malgré des décennies de lutte pour sa survie face à des forces ennemies nettement supérieures. Cela doit certes beaucoup au célèbre système des provinces militaires, les « thèmes ». Contrairement aux hypothèses autrefois admises, celui-ci n'aurait vraisemblablement été mis en place qu'après le règne d'Héraclius, pour faire face aux attaques continuelles et au déclin de la vie citadine ailleurs que dans la capitale. Des tendances déjà anciennes se cristallisent après 636 dans de nombreux domaines de la vie politique et sociale. En même temps disparaissaient de nombreux circuits de production dans la phase terminale de l'Empire romain d'Orient, tandis que se mettait en place l'Empire Byzantin médiéval[5].

Dans le cours du VIIe siècle, Byzance perd également le contrôle des mers sur l'est méditerranéen, à la suite de sa défaite des Mats (655) face aux Arabes musulmans. Ce n'est qu'à grand peine qu'elle garde le contrôle de l'Asie Mineure, constamment en butte aux incursions arabes, tandis que les Balkans restent sous la pression des Slaves et Bulgares qui réduisent le pouvoir impérial à quelques localités. La période qui s'étend du milieu VIIe siècle jusque dans le VIIIe siècle est à peu de choses près essentiellement caractérisée par une stratégie défensive, l'initiative revenant presque exclusivement aux ennemis de Byzance. De 661 à 668, l'empereur Constant II transfère sa résidence en Sicile, à Syracuse, peut-être pour conforter de là-bas sa domination des mers face aux Arabes, mais ses successeurs repartent en Orient. En 679, l'empereur Constantin IV Pogonatos est contraint de reconnaître le nouveau Royaume/Empire des Bulgares. De 674 à 678, les Arabes viennent même assiéger Constantinople, qui ne s'en libère qu'en employant le feu grégeois, qui brûle même sur l'eau. Dans la période qui suit, l'empire se réduit aux Balkans et à l'Anatolie, auxquels s'ajoutent quelques territoires en Italie et, jusqu'en 698, en Afrique du Nord[5].

Défense du territoire et querelle des images (VIIIe et IXe siècles)

L'empereur Justinien II, pendant le règne duquel Byzance reprend au moins partiellement l'offensive, est le dernier monarque de la dynastie des Héraclides. Selon une méthode souvent employée par la suite, les colons slaves des Balkans sont déportés et réimplantés en Anatolie. L'objectif est de renforcer la défense des frontières, mais les désertions vont devenir de plus en plus fréquentes. On transfère inversement une partie des habitants de l'Asie Mineure vers les Balkans. Mais Justinien, victime d'une conjuration en 695, est mutilé et envoyé en exil où il épousera une princesse du peuple Khazar. Il parvient finalement à revenir sur le trône avec l'aide des Bulgares, avant d'être assassiné en 711[5].

L'Empire en 717, lors de la montée sur le trône de Léon III.

C'est en 717-718 que Constantinople subit le plus grand péril lorsque les Arabes la mettent au siège. Seules la compétence de l'empereur Léon III, les succès navals (les Byzantins emploient à nouveau le feu grégeois) et un hiver très rude qui paralyse les Arabes sauvent la capitale. Enfin, en 740, à la bataille d'Akroinon, les Byzantins remportent une victoire décisive sur les Arabes. Désormais, même si les combats défensifs contre ces derniers se poursuivent, ils ne menacent plus sérieusement l'existence de l'Empire byzantin. Entretemps, dans les Balkans, Byzance se trouve engagée dans de durs affrontements avec les Slaves qui, du fait de l'écroulement du royaume des Avars, sont tombés dans la sphère d'influence bulgare. Des pans entiers des Balkans se sont soustraits au pouvoir byzantin. Si l'Empire réussit à reprendre la main sur la Grèce qui avait vu aussi s'y constituer des "Sclavinies"[N 1], le reste de la péninsule des Balkans lui échappe face à ce nouvel adversaire que sont les Bulgares du Danube, qui s'efforcent alors avec succès d'édifier leur propre État. C'est au même moment, en 730, que Léon III entreprend également, par conviction personnelle, ce que l'on va appeler la « querelle des images », qui va durer plus de 110 ans, et réveiller en maint endroit de véritables guerres civiles et pour finir la guerre contre les Pauliciens qui dure de 843 à 872. L'ennui, c'est que les écrits des auteurs iconoclastes ont été détruits après la victoire des iconolâtres, de sorte que les sources dont nous disposons pour cette époque reflètent exclusivement le point de vue des vainqueurs et sont de ce fait discutables[10].

À la suite d'une éruption volcanique en Mer Égée, Léon fait enlever en 726 les icônes de la porte de la Chalkè. Les succès militaires de Léon lui permettent manifestement de remplacer les icônes (qui du reste ne jouent pas dans l'Église d'Orient un rôle aussi important qu'il l'est devenu de nos jours) par des représentations de la croix, dans laquelle tous les Byzantins pourraient se retrouver. La théorie selon laquelle Léon aurait rejeté la vénération des icônes sous l'influence des musulmans est aujourd'hui passablement contestée. Les empereurs iconoclastes sont des chrétiens convaincus qui de ce fait rejettent les icônes, car selon eux l'essence divine ne saurait être réduite à une image. En outre, la croix qui doit remplacer les icônes, est proscrite dans le monde musulman. La recherche contemporaine doute également que Léon ait interdit formellement les images, ou que sa politique ait entraîné de graves troubles publics, comme les sources iconophiles le laissent entendre. À l'évidence, cette étape de la guerre des images n'a pas été conduite avec une grande férocité, comme la seconde, celle du IXe siècle[11]. À l'intérieur, Léon accomplit plusieurs réformes et remporte de nombreux succès militaires. Ainsi reprend-t-il l'offensive contre les Arabes en Anatolie, où son fils Constantin révèle d'incontestables qualités de commandement.

Lorsque celui-ci succède finalement à son père sur le trône, en 741, sous le nom de Constantin V, et après avoir maté une rébellion menée par son beau-frère Artabasdos, il poursuit la politique iconoclaste de son père et écrira même à ce sujet plusieurs traités de théologie. Le concile de Hiéreia (754), doit abolir formellement le culte des images. En dépit de ses succès militaires, tant contre les Arabes que contre les Bulgares, Constantin est dépeint dans la plupart des sources comme un chef cruel, fort injustement et essentiellement à cause de son attitude iconoclaste. Son fils, Léon IV, plus modéré dans sa politique contre les icônes, n'en subit pas moins plusieurs tentatives de coup d'État et meurt en 780, après un bref règne de cinq années. Son fils, Constantin VI étant alors mineur, c'est la mère de ce dernier, Irène, qui assure la régence. Il apparaît néanmoins très vite qu'elle n'a nulle intention d'abandonner ce pouvoir. Par la suite, Constantin sera rendu aveugle et en mourra. Irène revient désormais à une politique favorable aux icônes et s'efforce vainement d'empêcher le couronnement impérial de Charlemagne. Finalement, Irène est renversée en 802, après une gestion politique plutôt maladroite, encore que l'on puisse retenir à son actif d'avoir jeté les bases de la future « Renaissance macédonienne ». Ainsi prend fin la « dynastie isaurienne » fondée par Léon III[12].

L'Empire en 867, à la fin du règne de Michel III.

C'est seulement avec Michel II, qui accède au trône en 820, qu'une nouvelle dynastie apparaît, la dynastie amorienne (ou phrygienne). Dans les Balkans, au début, il n'y avait guère à attendre du côté des Bulgares. En 811, leur khan, Kroum, taille en pièces une armée entière conduite par l'empereur Nicéphore Ier, qui trouve la mort sur le champ de bataille. Il faut attendre Léon V pour qu'un traité d'alliance soit signé avec le khan Omourtag. Au IXe siècle et surtout au Xe siècle, quelques succès sont remportés à l'extérieur, même si les débuts de la dynastie amorienne sont affectés par des pertes territoriales (la Crète et la Sicile tombant aux mains des Arabes). Théophile, fils et successeur de Michel, ravive une dernière fois la politique iconoclaste, qui sera définitivement abandonnée avec le dernier empereur phrygien, Michel III (842-867). Sous le règne de Michel, les Bulgares adoptent le christianisme, précisément dans le rite oriental, accentuant le rôle directeur dans le royaume bulgare de cette culture byzantine alors en plein épanouissement. Tandis que la querelle des images est enterrée, les Byzantins remportent plusieurs victoires contre les Arabes en Anatolie, lançant même des expéditions navales sur la Crète et l'Égypte. Le temps des opérations purement défensives est désormais révolu[12].

Byzance redevient une grande puissance sous les Macédoniens (IXe au XIe siècle)

En 866, Michel III élève Basile Ier au rang de coempereur, ce qui n'empêche pas ce dernier de faire assassiner Michel l'année suivante, de s'installer sur le trône et fonder la dynastie macédonienne. La mémoire de Michel est fortement dénigrée, à tort comme le démontrent les dernières recherches. Quoi qu'il en soit, Byzance vit alors un nouvel âge d'or (appelé la « Renaissance macédonienne »), à peu près du temps de Constantin VII, qui a d'abord été exclu des affaires publiques par Romain Ier Lécapène[12].

Les thèmes vers 950.

À l'extérieur, l'Empire regagne peu à peu du terrain : sous le règne de Nicéphore II Phocas, on reconquiert la Crète. À peu de choses près, la frontière orientale de l'empire est dès lors assurée par les Akrites. De même, Jean Ier Tzimiskès, bien qu'agissant seulement en qualité de régent pour le compte des fils de Romain II, va étendre l'influence byzantine jusqu'à la Syrie, et même brièvement jusqu'à la Palestine, pendant que les Bulgares eux-mêmes sont tenus en échec. Byzance semble en passe de redevenir une puissance hégémonique dans la région[12].

L'Empire vers 1025, sous Basile II.

Sous les empereurs macédoniens des Xe et début XIe siècles, l'Empire atteint son apogée. Avec le mariage de la sœur de l'empereur Basile II avec le grand prince ruthène Vladimir Ier, la religion orthodoxe étend progressivement son emprise sur les territoires actuels de l'Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie. L'Église russe reconnaît la primauté du patriarche de Constantinople. Par une longue guerre, Basile II conquiert le premier royaume bulgare, ce qui lui vaut le surnom de Bulgarochtone (« le tueur de Bulgares »). En 1018, la Bulgarie est réduite au rang de province byzantine, tandis que Basile poursuit son expansion à l'est[13].

Pourtant, l'Empire byzantin va connaître peu après une période de déclin, dont la responsabilité incombe largement à l'essor de la noblesse terrienne, qui sape le système des thèmes. Un point délicat est que l'armée permanente est en partie composée (ou plus exactement doit être composée) de troupes mercenaires, ce qui allait coûter cher en 1071 lors de la bataille de Manzikert contre les Turcs seldjoukides. Si encore il ne s'agissait que d'une confrontation classique, contre les ennemis traditionnels tels le califat abbasside, la partie aurait été encore jouable. Mais voilà que surgissent de nouveaux envahisseurs : les Normands s'emparent du sud de l'Italie (prise de Bari en 1071) tandis que les Seldjoukides, bien que s'intéressant principalement à l'Égypte, lancent des raids sur l'Anatolie, principale base de recrutement pour l'armée byzantine.

En 1071, la défaite de l'empereur Romain IV à Manzikert face au sultan seldjoukide Alp Arslan livre à celui-ci une grande partie de l'Asie Mineure, mais pas seulement, car au même moment des querelles intestines autour du trône impérial rendent vaine toute tentative d'un front commun face à la menace seldjoukide. Cependant, la partie la plus importante du territoire n'est pas perdue aussitôt après la défaite, mais l'invasion seldjoukide va se produire seulement trois années après. Le nouvel empereur n'ayant pas respecté les accords conclus entre Romain IV et le sultan, les Seldjoukides saisissent le prétexte pour lancer l'invasion.

Grandeur et déclin sous les Comnène (XIe et XIIe siècles)

L'Empire en 1076, sous Michel VII Doukas.

Le siècle suivant de l'histoire byzantine est marquée par la dynastie d'Alexis Ier Comnène qui accède au pouvoir en 1081 et entreprend de réorganiser l'armée sur la base d'un système féodal. Il remporte des succès notables contre les Seldjoukides et, dans les Balkans, contre les Petchenègues.

L'appel au secours qu'il lance en direction de l'Occident suscite involontairement la première croisade, et en lieu et place des mercenaires que l'empereur a appelé, se présentent des armées indépendantes de chevaliers, qui ne font aucun cas de ses ordres. Alexis exige que tout prince croisé qui entend traverser Constantinople avec son armée lui prête serment d'hommage. Bien que cette déclaration de vassalité soit acceptée par la majorité des croisés, ils ne tardent pas à renier leur engagement envers Alexis. Les relations qui dès la première croisade sont donc tendues évoluent par la suite vers une franche hostilité. Une nouvelle pomme de discorde surgit d'une correspondance entre le gouverneur fatimide d'Égypte et l'empereur byzantin Alexis. Dans une lettre, qui tombe entre les mains des Croisés, l'empereur Alexis prend clairement ses distances à l'égard des conquérants latins de la Terre Sainte. Si la démarche est compréhensible eu égard aux relations traditionnellement bonnes (et importantes sur le plan stratégique) entre les Fatimides et Byzance, elle révèle aussi que le concept d'une « guerre sainte » est pour le moins étranger aux Byzantins[14].

À partir du XIIe siècle, la République de Venise — qui a pourtant été jusqu'au IXe siècle un avant-poste de la culture byzantine à l'ouest — devient une menace sérieuse pour l'intégrité de l'Empire. En arrêtant tous les Vénitiens, Manuel Ier tente de récupérer les privilèges commerciaux qu'il a consenti à ceux-ci en échange de leur soutien militaire dans la lutte contre les Normands et les Seldjoukides.

L'Empire en 1180, à la fin du long règne de Manuel Comnène.

Les empereurs essaient d'ailleurs de procéder de la même façon à l'égard des autres commerçants italiens. En 1185, de nombreux « Latins » sont ainsi lynchés et massacrés au cours d'une sorte de pogrom. Et cependant, Byzance vit en même temps une floraison culturelle. Sous le règne de Jean II Comnène (1118-1143), fils d'Alexis et sous celui de son fils Manuel Ier Comnène (1143-1180), la position des Byzantins s'affermit en Asie Mineure et dans les Balkans. Manuel ne se borne pas à faire face aux raids du royaume normand d'Italie du Sud et à la deuxième croisade (1147-1149)[14], il s'engage également dans une ambitieuse politique occidentale, qui aboutira à des gains territoriaux en Italie et en Hongrie, ce qui va dégénérer en conflit avec l'empereur Frédéric Barberousse. À l'est, il marque également des points contre les Seldjoukides. Sauf que sa tentative de les soumettre totalement va le conduire à un désastre particulièrement meurtrier à Myriokephalon (1176)[15].

Par la suite, l'expansion seldjoukide va absorber les royaumes musulmans voisins en Anatolie et atteindre au détriment de Byzance la côte méditerranéenne. Le dernier Comnène, Andronic, s'illustre par un règne de terreur, bref mais féroce (1183-1185) qui aboutit à l'effondrement du système politique initié par Alexis, lequel repose sur l'intégration de l'aristocratie militaire. En même temps, c'est toute l'organisation éprouvée et efficace des forces armées qui sombre, celle-là même qui avait assuré le succès offensif sous les règnes d'Alexis, de Jean et enfin de Manuel.

L'entrée des croisés à Byzance, huile d'Eugène Delacroix (1840).

Par la suite, l'Empire est secoué par de graves tensions internes sous des empereurs issus de la maison des Anges au point que Alexis IV en sera réduit à faire appel aux Croisés pour défendre son trône, les amenant à se battre pour son compte et celui de son père. La rémunération attendue n'arrivant pas, c'est une catastrophe qui s'abat sur la ville : à l'instigation de la République de Venise, les chevaliers de la quatrième croisade mettent à sac Constantinople en 1204, et établissent un bref « Empire latin[14] ».

Cela traduit un affaiblissement durable de la puissance byzantine et creuse encore le fossé qui séparait les Grecs orthodoxes et les Latins catholiques.

Sac de Constantinople et Empire byzantin de Nicée (XIIIe siècle)

L'Empire en 1204 (chute de Constantinople) et en 1230, divisé en trois parties : l'Empire de Nicée, l'Empire de Trébizonde et le Despotat d'Épire. Constantinople est aux Croisés latins. L'Empire en 1204 (chute de Constantinople) et en 1230, divisé en trois parties : l'Empire de Nicée, l'Empire de Trébizonde et le Despotat d'Épire. Constantinople est aux Croisés latins.
L'Empire en 1204 (chute de Constantinople) et en 1230, divisé en trois parties : l'Empire de Nicée, l'Empire de Trébizonde et le Despotat d'Épire. Constantinople est aux Croisés latins.

Trois États naissent de la prise de Constantinople par les Croisés en 1204 :

Théodore Lascaris et son successeur Jean III Doukas Vatatzès parviennent à constituer une forme d'État florissant économiquement dans l'ouest de l'Anatolie, et à stabiliser sa frontière face aux Seldjoukides, qui sont en difficulté depuis leur défaite face aux Mongols en 1243. Appuyés sur cette base, les Lascaris peuvent s'étendre vers l'Europe, s'emparer de la Thrace et de la Macédoine, et mettre hors jeu leurs concurrents au recyclage des possessions byzantines (le royaume d'Épire sort très amoindri d'une défaite face aux Bulgares, lesquels à leur tour se sont faits étriller par une incursion mongole en 1241).

Après le règne bref du très cultivé Théodore II Lascaris, c'est le général victorieux Michel VIII Paléologue qui assure la régence en lieu et place de Jean IV Lascaris, alors mineur. Il finit d'ailleurs par lui faire crever les yeux et l'exiler dans un monastère. C'est ainsi qu'il fonde une nouvelle dynastie, celle des Paléologue, qui va diriger l'Empire jusqu'à sa chute. En 1259, l'empereur byzantin de Nicée Michel VIII parvient à vaincre à Pélagonie en Macédoine une coalition ennemie associant le Despotat d'Épire, la Principauté d'Achaïe, le Royaume de Sicile, le Royaume de Serbie et celui de Bulgarie, et un heureux hasard lui permet de reprendre Constantinople en 1261.

Crépuscule et fin de Byzance (XIVe et XVe siècles)

L'Empire vers 1265.

Voilà l'empire reconstitué, sauf que des pans entiers des anciennes possessions impériales échappent à son autorité, les nouveaux maîtres qui s'y sont établis après l'effondrement de 1204 n'étant pas vraiment disposés à reconnaître la suzeraineté de Constantinople. En outre, Constantinople n'est plus désormais la brillante métropole qu'elle fut : la population a chuté, des quartiers entiers sont à l'abandon, et lorsque l'empereur revient, si l'on voit partout les stigmates du pillage de 1204, nul signe de reconstruction n'est perceptible. Ainsi, Byzance n'est plus cette ancienne grande puissance, mais seulement un État très important à l'échelle régionale[16].

À cela, il faut ajouter que le fossé entre Byzantins et Latins n'a fait que s'approfondir. Cependant, l'important pour Michel VIII Paléologue est maintenant d'assurer les acquis en Europe et par dessus tout la sécurité de Constantinople face au risque de nouvelles incursions croisées. Il craint notamment Charles d'Anjou, qui a supplanté Manfred de Sicile de Hohenstaufen dans le Sud de l'Italie. C'est pour cette raison que Michel se résout en 1274, malgré la vive controverse que cela soulève dans son pays, à l'Union de Lyon (Deuxième concile de Lyon) avec l'Église d'Occident, afin de dissuader le pape de soutenir d'autres croisades. Lorsque Charles de Sicile prépare néanmoins une agression, la diplomatie byzantine suscite en 1282 un soulèvement en Sicile, les « Vêpres siciliennes ». Par ailleurs, comme les Paléologue négligent la défense des frontières à l'est, les différents États turcs qui ont profité du déclin du sultanat des Seldjoukides de Roum pour s'émanciper, peuvent s'étendre dans l'Asie Mineure occidentale. De ce moment aux années 1330, la quasi-totalité de cette région sera perdue pour l'Empire.

L'Empire vers 1270.

Pendant qu'en Anatolie s'établissent sur les anciennes terres impériales des beylicats turcs (Menteşe, Aydın, Germiyan, Saruhan, Karasi, Teke, Candar, Karaman, Hamid, Eratna et les Ottomans en Bithynie), les Paléologue se lancent dans une ultime et puissante offensive contre le pouvoir latin en Grèce, jusqu'en 1336, annexant toute la Thessalie et le Despotat d'Épire (1337), qui est sous l'autorité de la famille Orsini. Entretemps, l'empereur Jean V Paléologue doit faire face à la Grande Épidémie de peste noire (1347-1351), qui ébranle les bases de l'État, mais aussi à de nombreuses guerres civiles, la plus longue étant celle qui voit s'affronter de 1321 à 1328 Andronic II et son petit-fils Andronic III.

Suivant cet exemple, Jean V Paléologue et Jean VI Cantacuzène se livreront une lutte acharnée de 1341 à 1347 et de 1353 à 1354. Les deux factions cherchent un appui chez les voisins (non seulement Serbes et Bulgares, mais aussi Aydın et les Ottomans). Cela assure la prééminence serbe dans les Balkans, dans les années 1331-1355 sous le règne de Stefan Uroš IV Dušan. Après la bataille de Velbazhd (1330), les Bulgares tombent dans un état de dépendance envers la Serbie, tandis que Stefan parvient en 1348 à imposer son hégémonie sur une grande partie de la Macédoine, de l'Albanie, du Despotat d'Épire et de la Thessalie, qui sont vassaux de l'empereur. Couronné tsar des Serbes et autocrate des Rhōmaíoi, Stefan revendique également le trône impérial byzantin et l'autorité sur Constantinople. Toutefois, il ne réussit pas à mettre la main sur la seconde capitale byzantine, Thessalonique, et sa Grande Serbie se dissout peu après sa mort (en 1355) en un conglomérat de despotats, des principautés serbes plus ou moins indépendantes.

Or donc, pendant que les États chrétiens des Balkans s'entredéchirent, les Ottomans prennent solidement pied en Europe depuis 1354. Ils grignotent la Thrace byzantine, jusqu'à en détenir la plus grande partie dans les années 1360. Une attaque préventive du roi de Serbie méridionale Vukašin Mrnjavčević, en liaison avec le tsar bulgare Ivan Shishman de Veliko Tarnovo contre le point névralgique du pouvoir ottoman en Europe, Andrinople, aboutit à la défaite de la Maritza (1371), et cela en dépit de leur supériorité numérique. Par sa victoire contre les deux puissances balkaniques, le sultan met la main sur des régions de Bulgarie méridionale, sur la Macédoine serbe et étend son hégémonie sur de grandes parties des Balkans. Pour finir, il contraint en 1373 les Bulgares à reconnaître la suprématie ottomane. Même sort pour Byzance, réduite au rang de puissance mineure (Constantinople et ses environs, Thessalonique et ses abords, la Thessalie, une poignée d'îles de la mer Égée et le Despotat de Morée), et le royaume de Serbie du Nord, du prince Lazar Hrebeljanović qui devient vassal des Ottomans.

Byzance cherche bien, et à de nombreuses reprises, l'appui des Occidentaux, allant jusqu'à proposer l'union des Églises, comme lors du Concile de Ferrare et Florence (1439), proposition rejetée en raison de l'opposition de la population byzantine (« Plutôt le turban du sultan que le chapeau du cardinal »).

Après la défaite des Serbes au « champ des Merles » (1389) et la défaite des Croisés d'Occident à Nicopolis (1396), la situation de l'Empire paraît désespérée. Seule la défaite écrasante des Ottomans face au puissant timouride Tamerlan à la bataille d'Ankara (1402) assure aux Grecs un ultime répit. Tamerlan est bien disposé à l'égard des Byzantins et le montre lorsque les Ottomans tentent de mettre le siège devant Constantinople cette même année : ses envoyés se présentent au camp du sultan Bayezid Ier, le sommant de restituer à l'empereur chrétien les terres qu'il lui a « volées ». La défaite d'Ankara est suivie pour les Ottomans par une période de chaos et d'interrègne qui permet donc à Byzance de « souffler ». Mais, privé de ses appuis territoriaux et des ressources qu'ils lui procuraient, l'Empire ne peut plus éviter le coup de grâce que par la voie de la diplomatie.

L'Empire vers 1400.

Cependant le démantèlement se poursuit inexorablement, les puissances occidentales ne parvenant pas à s'entendre sur un quelconque projet d'aide à Byzance menacée. En particulier, après 1402, ils n'en voient pas la nécessité, alors que l'empire turc autrefois puissant, vacille et semble au bord de l'implosion. Cette erreur d'appréciation de tant d'Occidentaux leur fait rater la seule occasion d'écarter pour de bon la menace des Ottomans, à ce moment très affaiblis.

Le sultan Murad II, qui achève la phase de consolidation de l'interrègne ottoman, reprend la politique d'expansion de ses ancêtres. S'il échoue dans un siège de Constantinople en 1422, il cherche une compensation en Grèce méridionale, en lançant une razzia sur le territoire impérial, le Despotat de Morée. En 1430, avec la prise de Ioannina, il annexe l'Épire alors sous domination « franque » tandis que le prince Carlo Tocco, en qualité de vassal, doit se dédommager à Arta avec le « reste » (la dynastie des Tocco est supplantée par les Ottomans dans l'ensemble correspondant à la Grèce actuelle, l'Épire et les îles Ioniennes, mettant un terme à la domination franque qui s'exerce depuis 1204 sur la Grèce centrale, jusqu'à quelques fortifications vénitiennes). C'est la même année qu'il occupe Thessalonique, possession vénitienne depuis 1423, lorsque la République de Venise l'obtient du despote de Thessalonique Andronic Paléologue, un fils de l'empereur Manuel II, qui croit ne pouvoir tenir la ville seul face aux Ottomans. Il s'attaque aussitôt au royaume des Serbes, dont le roi Ðurad Branković, en théorie vassal de la Sublime Porte, a refusé de donner sa fille Mara en mariage au sultan.

L'entrée de Mehmed II dans Constantinople, peint en 1876 par Benjamin-Constant.

Une expédition punitive ottomane vers le Danube détruit en 1439 la forteresse serbe de Smederevo et assiège vainement Belgrade en 1440. Ce revers provoque l'intervention de leurs adversaires chrétiens. Une nouvelle croisade contre les « Infidèles » est montée à l'instigation du pape Eugène IV que l'Union des Églises de Florence (1439) rend très sûr de lui. Les royaumes de Hongrie, de Pologne, de Serbie, l'Albanie et même l'émirat turc de Karaman en Anatolie s'associent dans une coalition anti-ottomane. Mais l'issue de la bataille de Varna (1444), conduite par le roi de Pologne et de Hongrie Ladislas III Jagellon, puis celle de la seconde bataille au « champ des Merles » (1448), sous le commandement du régent hongrois Jean Hunyadi enlèvent aux chrétiens tout espoir de sauver l'Empire byzantin de l'annexion par les Ottomans.

Une section reconstituée du mur de Théodose, que le sultan pilonnera.

C'est ainsi que le 29 mai 1453, au terme d'un siège d'à peine deux mois, la capitale de l'Empire est conquise par Mehmet II. Le dernier empereur, Constantin XI Paléologue, trouve la mort au cours des combats pour la ville. Aujourd'hui encore, le 29 mai représente pour les Grecs un jour de deuil, car il marque la fin de leur pouvoir sur l'Asie Mineure. Seule l'Église orthodoxe maintiendra en partie une cohésion de la société, grâce à la bienveillance des Ottomans. Longtemps les dates où naquit et disparut l'indépendance de la capitale, 395 et 1453, sont considérées comme les bornes du Moyen Âge. Par la suite, jusqu'en 1461, ce sont les derniers vestiges, les cités de Trébizonde à l'est de la Mer Noire, et celle de Mistra sur la presqu'île de Morée, qui tombent à leur tour. Seule subsiste Monemvasia (en français Malvoisie) en se mettant sous protectorat vénitien en 1464. Cette ville représente alors juridiquement tout ce qui subsiste de l'« Empire romain ».

La chute de Constantinople est un des tournants majeurs de l'histoire mondiale.

L'Empire byzantin, l'un des plus durables qu'ait connu l'histoire, disparait ainsi, et avec lui une ère qui avait duré plus de deux millénaires.

Culture byzantine

Économie et commerce

Mesures commerciales byzantines, Musée archéologique de Varna.

L'économie byzantine est parmi les plus avancées en Europe et en Méditerranée pour de nombreux siècles. L'Europe, en particulier, est incapable de valoir la force économique byzantine jusqu'à tard dans le Moyen Âge. Constantinople est un centre primordial dans un réseau commercial qui à des temps variés s'étend à travers presque toute l'Eurasie et l'Afrique du Nord, en particulier en étant le premier terminus occidental de la célèbre route de la soie. Certains historiens soutiennent que, jusqu'à l'arrivée des Arabes au VIIe siècle, l'Empire a l'économie la plus puissante dans le monde. Les conquêtes arabes, cependant, représentent un renversement substantiel de fortunes contribuant à une période de déclin et de stagnation. Les réformes de Constantin V (vers 765) marquent un renouveau qui continue jusqu'en 1204. À partir du Xe siècle jusqu'à la fin du XIIe siècle, l'Empire byzantin projette une image de luxe et les voyageurs sont impressionnés par la richesse accumulée dans la capitale. Tout cela change avec l'arrivée de la quatrième croisade, qui est une catastrophe économique[17]. Les Paléologues essaient de ranimer l'économie, mais le dernier état byzantin ne regagnera pas le contrôle des forces économiques extérieures et internes. Progressivement, il perd aussi son influence sur les règles de commerce et les mécanismes de prix, ainsi que son contrôle sur l'écoulement des métaux précieux et, selon certains historiens, même sur la frappe de monnaie[18].

Un des fondements économiques de l'Empire est le commerce. Les textiles doivent être de loin la plus importante des marchandises d'exportation ; les soies sont certainement importées en Égypte, et apparaissent aussi en Bulgarie et en Occident[19]. L'État contrôle sévèrement tant le commerce intérieur que international et maintient le monopole sur la frappe de monnaie. Le gouvernement exerce un contrôle formel sur les taux d'intérêts et décide des paramètres pour l'activité des guildes et des sociétés, pour lesquels il a un intérêt spécial. L'empereur et ses fonctionnaires interviennent en moment de crise pour garantir l'approvisionnement de la capitale et limiter le prix des céréales. Finalement, le gouvernement recueille souvent une part des surplus à travers les taxes, et le remet en circulation, par la redistribution, dans les salaires des fonctionnaires de l'État, ou dans l'investissement pour les travaux publics[20].

Sciences, médecine et droit

Les écrits de l'Antiquité classique n'ont jamais cessé d'être appris à Byzance. Par conséquent, la science byzantine à chaque période est étroitement liée à la philosophie antique et à la métaphysique[21]

A diverses reprises, les Byzantins font de magnifiques réalisations dans l'application des sciences (notamment dans la construction de Sainte-Sophie). Après le VIe siècle, les scientifiques byzantins font quelques nouvelles contributions à la science en termes de développement de nouvelles théories ou de l'extension des idées d'auteurs classiques[22],[23]. Ils ont pris du retard pendant les années noires de la peste et les conquêtes arabes, mais lors de ce que l'on a appelé « Renaissance byzantine » à la fin du premier millénaire byzantin, ils intègrent l'évolution scientifique des Arabes et des Perses, dont ils deviennent des experts, en particulier en astronomie et en mathématiques[24].

Dans le dernier siècle de l'Empire, les grammairiens byzantins sont les principaux responsables de l'exécution, en personne et par écrit, en grec ancien des études grammaticales et littéraires de la Renaissance en Italie[25]. Au cours de cette période, l'astronomie et les sciences mathématiques sont très vivantes à Byzance et sont enseignées à Trébizonde, tandis que la médecine attire l'intérêt de presque tous les chercheurs[26].

Dans le domaine du droit, les réformes de Justinien Ier ont un effet certain sur l'évolution de la jurisprudence, et Léon III influence la formation des institutions juridiques dans le monde slave[27].

Religion

Selon Joseph Raya[28], la survie de l'Empire d'Orient assure un rôle actif de l'empereur dans les affaires de l'Église. L'État byzantin hérite la routine administrative et financière des affaires religieuses de l'époque païenne, et ces habitudes sont appliquées à l'Église chrétienne. Suivant le modèle fixé par Eusèbe de Césarée, les Byzantins voient l'empereur en tant que représentant ou messager du Christ, en particulier pour les responsables de la propagation du christianisme parmi les païens, et pour ceux qui sont « extérieurs » à la religion, tels l'administration et les finances. Le rôle impérial, toutefois, n'a jamais été légalement défini dans les affaires de l'Église[29].

Avec le déclin de Rome, et des dissensions internes dans les autres patriarcats orientaux, l'Église de Constantinople est devenue, entre le VIe et le XIe siècles, le plus riche et influent centre de la chrétienté[30]. Même lorsque l'Empire est réduit à l'ombre de lui-même, l'Église, en tant que institution, n'a jamais cessé d'exercer une grande influence tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières impériales. Comme Georg Ostrogorsky le signale, le Patriarcat de Constantinople est resté le centre du monde orthodoxe, avec des métropolites subordonnés et des archevêques sur le territoire de l'Asie Mineure et des Balkans, ainsi que dans le Caucase, la Russie et la Lituanie. Le patriarcat de Constantinople a aussi conservé jusqu'au début du XXe siècle une tutelle (avec quelques interruptions, notamment pendant les Croisades) sur les patriarcats orthodoxes subordonnés d'Antioche, Jérusalem et Alexandrie. L'Église est restée l'élément le plus stable au sein de l'Empire byzantin[31].

Art et littérature

L'architecture, la peinture, et les autres œuvres artistiques visuelles produites dans l'Empire byzantin et dans les différentes zones relèvent de son influence. L'art byzantin est presque entièrement d'expression religieuse et, plus spécifiquement, soigneusement contrôlé par la théologie. Les œuvres byzantines se répandent par le commerce et par la perte de l'Italie et de la Sicile alors byzantines, où ils subsistent sous une forme modifiée par l'intermédiaire du XIIe siècle, et influencent l'art de la Renaissance italienne. Par le biais de l'expansion à l'Est de l'église orthodoxe, les biens artistiques se diffusent dans les centres d'Europe orientale, notamment en Russie[32]. L'influence de l'architecture byzantine, en particulier dans les édifices religieux, se retrouve dans les diverses régions de l'Égypte et l'Arabie à la Russie et la Roumanie.

Dans la littérature byzantine, quatre différents éléments culturels doivent être pris en compte : le grec, le christianisme, le romain, et l'oriental. La littérature byzantine est souvent classée en cinq groupes : les historiens, annalistes et encyclopédistes (le patriarche Photios de Constantinople, Michel Psellos et Michel Choniates sont considérés comme les plus grands encyclopédistes de Byzance), les essayistes et les poètes épiques (le plus connu est l'épopée héroïque de Digenis Acritas, mais il en existe d'autres, comme celle du Maître Manolis, architecte qui doit se sacrifier pour achever sa basilique[33]). Les deux autres groupes comprennent les nouvelles espèces littéraires : la littérature religieuse et théologique, et la poésie populaire. Sur les quelque deux à trois mille volumes de la littérature byzantine qui survivent, seuls trois cent trente sont composés de poésie, d'histoire, de science et pseudo-science[34]. Alors que la période la plus florissante de la littérature de Byzance va du IXe au XIIe siècle, sa littérature religieuse (sermons, livres liturgiques et poésie, théologie, traités de dévotion, etc.) est développée beaucoup plus tôt avec Romain le Mélode, qui est son plus important représentant[35].

Gouvernement et bureaucratie

Dans l'État byzantin, l'empereur est l'unique souverain et son pouvoir est absolu et considéré comme étant d'origine divine[36]. À la fin du VIIe siècle, une administration civile fixée à la cour est créé dans le cadre d'une consolidation à grande échelle du pouvoir dans la capitale (l'augmentation de la prééminence de la position du Sakellarios est liée à ce changement)[37],[38]. La réforme la plus importante de cette période est la création des thèmes, où l'administration civile et militaire n'est exercée que par une seule personne, le strategos[36].

Malgré le fait que le terme « byzantin » soit parfois utilisée pour qualifiée une bureaucratie de complexe et lourde, celle-ci a une capacité à se conformer avec la situation de l'Empire. Le système byzantin de la titulature et de la préséance qui ressembler l'administration impériale à une bureaucratie ordonnée pour les spécialistes modernes. Les fonctionnaires sont organisés dans un ordre strict autour de l'empereur, et dépendent de la volonté de l'empereur pour leur rang. Il y avait aussi des emplois administratifs, mais l'autorité peut être confiée à des individus plutôt qu'à des bureaux administratifs[39]. Aux VIIIe et IXe siècles, la fonction publique constitue le meilleur chemin vers le statut aristocratique, mais, à partir du IXe siècle, une aristocratie de la noblesse rivalise avec l'aristocratie civile. Selon certaines recherches sur le gouvernement byzantin, la politique du XIe siècle est dominée par la concurrence entre les aristocraties civiles et militaires. Au cours de cette période, Alexis Ier Comnène entreprend d'importantes réformes administratives, comprenant la création de nouvelles dignités et charges[40].

Diplomatie

Après la chute de Rome, le défi majeur de l'Empire est de maintenir un ensemble de relations entre lui et ses divers voisins. Lorsque ces nations se mettent à forger des institutions politiques officielles, ils sont dépendants de Constantinople. La diplomatie byzantine réussit rapidement à attirer ses voisins dans un réseau international de relations entre États[41]. Ce réseau tourne autour de traités, et incluant la bienvenue de nouveau dirigeant dans la famille royales, de l'assimilation des attitudes sociales, des valeurs et des institutions byzantines[42]. Les Byzantins considèrent la diplomatie comme une forme de guerre usant d'autres moyens : le Skrinion Barbaron (« Bureau de barbares ») est la première agence de renseignement et collecte d'informations sur tous les Empires rivaux[43].

Civilisation byzantine

Comment elle se perçoit elle-même

Les Byzantins — et les Grecs jusqu'au XIXe siècle — se considèrent et se décrivent eux-mêmes comme « Romains » (Ῥωμαῖοι, « Rhōmaîoi », ou « Romäi » selon l'expression courante d'alors). Jusqu'aux alentours de 1400, le terme de « Grecs » (Έλληνες, « Héllēnes / Éllines ») n'a été employé que pour désigner les cultures et cités grecques pré-chrétiennes et polythéïstes. Néanmoins, après 1400, lorsque leur domination territoriale se réduit à des contrées exclusivement hellénophones et se voit menacée par les États latins ou slaves et par les Turcs, on voit les Byzantins se présenter de plus en plus comme « Hellènes », et cette identification se généralise après la fin de l'Empire, tandis que le terme de « Romains » (Ῥωμαῖοι) est repris par les Ottomans sous la forme « Rûm » ou « Roum » (désignant tous les fidèles du Patriarche orthodoxe, groupés en un même « Millet »).

Les expressions communément employées aujourd'hui, « Byzantins » ou encore « Empire byzantin » sont d'origine récente : ce terme exonyme n'est utilisé que depuis le XVIIe siècle et a été créé par Hieronymus Wolf pour faire une distinction entre l'histoire de l'Empire romain dans l'Antiquité et celle de l'Empire romain d'Orient qui, depuis lors, est considérée comme une histoire grecque médiévale[1]. Ce mot de « byzantin » vient de Byzance, l'ancien nom de la capitale impériale Constantinople. Les contemporains, quant à eux, appellent leur état par l'endonyme : Βασιλεία τῶν Ῥωμαίων (« Basileía tōn Rhōmaíōn / Vasilía ton Romäon », c'est-à-dire « Empire des Romains »), ou de Ῥωμαικὴ Αὐτοκρατορία (« Rhōmaiké Autokratoría / Romaikí Aftokratoría », « Autocratie romaine / Empire romain »).

Dans leur conception d'alors, ils ne se considèrent nullement comme des "successeurs" de l'Empire romain, mais bien comme étant l'Empire romain lui-même. Il en découle que les dénominations d'Empire d'« Orient » ou d'« Occident » sont également des néologismes, puisqu'à l'époque, aux yeux de ses citoyens et de leurs contemporains, il n'existe qu'un seul empire sous l'autorité de deux empereurs, et ce aussi longtemps qu'ont pu coexister ces deux portions de l'Empire. Cela est juridiquement exact, puisqu'il n'y a pas eu de rupture comme en Occident, et que Byzance maintient un modèle d'organisation inspiré directement de la fin de l'Antiquité. Sauf que celui-ci s'altère progressivement et mène, à partir d'Héraclius, à une hellénisation progressive de l'État, facilitée par l'identité à dominante grecque de l'Empire romain d'Orient. Le grec ancien, et après la mutation autour de VIIe siècle, ce grec médian phonétiquement très proche du grec moderne, ne remplace pas seulement le latin depuis Héraclius comme langue administrative. C'est aussi, et depuis bien plus longtemps, la « Lingua franca » de l'église, de la littérature et du commerce.

Ainsi l'Empire est dès l'origine imprégné de culture hellénistique, du droit public romain et de la religion chrétienne. L'« Empire romain d'Orient », que nous appelons l'« Empire Byzantin », ne perd son caractère romain de l'Antiquité tardive qu'au cours des conquêtes arabes du VIIe siècle.

Son existence bien établie et durable lui apparaît comme une continuité immédiate et seule légitime de l'Empire romain, amenant certains empereurs à une ambition de suprématie sur tous les États chrétiens du Moyen Âge. Cette prétention va vite s'avérer irréalisable, au plus tard au VIIe siècle, mais reste un fil conducteur pour la conception de l'État. Ainsi les agents de l'empereur pourront-ils continuer à exiger (vainement) des droits de douane aux commerçants vénitiens sur des biens qui n'appartenaient alors plus à l'Empire.

Composition ethnique

Article détaillé : Langues de Byzance.

L'Empire Byzantin est certes un État multi-ethnique, qui compte, outre les Grecs, des Arméniens, des Illyriens, des Valaques, des Slaves ainsi que, à ses débuts, des Syriens et des Égyptiens. Cependant, la plupart des contrées sur lesquelles son autorité s'exerce sont hellénisées depuis des siècles, et par conséquent intégrées culturellement au monde grec.

On y trouve les pôles majeurs de l'hellénisme que sont Constantinople, Alexandrie, Antioche, Éphèse, Nicée, Thessalonique ou Trébizonde, et c'est là que s'élabore la forme orthodoxe du christianisme.

Mistra mise à part (et tardivement) l'espace représenté par la Grèce actuelle ne joue plus guère de rôle significatif dans l'Empire Byzantin, car les territoires tenus pour essentiels par la capitale, tant sur le plan militaire qu'économique, sont les provinces orientales. De plus, la perte de l'Hellade face aux "États latins" donne une primauté à l'Asie Mineure et, depuis le haut Moyen Âge aux Balkans. La conquête turque de l'Asie Mineure, partielle après 1071 et définitive au XIVe siècle, donne le signal du déclin, la grande puissance tombant à un rang régional pour finir en petit État.

Organisation interne

Contrairement à la plupart des autres puissances du Moyen Âge, l'Empire Byzantin emploie longtemps — même après l'intervention des Arabes — une bureaucratie strictement organisée dont le cœur est Constantinople. C'est dans ce sens que Georg Ostrogorsky a pu parler d'un « État » au sens moderne du terme.

L'Empire dispose toujours d'un appareil administratif efficace et d'une gestion organisée des finances, ainsi que d'une armée permanente. Aucun autre État à l'ouest de la Chine n'est à cette époque en mesure de mobiliser autant de moyens financiers que Byzance.

Basile Ier avec son fils Constantin et sa seconde épouse Eudoxia, 882.

La puissance économique et l'influence de Byzance est alors telle que le solidus d'or est la devise de référence dans le bassin méditerranéen entre le IVe et le XIe siècles[44].

L'empereur quant à lui règne de facto et quasiment sans limite aussi bien sur l'Empire que sur l'Église. Et pourtant, nulle part ailleurs on ne rencontre de telles possibilités d'ascension sociale dans l'aristocratie qu'à Byzance, qui représente selon l'expression de Ostrogorsky une « combinaison du sens romain de l'État, de la culture grecque et de la foi chrétienne » et se sent toujours investie du concept antique de la « puissance universelle ».

Dans la représentation contemporaine, Byzance est seul étalon de la « Vraie foi » et de la civilisation. De fait, le niveau culturel à Byzance est — au moins jusque dans le Haut Moyen Âge — plus élevé que ce que l'on peut trouver dans tous les pays contemporains, à l'exception toutefois du monde musulman.

Le fait que Byzance ait gardé une part plus significative de l'héritage antique que l'Europe occidentale joue également un rôle. Ainsi le niveau de référence reste-t-il longtemps plus ambitieux qu'à l'ouest.

Sur de vastes pans de la « Nouvelle Rome », nous ne savons que peu de choses. Relativement peu de pièces de dossiers nous sont parvenues et l'historiographie byzantine est silencieuse sur certaines parties, elle qui est alimentée par Procope de Césarée à la fin de l'Antiquité ou, au Moyen Âge par Michel Psellos, Jean Skylitzès, Anne Comnène ou Nikétas Choniatès, pour ne citer que quelques uns de ses brillants représentants.

Le fait que l'on ne dispose pour certaines périodes que de sources « ecclésiastiques » ne doit pas nous pousser à admettre que Byzance serait devenue un État théocratique. Certes, la religion y joue souvent un rôle décisif, mais l'état des sources est trop parcellaire sur certaines parties, et notamment pour la période du VIIe au IXe siècles, pour que l'on puisse s'en faire une représentation claire. Au contraire, la recherche actuelle a renoncé à la représentation d'un césaropapisme byzantin, dans lequel l'empereur aurait exercé une autorité quasi-absolue sur l'Église.

Interprétations

L'historiographie occidentale d'autrefois a longtemps et le plus souvent considéré Byzance comme un despotisme décadent et orientalisé, à l'instar de Edward Gibbon. Cette interprétation est battue en brèche depuis longtemps par John B. Bury, Cyril Mango, Ralph-Johannes Lilie, John Haldon entre autres.

Entretemps, il est devenu de plus en plus évident que Byzance avait joué un rôle considérable dans la transmission des valeurs culturelles et des savoirs de l'Antiquité. En outre, elle a été le « bouclier » qui a protégé l'Europe pendant des siècles, d'abord face aux Perses et aux peuples des steppes, ensuite contre l'Islam. Ironie de l'histoire, c'est le pillage dévastateur de Constantinople perpétré par les Croisés en 1204 qui rend caduque cette fonction protectrice.

Héritage de Byzance

L'Empire romain d'Orient nous a transmis, en lui faisant traverser les âges obscurs qui ont suivi la chute de l'Empire d'Occident, l'héritage le plus universel de l'Empire romain, à savoir la codification du droit, grâce au corpus juris civilis ou « code de Justinien ».

Ce sont également les Byzantins qui ont perpétué l'usage du grec et sauvegardé les anciennes bibliothèques grecques recélant les trésors que l'on sait.

Les Arabes et les Turcs ont été fortement influencés sur les plans technique, intellectuel, architectural, musical et culinaire. Les Égyptiens chrétiens (Coptes), les Éthiopiens, les Arméniens, bien que monophysites, se rattachent également à la tradition byzantine, de même que les Arabes orthodoxes de Syrie, du Liban et de Palestine.

En Italie, les réfugiés byzantins tels Jean Bessarion ou Jean Lascaris facilitent la transmission du savoir et de la philosophie antiques, transmission qui suscite la Renaissance du XVe au XVIIe siècle. Venise regorge de trésors pris à l'Empire et son architecture est d'inspiration byzantine.

L'Empire byzantin a contribué à sédentariser et à christianiser les peuples slaves venus de l'est de l'Europe. Byzance a ainsi eu, pour les actuels pays d'Europe de l’Est, autant d'influence que Rome sur ceux d'Europe occidentale. Les Byzantins ont en effet donné à ces peuples un alphabet cyrillique adapté à leurs langues, un modèle politique qui permettra à certains d'entre eux (Russie) de rivaliser avec Byzance elle-même, et une religion qui est encore la leur aujourd'hui.

Les Roumains, les Bulgares, les Serbes, les Ukrainiens, les Biélorusses, les Russes et les Géorgiens ont choisi la forme orthodoxe du christianisme, qui les rattache également à Byzance ; d'ailleurs, à la chute de Constantinople, Moscou s'est proclamée la « Troisième Rome ». Les familles impériales byzantines (Cantacuzènes, Paléologues, etc.) donnent des souverains aux Principautés roumaines de Moldavie et Valachie.

Les Grecs, naturellement, s'enorgueillissent d'avoir continué la civilisation byzantine même sous la férule ottomane, et cela dans Constantinople même où une université grecque a fonctionné jusqu'en 1924, et ce n'est qu'en 1936 que la poste turque cesse définitivement d'acheminer les lettres portant la mention « Constantinople ».

Aujourd'hui, le dernier héritier de l'Empire dans son ancienne capitale est le patriarche de Constantinople.

Voir aussi

  • (de) Les parties « Histoire » et « Civilisation » sont en totalité issues d’une traduction de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Byzantinisches Reich ».
  • (en) La partie « Culture » est en totalité issue d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Byzantine Empire ».

Références

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Notes

  1. Les "Sclavinies" ou "Esclavonies" et les "Romanies" ou "Valachies populaires" sont des communautés rurales autonomes, respectivement peuplées de Slaves ou de Thraco-romains dans la péninsule des Balkans, ainsi définies par les historiens modernes tels Georges Castellan, dans son Histoire des Balkans, Fayard, ou Roger-William Seton-Watson dans son History of the roumanians, Cambridge 1934. Elles sont gouvernées par des "cnèzes".

Bibliographie

  • Jean-Michel Cantacuzène, Mille ans dans les Balkans Éd. Christian, Paris (1992) (ISBN 2-86486-054-0).
  • Charles Diehl, Histoire de l'Empire byzantin (1919), Paris, Éditions du Trident, 2007.
  • Alain Ducellier, Les Byzantins (1963), Paris, Le Seuil, collection « Points histoire ».
  • Alain Ducellier (dir.), Byzance et le monde orthodoxe, Paris, Armand Colin, "U", 2e édition, 1996.
  • Paul Lemerle [1902-1989], Histoire de Byzance, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? », 1956.
  • Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance [pdf] version numérisée de l'ouvrage paru dans la Collection l’Évolution de l’Humanité, Éd. Albin Michel, 1946 et 1969, Paris, 596 pages.
  • Cécile Morrisson (dir.), Laurent Albaret, Jean-Claude Cheynet, Constantin Zuckerman, Le Monde byzantin, tome 1: L’Empire romain d’Orient (330-641), Coll. Nouvelle Clio, PUF, Paris, 2004
  • Jean-Claude Cheynet (dir), Laurent Albaret, Angeliki Laiou, Cécile Morrisson, Constantin Zuckerman, Le Monde byzantin, tome 2: Le Moyen Âge byzantin (641-1204), Coll. Nouvelle Clio, PUF, Paris, 2007
  • Angeliki Laiou (dir), Laurent Albaret, Jean-Claude Cheynet, Cécile Morrisson, Constantin Zuckerman, Le Monde byzantin, tome 3: Le déclin de l'Empire (1204-1453), Coll. Nouvelle Clio, PUF, Paris, attendu pour 2009
  • Paul Tannery, Mémoires scientifiques, tome IV: Sciences exactes chez les Byzantins, Jacques Gabay, Paris, (ISBN 978-2-87647-186-3).

Articles connexes

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