Judas Iscariote

Judas Iscariote
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Judas se pend, illustration du folio 147 des Très Riches Heures du duc de Berry, manuscrit du musée Condé, à Chantilly

Pour les chrétiens, Judas Iscariote est l'un des douze apôtres de Jésus de Nazareth. Selon les évangiles canoniques, ce serait Judas qui aurait facilité l'arrestation de Jésus par les grands prêtres de Jérusalem, qui le menèrent ensuite devant Ponce Pilate.

Sommaire

Récits du Nouveau Testament

Selon les évangiles synoptiques, Judas l'Iscariote, dernier des douze Apôtres, assurait le rôle de trésorier. Le surnom d’Iscariote est généralement traduit par l'homme de Qeriyyot, localité du pays de Juda, dont parle le livre de Josué 15(25). Il est possible que ce nom vienne de celui d'Issachar, "homme du salaire", cinquième fils de Léa et neuvième fils de Jacob. Mais il est également possible que le mot vienne du mot sicaire (du latin sicarius, le porteur de dagues), les sicaires étant un autre surnom des Zélotes.

Il vend Jésus pour 30 pièces d'argent aux grands prêtres de Jérusalem (30 est la valeur numérique de יהודה, Yéhudah, « Judas » en hébreu). Jésus se trouvait dans les jardins de Gethsémani. Judas le désigne aux gardes en embrassant sa main (l'expression « baiser de Judas » désigne aujourd'hui un baiser de traître).

Les prêtres menèrent ensuite Jésus devant Ponce Pilate, gouverneur romain de Judée.

Le Nouveau Testament fait mourir Judas peu de temps après, suivant deux versions ; la version la plus souvent citée est celle de l'Évangile selon saint Matthieu :

« pris de remords, il se pendit peu après sa trahison non sans avoir rendu leurs 30 pièces d'argent à ses commanditaires », Matthieu 27(5).

L'autre version, Actes des Apôtres 1(18), indique :

« Cet homme, ayant acquis un champ avec le salaire du crime, est tombé, s'est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues ».

Une troisième version nous vient de L'Evangile de Judas, celle-ci relaterait une discussion entre Jésus et Judas. Durant celle-ci Jésus aurait demandé à Judas de le débarrasser de son enveloppe charnelle.

Théologie chrétienne

Chapiteau de la cathédrale d'Autun.

Dans l'historiographie chrétienne, Judas devient l'image type du traître et son nom même passe dans l'usage commun. Dante le situe dans la neuvième sphère de sa Divine comédie réservée aux traîtres.

Il est erroné, en théologie, de considérer que Judas a joué un rôle essentiel dans le processus de rédemption et de considérer que, sans lui, il n'y aurait pas eu d'arrestation de Jésus-Christ suivie de crucifixion, et donc pas de rachat des péchés des hommes par l'œuvre de Rédemption. Car les pharisiens et les scribes cherchaient de toute manière une occasion propice pour procéder à cette arrestation et y étaient décidés bien avant que Judas ne vienne leur proposer ses services. Cette montée progressive de ressentiments contre Jésus, de la part des chefs du peuple, est particulièrement mise en relief dans l'évangile de Luc[réf. souhaitée]. Quand Judas se présenta à eux, ils acceptèrent ses services contre argent, ce moyen étant pour eux une option parmi d'autres, car Jésus était de toute manière à leur portée, enseignant tous les jours dans le Temple et les synagogues et pouvant être retrouvé de jour ou de nuit par qui voulait le chercher. Son arrestation allait s'accomplir, par le moyen de Judas ou par un autre moyen, et était surtout la conséquence de la volonté de quelques pharisiens, scribes et notables parmi les chefs du peuple[réf. souhaitée].

Concernant la possibilité de sa damnation personnelle, il en va de Judas comme de tout homme : pour l'Église, cette option est ouverte devant tout homme, comme l'option du salut. D'autant qu'elle considère, en même temps, qu'on ne peut affirmer d'une personne qu'elle est nommément damnée, pas même de Judas, ou qu'il aurait définitivement raté. Cette option est ouverte sans qu'elle puisse être prouvée, Dieu seul en ayant connaissance, théologiquement parlant. Les Écritures affirment formellement l'existence de l'enfer. Mais nul ne peut affirmer, selon le jugement de l'Église, quels sont les réprouvés parmi ceux qui sont défunts.

Cela étant, la majeure partie des théologiens considère aujourd'hui que ce n'est pas tant le problème de la trahison de Judas qui fait problème, car elle est pardonnable puisque pour tout péché, miséricorde, pour peu qu'il y ait au moins un début de regret[réf. souhaitée]. Mais le problème est surtout le suicide de Judas qui, dans ce cas précis, marque un refus de l'espérance, donc de la miséricorde et du pardon.

Historique de la théologie chrétienne avant le XXe siècle

La damnation de Judas était considérée comme évidente jusqu'au début du XXe siècle. Tous les Pères de l'Église ont affirmé comme une vérité révélée la damnation de Judas. Ainsi, au cours des trois premiers siècles de l'Église, tous ceux qui défendaient le salut de Judas étaient déclarés hérétiques[1]. De même, le catéchisme du concile de Trente[2], écrit au XVIe siècle, contient trois passages enseignant explicitement que Judas n’a pas profité de la Rédemption et qu’il a perdu son âme.

Un livre récent, Judas est en Enfer[3] montre que la damnation de Judas a toujours fait partie de la Foi de l'Église au regard de l'Écriture Sainte : Jn 6.70, 13.10, 17.12 ; Mt 26.24 ; 27.6, de la Tradition de l'Église, qui ni n'a jamais fêté la saint Judas ni prié pour qu'il soit délivré du Purgatoire, en sorte qu'elle montre ainsi qu'elle sait qu'il est en Enfer, et de son Magistère.

Le premier pape, Pierre, dans l'exercice de son magistère universel et infaillible, lors du premier synode des évêques réunis par et sous son autorité suprême, enseigne que Judas « est allé dans son lieu à lui » (Ac 1.25), ce qui signifie que si Judas est « dans son lieu à lui », il n'est pas dans l'éternelle Communion des Saints, car en Elle « nul ne dit sien ce qui à soi… » Cf. Ac 2.44 ; 4.32.

Autres interprétations

  • Dans le patronyme Judas Iscariote, l'Apôtre qui trahit Jésus, « Iscariote » est interprété par certains chercheurs comme étant la traduction hellénisante de sicaires. Le suffixe -ote dénote l'appartenance à une communauté — dans ce cas, celle des Sicaires. Ce sens est perdu dans les traductions en hébreu moderne des Évangiles : Judas est considéré comme étant un Ish-Kerayot, c'est-à-dire « un homme de la banlieue ». Robert Eisenman[4] en l'identifie en tant que « Judas le Sicaire ». La plupart des consonnes et des voyelles correspondent, entre le Sicarioi/Sicariōn de Josèphe et le Iscariot du Nouveau Testament[4]. De ce point de vue, l'appelation "Judas, fils de Simon l'iscariote", devrait être entendue comme "Judas, fils de Simon, l'iscariote".
  • John Shelby Spong, dont les thèses se veulent à la fois chrétiennes et anti-théistes, tente de montrer l'évolution du rôle de Judas vers un rôle de traître dans les versions successives de l'Évangile.
  • Armand Abécassis montre, dans son livre Judas et Jésus, une liaison dangereuse, que le verbe paradidonaï, traduit par livrer ne doit pas être interprété au sens de trahir, mais qu'au contraire, il existe une véritable connivence entre Judas et Jésus. Judas n'a toutefois pas bien compris le message de Jésus qui refuse l'usage de la violence pour prendre le pouvoir. Il le livre, avec l'assentiment de celui-ci, pour que Jésus se manifeste publiquement comme chef politique et religieux des Juifs et, selon Abécassis, il croit que cette confrontation le fera reconnaître comme tel. Jésus sait que, sauf à fuir et à renoncer à tout enseignement, il ne peut plus échapper à une arrestation et accepte d'être livré pour annoncer sa messianité, mais il sait aussi qu'il ne sera pas reconnu comme tel et qu'il sera condamné à mort.
  • le nom Juda renvoie aussi à la Judée et au peuple juif. Le fait que ce nom soit porté par celui qui a trahi Jésus, peut être, dans une certaine mesure, mis en parallèle avec les accusations de déicide dont certains ont pu accuser les juifs au cours des siècles.
  • Régis Moreau explore une voie minoritaire puisque, dans son livre, il dédouane entièrement Judas de l'accusation de trahison. L'étude se base sur les Évangiles canoniques, ainsi que sur les écrits chrétiens les plus anciens (entre autres ceux de Paul, la source Q reconstituée...). L'analyse aboutit d'abord à la déconstruction des accusations portées contre Judas. L'auteur montre que toutes les raisons invoquées contre ce disciple (pour expliquer sa trahison) sont soit des emprunts à l'Ancien Testament, soit des inventions. Par la suite, le doute sur l'authenticité de la trahison gagne encore en puissance grâce au survol de la littérature des premiers siècles. L'auteur montre qu'en-dehors des évangiles, il n'y a nulle trace d'une trahison dans aucun texte avant la moitié du IIème siècle. Etrangement, Saint Paul n'aborde pas ce fait terrible, et à sa suite, de nombreux historiens chrétiens des premiers siècles (alors même qu'ils parlent des Douze) n'y font aucune allusion. Comment peuvent-ils ignorer ou éviter de parler de la trahison ? Après ces constats, l'idée que soutient l'auteur est que la relation entre Judas et Jésus aurait été biaisée vers la fin du Ier siècle. Les Evangiles en portent la trace. Ainsi, durant la Cène, Jésus désignerait Judas, non pas comme un traître, mais comme celui devant le faire connaître, autrement dit comme le disciple élu. L'erreur classique de compréhension vient de la traduction première du verbe utilisé par Jésus, paradidonaï qui signifie « transmettre » ou « faire connaître ». Or, les chrétiens de la deuxième et troisième génération le présentent comme un synonyme de « trahison » (traduction marginale). Si on redonne à ce verbe sa signification usuelle, en mettant entre parenthèses les commentaires négatifs des copistes (nécessaires pour induire le sens de trahison), les évènements et les attitudes des personnages peuvent se lire selon une autre logique. Leurs attitudes et leurs actions prennent une teinte compréhensible et sensée.

Judas dans l'art

Iconographie

Le Baiser de Judas, de Giotto di Bondone

L'attribut de Judas est la bourse d'argent. Dans l'iconographie, Judas porte une bourse qui représente non seulement sa charge de trésorier au sein de la communauté des apôtres, mais aussi et surtout le salaire de sa trahison.

Sur La Cène de Léonard de Vinci, Judas est représenté avec une bourse pendue à sa ceinture.

Dans l'iconographie classique, Judas est souvent représenté vêtu de jaune. C'est en particulier de cet état de fait que découle l'association du jaune et de la notion de traîtrise.

Romans

  • Thomas de Quincey dans Judas Iscariote et autres essais tente une réhabilitation en faisant agir sciemment Judas pour accomplir le destin d'un Christ hésitant.
  • Jorge Luis Borges, dans sa nouvelle « Trois versions de Judas » (in Fictions, Folio), imagine un théologien danois du XIXe siècle dont la thèse était que Dieu s'était fait homme jusqu'à l'infamie, Judas étant en fait le fils de Dieu, et non pas le Christ...
  • Pierre Bourgeade dans son roman Mémoires de Judas lui fait accepter de livrer Jésus pour accomplir l'Écriture.
  • Jean Ferniot en fait un martyr dans Saint Judas (1984).
  • Éric-Emmanuel Schmitt, dans son roman épistolaire L'Évangile selon Pilate, imagine que c'est à la demande de Jésus lui-même que Judas, le disciple dont il était le plus proche et qui avait le plus confiance en lui, l'a dénoncé.
  • Jean Van Hamme, La Malédiction des trente deniers, t. 1 & 2 (2009/2010).

Theatre

Musique

  • Helloween, Judas sur le maxi Judas, sorti en 1986.
  • Lady Gaga, Judas pour son album Born This Way, Mai 2011

Évangile de Judas

Article détaillé : Évangile de Judas.

Notes et références

  1. Les Caïnites à l'origine de « l'Évangile de Judas », F. Banchini, « Giuda Iscariota ; tra condanna e assoluzione. Testimonianze letterarie ed epigrafiche dei primi tre secoli di cristianesimo », Vivens homo 16 [2005] p.143-155
  2. Catéchisme du concile de Trente, Bouère, Dominique Martin Morin, 1998, p. 216, 251 et 305.
  3. Guy Pages, Judas est en Enfer, éditions François-Xavier de Guibert, Paris, 2007.
  4. a et b Robert Eisenman, James the Brother of Jesus: The Key to Unlocking the Secrets of Early Christianity and the Dead Sea Scrolls, p. 179

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre-Emmanuel Dauzat, Judas : de l'Évangile à l'holocauste, Bayard, 2006
  • Francisco Vicente Calle Calle, Judas Iscariote : vida, leyendas, iconografía, La Quema, Bubok.com, 2009.
  • Régis Moreau, L'Affaire Judas : contre-enquête sur le disciple de Jésus, Trajectoire, 2010

Articles connexes

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