Jules Mazarin

Jules Mazarin
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Jules Mazarin
Image illustrative de l'article Jules Mazarin
Portrait du cardinal Mazarin,
par l’atelier de Pierre Mignard,
1658-1660, Chantilly, musée Condé.
Biographie
Naissance 14 juillet 1602
à Pescina (Italie)
Décès 9 mars 1661
à Vincennes (France) (à 58 ans)
Cardinal de l'Église catholique
Créé
cardinal
16 décembre 1641
par le pape Urbain VIII
Titre cardinalice Cardinal-diacre

Ornements extérieurs Cardinaux.svg
Blason Jules Mazarini (alias Mazarin) (1602-1661).svg
(en) Notice sur catholic-hierarchy.org
Buste de Mazarin par Louis Lerambert (Bibliothèque Mazarine)

Jules Mazarin (Giulio Mazarini ou Mazzarini, nom dont il francisa peu à peu lui-même l’écriture en Mazarin, mais dont il signe encore Mazarini, à l'italienne, à la fin de sa vie au bas du Traité des Pyrénées), né à Pescina le 14 juillet 1602 et mort à Vincennes le 9 mars 1661, mieux connu sous le nom de cardinal Mazarin, fut un diplomate et homme politique, d'abord au service de la Papauté, puis des rois de France Louis XIII et Louis XIV. Il succéda à Richelieu en tant que principal ministre de 1643 à 1661.

Sommaire

Biographie

Ses origines

La jeunesse de Mazarin est relativement peu documentée du fait de son origine sociale modeste. Deux sources existent : un témoignage anonyme d’un soi-disant "ami d’enfance" et les souvenirs publiés par l’abbé Elpidio Benedetti, un proche du cardinal. L’essentiel n’est d’ailleurs pas là, mais dans la formidable ascension sociale d’un personnage que rien ne prédestinait aux fonctions qu’il a occupées. À la veille de sa mort, et sans grande conviction, il demanda à des généalogistes de lui inventer une ascendance glorieuse. Les hypothèses les plus farfelues furent étudiées mais le cardinal mourut avant l’achèvement des recherches.

Giulio Mazzarini, l'aîné, est né le 14 juillet 1602 à Pescina[1], dans les Abruzzes, au centre-est de l'Italie. Il passa son enfance à Rome où ses parents demeuraient. Son père, Pietro Mazzarini, avait coutume d'aller de temps en temps chez son beau-frère, l'abbé Buffalini, lequel convia son épouse Hortensia, enceinte, à venir passer les dernières semaines de sa grossesse loin des miasmes de l'été romain[2]. Elle accoucha ainsi de son premier fils qui naquit coiffé et doté de deux dents. On pensait alors que de tels signes présageaient d'une haute fortune. Plus tard, le cardinal s'en prévalait souvent.

La famille Mazzarini était d'origine génoise. Le grand-père de Mazarin, Giulio, partit s'installer en Sicile et s'établit en tant que simple citoyen palermitain, non noble. L'oncle Hieronimo et le père du cardinal, Pietro Mazzarini, eux, naquirent en Sicile. La relative réussite de la famille dans l'artisanat ou le commerce, les sources sont imprécises, permit d'envoyer les fils à l'école.

À quatorze ans, Pietro fut envoyé à Rome afin de terminer ses études, muni de lettres de recommandation pour Filippo Colonna, connétable du Royaume de Naples. Mazarin fut d'ailleurs toujours reconnaissant envers la famille Colonna, répétant toujours que sa fortune lui était venue de la faveur de cette maison. Fort de ses recommandations, son père sollicita en effet un emploi. Pietro plut au connétable, mais les fonctions qu'il exerça au départ pour ce dernier sont inconnues. Sans doute lui confia-t-il la gestion de certains de ses domaines. Par sa conduite habile et prudente, Pietro se vit proposer par son maître de réaliser un beau mariage avec Hortensia Buffalini, filleule du connétable, appartenant à une famille noble mais désargentée de Città di Castello en Ombrie. La jeune fille avait une réputation de beauté et de vertu. Le couple eut deux fils et quatre filles.

Sa famille

Pietro Mazzarini (Palerme, 1576 - Rome, 13 novembre 1654)[3].

  • En 1600 il épouse Hortensia Buffalini (Rome, 1575 - Rome, 11 avril 1644). Sept enfants suivent.
  • Le 1er janvier 1645 il épouse Portia Orsini. Sans postérité.

Enfants du premier lit :

1. Geronima, née à Rome le 11 janvier 1601 et morte dans l'été qui a suivi.

2. Giulio, né à Pescina le 14 juillet 1602. Cardinal. Mort à Vincennes le 9 mars 1661.

3. Alessandro, baptisé à Pescina le 1er septembre 1605. En religion, Michele Mazzarini, dominicain, cardinal de Sainte-Cécile. Mort à Rome le 31 août 1648.

Olympe Mancini par Mignard

4. Margarita (Rome, 14 octobre 1606 - Rome, 1687). Épouse le 16 juillet 1634 Geronimo Martinozzi (mort en septembre 1639), fils du comte Vicenzo Martinozzi (mort le 1er octobre 1645). Dont 2 filles :

5. Anna-Maria (d'abord nommée Geronima en souvenir de la petite morte), née à Rome le 14 janvier 1608. Religieuse. Morte en 1669.

6. Cléria, née à Rome le 10 avril 1609 (baptisée le 13 avril). Morte vers le 12 juillet 1649. Épouse en avril 1643 Pietro Antonio Muti, fils du marquis Fabrizio Muti. Sans postérité.

Marie Mancini, 1639-1715 (premier amour de Louis XIV)

7. Geronima Mazzarini, dite Girolama, née à Rome le 29 décembre 1614 (baptisée le 2 janvier 1615). Morte à Paris le 29 décembre 1656. Épouse le 6 août 1634 le baron Lorenzo Mancini (mort en octobre 1650). Neuf enfants :

Hortense Mancini, par Benedetto Gennari le Jeune

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Un enfant doué

Bien qu’elle demeure peu documentée, l’enfance de Mazarin laisse déjà deviner un garçon doué, remarqué dès son plus jeune âge pour son habileté à séduire et son aisance intellectuelle. C’est là ce qui fera tout au long de sa jeunesse la force du futur cardinal : une étonnante capacité à plaire et à savoir se rendre indispensable.

À sept ans, le petit prodige entra au Collège romain tenu par les Jésuites. Élève brillant, il eut à soutenir sa thèse de fin d’études sur la comète qui provoqua tant de polémiques en 1618 sur l’incorruptibilité des cieux et conduisit Galilée à publier le célèbre Saggiatore, L'Essayeur. Mazarin sut manifestement éviter les nombreux pièges que le sujet comportait et obtint l’approbation unanime du jury.

Mazarin grandit avec les enfants de la Famille Colonna ce qui lui permit, sans qu’il en fasse partie, de fréquenter le grand monde et ses palais. Il semble que dès son adolescence, Giulio a développé une passion pour le jeu qui ne l’a jamais quitté. Sans doute ce vice lui offrit d’abord un moyen de gagner ce que l’on appellerait aujourd’hui de "l’argent de poche".

Il est établi que le futur cardinal passa trois ans en Espagne (1619-1621 ?) pour accompagner Jérôme-Girolamo Colonna (créé cardinal le 30 août 1627 par Urbain VIII) et qu'il y termina ses études de droit civil et canon à l'université d'Alcalá de Henares. De cette expérience, Mazarin tira une maîtrise parfaite de l’espagnol qui devait s’avérer très utile tout au long de sa carrière. Les légendes sont nombreuses quant à la vie du jeune homme en Espagne. Une chose est certaine, il dut rentrer en Italie car son père, accusé de meurtre, avait été contraint de se tenir à l’écart de Rome pendant quelque temps. Cet épisode fit basculer Mazarin dans le monde des adultes : il était à présent tenu de soutenir sa famille. Il s’engagea alors dans des études de droit canon, qu’il termina en avril 1628, renonçant à une carrière artistique pour laquelle il présentait pourtant des dispositions. Comme la plupart des jeunes Romains, il s’engagea ensuite au service du pape et devint secrétaire du nonce apostolique à Milan, voie qui lui offrait les meilleures perspectives.

Au service du Pape

Durant la guerre de Trente Ans, un conflit opposa la France à l’Espagne au sujet de la vallée de la Valteline dans les Grisons. Le pape Urbain VIII envoya des troupes en tant que force d’interposition. Mazarin se vit offrir une commission de capitaine d’infanterie au sein du régiment équipé par la famille Colonna. Il fit, avec sa compagnie, quelques séjours à Lorette et à Ancône. Sans jamais avoir à mener de combat, il montra dans l'exercice de ses fonctions, et notamment dans la gestion des troupes et des vivres, la supériorité de son esprit et un grand talent pour discipliner les soldats. Il se fit alors remarquer par le commissaire apostolique Jean-François Sacchetti. Le Traité de Monzón en 1626 régla temporairement la situation sans que les troupes du Pape ne soient intervenues.

En 1627 éclata en Italie du nord le conflit appelé guerre de succession de Mantoue. Il opposait d'une part, l'empereur Ferdinand II, le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier et la maison des Gonzague de Guastalla, représentée par Ferdinand II de Guastalla, candidat des Habsbourg au duché et, d'autre part, le roi de France Louis XIII venu secourir Charles Gonzague, duc de Nevers, candidat français à l'héritage de la branche aînée des Gonzague. Une légation papale fut envoyée à Milan afin d'apaiser le conflit qui menaçait de dégénérer. Elle fut conduite par Jean-François Sacchetti, en tant que nonce extraordinaire. Mazarin l'accompagna en qualité de secrétaire.

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La légation arriva trop tard et surtout Sacchetti dut rentrer rapidement à Rome. Une autre légation fut programmée, dirigée cette fois par le neveu du pape Urbain VIII, Antonio Barberini, mais elle tarda à se mettre en place. Ce fut la chance de Mazarin qui resta à Milan et continua le travail entrepris, sachant parallèlement provoquer en sa faveur une réelle campagne de publicité à Rome, relayée par sa famille, les Sacchetti et les Colonna. Il bombarda le Saint-Siège de rapports, espérant attirer la bienveillance papale. En préparation de l'arrivée de la nouvelle légation, Mazarin fut finalement chargé en septembre 1629 de sonder les vues des parties prenantes. Il faisait son entrée officielle dans la diplomatie.

Lorsque le légat du pape arriva dans le Montferrat, pour traiter de la paix entre la France et l'Espagne, Giulio resta attaché à la légation au titre de secrétaire. Le légat apostolique négociait la paix avec grand zèle. Mazarin, comme secrétaire, allait d'un camp à l'autre, pour hâter la conclusion d'un traité. Le jeune homme avait l'avantage d'avoir pris la mesure des évolutions en Europe : le rêve papal d'un retour à l'unité de l'Église n'aboutirait pas et la paix en Europe ne pourrait reposer que sur un équilibre des puissances. À court terme, il ne mit pas longtemps à s'apercevoir que le marquis de Santa-Cruz, qui représentait la couronne d'Espagne, avait une peur violente de perdre son armée, et un ardent désir d'arriver à un accommodement. Comprenant tout le parti qu'il pouvait tirer de cette faiblesse, il pressa le général espagnol, lui représentant avec exagération la force des Français. Pour éviter les conflits, Mazarin lança son cheval au galop entre les deux armées, et agitant son chapeau, criait « Pace ! Pace ! ». Cette intervention empêcha la bataille. Après le « coup » de Casale, en octobre 1630, la tâche du diplomate pontifical qu'est devenu Mazarin consiste à faire respecter les trêves conclues entre Espagnols, Impériaux, Français et Savoyards, puis à jeter les bases d'un traité de paix, spécialement entre Louis XIII et son beau-frère de Turin.

Les négociations de Mazarin comme ambassadeur extraordinaire en Savoie d'Abel Servien aboutirent le 6 avril 1631 au traité de Cherasco par lequel l'empereur et le duc de Savoie reconnaissaient la possession de Mantoue et d'une partie du Montferrat à Charles Gonzague et surtout l'occupation française de la place forte de Pignerol, porte de la vallée du . Elles apportèrent à Louis XIII et au cardinal de Richelieu une telle satisfaction que celui-ci en regarda l'auteur comme un homme inépuisable en ressources, fécond en ruses et stratagèmes militaires et qu'il en conçut le vif désir de le connaître personnellement. Il le manda à Paris, où Mazarin se rendit avec un plaisir inexprimable. Richelieu l'accueillit avec de grandes démonstrations d'affection, l'engagea par les plus belles promesses, et lui fit donner une chaîne d'or avec le portrait de Louis XIII, des bijoux et une épée d'une valeur considérable.

Ses premiers contacts avec la France

Il est d’abord vice-légat d'Avignon (1634), puis nonce à Paris (1634-36), où il déplut par ses sympathies pour l'Espagne, ce qui le fit renvoyer à Avignon (1636) et l'empêcha, malgré les efforts de Richelieu, de devenir cardinal.

Richelieu, se sentant accablé par l'âge, bien qu'il fût infatigable au travail, pensa que Mazarin pouvait être l'homme qu'il cherchait pour l'aider au gouvernement. Dès son retour en France après un bref voyage à Rome, il retint Mazarin près de lui et lui confia plusieurs missions dont il s'acquitta fort honorablement, puis il le présenta au roi qui l'aima beaucoup. Mazarin s'établit alors dans le palais royal.

Toujours très habile au jeu, un jour qu'il gagnait beaucoup, on accourut en foule pour voir la masse d'or qu'il avait amassée devant lui. La reine elle-même ne tarda pas à paraître. Mazarin risqua tout et gagna. Il attribua son succès à la présence de la reine et, pour la remercier, lui offrit cinquante mille écus d'or et donna le reste aux dames de la cour. La reine refusa d'abord, puis finit par accepter, mais quelques jours après, Mazarin reçut beaucoup plus qu'il n'avait donné.

Mazarin envoya à son père, à Rome, une grosse somme d'argent et une cassette de bijoux pour doter ses trois sœurs et s'affermit dans l'idée de servir la Couronne, dont la faveur, pensait-il, était le plus sûr moyen d'obtenir la pourpre, car seul moyen pour lui (étant sans naissance) d'accéder aux responsabilités auxquelles il aspirait. Mais Richelieu, qui l'estimait beaucoup et le jugeait digne du chapeau de cardinal, n'avait pas hâte de le combler. Un jour, il lui offrit un évêché avec trente mille écus de rente. Mazarin, craignant de se voir enterré loin de Paris et des affaires, ne voulut pas courir le risque d'arrêter là sa fortune et refusa aimablement. Il attendit encore longtemps puis, las d'attendre, rentra en Italie en 1636, pensant qu'à Rome, au service du cardinal Antonio Barberini, neveu du pape, il serait plus en mesure d'avoir la pourpre.

Au service des rois de France

Portrait du Cardinal de Mazarin, par Pierre Louis Bouchart, (copie de 1877 du tableau de l'atelier de Pierre Mignard ci-dessus)

En avril 1639, naturalisé français, il retourne à Paris et se met à la disposition de Richelieu. En décembre 1640, il fait un heureux début en gagnant à la cause française les princes de Savoie ; un an plus tard, le pape lui accordait le chapeau de cardinal. Lors de la conspiration de Cinq-Mars et du duc de Bouillon, celui-ci n'obtint sa grâce qu'en livrant la Principauté de Sedan ; Mazarin signa la convention et vint occuper Sedan.

Le 5 décembre 1642, lendemain de la mort de Richelieu, Mazarin fut nommé Principal Ministre de l'État, comme l'avait recommandé Richelieu qui voyait en lui son digne successeur. Louis XIII le choisit comme parrain du dauphin, futur Louis XIV.

Après la mort de Louis XIII, créa la surprise en obtenant le soutien de la régente. Longtemps opposée à Richelieu et estimée comme favorable à un rapprochement avec l'Espagne (étant elle-même espagnole), Anne d'Autriche fait volte-face à la surprise de la plupart des observateurs de l'époque. En réalité, le rapprochement entre Mazarin et la régente fut antérieur à la mort de Louis XIII et de son principal ministre. Le souci de préservation de la souveraineté de son fils et la conscience des dommages qu'aurait causés pour celle-ci un rapprochement avec Madrid, furent des arguments de poids dans sa décision de poursuivre la politique du feu roi et du cardinal de Richelieu – et donc d'appuyer Mazarin. Les inestimables compétences de ce dernier en politique extérieure furent un prétexte pour justifier ce soutien. Mazarin sut par la suite très vite se rendre indispensable à la régente, se chargeant habilement de compléter son éducation politique et l'incitant à se décharger entièrement sur lui du poids des affaires.

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Ainsi, à partir de 1643, à la mort de Louis XIII, alors que Louis XIV n'est encore qu'un enfant, la régente Anne d'Autriche nomme Mazarin Premier Ministre. En mars 1646, il devient également « surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du roi et de celle de Monsieur le duc d'Anjou ».

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À peine au pouvoir, il dut affronter l'hostilité des « Grands » dans l'affaire de la Cabale des Importants (1643) où un complot pour l'assassiner fut déjoué.

Malgré les succès militaires et diplomatiques mettant enfin un terme à la guerre de Trente Ans (traité de Westphalie-1648), les difficultés financières s'aggravèrent, rendant les lourdes mesures fiscales de Mazarin de plus en plus impopulaires. Ce fut l'une d'elles qui déclencha la première Fronde, la Fronde Parlementaire (1648). Paris est assiégée par l'armée royale, qui ravage les villages de la région parisienne : pillages, incendies, viols… N'obtenant pas la soumission de la capitale, les partis concluent la paix de Saint-Germain (1er avril 1649). Ce ne fut qu'un répit.

La Fronde des princes (1650-1652) lui succéda, déclenchée par l'arrestation de Condé avide de récompenses, défiant ainsi la primauté naissante et fragile de l'autorité royale promue par Mazarin. Ce dernier fut obligé de s'exiler à deux reprises (1651 et 1652), tout en continuant de gouverner par l'intermédiaire d'Anne d'Autriche et de fidèles collaborateurs comme Hugues de Lionne (1611-1671) et Michel Le Tellier (1603-1685). La région parisienne fut à nouveau ravagée, par les armées et par une épidémie de typhoïde répandue par les soldats, lors d'un été torride qui entraîna au moins 20 % de pertes dans la population. Son épuisement facilita le retour du roi, acclamé dans un Paris soumis, puis bientôt, celui de Mazarin.

Les critiques contre Mazarin concernaient en partie son origine italienne et roturière, mais surtout le renforcement de l'autorité royale, condition nécessaire à la mise en place d'un état moderne, au détriment des grands du royaume. La guerre contre l'Espagne, mal comprise et mal acceptée par l'opinion publique, entraîna une formidable et impopulaire augmentation des impôts. Ayant brisé toutes les oppositions, dirigeant le pays en véritable monarque absolu, il est resté premier ministre jusqu’à sa mort au château de Vincennes, le 9 mars 1661 des suites d'une longue maladie.

Deux jours avant sa mort, il fait appeler les trois ministres du Conseil, Michel Le Tellier, Nicolas Fouquet et Hugues de Lionne, et les recommande chaudement au roi. Mais le lendemain, veille de sa mort, sur les conseils de Colbert, il revient sur ses propos concernant Fouquet jugé trop ambitieux et conseille au roi de s'en méfier et de choisir Colbert comme Intendant des finances.

Enrichissement personnel

Au long de sa carrière de Premier Ministre, Mazarin s’enrichit. À sa mort, il dispose d'environ trente-cinq millions de livres[4]. Cela lui procura une grande souplesse financière, qui se révéla vite indispensable pour remplir ses objectifs politiques. Progressivement Mazarin abandonne la gestion de sa fortune personnelle à Nicolas Fouquet et Jean-Baptiste Colbert, qui est issu de la clientèle de Michel Le Tellier, et qui venait d'épouser une Charron (cent mille livres de dot), aussi avide qu'organisé, se poussait lentement, malgré le mal qu'il eut à s'accommoder à Mazarin, ils sont les véritables artisans de la démesure de sa fortune après la Fronde.

Buste de Colbert par Antoine Coysevox.

Bien que les sommes en question, en raison de la virtuosité du concerné et de ses aides (Fouquet et Colbert), dépassent de loin tout ce qui pouvait se voir à cette époque, il est nécessaire de relativiser le caractère exceptionnel de telles pratiques financières. Mazarin, aussi peu populaire chez les nobles dont il sapait l'autorité que chez le peuple dont il prolongeait les souffrances issues de la guerre, souffrit d'une large hypocrisie sur ce point. Postérieurement à la Fronde, période où il put mesurer toute la fragilité de sa position, Mazarin n’eut de cesse de consolider sa position. N'ayant aucun quartier de noblesse, son pouvoir était assujetti au bon vouloir d’une régente disposant elle-même d’un pouvoir contesté. Seule sa dignité de cardinal (d’ailleurs révocable) lui permettait de prétendre aux fonctions qu'il occupait. Sans une situation financière solide, une disgrâce aurait tôt fait de le descendre au bas de l’échelle sociale. Ce point explique en partie l’acharnement de Mazarin à s’enrichir de manière exponentielle.

Les revenus procurés à Mazarin par ses bénéfices ecclésiastiques

  1. Revenus connus, en livres, évolution[5] :
1641 : 16 000 L. (Saint-Médard de Soissons)
1642 : 96 000 L. (plus Ourscamp, Corbie et Saint-Michel en L'Herm)
1643 : 138 500 L. (6 abbayes)
1644 : 158 500 L. (7 abbayes)
1645 : 147 500 L. (7 abbayes)
1646 : 193 750 L. (9 abbayes)
1647 : 218 750 L. (10 abbayes)
1648 : 228 250 L. (11 abbayes)

.................

1656 : 485 630 L. (19 abbayes - dont Saint-Denis pour 140 000 L.)
1658 : 478 000 L. (20 abbayes)
1661 : 572 000 L. (21 abbayes plus une pension sur l'évêché d'Auch)
  1. Détail pour 1656, (d'après Minutier central, étude XCV 24, 1er juin 1656, contrat avec Girardin).
Cercamp : 4 600 L.
La Chaise-Dieu : 18 630 L.
Chastenoy : 400 L.
Cluny : 57 000 L.
Corbie : 10 000 L.
Grand-Selve et Moissac : 38 000 L.
Saint-Arnoul, Saint-Vincent, Saint-Clément (Metz) : 10 800 L.
Saint-Denis : 140 000 L.
Saint-Bénigne de Dijon (seulement en 1658 : 10 000 L.).
Saint-Étienne de Caen : 38 800 L.
Saint-Germain d'Auxerre : 15 300 L.
Saint-Honorat de Lérins : 12 400 L.
Saint-Lucien de Beauvais : 19 000 L.
Saint-Mansuit de Toul : 3 300 L.
Saint-Médard de Soissons : 18 500 L.
Saint-Michel en L'Herm : 36 000 L.
Saint-Seyne : 8 000 L.
Saint-Victor de Marseille : 35 900 L.
Saint-Vigor de Cerisy : 14 000 L.
Cyrano de Bergerac d'abord contre Mazarin, puis en sa faveur

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Les mazarinades, feuilles d'informations de quelques pages et de toutes origines (celles qu'inspira Condé sont parmi les plus audacieuses contre la monarchie), parfois pamphlets grossiers et creux, mais aussi parfois savants et ironiques (le cardinal de Retz en écrivit quelques-uns), l'attaquèrent très souvent sous cet angle, fustigeant le « voleur de Sicile ».

Quelques titres de Mazarinades parmi plus de 5000 autres[6]
  • La gueuserie de la Cour ;
  • La Champagne désolée par l'armée d'Erlach ;
  • Plainte du poète champêtre ;
  • Mémoires des besoins de la campagne ;
  • Plainte publique sur l'interruption du commerce ;
  • Le dérèglement de l'État ;
  • Le manifeste des Bourdelois ;
  • Dialogue de Jodelet et de Lorviétan sur les affaires du temps ;
  • Que la voix du peuple est la voix de Dieu.

Sa fin

Mazarin meurt le 9 mars 1661 en laissant une Europe en paix. Louis XIV ne protégera pas cet héritage de Mazarin, bien au contraire : soucieux d'affirmer sa grandeur par de vastes conquêtes, le roi trouvera dans les traités de paix, si difficilement obtenus par le Cardinal, les prétextes qui justifieront ses innombrables guerres. La Fronde est alors finie depuis plus de huit ans (1653).

Sa relation avec Anne d’Autriche, correspondances secrètes

Les historiens s’interrogent sur la nature exacte des relations de Mazarin et d'Anne d’Autriche. Des lettres échangées depuis son premier exil, utilisant des codes, sont parfois très sentimentales, bien que ce soit le style de l’époque d’écrire avec beaucoup d’emphase[7],[8],[9],[10].

« Au pis aller, vous n'avez qu'à rejeter la faute du retardement sur 15 (qui signifie Anne) , qui est…(illisible) (signe pour Anne) (signe pour Mazarin) jusques au dernier soupir. L'enfant vous mandera toutes choses. Adieu, je n'en puis plus. (signe pour Mazarin) lui sait bien de quoi. »

Leur relation fut en tous cas très étroite. Elle a sans doute été renforcée par leur isolement politique lors de la Fronde.

De nombreux amants ont été attribués à Anne d'Autriche (voir ici). Le duc de La Rochefoucauld disait, pendant la Fronde, que Mazarin rappelait sûrement à la reine le duc de Buckingham. Il est très peu probable, en tous cas, qu'il soit le père de Louis XIV, comme des historiens l'ont avancé, notant en particulier l'âge avancé d'Anne d'Autriche pour sa première grossesse.

Correspondance de Mazarin

Ces lettres de la reine, nous ne les avons plus (la série de 11 lettres autographes qui a subsisté ne commence qu'en 1653), mais on peut juger de leur ton par celui qu'employait Mazarin lui-même.

Lettres à la reine du 11 mai 1651 :
Mon Dieu, que je serais heureux et vous satisfaite si vous pouviez voir mon cœur, ou si je pouvais vous écrire ce qu'il en est, et seulement la moitié des choses que je me suis proposé. Vous n'auriez pas grand-peine, en ce cas, à tomber d'accord que jamais il n'y a eu une amitié approchante à celle que j'ai pour vous. Je vous avoue que je ne me fusse pu imaginer qu'elle allât jusqu'à m'ôter toute sorte de contentement lorsque j'emploie le temps à autre chose qu'à songer à vous : mais cela est, à tel point qu'il me serait impossible d'agir en quoi qui en pût être, si je ne croyais d'en devoir user ainsi pour votre service.
Je voudrais aussi vous pouvoir exprimer la haine que j'ai contre ces indiscrets qui travaillent sans relâche pour faire que vous m'oubliez et empêcher que nous ne nous voyions plus [...] La peine qu'ils nous donnent ne sert qu'à échauffer l'amitié qui ne peut jamais finir.
Je crois la vôtre à toute épreuve et telle que vous me dîtes ; mais j'ai meilleure opinion de la mienne, car elle me reproche à tout moment que je ne vous en donne pas assez de belles marques et me fait penser à des choses étranges pour cela et à des moyens hardis et hors du commun pour vous revoir [...] Si mon malheur ne reçoit bientôt quelque remède je ne réponds pas d'être sage jusqu'au bout, car cette grande prudence ne s'accorde pas avec une passion telle qu'est la mienne [...]
Ah ! que je suis injuste quand je dis que votre affection n'est pas comparable à la mienne ! Je vous en demande pardon et je proteste que vous faites plus pour moi en un moment que je ne saurais faire en cent ans : et si vous saviez à quel point me touchent les choses que vous m'écrivez, vous en retrancheriez quelqu'une par pitié, car je suis inconsolable de recevoir des marques si obligeantes d'une amitié si tendre et constante, et d'être éloigné.
Je songe quelquefois s'il ne serait pas mieux pour mon repos que vous ne m'écrivissiez pas, ou que, le faisant, ce fût froidement ; que vous dissiez [...] que j'ai été bien fou à croire ce que vous m'avez mandé de votre amitié, et enfin que vous ne vous souvenez plus de moi comme si je n'étais au monde. Il me semble qu'un tel procédé, glorieux comme je suis, me guérirait de tant de peines et de l'inquiétude que je souffre et adoucirait le déplaisir de mon éloignement. Mais gardez-vous bien d'en user ainsi ! Je prie Dieu de m'envoyer la mort plutôt qu'un semblable malheur, qui me le donnerait mille fois le jour : et si je ne suis pas capable de recevoir tant de grâces, il est toujours plus agréable de mourir de joie que de douleur[11].

La constance de la reine

Anne d'Autriche peinte par Rubens en 1625

Voici donc la première lettre autographe connue de la reine à Mazarin ; elle n'est pas datée, mais elle est antérieure à celle du 26 janvier 1653, qui suivra :[12]

Ce dimanche au soir,
Ce porteur m'ayant assuré qu'il ira fort sûrement, je me suis résolue de vous envoyer ces papiers et vous dire que, pour votre retour, que vous me remettez, je n'ai garde de vous en rien mander, puisque vous savez bien que le service du roi m'est bien plus cher que ma propre satisfaction ; mais je ne puis m'empêcher de vous dire que je crois que, quand l'on a de l'amitié, la vue de ceux que l'on aime n'est pas désagréable, quand ce ne serait que pour quelques heures. J'ai bien peur que l'amitié de l'armée ne soit plus grande que toutes les autres. Tout cela ne m'empêchera pas de vous prier d'embrasser de ma part notre ancien ami et de croire que je serai toujours telle que je dois, quoi qu'il arrive. $ [13].

Le 26 janvier, Mazarin n'étant pas encore revenu, Anne lui écrit :

Je ne sais plus quand je dois attendre votre retour, puisqu'il se présente tous les jours des obstacles pour l'empêcher. Tout ce que je vous puis dire est que je m'en ennuie fort et supporte ce retardement avec beaucoup d'impatience, et si 16 [Mazarin] savait tout ce que 15 [elle] souffre sur ce sujet, je suis assurée qu'il en serait touché. Je le suis si fort en ce moment que je n'ai pas la force d'écrire longtemps ni ne sais pas trop bien ce que je dis. J'ai reçu de vos lettres tous les jours presque, et sans cela je ne sais ce qui arrivera. Continuez à m'en écrire aussi souvent puisque vous me donnez du soulagement en l'état où je suis. J'ai fait ce que vous m'avez mandé touchant [signes indéchiffrables] [...]. Au pis aller, vous n'aurez qu'à rejeter la faute du retardement sur 15 [elle], qui est un million de fois ǂ et jusques au dernier soupir. L'Enfant [Ondedeï] vous mandera toutes choses. Adieu, je n'en puis plus et lui [Mazarin] sait bien de quoi.

Deux jours plus tard, le 28 janvier, Anne écrit encore à Mazarin. C'est qu'elle a reçu de lui quelques reproches voilés pour avoir, sur l'instance de Molé[14], annulé une mesure de bannissement à l'encontre de quatre mauvais esprits du Parlement. Aussi s'excuse-t-elle en ces termes :

Votre lettre, que j'ai reçue du 24, m'a mis bien en peine, puisque 15 [elle] a fait une chose que vous ne souhaitiez pas ... Suivent de longues explications, après lesquelles la reine conclut : Voilà comme l'affaire s'est passée véritablement et, si elle vous a déplu, vous pouvez croire que ce n'a pas été nullement à ce dessein-là, puisque 15 [elle] n'a ni n'est capable d'en avoir d'autres que ceux de plaire à 16 [lui] et lui témoigner qu'il n'y a rien au monde pareil à l'amitié que 22 [elle] a pour 16, et 15 [elle] ne sera point en repos qu'il ne sache que 16 n'a pas trouvé mauvais ce qu'il a fait, puisque non seulement, en effet, il ne voudrait pas lui déplaire, même seulement de la pensée, qui n'est employée guère à autre chose qu'à songer à la chose du monde qui est la plus chère à * qui est *. J'en dirais davantage si je ne craignais de vous importuner par une si longue lettre et, quoique je sois bien aise de vous écrire, je m'ennuie si fort que cela dure que je voudrais fort vous entretenir autrement. Je ne dis rien là-dessus, car j'aurais peur de ne pas parler trop raisonnablement sur ce sujet.[15]

Héritage et postérité

Au terme de sa vie, Mazarin avait rempli les principaux objectifs politiques qu’il s’était fixés pour la France :

  • Apporter une paix stable à l’Europe dont la France serait l’arbitre ;
  • Mettre un terme définitif aux révoltes nobiliaires, affirmer l’autorité royale au détriment des grands du royaume ;
  • Soumettre le clergé.

À ces différentes victoires, il est nécessaire d’ajouter la réussite de l’éducation du jeune Louis XIV, ce dont ce dernier, manifestement admiratif des talents du Cardinal, fut toujours reconnaissant. À la mort de Mazarin, le futur Roi Soleil trouvait entièrement dégagée la voie de l’absolutisme monarchique.

Outre l’héritage politique, le cardinal Mazarin a laissé une fortune estimée à 35 millions de livres, dont 8 millions en espèces (soit l’équivalent de l’encaisse de la banque d’Amsterdam, banque la plus importante du monde à l’époque ou l’équivalent de la moitié du budget annuel du royaume). Ayant tout perdu pendant la Fronde, il avait donc accumulé ces richesses entre 1652 et sa mort, soit en moins de dix années. Il s'était fait attribuer par la reine-régente des charges civiles et ecclésiastiques (voir la liste impressionnante p. 50-51 du La Fronde de Hubert Méthivier, PUF, 1984), avait spéculé sur les fonds d'État, joué sur la valeur des monnaies et leur retrait (ce qui causa par exemple en 1659 la révolte des « Sabotiers » de Sologne, paysans misérables soulevés contre le retrait des liards, lesquels constituaient leurs maigres réserves monétaires), s'était enrichi par l'entremise d'hommes de paille sur les fournitures aux armées…[16] Sous l'Ancien Régime, aucun héritage n'atteignit ce niveau, les plus élevés étant ceux du cardinal de Richelieu (16 millions nets) et de Charles Gonzague (5,5 millions en 1637). Pour éviter que ne soit fait un inventaire de ses biens, et donc de ses agissements, il légua tout au roi, qui hésita trois jours avant d'accepter, puis, l'ayant fait, laissa ces biens à ses héritiers, manœuvre classique en ces temps pour éviter les recherches de justice[17]. Sa rapacité était telle qu'il songea même, lui qui ne fut jamais ordonné prêtre, à devenir archevêque d'un des riches territoires nouvellement conquis, mais le pape s'opposa à un zèle si intéressé.

Jules Mazarin et la bibliothèque Mazarine v. 1659, par Robert Nanteuil

Par testament, Mazarin fit réaliser le Collège des Quatre-Nations[18] (devenu l'Institut de France). L'acquisition, en août 1643, de la bibliothèque du chanoine Descordes[19] constitue l'acte fondateur de celle-ci : la Bibliothèque Mazarine, issue de la bibliothèque personnelle du cardinal.

La réussite de Mazarin constitua un véritable outrage à l'ordre social de son époque. La formidable réussite d'un homme sans naissance et de condition modeste ne pouvait que s'attirer les foudres d'une noblesse censée seule avoir été dotée par Dieu des vertus et qualités propres au commandement. Le souci de Mazarin de renforcer l'autorité royale attisa le ressentiment des nobles[20], et celui de poursuivre une guerre mal comprise celui du peuple. Les mazarinades diffusées pendant son ministère, ainsi que la qualité littéraire de nombre d'entre elles, contribuèrent à ruiner durablement sa réputation. Ses origines étrangères ne plaidèrent pas non plus en sa faveur. Ainsi, en dépit des indéniables réussites que compta sa politique, Mazarin ne laissa pas un bon souvenir dans la mémoire du peuple français, les mémorialistes préférant mettre en avant ses pratiques financières douteuses plutôt que ses victoires politiques.

Connexions familiales

La richesse du Cardinal Mazarin et sa volonté de se lier à la haute aristocratie par les mariages avantageux de ses nièces (moyen pour les Grands de bénéficier des grâces royales) créèrent une dynastie.

Les sœurs Olympe, Marie, Hortense et Marie Anne Mancini furent célèbres pour leur beauté, leur esprit et leurs amours libérées.

Leur frère Philippe épousa Diane de Thianges, nièce de Madame de Montespan ; ils furent les grands-parents de l'académicien Louis-Jules Mancini-Mazarini et également des ancêtres des actuels Grimaldi.

Pour avoir conté les amours des nièces avec Louis XIV, Abraham de Wicquefort s'est retrouvé embastillé.

La question de savoir si Mazarin et Anne d'Autriche s'aimèrent est controversée. Certains ont analysé leur correspondance de sorte qu'ils ont cru pouvoir y déceler une liaison (voire un mariage secret), qui reste hypothétique, entre l'homme d'Église et la reine-mère.

Blasonnement

Blason de Jules Mazarin (1602-1661)

Armes du cardinal Mazarin :

D’azur au faisceau de licteur d’or lié d’argent, la hache du même, à la faces de gueules brochant sur le tout chargée de trois étoiles d’or.

Portrait

Le cardinal de Retz, célèbre ennemi de Mazarin, dresse de lui dans ses mémoires un portrait au vitriol saisissant – bien que fort peu objectif – :

« Sa naissance était basse et son enfance honteuse. Au sortir du Colisée, il apprit à piper, ce qui lui attira des coups de bâtons d'un orfèvre de Rome appelé Moreto. Il fut capitaine d'infanterie en Valteline ; et Bagni, qui était son général, m'a dit qu'il ne passa dans sa guerre, qui ne fut que de trois mois, que pour un escroc. Il eut la nonciature extraordinaire en France, par la faveur du Cardinal Antoine, qui ne s'acquérait pas, en ce temps-là, par de bons moyens. Il plut à Chavigny par ses contes libertins d'Italie, et par Chavigny à Richelieu, qui le fit cardinal, par le même esprit, à ce que l'on a cru, qui obligea Auguste à laisser à Tibère la succession de l'Empire. La pourpre ne l'empêcha pas de demeurer valet sous Richelieu. La Reine l'ayant choisi faute d'autre, ce qui est vrai quoi qu'on en dise, il parut d'abord l'original de Trivelino Principe. La fortune l'ayant ébloui et tous les autres, il s'érigea et l'on l'érigea en Richelieu; mais il n'en eut que l'impudence de l'imitation. Il se fit de la honte de tout ce que l'autre s'était fait de l'honneur. Il se moqua de la religion. Il promit tout, parce qu'il ne voulut rien tenir. Il ne fut ni doux ni cruel, parce qu'il ne se ressouvenait ni des bienfaits ni des injures. Il s'aimait trop, ce qui est le naturel des âmes lâches; il se craignait trop peu, ce qui est le caractère de ceux qui n'ont pas de soin de leur réputation. Il prévoyait assez bien le mal, parce qu'il avait souvent peur ; mais il n'y remédiait pas à proportion, parce qu'il n'avait pas tant de prudence que de peur. Il avait de l'esprit, de l'insinuation, de l'enjouement, des manières ; mais le vilain cœur paraissait toujours au travers, et au point que ces qualités eurent, dans l'adversité, tout l'air du ridicule, et ne perdirent pas, dans la plus grande prospérité, celui de fourberie. Il porta le filoutage dans le ministère, ce qui n'est jamais arrivé qu'à lui ; et ce filoutage faisait que le ministère, même heureux et absolu, ne lui seyait pas bien, et que le mépris s'y glissa, qui est la maladie la plus dangereuse d'un État, et dont la contagion se répand le plus aisément et le plus promptement du chef dans les membres. »

Œuvre littéraire

  • Bréviaire des politiciens, ouvrage publié aux éditions Arléa, présenté par Umberto Eco qui indique que la première parution date de 1684. Umberto Eco indique que Dumas a dû en entendre parler et n’avoir qu’un résumé de ce bréviaire, ce qui expliquerait le personnage dont il a tracé le portrait dans Vingt ans après.

Le personnage de fiction

  • Dumas le met aussi en scène dans Le Vicomte de Bragelonne, dans lequel Mazarin sépare Louis XIV de Marie de Mancini et le marie à l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse et enfin meurt en 1661.
  • Le téléfilm La Reine et le Cardinal, diffusé en février 2009 sur France 2, traite de ses relations avec la régente Anne d'Autriche. Ce dernier met l'accent sur une relation d'amants entre la Régente et Mazarin, ce qui n'a jamais été prouvé historiquement, même si la découverte d'une correspondance codée assez intime entre les deux a porté certains historiens à pencher pour cette version.

Notes et références

  1. Alors sous domination espagnole
  2. L'année précédente, la sœur aînée de Mazarin, alors âgée de quelques mois, avait succombé aux chaleurs estivales.
  3. Les dates de naissance retenu, sont tirées des travaux de Madeleine Laurain-Portemer, qui a fouillé les archives italiennes (cf. Études mazarines, t. II, p. 14 et 17).
  4. Estimation de Claude Dulong, dans l'ouvrage collectif Mazarin, les Lettres et les Arts, 2006, cité dans Mazarin, le maître du jeu de Simone Bertière, 2009, page 319, aux Éditions du Livre de Poche
  5. D'après Joseph Bergin, « Cardinal Mazarin and his benefices », in French History, 1987, pp. 11 et 23.
  6. Tous titres tirés des 52 mazarinades publiées par Hubert Carrier en 1982 (EDHIS).
  7. Sur la correspondance secrète, voir Claude Dulong, « Les signes cryptiques dans la correspondance d'Anne d'Autriche avec Mazarin. Contribution à l'emblématique du XVIIe siècle », Bibliothèque de l'École des chartes, t. CXL, 198, p. 61-83
  8. « L'S fermé et les signes d'amour dans la correspondance Anne d'Autriche-Mazarin », Revue française d'héraldique et de sigillographie, n° 50, 1980, p. 31-38.
  9. Dans Lettres à la reine, Ravanel a publié aussi des lettres d'exil de Mazarin à d'autres correspondants que la reine, de même que Chéruel et d'Avenel dans Lettres de Mazarin, op. cit., t. IV.
  10. Bibliothèque national de France : Manuscrit Clairambault, 1144, fol. 89-100 (lettres autographes d'Anne d'Autriche à Mazarin).
  11. Cette lettre, comme les autres à la reine du temps de l'exile, a été publié par Ravanel, Lettres à la reine, op. cit.
  12. Les lettres ici reproduites sont extraites de BNF, ms. Clairambault 1144, fol. 88-100.
  13. Sur ce signe et les autres, voir note 10 « L'S fermé... »
  14. Mémoires, éd. A. Champollion-Figeac, Paris, 1855-1857, 4 vol. (SHF).
  15. Ces trois lettres sont dans BNF, ms. Clairambault 1144.
  16. Note : lire les innombrables témoignages des mémorialistes du temps, dont Mme de Motteville, amie de la reine Anne. Voir aussi le tome 1 des Lettres, instructions et mémoires de Colbert publiées par Pierre Clement en 1861, en 10 t.
  17. Voir le ch. XIX du Mazarin de P. Goubert, et les travaux de D. Dessert, dont Colbert, le serpent venimeux, 2000, pp. 63-65
  18. Voir C. Dulong, « Les origines du Collège des Quatre-Nations », Revue des Sciences morales et politiques, 1992, n° 2, p. 247-256.
  19. Bibliothécae cordesianae catalogus, Paris, Vitray, 1643.
  20. Ce qui inclut la plupart des mémorialistes

Sources

  • Actes royaux, t.II (1610-1655), éd. A. Isnard et S. Honoré, Paris, 1938.
  • Arrêt du Conseil du roi, Règne de Louis XIV, arrêt en commandement. Inventaire analytique, éd. M. Le Pesant, Paris, 1976.
  • Jean-Baptiste Colbert, Lettres, instructions et mémoires, éd. P. Clément, Paris, 1861-1882, 10 vol.
  • Lettres du cardinal Mazarin à la reine, à la princesse Palatine, etc ..., édité par M. Ravenel, Paris 1836 (Google Books)
  • A.Chéruel, (éd.),Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, 1872-1906, Paris 9 vol, et « Les carnets de Mazarin pendant la Fronde », Revue Historique, 1877, p. 103-138.
  • V.Cousin, « Carnets... », dans Journal des Savants, 1854-56.
  • Elpidio Benedetti, (Raccolta di diverse memorie per scrivere la vita del Cardinale Mazzarino, Lyon, s.d. 1652.
  • Antoine Aubery, Histoire du cardinal Mazarin, 2 vol, 1688 et 1695, réed. 1759.
  • Histoire anecdotique de la jeunesse de Mazarin, (par un « ami d'enfance » ?) publ. par Célestin Moreau en 1863.
  • Angelo Bissaro, La mort du cardinal Mazarin, relation secrète retrouvée et publiée par R. Darricau et Mad. Laurain-Portemer, Annuaire-Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1960, p. 59-110.
  • G. Gualdo Priorato , Storia del Ministerio del Cardinale Giulio Mazzarino, Cologne 1669, 3 vol.
  • Marie-Noëlle Grand-Mesnil, Mazarin, la Fronde et la presse, 1967.
  • Mazarin. Les Lettres et les Arts. Ouvrage collectif, dir. Isabelle Conihout et Patrick Michel, préface d'Hélène Carrère d'Encausse, de l'Académie française, Bibliothèque Mazarine et éd. Monelle Hayot. Paris, 2006.
  • Richelieu, Les Papiers de Richelieu, éd. P. Crillon (Monumenta Europae historica), Paris, 6 vol. parus de 1975 à 1985.
  • Retz, (cardinal de), Œuvres complètes, éd. M.-T. Hipp et M. Pernot, Paris, L 1984 (Bibl. de la Pléiade).
  • Gabriel Naudé, Mémoire confidentiel adressé à Mazarin après la mort de Richelieu, éd. A. Franklin, Paris, 1870.

Bibliographie

  • Mazarin, coll. « Génies et réalités », Paris, 1959, 295 p. (8 contributions dont une de Maurice Schumann sur « Mazarin européen »).
  • Mazarin, homme d'État et collectionneur, catalogue de l'exposition organisée par la Bibliothèque nationale pour le 3e centenaire de sa mort, 1961.
  • Adolphe Chéruel, Histoire de France sous le ministère de Mazarin, Paris, 1881, 3 vol.
  • Georges Livet, Le Duc Mazarin gouverneur d'Alsace, 1661-1673, Paris, 1954.
  • Hubert Méthivier, Le siècle de Louis XIII, Collection « Que sais-je ? », no 1138. Paris 1964.
  • Georges Dethan:
  • Mazarin et ses amis, étude sur la jeunesse du cardinal, suivie d'un choix de lettres inédites, 1968
  • Mazarin , un homme de paix à l'âge baroque, (1602-1661), 1981.
  • Daniel Dessert:
  • Françoise Bayard, Le monde des financiers au XVIIe siècles, Paris, 1988.
  • Joseph Bergin, « Cardinal Mazarin and his benefices », French History, t. I, 1987, p. 3-26.
  • Pierre Blet, Richelieu et les débuts de Mazarin, dans Revue d'Histoire moderne et contemporaine, t. VI, 1959, p. 241-268.
  • Pierre Goubert, Mazarin (Paris, Fayard, 1990) (ISBN 9782213016504) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Francis Haskell, Mécènes et peintres, l'art et la société au temps du baroque italien, Paris, Gallimard, 1991.
  • Histoire anecdotique de la jeunesse de Mazarin, traduite de l’italien par C. Moreau (Paris, J. Techener, 1863)
  • Claude Dulong:
  • La fortune de Mazarin, 1990 (nombreux articles autour de cette question).
  • Mazarin et l'argent : banquiers et prête-noms, École Des Chartes Eds, Paris, 2002. (ISBN 2900791502)
  • Mazarin (Paris, Perrin, 2010). (ISBN 2262032610) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Paul Guth, Mazarin (Paris, Flammarion, 1972)
  • Arthur Hassal, Mazarin (Londres, Macmillan, 1903)
  • Auguste Bailly, Mazarin, librairie Arthème Fayard, 1935
  • Isabelle de Conihout, Patrick Michel, Mazarin : les Lettres et les Arts, Éditions Monelle Hayot, 2006 (ISBN 2903824533)
  • Mémoires de la société historique de Pontoise, du Val d'Oise et du Vexin, Tome LXXXVII, 2005 (juin 2006) : La Fronde vue du Nord et du Nord-Ouest de la région parisienne.
  • Simone Bertière, Mazarin : le Maître du jeu, Éditions de Fallois, 2007 (ISBN 978-2877066358) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Alain-Gilles Minella, Pour l'amour de l'enfant roi : Anne d'Autriche - Jules Mazarin (Perrin, 2008) (ISBN 9782262023164)
  • Madeleine Laurain-Portemer, Études mazarines, Paris : de Boccard ; [puis] Paris : [M. Laurain-Portemer] ; Nogent-le-Roi : distrib. J. Laget, Librairie des arts et métiers, 1981-1997 Études mazarines, deux volumes Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Georges Bordonove, "Mazarin, le pouvoir et l'argent", Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1996. (ISBN 2744107166)
  • Lucien Bély, L'Europe des traités de Westphalie. Esprit de la diplomatie et diplomatie de l'esprit (dir.), PUF, 2000 (ISBN 2130517552)
  • P. Delafosse et C. Laveau, Le Commerce du sel à Brouage aux XVIe et XVIIe siècle, Paris, 1960.
  • Jules Sottas, Le Gouvernement de Brouage et La Rochelle sous Mazarin, dans Revue de Saintonge et d'Aunis, t. 39 à 42.
  • Pierre Gasnault, « De la bibliothèque de Mazarin à la Bibliothèque Mazarine », dans histoire de bibliothèques françaises. Les bibliothèques sous l'Ancien Régime, 1530-1789. Paris, 1988. (Administrateur puis directeur de la B.M. 1976 à 1994).
  • Le Cardinal, la Fronde et le Bibliothécaire : les trente plus beaux livres de Mazarin (catalogue d'exposition), Paris, éd. du Mécène, 2002, 96p., ill. en coul.
  • Mme de Motteville, Mémoires, éd. F. Riaux, Paris, 1886, 4 vol. (Mémoires, Tome I, III, et IV)
  • François Bluche, Louis XIV, Paris, Fayard, 1986. 1040 p (ISBN 978-2-7178-0988-6).
  • Hubert Carrier, La Presse de la Fronde (1648-1653) : Les Mazarinades. I, La Conquête de l'opinion, Genève-Paris, 1989, 486 p., II, Les Hommes du livres, 1991, 502 p., (Une sommes, dotée d'une abondante bibliographie).

Voir aussi

Liens internes

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Chronologies

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