Opérations navales durant la guerre d'indépendance grecque

Opérations navales durant la guerre d'indépendance grecque

Les opérations navales jouèrent un rôle important au cours de la guerre d'indépendance grecque. Le cœur de l'insurrection, le Péloponnèse et ses abords immédiats, étant d'accès relativement difficile par voie de terre, il était important pour les deux parties de contrôler ses accès maritimes. L'Empire ottoman avait ainsi pour objectif de ravitailler les forteresses côtières encore en sa possession et de transporter des troupes. Les insurgés de leur côté essayaient de maintenir le blocus de ces forteresses et d'empêcher la reconquête des régions et îles en leur pouvoir. Leur opérations de course et de pillage des côtes de l'Asie mineure jouèrent aussi un rôle en paralysant le commerce et les communications ottomanes et en provoquant des troubles dans l'Empire. En raison de la dissymétrie des flottes en présence, il y peu de réelles batailles navales, l'accent étant mis chez les Grecs sur l'utilisation de brûlots ; aucune des deux flottes ne réussit à prendre un avantage décisif, la flotte ottomano-égyptienne étant finalement détruite par une escadre anglo-franco-russe au cours de la bataille de Navarin en 1827.

Sommaire

Contexte

La mer Égée, théâtre d'une grande partie des combats
Article connexe : Grèce ottomane.

Flottes

Les Grecs utilisèrent leurs navires marchands comme navires de guerre, les principales flottes provenant de trois îles : Hydra, Spetses et Psara. L'organisation restait pensée comme une entreprise commerciale, les marins étant payés d'avance pour une campagne généralement prévue pour un mois, les gains éventuels étant divisés selon les mêmes règles que lors d'un voyage commercial. L'autorité des « amiraux », désignés à chaque campagne, était très relative et reposait surtout sur leur influence personnelle, le commandant élu pour diriger la flotte combinée (généralement un Hydriote) n'étant qu'un primus inter pares, chaque contingent insulaire conservant son propre « amiral »[N 1] et chaque propriétaire de navire gardant sa liberté d'action.

La flotte ottomane avait été reconstituée au cours du règne de Sélim III après sa destruction à Tchesmé en 1770. En 1820, elle était vieillissante. Elle comprenait alors environ 60 navires, dont 20 vaisseaux de ligne, 20 frégates et 20 corvettes[1]. Sa principale faiblesse était le manque de formation et d'expérience des officiers et surtout des matelots et des artilleurs, qui étaient embauchés tous les ans pour la campagne maritime (environ 6 mois) et licenciés ensuite. les artilleurs manquaient aussi d'expérience. La flotte proprement ottomane pouvait cependant s'appuyer sur des contingents provenant des Régences, habitués à la course, et sur les navires de la flotte égyptienne que Méhémet Ali mettait alors sur pied.

1821

Insurrection

Les premiers mouvements insurrectionnels se produisirent dans le Péloponnèse à partir du 27 mars (prise de Kalamata le 4 avril). La première île à rejoindre la révolte fut Spetses, les 14 et 15 avril[2], suivie une semaine plus tard de Psara, le 22 avril, jour de Pâques[3]. La situation resta plus longtemps ambiguë à Hydra, dont les primats n'étaient au départ pas favorables au déclenchement de la révolution, au contraire de la population. Sous la direction d'un capitaine, Économou, une insurrection populaire força finalement les autorités d'Hydra à se déclarer en faveur de l'indépendance le 28 avril[4].

Dès le début de l'insurrection, plusieurs flottilles de Spetses allèrent bloquer les ports du Péloponnèse : huit navires à Nauplie[5], une douzaine à Monemvasia et d'autres à Navarin.

Après le ralliement d'Hydra, une première expédition conjointe rassemblant des navires des trois principales îles fut mise sur pied début mai. L'objectif avait d'abord été la côte d'Épire, où une division de la flotte ottomane était stationnée depuis la révolte d'Ali Pacha en 1820. Finalement, sur l'avis de Neophytos Vamvas, un homme de lettres sciote, on décida d'envoyer la flotte vers la riche île de Chios afin de la gagner à la cause de la révolution. La flottille, dirigée par Tombazis et comprenant onze navires hydriotes et sept spetsiotes, appareilla le 3 mai. Elle fit escale à Tinos, alors la plus riche des Cyclades, où se posa pour la première fois le problème de l'attitude à adopter vis-à-vis des navires « neutres », naviguant sous pavillon européen mais convoyant des marchandises ou des passagers turcs. Les équipages apprirent dans l'île l'exécution du patriarche Grégoire V, qui avait eu lieu le 22 avril. La flotte gagna ensuite Psara où elle fut renforcée le 6 mai par un contingent de cette île. La tentative de soulever Chios s'avéra finalement un échec. Tombazis regagna donc Hydra le 21 mai, après avoir envoyé des navires croiser dans l'ensemble de l'Égée et jusqu'à Chypre.

Bien que son objectif principal n'ait pas été atteint, cette première sortie permit de propager la révolution dans l'ensemble des îles égéennes et d'interrompre le commerce et les communications maritimes ottomanes, les navires grecs capturant à l'occasion un important butin. Par ailleurs, le massacre systématique des prisonniers musulmans annonçait le caractère de guerre d'extermination du conflit[6].

Expédition dans le golfe de Corinthe

Les primats d'Hydra ayant repris le pouvoir après la chute d'Économou le 23 mai[7], une expédition conjointe d'Hydra et Spetsès fut organisée en direction des côtes occidentales de la Grèce (Péloponnèse, îles Ioniennes et Épire). 6 navires appareillèrent le 18 mai de Spetsès[N 2], et 6 autres d'Hydra[N 3] les 23 ou 24[8],[N 4] ; les deux escadres firent leur jonction à Navarin où ils laissèrent deux navires pour en poursuivre le blocus et arrivèrent en vue de Patras le 1er juin, rejoints à l'entrée du golfe de Patras par des navires de Galaxidi et un navire de Céphalonie (pourtant théoriquement neutre car dépendant de la République des îles Ioniennes sous protectorat britannique, plutôt turcophile). La flottille turque de 5 ou 6 navires stationnée devant la ville se réfugia dans le golfe de Corinthe, à Lépante, tandis que le gouverneur de Patras, Youssouf, détruisait les restes encore debout de la ville et se réfugiait dans la forteresse.

Poursuivant les navires ennemis, les Grecs franchirent les petites Dardanelles le 2 juin, sous le feu des forts de Rion et Antirion[9], et entreprirent le blocus de Lépante, assiégée par terre par des troupes rouméliotes. La présence de la flotte entraina les villes de Missolonghi et Anatoliko à la révolte les 6 et 7 juin, suivies de l'ensemble de l'Étolie-Acarnanie. Après l'échec d'un brûlot le 22 juin[10], les Grecs débarquèrent des canons pour établir une batterie, mais celle-ci fut prise par les Turcs lors d'une sortie de la garnison. Finalement, les Grecs à cours de vivres et ayant atteint la période d'un mois pour laquelle les équipages avaient été payés, les deux escadres quittèrent le golfe de Corinthe les 26 et 27 juin pour rejoindre leurs bases, permettant aux Ottomans de reprendre leurs communications maritimes et de ravitailler Patras[9],[11]. Selon Orlandos, seul serait resté le navire Agamemnon de Bouboulina, commandé par ses demi-frères et un de ses fils, accompagné des navires galaxidiotes et du navire de Céphalonie ; cette flottille se retira à Galaxidi lorsque l'escadre ottomane de Mourtos (en Épire) pénétra à son tour dans le golfe de Corinthe le 29 juin, permettant aux navires bloqués à Lépante d'aller se ravitailler à Zante sous la protection de navires anglais[N 5][12].

Sortie de la flotte ottomane, premiers affrontements

carte des environs de Lesbos

Une première division de la flotte ottomane, constituée d'un vaisseau de ligne, de trois frégates, d'une corvette et de deux bricks, appareilla de Cosntantinople le 19 mai sous le commandement du reala bey[N 6]. Elle ne sortit des Dardanelles qu'au bout de deux semaines, et mouilla près des îles Moschonissia, près de Lesbos, en face d'Ayvalık ; son but semblait être la reprise de l'île de Samos[13].

L'incendie du navire ottoman à Eressos, par Constantinos Volanakis.

La flotte grecque combinée appareilla le 30 mai pour surveiller ses mouvements ; elle se composait de 22 navires d'Hydra, sept[N 7] de Spetses et neuf de Psara, à nouveau sous le commandement de Tombazis. Le 5 juin, les navires grecs rencontrèrent à l'ouest de Lesbos un navire de ligne à deux ponts de 74 canons, en route pour renforcer l'escadre ottomane ; en apercevant les navires ennemis, il chercha à se réfugier dans la baie bien protégée de Sigri, sur la côte ouest de Lesbos, mais en fut empêché par les Grecs et jeta l'ancre un peu plus loin, à Skala Eressou, où il embarqua des renforts. Les navires grecs essayèrent d'abord de le canonner, sans succès ; alors que les capitaines réunis discutaient d'un abordage, l'un d'eux proposa d'utiliser un brûlot, solution qui fut adoptée. Un vieux navire fut alors reconverti dans ce but, et une gratification offerte aux volontaires pour le manœuvrer. La première tentative fut un échec, la mise à feu ayant été trop précoce. Après deux jours d'absence de vent, le 8 mai, une nouvelle tentative effectuée avec cette fois deux navires réussit complètement à détruire le navire ottoman et son équipage de 500 à 600 hommes, les fuyards étant massacrés. Informée de la nouvelle par le pacha de Lesbos, l'escadre ottomane retourna précipitamment vers les Dardanelles pour se mettre à l'abri[14].

Provisoirement maîtres des mers, les Grecs, après avoir projeté d'attaquer Lesbos ou Smyrne, décidèrent finalement de se diriger vers la riche ville d'Aïvali, située sur la côte d'Asie mineure en face de Lesbos et alors entièrement peuplée de Grecs, célèbre pour son collège[14]. Les habitants, peu enclins à rejoindre les insurgés, avaient commencé à quitter la ville, se réfugiant sur les îles Moschonissia. Les navires apparurent sur la côte le 13 juin, en même temps qu'une troupe de 600 soldats envoyés par le pacha de Bursa entrait dans la cité ; des incidents ayant éclaté entre la population et les soldats, le commandant dut évacuer la ville et demander des renforts avant de réoccuper les principaux quartiers le jour suivant, avec 2000 hommes. Les habitants ayant au départ décliné les ouvertures faites par la flotte grecque, celle-ci était sur le point d'appareiller lorsque les réfugiés demandèrent à être embarqués. Pour faciliter l'opération, il fut décidé de débarquer une partie des équipages afin de chasser les Turcs, et d'attaquer la ville. Le 15 vers 10H, des canots commencèrent ainsi à bombarder les positions turques retranchées dans les maisons du bord de mer. Les habitants de la ville, qui n'avaient pas pris part aux premiers combats, finirent par ouvrir le feu depuis leurs maisons sur les Turcs en comprenant que leur ville était de toute façon promise à la destruction. Les insulaires ayant débarqué, les combats durèrent jusqu'à 17H, faisant peut-être 500 morts chez les Ottomans et 200 chez les habitants. Les Turcs furent finalement chassés mais la ville, ravagée par un incendie, était entièrement détruite. Trois heures plus tard, l'évacuation était achevée. Le 16, la flotte surchargée de réfugiés se dirigea vers Psara pour les déposer, avant de revenir croiser dans les parages des Dardanelles. Finalement les trois escadres se séparèrent et Tombazis regagna Hydra avec son contingent le 25 juin[15].


2ème sortie ottomane

Carte de Samos et de la côte anatolienne

La flotte ottomane effectua une nouvelle sortie le 14 juillet, cette fois avec des moyens plus importants : 4 vaisseaux de ligne dont un trois-ponts, 5 frégates et plus de 20 navires plus légers, commandés par le Capitana bey[N 8] Kara Ali. La flotte se dirigea vers le sud et stationna le 17 à Kusadasi, où des troupes avaient été rassemblées en vue d'attaquer Samos. Cependant, cette armée s'était dispersée suite à des troubles dans la ville et l'embarquement fut impossible. Ali rassembla cependant des troupes et proposa une reddition aux Samiotes, les assurant que les autres îles s'étaient déjà rendues : les insulaires demandèrent 3 jours de réflexion afin de gagner du temps. Le lendemain, la glotte ottomane s'approcha de Samos et tenta un débarquement de 1000 hommes sur des canots, qui furent repoussés à terre et battirent en retraite, perdant 200 hommes. Alors qu'un nouvel assaut était préparé, l'arrivée de la flotte grecque arrivant par le nord provoqua la fuite de la flotte ottomane vers le sud. Les Grecs ayant rassemblé à Psara 90 navires, la plus grosse flotte qu'ils aient constituée au cours de la guerre. Étant passé devant Chios le 19 juillet, ils interceptèrent le 21 dix navires de transport de troupes qui tentaient de rejoindre la flotet ottomane depuis la côte ; ayant regagné la côté, ces navires turcs abandonnés par leurs équipages furent brûlés par les Grecs. Cette intervention mit provisoirement Samos à l'abri d'une invasion, les troupes terrestres refusant de réembarquer[16].

Pousuivant la flotte ttomane, les Grecs la rejoignirent le 24 près de Kos. Quatre brûlots furent lancés sans succès, l'un d'entre eux étant même capturé par des canots turcs. La flotte grecque retourna à Samos où elle débarqua des munitions, tandis que la flotte ottomane se rendait à Rhodes où elel fut renforcée par une escadre égyptienne commandée par Ismael Gibraltar, forte d'une frégate et de 13 petits navires et ayant à son bord plusieurs centaines de mercenaires albanais.

Un engagement indécis eut lieu le 10 aout près de Patmos, au cours duquel la flotte grecque fut mise en difficulté. Les deux flottes se contentèrent ensuite de se surveiller mutuellement ; finalement, les équipages grecs insistèrent pour regagner leurs ports d'attache, la période d'un mois pour laquelle ils avaient été payés étant écoulée, et la flotte se sépara alors fin août.

Le 3 septembre, un navire envoyé en éclaireur revint à Hydra avec la nouvelle que la flotte ottomane se dirigeait vers la Crète. En réalité, Kara Ali se dirigea vers les côtes du Péloponnèse dès que la voie fut libre, et mouilla le 7 septembre à Coron (alors assiégée par les Grecs), qu'il ravitailla ainsi que la forteresse proche de Modon ; la forteresse de Navarin était elle tombée quelques semaines auparavant. Une escadre turque se dirigea alors vers Kalamata, évacuée par ses habitants ; Baleste, un officier franco-grec au service d'Ypsilantis, était en train d'y former un embryon d'armée régulière et il se retrancha sur la plage avec sa petite troupe ainsi que 300 maniotes commandés par Mourtzinos[N 9]. Les Ottomans renoncèrent alors à débarquer, et après une semaine se dirigèrent vers Zante pour s'y ravitailler.

Ayant envoyé un de ses amiraux chercher la flottille ottomane d'Épire à Igoumenitsa, Kara Ali se dirigea vers Patras où il mouilla le 18 septembre. La situation du gouverneur ottoman de Patras, Youssouf, était alors très difficile : la garnison était proche de la mutinerie, les provisions s'épuisaient suite à la reprise du blocus maritime fin août et à la poursuite du blocus par la terre. Grâce aux renforts de leur flotte, les Ottomans firent une sortie le 21, dispersèrent les Grecs et capturèrent leur artillerie[17]. Une escadre ottomane, presque entièrement composée de navires égyptiens et algériens et forte d'une frégate et une trentaine de bricks, fut ensuite envoyée dans le golfe de Corinthe sous les ordres du commandant du contingent égyptien, Ismael Gibraltar, et de Youssouf Pacha. Après un raid sur Vostitsa, ils arrivèrent devant Galaxidi qu'il commencèrent à bombarder le 1er octobre. Les habitants s'étaient préparés à une attaque, fermant l'entrée du port avec leurs navires et établissant une batterie sur un îlot ; le lendemain, les Ottomans remportèrent cependant une victoire complète, capturant la flotte et s'emparant de la ville après un débarquement réussi des Algériens. Ils emmenèrent ainsi 34 navires à Patras, brûlant les autres et détruisant la ville.

L'hiver approchant, Kara Ali prit le chemin du retour vers Constantinople ; arrivé à Zante le 6 octobre, il y fut retenu par des vents contraires et l'arrivée de la flotte grecque. Suite à des dissensions entre les primats d'Hydra et de Spetsès, les navires de ces îles étaient restés inactifs au cours de septembre, mais devant la situation et les remontrances d'Ypsilantis, ils envoyèrent finalement une trentaine de navires[18]. Le 12, un brick algérien attaqué par 18 Grecs fut forcé de s'échouer sur la côte de Zante. L'équipage fut attaqué par des habitants de l'île, enfreignant ainsi la neutralité des îles Ioniennes ; des échauffourées se produisirent alors entre la population et les autorités anglaises, faisant plusieurs morts dont un soldat anglais. La loi martiale fut alors décrétée sur l'île et plusieurs Zantiotes pendus. Quelques engagements indécis eurent lieu entre les deux flottes, l'amiral ottoman n'osant pas engager ses navires malgré sa forte supériorité, et les Grecs étant de force insuffisante, et hormis la capture d'un brick spetsiote à l'ancre par des Algériens, aucune confrontation majeure n'eut lieu. Quittant Zante le 15 octobre, la flotte ottomane put ainsi regagner l'Hellespont sans être inquiétée, s'arrêtant au passage pour piller l'île inoffensive de Samothrace. Entrant dans le port de Constantinople le 24 novembre, Kara Ali put mettre en scène un retour victorieux, ayant fait pendre aux vergues des navires capturés des prisonniers grecs ; pour ses succès (qualifiés ironiquement par Gordon d'« exploits très modérés »), il fut alors promu au poste de Kapudan Pacha, le plus élevé de la marine ottomane.

1822

Sortie de la flotte légère ottomane

Contrairement à leur habitude de ne pas naviguer en hiver, les Ottomans envoyèrent dès le début de l'année une première division navale légère dans l'Égée, la flotte principale devant suivre au printemps. Commandée par le nouveau Kapudana Bey, elle était composée de 3 frégates, 14 corvettes, 18 bricks et schooners et comprenait les escadres algérienne, tripolitaine (7 navires chacune), tunisienne (5 navires) et égyptienne (commandée par Ismael Gibraltar). Elle accompagnait des navires de transport convoyant 3 à 4000 soldats, commandés par Kara Mehemet Pacha[19].

L'escadre se dirigea d'abord vers Hydra, qu'une conspiration devait faire tomber entre ses mains ; celle-ci ayant été déjouée, l'amiral turc quitta les parages de l'île après quelques jours et se dirigea vers le Péloponnèse. Il projeta alors avec le gouverneur de Modon une attaque sur la citadelle peu gardée de Navarin : le 11 février, Ismael Gibraltar entra dans la baie avec 3 navires tandis que la garnison de Modon attaquait par la terre. Navarin fut sauvé par l'intervention de 42 Philhellènes commandés par Normann, qui ouvrirent le feu avec l'artillerie de la forteresse[20].

Andreas Miaoulis

Les Ottomans continuèrent donc leur progression vers le nord, mais furent bloqués du 14 au 25 février à Zante par des vents contraires. Arrivés à Patras, ils y débarquèrent les troupes embarquées et une vingtaine de canons de campagne. La flotte grecque arriva début mars à l'entrée du golfe de Patras, forte de 60 navires commandés par Andréas Mioulis, et ayant à son bord l'ancien patriarche d'Alexandrie. Les deux flottes s'affrontèrent à distance le 4 mars, sans résultats, et furent séparées par une tempête. La flotte ottomane en désordre entra dans la rade de Zante après la tombée du jour, et deux de ses navires s'échouèrent sur le rivage ; des navires anglais et autrichiens, craignant une collision, ouvrirent le feu sur le Ottomans, qui menacèrent en représailles de bombarder la ville. Finalement, le Kapudana Bey put bénéficier de la politique turcophile des autorités britannique et fut autorisé à rester jusqu'au 6 mars, ses navires étant remis à flot. Feignant ensuite de se diriger vers Patras, il changea de cap au cours de la nuit et gagna Alexandrie, réussissant ainsi à échapper aux Grecs mais perdant une frégate au cours d'une tempête[21].

Les Insulaires tentèrent alors le 9 mars d'attaquer les navires de transport restés à Patras, mais ceux-ci se réfugièrent dans le golfe de Corinthe, sauf deux navires attardés qui subirent un bombardement intense mais inefficace. Les navires grecs regagnèrent alors leurs bases, sauf 5 navires d'Hydra qui restèrent avec Miaoulis pour essayer d'attaquer la flottille ottomane d'Épire stationnée à Mourtos, forte d'une frégate, une corvette et 4 bricks. Les Grecs embarquèrent une troupe de Souliotes qui devaient ouvrir le feu sur les navires ennemis depuis une hauteur à terre, prenant les navires ottomans entre deux feux. Selon Gordon, cette tentative aurait probablement réussi sans l'intervention des autorités britanniques qui interdirent aux Grecs l'entrée du canal de Corfou ; Miaoulis ayant envoyé un navire demander des explications à Corfou (la neutralité impliquant d'interdire aussi la navigation aux Turcs si elle l'était aux Grecs), celui-ci fut même saisi sous prétexte des déprédations commises par les Grecs à Leucade[N 10],[22].


Destruction de Chios

Article connexe : Massacre de Chios.

Après le passage de la flotte grecque en mai 1821, qui n'avait pas amené à un soulèvement des habitants de Chios, le gouvernement ottoman avait envoyé des troupes sur l'île et des otages avaient été pris parmi les notables afin de garantir la loyauté de la population. Le 22 mars 1822, une force de Samiens dirigée par un exilé sciote, Bournias, et le chef de l'insurrection à Samos, Logothétis, débarqua à Chios et mit le siège à la forteresse où s'étaient réfugiés les Musulmans. La flotte ottomane qui achevait ses préparatifs reçut l'ordre de réduire l'insurrection et de faire un exemple. Le Kapudan Pacha Kara Ali arriva ainsi en vue de l'île le 11 avril avec 6 navires de ligne, 10 frégates et une douzaine de navires plus petits, chassant l'escadre de blocus d'une vingtaine de navires grecs. Après un débarquement combiné avec une sortie de la garnison assiégée, les Ottomans prirent rapidement le contrôle de l'île, dont une grande partie fut pillée, la population étant massacrée ou réduite en esclavage (le sud de l'île, produisant le précieux mastic, étant cependant préservé).

Le navire amiral turc attaqué par le brûlot de Kanaris. Tableau de Nikephoros Lytras.

Les Hydriotes et les Spetsiotes appareillèrent le 5 mai et rejoignirent les Psariotes à Psara le 10 mai ; le commandement (relatif[N 11]) avait cette fois été attribué à Andréas Miaoulis, en remplacement de Tombazis dont le comportement avait déplu à ses compatriotes ; des philhellènes accompagnaient les Grecs, dont Hastings. Le soir du 31, la flotte grecque entra au nord du détroit séparant Chios de la côte d'Asie mineure ; une action indécise eut alors lieu, renouvelée le jour suivant ; finalement les Grecs se replièrent sur Psara. Ayant reçut des renforts de Constantinople, la flotte ottomane était alors forte le 16 juin de 38 navires, et attendait l'arrivée d'une escadre égyptienne occupée à convoyer des troupes en Crète. Le soir du 18, veille de la fin du ramadan, les Grecs profitèrent des festivités pour envoyer deux brûlots vers la flotte ottomane. L'un d'eux, commandé par Kanaris, réussit à incendier le navire amiral. Le second, commandé par G. Pipinis, aborda le navire du reala bey : l'incendie put être maîtrisé, mais les dégâts rendirent le navire inutilisable ; le brûlot dérivant causa d'autres dégâts à un deux-ponts, avant de s'échouer sur la rive. Sur le navire-amiral, l'incendie finit par provoquer l'explosion de la réserve de poudre ; l'amiral Kara Ali, blessé à la tête par un espar, mourut en arrivant sur la côte de Chios. Ce succès provoqua la fuite de la flotte ottomane, à la fois en direction de Ténédos et de Lesbos. Le 27, une ataque de brûlots à Lesbos échoua. Après avoir échangé des tirs avec la forteresse de Chios, la flotte grecque se retira à Psara jusqu'au 5 juillet, avant de se diriger vers Ténédos à la poursuite de la flotte ottomane, qui s'était entretemps cependnt réfugiée dans l'Hellespont. Après l'échec de quelques actions mineures, les Grecs regagnèrent leurs bases vers le 20 juillet.

Le poste de Kapudan Pacha fut attribué au commandant des troupes débarquées à Patras, Kara Mehemet. La flotte appareilla le 12 juillet pour aller chercher celui-ci, avec 54 navires dont 4 deux-ponts. Elle rejoignit à Chios l'escadre de 42 navires commandée par le Kapudana Bey, qui revenait d'Égypte et avait au passage débarqué des troupes en Crète, et se dirigea alors vers Patras. Elle fut annoncée au large d'Hydra le 28 juillet[22], au moment où l'armée ottomane de Dramali Pacha envahissait l'Argolide. Cependant, elle continua vers Patras sans s'arrêter pour ravitailler Nauplie assiégée ni coopérer avec l'armée de terre, ce qui fut une cause du désastre des Dervénakia en août.

Bataille de Spetsès

Le golfe argolique et ses îles

Kara Mehemet prit le commandement de la flotte ottomane à Patras début août. Lui et son collègue Youssouf consacrèrent plusieurs semaines à des manœuvres spéculatives, vendant à prix d'or des provisions aux rescapés de l'armée de Dramali et autorisant contre rémunération l'exportation du raisin de Corinthe depuis le Péloponnèse.

Le siège de Nauplie se prolongeant, il devint urgent de la secourir, et la flotte leva l'ancre le 8 septembre, contournant le Péloponnèse jusqu'au cap Malée où elle fut bloquée par des vents contraires. Pour la contrer, les Grecs avaient rassemblé une flotte d'une soixantaine de navires des trois îles nautiques, commandée par Miaoulis ; la population de Spetsès avait été évacuée vers Hydra et la ville occupée par 300 soldats de Panos Kolokotronis. La population d'Hydra et de la côte adjacente fut mobilisée.

Le matin du 20, la flotte ottomane de 84 navires apparut venant du sud-ouest et se dirigeant vers les îles, où elle arriva le lendemain matin entre Spetses et Hydra. La flotte grecque se répartit en deux divisions, l'une occupant le détroit entre l'île et la côte, l'autre établie devant la côte sud d'Hydra, essayant d'amener la flotte ottomane à s'engager dans le détroit entre Kastri et l'îlot de Dokos. Une canonnade à distance de 6 heures ne produisit pas de résultats, et la faiblesse du vent empêcha d'utiliser efficacement les brulots. Au cours des combats, un brick algérien aborda par erreur un brûlot hydriote[N 12] auquel le capitaine eut le temps de mettre le feu, endommageant le navire ennemi dont une partie de l'équipage périt en le décrochant. Un deux-ponts turc s'échoua par ailleurs sur des récifs au sud d'Hydra, mais put être remis à flot en se délestant de ses canons. Selon l'historien local spetsiote Orlandos, le retrait de la flotte ottomane aurait été dû à l'action du brûlotier Kosmas Barbatsis, qui en dirigeant résolument son navire en direction de celui de l'amiral ottoman, aurait provoqué sa fuite, entrainant avec lui le reste de la flotte.

Rien ne se produisit le lendemain, et le 23 la flotte ottomane s'approcha à nouveau de Spetsès sans attaquer. Finalement le 24 la flotte ottomane s'engagea dans le golfe argolique vers Nauplie, suivie de la flotte grecque. Arrivé en vue de Nauplie le lendemain, Kara Mehemet, craignant les brulots, n'osa pas cependant s'approcher davantage et n'envoya vers la ville qu'un navire de commerce autrichien chargé de vivres, qui fut facilement capturé. Sans faire d'autre tentative, l'amiral ottoman ne chercha ensuite qu'à quitter sans dommages le golfe argolique, et y réussit le 26 après une nouvelle canonnade à distance avec les Grecs, puis disparut le 27 en direction de Souda en Crète.

Ce succès inespéré des Grecs s'étant déroulé au moment de la fête de la nativité de la Vierge (8 septembre julien), une église lui fut dédiée en remerciement de son action supposée. Ces évènements sont actuellement commémorés à Spetsès par des festivités annuelles aux alentours du 8 septembre, comprenant une reconstitution des combats et culminant par la mise à feu du navire-amiral ottoman (un épisode basé sur des récits embellis et exagérés des combats, qui n'est pas mentionné par les sources historiques).

Opérations dans les Cyclades, épisode de Ténédos

Après s'être ravitaillé en Crète, Kara Méhémet se dirigea vers les Cyclades où il apparut le 20 octobre, probablement afin de pouvoir se prévaloir de la soumission de quelques petites îles avant son retour à Constantinople. Cependant seule Syros (qui ne s'était pas révoltée) lui envoya une délégation. La flotte se déplaça ensuite vers Mykonos, dont la population s'était réfugiée à Tinos ; un débarquement de 100 Algériens cherchant à s'emparer de troupeaux y fut repoussé par 400 hommes restés sur l'île. La population de Tinos se prépara à une défense désespérée, mais la flotte ottomane se dirigea sans attaquer vers Ténédos afin d'y attendre des ordres.

Une tempête dispersa alors les navires au mouillage. Peu après, le soir du 10 novembre, deux brûlots commandés par Kanaris et un Hydriote attaquèrent par surprise le navire-amiral et un autre navire de ligne. Arborant le pavillon ottoman, ils avaient feint d'être pris en chasse par deux navires grecs afin de pouvoir s'approcher de la flotte ottomane. Le navire-amiral réussit à détacher le brûlot hydriote et à éviter la destruction. L'autre deux-ponts prit feu et explosa au bout d'un demi-heure avec ses 1600 hommes d'équipage ; Kanaris, s'apercevant depuis son canot que son brûlot ne s'était pas enflammé correctement, était retourné sur le navire compléter la manœuvre.

La flotte ottomane se réfugia en désordre dans les Dardanelles, perdant en outre au moins deux corvettes abandonnées suite à la tempête. Cette retraite, laissant le champ libre aux Grecs, provoqua une recrudescence de leurs attaques sur les côtes d'Asie Mineure et du Proche-Orient, les Psariotes coopérant avec le pacha d'Acre alors révolté.

1823

Campagne estivale des Ottomans

Kara Mehemet fur remplacé au poste de Kapudan Pacha par Husrev, un politicien réformiste qui l'avait déjà occupé de 1811 à 1818. Considérant que les échecs subis lors des précédentes campagnes étaient dus à l'utilisation de vaisseaux de ligne peu manœuvrables, il fut décidé ne n'envoyer en mer que des navires pas plus gros que des frégates. La flotte quitta Constatinople le 1er mai, et après avoir envoyé le contigent algréein en avant-garde, quitta l'Hellespont le 23, forte de 15 frégates, 13 corvettes, 12 bricks et 40 navires de transport convoyant 10000 soldats. Les Grecs pensant que Psara ou Samos serait le but de l'expédition, envoyèrent une escadre aider à la défense de ces îles, mais Husrev se dirigea vers l'Eubée sans être inquiété. Le 4 juin, il leva le blocus de Carystos et envoya des navires ravitailler Chalcis, puis arriva le 9 en vue d'Hydra, devant laquelle les Grecs navires grecs se rangèrent en ordre de bataille. Ne cherchant ps à engager le combat, Husrev poursuivit sa route le long des côtes du Péloponnèse, levant les blocus de Coron et Modon et envoyant une escadre avec des renforts à La Canée en Crète, et arrivant enfin le 20 à Patras, avec 46 navires de guerre et des transports.

Le séjour de Husrev à Patras n'eut pas de résultat positif pour les Turcs. Le blocus de Missolonghi s'avéra inefficace, une expédition de secours vers Corinthe échoua et l'armée ottomane qui devait venir d'Épire se dispersa suite à des rivalités entre généraux. Le 27 août, la flotte prit le chemin du retour, laissant à Patras 15 navires de guerre dont 3 frégates. Passant devant Milos puis Andros, il reçut leur soumission formelle mais fut accueilli à coup de fusil à Tinos, où s'étaient réfugiés les habitants de Mykonos et Syros. Refusant de punir les insulaires pour leur insoumission, contre l'avis de ses capitaines, il se dirigea ensuite vers Chios où il arriva le 10 septembre, puis Lesbos, où il resta 10 jours avant de se diriger vers l'ouest.

Pillages psariotes et samiens en Asie mineure

Au cours de l'année, les insurgés de Psara et Samos conduisirent de nombreuses actions de harcèlement et de pillage sur les côtes et les îles d'Asie mineure, traitant en ennemis les régions obéissant aux Ottomans, pourtant parfois peuplées de Grecs. La possibilité d'obtenir une rançon pour les prisonniers permit dans ces régions de diminuer la cruauté des combats, les captifs n'étant pas exécutés comme c'était généralement le cas. Ces attaques poussèrent les autorités ottomane de Lesbos, qui avaient désarmé la population grecque, à autoriser les habitants à porter des armes pour se défendre de leurs coreligionnaires.

En février, les Psariotes pillèrent ansi Plomari, le plus grand village de Lesbos, puis Lemnos en avril. Ils capturèrent aussi de nombreux navires de commerce turcs aux cours de différentes opérations sur les côtes de Ténédos, Thasos, et d'autres localités.

La sortie de la flotte ottomane en mai les força à suspendre leurs opérations, mais dès son départ, les Psariotes recommencèrent leurs attaques, détruisant Chandarli, saccageant les iles Mosconissia et capturant plusieurs navires de commerce turcs sur les côtes de Lesbos. Dans le même temps les Samiens firent une descente sur les côtes ioniennes, brûlant Ipsili et pillant la région. Ces évènements provoquèrent des troubles et des attaques de représailles contre la population grecque d'Asie mineure, des mouvements similaires étant réprimés par les autorités ottomanes dans les autres districts. En août, les Psariotes pillèrent Imbros et le territoire de Pergame, brûlant un village.

Au début de l'automne, les opérations cessèrent à nouveau suite à une mésentente entre Psara et Samos ; les Psariotes voulaient en effet imposer un gouverneur psariote à Samos, contre l'avis des dirigeants samiens. Les navires de Psara ayant mené un blocus de Samos pendant plusieurs semaine, l'île finit par se soumettre et par accepter le gouverneur. Les expéditions reprirent alors à partir du 20 novembre (capture de plusieurs centaines de chevaux à Söke) ; suite à l'attaque de plusieurs navires près de Clazomènes, les consuls européens durent adresser une lettre aux éphores de Psara pour leur demander de respecter le golfe de Smyrne, alors le plus grand port commercial de la région.


Difficultés de la flotte grecque

Les Ottomans avaient été laissés libres de leurs mouvements aux cours de l'été : les flottes d'Hydra et Spetsès étaient restées inactives après leur sortie fin mai, à cause de problèmes financiers et de dissensions internes. A la différence de Psara, elles ne pouvaient tirer de revenus suffisants du pillage, et la désorganisation de l'embryon d'État grec ne permettait pas de dégager un budget alloué à la flotte : les revenus du Péloponnèse étaient accaparés par les chefs militaires ou civils locaux, et les îles des Cyclades sur lesquelles s'étendait l'autorité des insulaires[N 13] étaient trop pauvres pour subvenir seules aux besoins de la flotte. Des troubles s'étaient produits à Hydra en juillet, les marins révoltés maltraitant les magistrats de l'île. Finalement, les représentants des trois îles se réunirent à Dokos pour décider d'une action commune contre la flotte ottomane à son retour ; le gouvernement augmenta les taxes sur le commerce afin de les aider financièrement, et une flotte de 40 navires et 6 brulots, sous le commandement de Miaoulis, put être réunie à Psara au moment où Husrev séjournait à Lesbos.

Combat du 27 septembre

Lorsque la flotte ottomane quitta Lesbos le 20 septembre, elle fut ainsi suivie par les Grecs[N 14], mais ceux-ci furent dispersés par une tempête la nuit du 26 entre Lemnos et le mont Athos. Le lendemain, avant qu'ils aient pu se rassembler, le petit groupe de navires autour de Mioulis fut attaqué par 33 navires ottomans. Le manque de vent empêcha un engagement général, mais pendant plusieurs heures les 4 navires de Mioulis affrontèrent 4 frégates 2 corvettes et un brick, et subirent d'importants dégâts ; le navire de Skourtis échappa de peu à la destruction, grâce à l'intervention d'un brûlot qui effraya les Ottomans mais se consuma sans faire de dommage. Encerclés au cours de l'après-midi, les navires grecs purent finalement s'échapper et rejoindre un autre groupe de leur flotte, qui se rallia ensuite à Lemnos. Le lendemains, les Grecs se dirigèrent vers Agios Efstratios sans trouver trace de l'ennemi, puis croisèrent vers ls côtes de Lesbos et Chios à sa recherche, en vain. Sans nouvelles de la flotte ottomane, ils se replièrent sur Psara pour s'y ravitailler[23] avant de se diriger vers l'ouest.

Thessalie

Après le combat du 27 septembre, Husrev était retourné à Lesbos mais avait ensuite traversé directement l'Égée et était arrivé dans le golfe de Volo. Depuis la défaite des Thessaliens et des habitants du mont Pélion précédemment au cours de la guerre, la ville de Tríkeri était assiégée, abritant 40000 réfugiés. La situation étant désespérée, l'arrivée de la flotte ottomane poussa les insurgés à capituler, une amnistie leur étant promise ; ils furent cependant maltraités, et une partie massacrée.

Husrev se dirigea ensuite vers Skiathos, ayant reçut des nouvelles que la population de l'île était prête à se soumettre, épuisée par les déprédations de deux armatoles du mont Olympe, Diamantis et Karatassos, qui s'y étaient réfugiés. Le 23 octobre, un débarquement de 700 soldats ottomans échoua à cause du mauvais temps, de la résistance des Olympiens ou des deux causes réunies. La flotte grecque étant apparue le même jour, une action indécise eut lieu à l'entrée du golfe maliaque, près de l'îlot de Pondikonissi. Selon Gordon, bien que les Grecs aient revendiqué la victoire l'avantage fut plutôt du côté ottoman, les premiers étant obligés d'incendier deux brulots pour éviter qu'ils soient capturés. Les deux flottes furent finalement séparées par une tempête : les Ottomans se replièrent ensuite sur les Dardanelles, les Grecs allant à Skiathos réparer leurs avaries[24].

Le 30, la flotte se dirigea vers Trikéri, mais la ville étant déjà tombée quelques navires furent laissés pour en faire le blocus. Les Grec eurent la chance de rencontrer une flottille ottomane basée sur la co^te nord de l'Eubée, qui se dirigea vers eux en les confondant avec la flotte turque. S'apercevant de leur erreur, les navires ottomans (une corvette de 3 mâts et 26 canons, 8 bricks et 2 petits batiments) cherchèrent à s'échouer sur le rivage. Mioulis captura la corvette et quatre bricks ; une galiote fut incendiée par son équipage ; quatre bricks, s'étant enfuit à Agia Marina (près de en:Stylida), se préparèrent à résister sur la plage, ce qui dissuader les Grecs d'attaquer : ceux-ci allèrent alors à Syros pour revendre leur prises[25].

Deuxième siège de Missolonghi

Le siège de Missolonghi avait repris à la mi-octobre, la baie étant bloquée par la flottille laissée sous le commandement du commandant turc de Patras, Youssouf. Les commandants ottomans avaient choisi d'attaquer Anatoliko, un village fortifié situé sur un ilot au fond de la baie. Les assiégés demandaient l'envoi d'une flotte de secours, mais la désorganisation des Grecs (à la veille de la première guerre civile) les empêchait d'agir efficacement. Lord Byron ayant offert 4000 livres pour armer une flotte, une escadre hydro-spetsiote fut finalement organisée : les Spetsiotes appareillèrent dans la dernière semaine de novembre avec 5 navires et un brûlot, suivis une semaine plus tard par sept hydriotes et deux brulots, et transportant Mavrocordatos.

Le 10 décembre, les flottilles combinées rencontrèrent près de Zante un navire ottoman transportant la paie de la garnison de Patras, environ 500000 piastres : après un combat naval le navire s'échoua sur la côte d'Ithaque (sous protectorat britannique). En dépit de la neutralité de l'île, les Grecs débarquèrent et eurent le temps d'emporter l'argent transporté avant l'arrivé d'une force armée anglaise. La flottille ottomane, malgré sa force supérieure, n'osa pas affronter les Grecs et se retira à Lépante ; le siège terrestre avait été levé le 30 novembre devant l'approche de l'hiver. Les Hydriotes et les Spetsiotes, arrivés à Missolonghi, commencèrent à se quereller au sujet du partage du butin qui était entièrement tombé aux mains des premiers ; les Hydriotes quittèrent la ville le 25 décembre en emportant l'argent. Byron débarqua à Missolonghi le 5 janvier, après avoir échappé à une frégate turque tandis que le navire qui l'accompagnait était capturé, la flotte ottomane, prévenue du départ des Hydriotes, ayant repris position dans le golfe de Patras. Finalement les Spetsiotes quittèrent Missolonghi le 19 janvier, leur commandant Panayotis Bottasis ayant été nommé dans le nouveau gouvernement.

1824

Article connexe : Ibrahim Pacha.

Dès le printemps 1822, le sultan avait demandé l'aide de son vassal semi-indépendant Méhémet Ali, pacha d'Égypte ; la flotte et l'armée égyptiennes, en cours de modernisation et d'occidentalisation, était ainsi intervenue en Crète et avait contribué à la reprise en main de l'île. En février 1824, devant l'échec des tentatives successives de reconquête du Péloponnèse, le gouvernement ottoman proposa à Méhémet d'attribuer le gouvernement de la Morée à son fils Ibrahim, en échange de son aide militaire.

Les préparatifs égyptiens furent retardés par l'incendie de l'arsenal du Caire le 22 mars ; le délai fut cependant mis à profit par les Égyptiens pour compléter la reconquête de la Crète, en commençant par la réduction de l'île de Kassos, dont les navires harcelaient le commerce et les côtes sous domination musulmane et gênaient les communications avec la Crète. Bien que la seule flotte égyptienne paraissent de taille à affronter les Grecs, elle fut renforcée en mai par l'escadre basée à Patras[26].

Destruction de Kassos

L'île abritait selon les sources 7000 à 12000[26] habitants dont 3000 combattants, et possédait une quinzaine de navires de taille moyenne.

Le 4 mai, une escadre de 2 frégates, 2 corvettes et 5 bricks partit d'Alexandrie pour renforcer la division navale égyptienne basée à Souda sous le commandement d'Ismael Gibraltar. Une flotte de 17 navires se présenta devant Kassos le 2 juin, mais se retira après une canonnade sans effet et des manœuvres avortées de débarquement. Le 19, les Égyptiens revinrent avec cette fois 45 navires et 3 à 4000 soldats, commandés par le gendre de Méhémet Ali, Hussein. Après 2 jours de bombardement, l'armée débarque le 19 au soir, un faux débarquement contre la ville faisant diversion tandis que 1500 mercenaires albanais débarquaient au nord-ouest, guidés par un natif de l'île ayant été acheté. Les Kassiotes étant pris entre deux feux, ils acceptèrent la capitulation proposée, sauf quelques hommes qui choisirent de résister mais furent rapidement battus. Selon Miaoulis (repris par Orlandos) et Gordon, les combats auraient fait environ 500 morts[N 15] parmi les défenseurs de l'île, mais le massacre de la population aurait été évité grâce à l'interposition des mercenaires albanais, chrétiens, qui avaient débarqué les premiers. 2000 femmes et enfants furent cependant réduits en esclavage, et la ville livrée au pillage pendant 24 heures (après ce délai, Hussein aurait fait exécuter des soldats arabes ayant continué leurs exactions). Plusieurs dirigeants grecs furent exécutés, mais Hussein aurait agi de manière à se concilier le peuple, engageant les marins à rejoindre sa flotte en leur payant un mois de solde d'avance, ce que nombre d'entre eux auraient accepté. Laissant un aga comme gouverneur, la flotte égyptiene repartit vers Alexandrie avec un important butin, dont 36 navires capturés, 15 notables et les familles des principaux habitants comme otages[27],[28],[29],[N 16].

Le 21, la nouvelle étant arrivée à Hydra, une flotte fut envoyée au secours de l'île dans l'espoir que les défenseurs se seraient retirés dans les montagnes. Les navires, 13 hydriotes commandés par Sachtouris et 14 spetsiotes, ne levèrent l'ancre que les 29 et 30 juin et arrivèrent à Kassos le 3 juillet. Le gouverneur ottoman s'étant enfui à Karpathos, Sachtouris proposa aux habitants de les transporter dans le Péloponnèse, ce qu'ils refusèrent après un jour de délibérations, ne voulant pas devenir des réfugiés errants comme les habitants de Chios. La flottille grecque fut ensuite dispersée par une tempête entre Karpathos et Nissyros ; recevant des nouvelles inquiétantes de Psara le 6 juillet, Sachtouris reçut le lendemain près de Santorin l'ordre de rentrer au plus vite[30].

Massacre de Psara

Nikolaos Gysis, Après la destruction de Psara
Article connexe : Massacre de Psara.

Du côté ottoman, la flotte avait été rassemblée dès la fin avril dans l'Hellespont ; Husrev avait reçu l'ordre de détruire les îles de Psara et Samos, dont les navires causaient le plus de tort aux côtes et îles sous autorité ottomane, suscitant des troubles dans les régions sensibles à proximité de la capitale. Les préparatifs furent longs : la flotte quitta les Dardanelles début mai, canonna en passant l'île de Skopélos où une tentative de débarquement fut repoussée par Karatassos, se rendit ensuite dans les environs de Thessalonique pour embarquer plusieurs milliers de soldats, et rejoignit ensuite Lesbos où l'attendaient des soldats d'Anatolie. De là, il envoya plusieurs fois des émissaires, dont l'évêque de Lesbos, proposer une amnistie qui fut refusée. Il se dirigea finalment vers Psara le 1er juillet à la tête d'environ 200 voiles dont 82 navires de guerre, transportant 14000 soldats.

Psara abritait alors environ 15000 habitants[N 17], dont 9000 réfugiés d'Ayvali, Chios et Lesbos, dont environ 4000 combattants locaux et 1000 mercenaires de la région de l'Olympe. Ayant eu le temps de se préparer à cette attaque, ils avaient multiplié les batteries côtières et les points de défense, comptant repousser un débarquement sans essayer d'affronter l'ennemi sur mer ; ces dispositions sont généralement considérées comme peu judicieuses, éparpillant les défenseurs et les mettant à la merci du moindre débarquement réussi. Ils avaient de plus neutralisé leurs propres navires, les merenaires craignant d'être abandonnés sur place.

Le matin du 3, la flotte commença à canonner la ville par diversion tandis qu'un détachement débarquait au nord, peut-être à la faveur d'une trahison. Les défenseurs furent rapidement débordés et la population chercha à fuir sur les navires sans gouvernails. Les mercenaires se réfugièrent avec leurs familles dans un couvent fortifié, dans lequel ils se firent exploser le lendemain, tuant les soldats ottomans des alentours.

Le nombre de victimes fut immense, dont 3600 psariotes, la majeure partie des réfugiés et tous les mercenaires. Les pertes ottomanes auraient été de 3 à 400 hommes, principalement tués lors des assauts contre le monastère et lors de son explosion. Les Ottomans capturèrent plus de 100 navires de toutes tailles, dont 26, prêts à appareiller, furent ajoutés à sa flotte. Laissant sur l'île 2000 soldats et une flotille de barques pour charger les canons capturés, Husrev regagna Lesbos le soir du 4 et envoya à Constantinople 200 prisonniers, 500 têtes, 1200 oreilles et 35 drapeaux qui furent exposés à la porte de Topkapı. Au lieu de se diriger directement sur Samos, il resta un mois à Lesbos pour célébrer l'Aïd, envoyant à Samos des propositions de capitulation.

Combats autour de Psara

Les premiers rescapés de Psara arrivèrent à Hydra le 4 juillet. Les navires en état de prendre la mer furent rapidement équipés : une flotte partit les 6 et 7 d'Hydra et Spetses, espérant arriver à Psara avant la chute des dernières fortifications qui résistaient encore au moment de la fuite des réfugiés ; elle comprenait des brulots psariotes rescapés, dont celui de Kanaris. Miaoulis ayant appris la fin des derniers défenseurs, changea de cap afin de rejoindre la flotte de Sachtouris partie précédemment au secours de Kassos, mais les deux divisions manquèrent leur rendez-vous.

Sachtouris relâcha à Samos les 10 et 11 juillet, encourageant les habitants dont une partie souhaitait se soumettre. Arrivant à Psara le 13, les Grecs capturèrent deux navires abandonnés par leur équipage et en coulèrent un troisième après un abordage, mais voyant que les Ottomans étaient maitres de l'ile, Sachtouris repartit vers le sud à la recherche de Miaoulis.

Ce drnier arriva le 15 à Psara où étaient alors stationnés 27 navires ottomans. Profitant de l'effet de surprise, les marins grecs débarquèrent et prirent rapidement le contrôle de l'île, les Turcs étant massacrés ou noyés en essayant de regagner leurs navires, qui s'enfuirent vers Chios. Au cours de la poursuite, l'arrivée inopinée de l'escadre de Sachtouris, attirée par le bruit des canons, précipita la défaite ottomane : seuls quatre navires réussirent à s'échapper, parmi les vingt autres l'un baissa pavillon, deux furent coulés, un explosa et les autres furent brûlés par leurs équipages après s'être échoués sur la côte de Chios[31].

La flotte ottomane, informée le 18 de ces évènement, arriva le lendemain au nord de Chios. Mioulis donna l'ordre d'attaquer, mais ses navires désobéirent. Après plusieurs jours de calme suspendant les opérations, il finit par se replier sur le cap Sounion, la flotte grecque ayant été réduite par les désertions de 52 à 36 navires. Il finit par regagner Hydra le 28 juillet. Les Ottomans, à nouveau maîtres de Psara, détruisirent les derniers bâtiments encore debout, comblèrent le port puis se dirigèrent vers leur objectif suivant, Samos.

Combats autour de Samos

Les Samiens, ayant reçu des assurances de la part du gouvernement grec, avaient abandonné toute idée de soumission et s'étaient préparés à résister. Entre-temps, l'argent du premier prêt anglais était arrivé à Nauplie et le gouvernement dominé par les insulaires avait fini en juin par triompher de la première guerre civile, ce qui permit de régler provisoirement les problèmes récurrents d'intendance et de financement qui contrariaient souvent les actions de la flotte grecque.

Une première division d'une quinzaine de navires spetsiotes et psariotes partit le 6 août de Spetses, et arriva à Samos le 8, au moment où appareillait la division hydriote, commandée par Sachtouris, avec 11 navires et 4 brûlots. Vers le 10, la flotte ottomane s'approcha de Samos depuis Chios, et se sépara en deux divisions : alors que les petits navires contournaient Samos par l'est pour aller chercher les troupes stationnées près d'Éphèse, le reste de la flotte passa à l'ouest et échangea des tirs avec une forteresse récemment construite sur le promontoire du cap Colonna, au sud de l'île. La douzaine de navires spetsiotes stationnés là avaient du s'enfuir vers Patmos[32]. Un vent contraire força les Ottomans à remettre le débarquement au lendemain.

Le matin du 11 août, l'escadre de Sachtouris arriva depuis Ikaria et rencontra une quarantaine de navires de transport (une vingtaine de sacolèvess et autant de canots, transportant 2000 hommes) qui cherchaient à débarquer près de Karlovasi, sur la côte nord de Samos. Trois navires grecs engagèrent le combat, au cours duquel une sacolève fut capturée ; au bout d'une heure, les hostilités furent interrompues par manque de vent. Elles reprirent vers 17h : deux sacolèves furent capturées et les autres forcées de s'échouer, tandis que les canots s'enfuyaient à la rame. La flotte grecque mouilla ensuite dans le détroit séparant Samos du continent, chassant vers le sud les transports ottomans qui rejoignirent le reste de la flotte.

Le lendemain, 18 navires ottomans s'avancèrent en direction de la flotte ennemie, retardés par le vent du nord. Tenant un conseil de guerre, les capitaines grecs décidèrent de combattre à l'ancre. Une fois le combat engagé, Sachtouris fit signe aux brulots d'entrer en action, mais l'ordre ne fut pas exécuté, les équipages refusant d'avancer. A force d'insistance, deux brûlots finirent par se diriger vers les navires ottomans et les mirent en fuite.

Le 13, la canonnade recommença le matin, mais la flotte ottomane se retira dès que les 4 brûlots se mirent en mouvement et fut chassée au-delà du cap Mycale, ce qui encouragea les marins grecs. Le soir, la flottille fut renforcée par une escadre spetsiote de 17 navires dont 2 brûlots, et du navire-amiral psariote.

Le 16 août, Hüsrev fit avancer 42 navires de guerre accompagnés de nombreux transports dans le détroit, et 22 de ceux-ci engagèrent 16 hydriotes et spetsiotes. Sachtouris, ayant répété en vain le signal pour les brûlots d'attaquer, fut finalement informé par leurs capitaines que leurs équipages refusaient à nouveau d'obéir : il tenta de les convaincre d'agir par une gratification supplémentaire, sans succès. L'arrivée de Kanaris permit de redresser la situation : lançant son navire en direction de la flotte ennemie, il provoqua sa fuite.

Le lendemain matin, une quatrième tentative ottomane donna lieu à un engagement plus disputé et meurtrier que les précédents. Vers 10H, les brûlots se dirigèrent vers la frégate dirigeant l'attaque, forte de 54 canons et montée par 600 hommes. Le premier à attaquer, un hydriote, échoua, son équipage ayant pris la fuite en voyant les Ottomans envoyer des canots l'intercepter ; son capitaine, Zabali, fut gravement brûlé en y mettant le feu avant d'être entrainé par ses hommes. L'attaque de Kanaris fut par contre couronnée de succès : la frégate prit feu, puis son explosion détruisit une douzaine de canots et tua des soldats postés sur la rive asiatique. Après un moment de flottement, les Ottomans reprirent cependant le combat et bombardèrent les positions samiennes. Au cours de l'après-midi, le brûlotier Vatikiotis détruisit un brick tunisien de 20 canons, puis deux heures plus tard ce fut le tour d'une corvette tripolitaine, abordée des deux côtés à la fois par les brûlots de Rafalia et Lekkas. Une troisième attaque menée par Robozzi contre une frégate échoua. La flotte ottomane se retira finalement après le coucher du soleil, ayant perdu trois beaux navires, une centaine de canons et un millier d'hommes tandis que les Grecs qui avaient consumé 6 brûlots n'avaient perdu que trois hommes et subi que des dégâts mineurs. Cette défaite provoqua la consternation dans les troupes de débarquement stationnées près de Kusadasi, dont une partie se débanda[33].

Sachtouris, voulant exploiter son succès, demanda aux Samiotes de convertir deux navires en brûlots, et pressa les amiraux spetsiote et psariote de prendre la mer ; Apostoli, l'amiral de Psara, alléguant le mauvais état de ses navires et le manque de provisions, se montra peu enclin à le seconder, et comme les seuls brûlots restant dépendaient de lui sa coopération était indispensable.

Le matin du 20 août, les 3 escadres se mirent en mouvement et détectèrent une dizaine des gros navires ennemis près de Patmos, tandis que la centaine de petits navires (bricks, goélettes, galiotes et sloops) étaient à l'ancre dans le golfe de Karina, protégés par deux frégates. Après cette sortie de reconnaissance, les Grecs retournèrent au cap Colonna où les Psariotes s'occupèrent de repêcher les canons de la frégate brûlée le 17. Le 22, découvrant 4 bricks ennemis près du cap Mycale et 2000 soldats postés sur la rive, les Grecs les canonnèrent sans succès, les vents et les courants étant défavorables, puis ils restèrent jusqu'au 28 aux environs du cap Colonna, après quoi ils se rendirent à Patmos. Dans le même temps, renonçant pour le moment à attaquer Samos, Hüsrev Pacha se dirigea vers Kos pour y attendre la flotte égyptienne[34].


Combats dans le Dodécanèse

Départ de la flotte égyptienne

Une seconde flotte grecque avait été rassemblée en août près du cap Sounion, sous le commandement de Miaoulis, afin de s'opposer aux mouvements de la flotte de Méhémet Ali dont l'arrivée était imminente.

L'expédition égyptienne fut prête à partir de la mi-juillet. La flotte rassemblée à Alexandrie regroupait 54 navires de guerre, dont une escadre tunisienne de 2 frégates, 4 bricks et 2 goélettes, une escadre turque d'une frégate, 4 corvettes et 9 bricks, commandée par le Patrona Bey [35], et le contingent égyptien comprenant deux frégates, une corvette et 29 bricks, commandé par Ismael Gibraltar. Les forces terrestres se composaient de 12000 soldats réguliers, 2000 mercenaires albanais, 2000 cavaliers, 5000 canonniers servant 150 canons. Ces troupes étaient convoyées à la fois par des navires turcs mais aussi par 86 européens : 26 sous pavillon britannique (1 anglais et 25 maltais), 36 autrichiens, 17 espagnols, 4 russes, un sarde, un toscan et un américain. Le nombre total de navires s'élevait ainsi à un peu moins de 400. Le commandement général était assuré par Ibrahim Pacha, le fils de Méhémet Ali ; son beau-frère Hussein était à la tête des Albanais ; l'État-Major comprenait de nombreux européens, dont un Napolitain, Romei[36] dirigeant l'artillerie, et le Français Joseph Sève à la tête de l'un des trois régiments réguliers[37].

La flotte eut des difficultés (météorologie, épidémies, désertions) et n'arriva que fin août à Boudroum, en face de Kos où l'attendait comme prévu la flotte ottomane accompagnée de l'escadre tripolitaine. Les troupes furent débarquées pour se reposer, et les navires reçurent l'ordre de se préparer à appareiller pour le Péloponnèse.

Bataille de Bodrum

Du côté grec, la nouvelle de la victoire de Sachtouris provoqua une vague d'enthousiasme : de nouveaux brûlots furent rapidement équipés, des munitions envoyées vers les côtes de l'Asie Mineure, et l'escadre de Miaoulis rejoignit celle de Sachtouris le 4 septembre à Lipsi. La flotte grecque comptait environ 70 navires, 5000 hommes et 700 canons[38].

Le matin du 5 septembre, les Grecs allèrent à la rencontre de la flotte ennemie et un premier engagement eut lieu entre Kos et Bodrum[39]. Les deux flottes se canonnèrent de façon inefficace, et la plupart des dégâts furent causés par des collisions accidentelles entre navires. Les Grecs perdirent deux brûlots, le premier abandonné et brûlé par son équipage après avoir été endommagé par une collision avec un Hydriote, le second étant capturé par les Musulmans après avoir perdu un mât détruit par un boulet, l'équipage ayant pu se sauver mais sans avoir incendié avec succès le brûlot. Husrev pacha ne participa pas aux combats à cause d'une avarie dans son gréement, mais Ibrahim et Ismael Gibraltar se distinguèrent en s'exposant sur leur frégate respective. Les Grecs finirent par se replier vers le nord, et les Ottomans rejoignirent Bodrum après un semblant de poursuite.

le lendemain, une escarmouche indécise eut lieu devant Bodrum ; les Grecs se retirèrent le soir pour mouiller au cap Yérondas, près de Didymes.

Bataille de Yérondas

Après quelques jours de délibérations, les Ottomans décidèrent d'attaquer l'ennemi en force et gagnèrent le golfe de Yérondas le 10 septembre avec 87 navires, leur ligne s'étendant de Léros à Kalymnos. Le combat s'engagea d'abord avec une douzaine de navires grecs autour de Miaoulis, qui étaient restés bloqués par le manque de vent près de l'île de Zatalia à l'entrée du golfe. Les Ottomans cherchèrent à les encercler, mais en furet empêchés par l'intervention des brûlots, et l'arrivée d'une partie du reste de la flotte grecque. Le début de la bataille fut défavorable aux Grecs : le brûlot psariote de Papanikolis fut immobilisé par la perte d'un mât alors qu'il attaquait la flotte ennemie, et dut être brûlé pour éviter sa capture ; trois brûlots furent consumés en vain en essayant de détruire un brick égyptien commandé par des Européens, et alors qu'on croyait ce navire incendié, il émergea de la fumée intact. Ces échecs découragèrent les Grecs, qui se retirèrent, poursuivis par les Musulmans, dont une dizaine de navires cherchèrent à nouveau à isoler la division de Mioulis, causant d'importants dommages au navire de Sachtouris. Finalement l'intervention du brûlot hydriote de Papantonis sauva la situation pour les Grecs dans l'après-midi : il réussit à aborder le navire-amiral tunisien, une frégate de 54 canons que son équipage évacua immédiatement. Pour assurer sa destruction, Miaoulis ordonna au brûlotier Vatikiotis d'attacher son navire de l'autre côté de la frégate, qui explosa après une demi-heure. L'amiral tunisien, le colonel d'un des régiments égyptiens et une cinquantaine de soldats furent capturés sur un canot[N 18]. Le combat cessa alors, la flotte égypto-turque se rassemblant au large de Kalymnos tandis que les Grecs mouillaient à Lipsi.

Au cours des combats, les navires du Kapudan pacha, d'Ibrahim et d'Ismael Gibraltar restèrent en retrait, seul le Patrona bey se distinguant parmi les amiraux : Hüsrev, qui était plus un administrateur qu'un marin ou un militaire de carrière, évitait généralement de s'exposer, et selon Gordon il se disait parmi les Turcs que son navire de 80 canons aurait été aussi utile s'il était resté à Constantinople qu'au sein de la flotte. Les Égyptiens de leur côté étaient en froid avec lui, une inimitié datant de l'époque où Hüsrev avait été évincé d'Égypte par Méhémet Ali, et renforcée par le fait qu'en tant que supérieur hiérarchique (en théorie) il se donnait des airs de supériorité : Ibrahim répugnait ainsi à risquer sa flotte pour assurer une victoire dont Husrev aurait été le premier bénéficiaire.

Du côté grec, si nombre de capitaines se distinguèrent par leur conduite, de nombreux autres auraient eu un comportement critiquable : selon Gordon, une partie serait restée à distance sans prendre part à l'action ou de si loin que leurs canons auraient touché leurs propres bateaux plus avancés, et une douzaine de navires, dont l'amiral psariote Apostolis, se serait enfuis vers Samos en répandant la nouvelle que les navires de l'arrière-garde grecque étaient perdus. L'honneur des combats revenait aux brûlotiers, dont deux furent tués et sept blessés, dont les capitaines Papantonis et Pipinis.

Le combat fut considéré par les Grecs comme une grande victoire. Gordon estime que bien qu'il s'agisse en apparence d'une bataille indécise, la perte de six brûlots était largement contrebalancée par la destruction de la frégate tunisienne et la capture des officiers ottomans.

Mouvements dans l'Égée

Au bout de deux jours, les flottes égyptienne et turque rentrèrent à Bodrum. Ibrahim et Hüsrev décidèrent de renoncer pour le moment à débarquer dans le Péloponnèse et décidèrent d'attaquer Samos. Une partie de l'infanterie régulière et la totalité de la cavalerie fut débarquée, et les transports européens laissés au port, gardés par une frégate, tandis qu'environ 200 navires prenaient la mer le 18 septembre en direction de l'ouest, avec à leur bord Husrev, Ibrahim et les autres amiraux. Ralentie par des vents contraires, la flotte combinée ne progressa que très lentement, surveillée par les Grecs répartis en deux divisions.

Le 22 septembre, Miaoulis rencontra les Ottomans entre Ikaria et Amorgos. Il fut surpris par un calme au cours de l'après-midi alors qu'il se trouvait isolé en tête avec 6 navires, tandis que les turco-égyptiens bénéficiaient d'une brise avantageuse. Les navires grecs, encerclés, durent combattre des deux côtés à la fois, mais malgré une intense canonnade (les navires ottomans auraient tiré 10000 boulets), il furent sauvés par un changement de vent à la tombée de la nuit qui leur permit de se dégager et de rejoindre le reste de leur escadre. La frégate d'Ismael Gibraltar fut endommagée au cours du combat. Les Musulmans, croisant ensuite aux environs de Naxos, hissèrent le drapeau turc à Mykonos sans maltraiter la population. Dans le même temps, la seconde division commandée par Sachtouris surveillait les abords de Samos, des troupes ottomanes et 40 navires de transport ayant été rassemblés à Tchesmé[40].

La nuit du 27, une violente tempête soufflant du sud balaya l'Égée, dispersant les flottes ennemies vers le nord. Les Ottomans avaient rendez-vous à Mitylène, où les amiraux arrivèrent le 29. Miaoulis, qui se trouvait le soir du 28 avec 12 navires et un brulot dans le détroit de Chios, poursuivit 30 navires ottomans de l'arrière-garde ; s'étant assuré le 30 de la présence des flottes ennemies à Mitylène, il se dirigea vers le sudà la recherche du reste des Grecs, et rejoignit le 4 octobre les Hydriotes à Volissos (sur la côte nord-ouest de Chios) tandis que les Spetsiotes et les Psariotes se rassemblaient à Psara.


1825

Débarquement égyptien en Morée

Article connexe : bataille de Sphactérie (1825).

Succès grecs sans lendemain

Tentative de création d'une flotte régulière

Siège de Missolonghi

1826

Chute de Missolonghi

Expédition à Beyrouth

Combats autour de Samos

1827

Siège et chute d'Athènes

Action de Cochrane

Implication des puissances occidentales

Opérations dans le golfe de Corinthe, bataille d'Itéa

La Kartéria à la bataille d'Itéa

Bataille de Navarin

Bataille de Navarin

Développement de la piraterie grecque, réaction occidentale

Annexes

Bibliographie

  • (en) R. C. Anderson, Naval Wars in the Levant., Princeton U.P., Princeton, 1952.
  • (en) Thomas Gordon T1, History of the Greek Revolution, t. 1, Édimbourg, Blackwood, 1832, 504 p. [lire en ligne] 
  • (en) Thomas Gordon T2, History of the Greek Revolution, t. 2, Édimbourg, Blackwood, 1832, 508 p. 
  • (el) Antoine Miaoulis T1, Synoptiki istoria ton ellinikon naumachion, t. 1, Nauplie, 1833, 104 p. [lire en ligne] 
  • (el) Anastasios Orlandos T1, Ναυτικά, ήτοι Ιστορία των κατά τον υπέρ ανεξαρτησίας της Ελλάδος αγώνα πεπραγμένων υπό των τριών ναυτικών νήσων, ιδίως δε των Σπετσών, t. 1, Athènes, Χ Ν Φιλαδέλφεως, 1869 [lire en ligne] 

Notes

  1. Orlandos indiquant par exemple pour la sortie de la flotte près de Lesbos en mai 1821, trois amiraux pour le seul contingent de Spetses et trois pour celui d'Hydra.
  2. Commandés par Nikolaos Botasis, et comprenant les navires de Bouboulina commandés par ses demi-frères.
  3. Commandés par Dimitrios Miaoulis
  4. 23 navires selon Gordon p 210
  5. Les autorités anglaises des îles Ioniennes poursuivant une politique turcophile.
  6. L'amiral de rang inférieur dans la hiérarchie ottomane.
  7. 19 selon Orlando qui accuse d'autres historiens d'avoir minimisé la participation spetsiote dans cette opération.
  8. Le second grade de la hiérarchie navale ottomane.
  9. un capitaine d'une famille rivale des Mavromichalis
  10. Le navire, la Terpsicore des frères Tombazis, fut finalement restitué début avril (Orlandos p 235)
  11. Orlandos cite ainsi deux autres co-amiraux pour Hydra (I. Boulgaris et L. Lalechos), deux pour Spetses (A. Androutsos et A. Anargyrou) et au moins un pour Psara (Apostolis)
  12. le navire Karavi i Madh (le grand navire en albanais, la langue vernaculaire d'Hydra), commandé par Andréas Pipinos
  13. Une campagne de recueil de contributions plus ou moins volontaires avait été organisée en avril, au cours de laquelle des heurts s'étaient produits entre catholiques et orthodoxes. (Gordon T2 p 17)
  14. Mioulis aurait proposé une attaque de brulots sur des navires restés au port à Lesbos, mais le plan fut refusé par l'amiral de Psara, Apostolis, objectant que les Turcs avaient tendu un câble à l'entrée du port.
  15. Selon Gordon
  16. Ce récit diffère de ceux, beaucoup plus dramatiques, qui sont rapportés par des sources postérieures (site internet de l'île, guides touristiques etc), et qui présentent l'évènement comme un massacre à large échelle de la quasi-totalité de la population, l'île étant décrite comme entièrement ravagée et désertée, peut-être par analogie avec les cas de Chios et Psara.
  17. Selon Gordon, qui estime que le chiffre de 26000 rapporté par le voyageur George Waddington (A visit to Greece, in 1823 and 1824 p30) est probablement exagéré.
  18. L'amiral tunisien qui connaissait personnellement plusieurs capitaines grecs, fut d'abord bien traité mais ensuite exécuté quand on s'aperçut qu'il cherchait à corrompre ses gardiens. Les autres prisonniers furent massacrés à Hydra quelques mois plus tard.

Références

  1. D. Panzac, Histoire de la marine ottomane p 270
  2. Orlando p 60 et Brewer p 95 ; le 9/4 selon Gordon
  3. Brewer p 95
  4. Gordon T1 1832, p. 166
  5. Orlando p 65
  6. Gordon T1 1832, p. 168
  7. Gordon T1 1832, p. 169-170
  8. Orlandos T1 Orlandos, p. 114, Miaoulis p 15
  9. a et b Gordon T1 1832, p. 211
  10. Orlandos p 135
  11. Orlandos p 139
  12. Orlandos p 140-141
  13. Gordon T1 1832, p. 205
  14. a et b Gordon T1 1832, p. 205-206
  15. Gordon T1 1832, p. 208-210
  16. Gordon T1 1832, p. 214-217
  17. Gordon T1 1832, p. 250
  18. commandés par I. Tombazis et Andréas Miaoulis pour Hydra, et Georgios Panou pour Spetses (Orlandos p 192)
  19. Gordon T1 1832, p. 334
  20. Gordon T1 1832, p. 334-335
  21. Gordon T1 1832, p. 336
  22. a et b Gordon T1 1832, p. 337-338
  23. Gordon T2 1832, p. 63
  24. Gordon T2 1832, p. 65
  25. Gordon T2 1832, p. 65-66
  26. a et b Gordon T2 1832, p. 129-130
  27. Miaoulis p 48
  28. Gordon p 132
  29. Orlandos T2 p 27
  30. Gordon T2 1832, p. 133
  31. Gordon p 141-143
  32. Orlandos p 87, Gordon p 144
  33. Gordon p 147-148
  34. Gordon p 149
  35. (vice-amiral ottoman)
  36. exilé suite à l'échec des révolutions libérales en Italie.
  37. Gordon p 150-151
  38. Gordon p 152-153
  39. Cette action est parfois appelée « première bataille d'Halicarnasse »
  40. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte ; aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Gordon_T2_157.



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