Calvinisme

Calvinisme

Le calvinisme (nommé ainsi d'après Jean Calvin et aussi appelé la tradition réformée, la foi réformée ou la théologie réformée) est une doctrine théologique protestante et une approche de la vie chrétienne[1] qui reposent sur le principe de la souveraineté de Dieu en toutes choses[2]. Bien qu’elle fût développée par plusieurs théologiens tels que Martin Bucer, Heinrich Bullinger[3],[4], Pierre Martyr Vermigli[5], Ulrich Zwingli[6] et Théodore de Bèze, elle porte le nom du réformateur français Jean Calvin en raison de l’influence dominante qu’il eut sur elle et du rôle déterminant qu’il exerça dans les débats confessionnels et ecclésiastiques du XVIe siècle. Aujourd’hui ce terme fait référence aux doctrines et aux pratiques des Églises réformées. Plus rarement, il désigne l’enseignement de Calvin lui-même[7]. Le calvinisme est aussi connu pour les doctrines de la prédestination et de la corruption totale.

Sommaire

Historique

L'influence internationale de Jean Calvin sur le développement des doctrines de la Réforme protestante, débuta à l'âge de vingt-cinq ans, lorsqu'il entreprit la rédaction de la première édition de son traité de théologie intitulé Institution de la religion chrétienne, en 1534 (publié en 1536). Ce travail subit un certain nombre d'évolutions par la suite et il le traduisit en français vernaculaire. La rédaction de cet ouvrage ainsi que ses travaux pastoraux controversés, ses contributions aux confessions de foi, et son important travail d'exégèse biblique, ont conduit Calvin à exercer une influence directe sur le protestantisme. Avec Martin Bucer, Heinrich Bullinger, Pierre Martyr Vermigli, Ulrich Zwingli, Théodore de Bèze, Guillaume Farel et John Knox, Calvin joua un grand rôle dans l'élaboration des doctrines des Églises réformées. Il en est finalement devenu le réformateur dominant.

L'importance grandissante des Églises réformées et de Jean Calvin, font partie de la deuxième phase de la Réforme protestante, lorsque les églises protestantes commençaient à se former après l'excommunication de Martin Luther par l'Église catholique romaine. Calvin était un exilé français à Genève en Suisse. Il avait signé la confession d'Augsbourg dans sa version modifiée par Philippe Melanchthon en 1540, mais son influence se fit d'abord sentir dans la Réforme suisse qui n'était pas luthérienne mais zwinglienne. La doctrine des Églises réformées, depuis le début de leur existence, s'est développée dans une direction indépendante de celle de Luther, sous l'influence de nombreux auteurs et réformateurs, parmi lesquels Calvin devint prééminent. Beaucoup plus tard, lorsque sa renommée fut liée aux Églises réformées, cette doctrine dans son ensemble fut nommée calvinisme.

Expansion

Un temple réformé en Hongrie.

Bien que l'essentiel de la pratique de Calvin se déroulât à Genève, ses publications ont étendu ses idées d'une Église réformée à de nombreuses parties de l'Europe. Le calvinisme devint la doctrine théologique majoritaire en Écosse avec John Knox, aux Pays-Bas avec William Ames, T.J. Frelinghuysen et Wilhelmus à Brakel, et dans certaines parties de l'Allemagne (notamment celles proches des Pays-Bas) avec Caspar Olevian et Zacharias Ursinus. Le calvinisme exerça une certaine influence en France, en Hongrie, en Transylvanie, en Lituanie et en Pologne. Il acquit également une certaine popularité en Scandinavie, particulièrement en Suède où il fut cependant rejeté au profit du luthéranisme après le synode d'Uppsala en 1593[8].

La plupart des colons qui s'établirent dans les États Mid-Atlantic et en Nouvelle-Angleterre étaient calvinistes. Cela incluait les puritains anglais, les huguenots français, les colons hollandais de la Nouvelle-Amsterdam, et les Scots d'Ulster presbytériens de la région des Appalaches. Les colons néerlandais calvinistes furent également les premiers européens à réussir à coloniser l'Afrique du Sud au XVIIe siècle. Ils furent plus tard nommés les Boers ou Afrikaners.

La Sierra Leone fut en grande partie colonisée par les colons calvinistes de la Nouvelle-Écosse qui étaient pour la plupart des Loyalistes noirs qui avaient combattu pour l'Empire britannique lors de la guerre d'indépendance américaine. Le pasteur John Marrant y avait établi une congrégation sous les auspices de la Connexion de la comtesse de Huntingdon. Certaines des plus importantes communautés calvinistes se sont formées grâce aux missionnaires des XIXe et XXe siècles, notamment en Indonésie, en Corée et au Nigeria.

Aujourd'hui, l'ensemble des Églises d'inspiration calviniste (réformées, presbytériennes, congrégationalistes et Église unie du Christ) rassemblent, d'après le site Adherents.com, environ 75 millions de personnes[9]. La Communion mondiale d'Églises réformées, l'organisme international qui réunit la plupart des Églises issues du calvinisme, revendique quant à elle 80 millions de croyants[10].

En France

En France aujourd'hui les descendants de Huguenots sont tous qualifiés de calvinistes, ce qui n'aurait pas été tenu comme insulte par leurs ancêtres. Les Huguenots luttèrent (et Calvin parmi eux en sa jeunesse) longtemps avant la diffusion du culte réformé influencé par Calvin, (qui s'est situé plus tard à Genève,) pour la liberté de conscience, en dehors de toute église instituée, et bien souvent en dépit des foudres de Jean Calvin. Réprimés sous François Ier, Henri II et François II, ils formèrent sous ce dernier, avec d'autres mécontents, la conjuration d'Amboise, qui échoua. Le colloque de Poissy, en 1561, leur faisait espérer un édit de tolérance, lorsque le massacre des Huguenots à Wassy donna le signal des guerres civiles.

Bien que fort affaiblis par les défaites de Dreux (1562), Saint-Denis (1567), Jarnac et Moncontour (1569), les Calvinistes avaient obtenu d'importantes concessions par les traités d'Amboise (1563), de Lonjumeau (1568) et de Saint-Germain (1570) : c'est à ce moment que Charles IX et Catherine de Médicis cherchèrent à leur nuire dans la funeste nuit de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) ; mais ce massacre, qui devait leur porter le dernier coup, ne fit que soulever une nouvelle guerre, qui dura jusqu'à l'avènement de Henri IV au trône. Ce prince rendit en 1598 un édit connu sous le titre d'Édit de Nantes, qui assurait la liberté de conscience aux Calvinistes et leur abandonnait plusieurs villes comme garanties.

Ils se soulevèrent encore sous Louis XIII, mais Richelieu les dompta par la prise de La Rochelle (1628). Louis XIV prononça en 1685 la révocation de l'édit de Nantes ; cette mesure impolitique suscita bientôt après plusieurs révoltes, notamment celle des Camisards, dans les Cévennes, en 1706, et détermina l'émigration d'un grand nombre de Calvinistes, qui allèrent porter à l'étranger leur capitaux et leur industrie. Sous Louis XVI, en 1787, les, Calvinistes obtinrent un nouvel édit de tolérance. Bientôt après, la Révolution de 1789 leur assura une liberté complète. Au XIXe siècle le culte calviniste est rétribué par l'État comme le culte catholique. L'organisation des églises est fondée sur la division territoriale ; la réunion de cinq églises constitue un synode.

En France, parmi celles-ci, qui sont le principal courant du protestantisme historique, on peut citer l'Église réformée de France, l'Église réformée d'Alsace et de Lorraine, les Églises réformées évangéliques indépendantes et les Églises évangéliques libres.

Doctrine générale

Comme peint ici par Emanuel de Witte en 1660, le calvinisme est parfois caractérisé par ses églises et son mode de vie sobres et dépouillés.

Le terme calvinisme est quelque peu ambigu dans le sens où il peut conduire à penser que la doctrine des Églises ou des mouvements calvinistes correspond intégralement aux écrits de Calvin. En réalité, d'autres théologiens et réformateurs eurent une influence considérable sur ce qui est maintenant appelé le calvinisme : par exemple le successeur de Calvin, Théodore de Bèze, le théologien hollandais Franciscus Gomarus, le fondateur de l'Église presbytérienne John Knox, et de nombreuses autres figures comme le baptiste anglais John Bunyan et le théologien américain Jonathan Edwards.

L'une des caractéristiques spécifiques du calvinisme réside dans la sotériologie ou doctrine du salut. Celle-ci souligne l'incapacité des hommes à obtenir le salut. Dieu est le seul à être l'initiateur de toutes les étapes du salut, de la formation de la foi à toutes les décisions qui conduisent à suivre le Christ. Le calvinisme insiste donc particulièrement sur l'importance de la grâce divine dans le salut, et sur les fruits de cette grâce tant dans la vie du croyant que dans la société chrétienne. Cette doctrine fut solennellement formulée et codifiée lors du synode de Dordrecht (1618-1619) où fut rejetée une autre doctrine connue sous le nom d'arminianisme[11].

Le calvinisme est parfois identifié à l'augustinisme car sa conception du salut, qui occupe une place centrale dans le calvinisme, est celle soutenue par saint Augustin dans le débat qui l'opposait au moine breton Pélage. À la différence du libre-arbitre défendu par le pasteur américain Charles Finney et d'autres personnalités entrées en dissidence, le calvinisme met fortement l'accent, non seulement sur la bonté perpétuelle de la création originelle, mais aussi sur la ruine totale des réalisations humaines et la frustration de l'ensemble de la création, engendrée par le péché. Par conséquent, il considère le salut comme une nouvelle œuvre de création effectuée par Dieu, plutôt que comme la réussite de ceux qui sont sauvés du péché et de la mort.

Plus largement, le calvinisme est synonyme de « protestantisme réformé », englobant entièrement la doctrine enseignée par les Églises réformées. Les réformateurs n'ont pas fait de la prédestination un dogme central, et ont au contraire encouragé le prédication de « Tout le Conseil de Dieu » c'est-à-dire de l'Écriture comme moyen d'obtenir le salut. La théologie de l'alliance, en plus de s'appuyer sur une sotériologie calviniste[12], est la structure architecturale qui unifie toutes les doctrines du calvinisme. Concernant la pratique du culte, la spécificité principale est l'adoption du principe régulateur du culte c'est-à-dire le rejet de toute forme de culte qui ne soit pas expressément ordonnée par la Bible[13]. Ceci différencie le calvinisme du luthéranisme qui respecte à l'inverse, le principe normatif du culte.

Caractéristiques

Il existe plusieurs façons de présenter les différentes caractéristiques de la théologie calviniste. La meilleure est peut-être celle qui expose les cinq points du calvinisme, même si ces points identifient davantage certaines différences qui existent avec les autres chrétiens sur la doctrine du salut, qu'ils ne résument la doctrine dans son ensemble. D'une façon générale, le calvinisme insiste sur la gloire de Dieu, sa suprématie et sa souveraineté en toutes choses.

La grâce souveraine

Le calvinisme défend l'idée d'une ruine complète de la nature morale de l'humanité avec comme seule possibilité d'accéder au salut, la grâce divine. Il enseigne que l'humanité déchue est moralement et spirituellement incapable de suivre Dieu. Les hommes ne peuvent échapper à la condamnation devant Dieu, et seule l'intervention divine, suivant laquelle Dieu change leurs cœurs réticents, permet de faire passer les hommes de la rébellion ou de l'indifférence à l'obéissance volontaire.

Selon cette conception, tous les hommes sont à la merci de Dieu, qui serait juste s'il les condamnait pour leurs péchés, mais qui a choisi d'être miséricordieux envers certains. Une personne est ainsi sauvée tandis qu'une autre est condamnée. Celle qui est sauvée ne l'est pas à cause de sa propre volonté, de sa foi, ou d'une quelconque autre vertu, mais parce que Dieu a choisi d'avoir pitié d'elle. Bien que cette personne doit croire à l'Écriture et l'appliquer pour être sauvée, cette obéissance de la foi est un don de Dieu. De cette manière, Dieu accomplit entièrement et souverainement le salut des pécheurs. Les calvinistes ne sont pas unanimes entre eux au sujet de la prédestination à la damnation (doctrine de la réprobation) et au salut (doctrine de l'élection). Un débat oppose ainsi les supralapsaires aux infralapsaires (voir lapsarianisme).

En pratique, les calvinistes enseignent la grâce souveraine principalement pour l'exhortation de l'Église, parce qu'ils pensent que cette doctrine démontre toute l'étendue de l'amour de Dieu, lequel a sauvé ceux qui ne pouvaient l'être et le suivre. Elle permet d'abolir le sentiment de fierté et d'autonomie des hommes en mettant l'accent sur la totale dépendance des chrétiens vis-à-vis de la grâce de Dieu. De la même façon, la sanctification, dans la conception calviniste, implique une constante dépendance vis-à-vis de Dieu afin d'expier les perversités du cœur dominé par le péché, et de favoriser la joie du chrétien[14].

Les cinq points du calvinisme

La théologie calviniste s'assimile parfois aux cinq points du calvinisme, aussi appelée les doctrines de la grâce, qui sont une réponse point par point aux cinq points développées dans la remontrance arminienne. Ils servent de résumé des décisions arrêtées lors du synode de Dordrecht en 1619. Calvin lui-même n'a jamais utilisé un tel modèle ni combattu directement l'arminianisme.

Par conséquent ces points constituent un résumé des différences entre calvinisme et arminianisme, et non un récapitulatif complet des œuvres de Calvin ou de la théologie des Églises réformées en général. En anglais, ils sont désignés par l'acronyme TULIP, même si l'ordre des points n'est pas le même que celui mentionné dans les Canons de Dordrecht.

L'affirmation centrale de ces canons est que Dieu est capable de sauver tout être humain dont il a pitié et que ses efforts ne sont pas entravés par l'impiété ou l'incapacité des hommes.

La corruption totale

Article détaillé : Corruption totale.

La doctrine de la corruption totale (appelée aussi « dépravation totale » ou encore « incapacité totale »[15]) explique qu'en conséquence de la chute de l'homme dans le péché, tout individu né dans le monde est esclave du péché. Les hommes ne sont pas par nature inclinés à aimer Dieu de tout leur cœur, de tout leur esprit et de toute leur force, mais plutôt à servir leurs propres intérêts par rapport à ceux de leur prochain, et à rejeter la loi de Dieu. Ils sont incapables, avec leurs seules facultés, de choisir de suivre Dieu et d'être sauvés, parce qu'ils ne sont pas disposés à le faire à cause du besoin de leur propre nature. Le terme « total » dans ce contexte fait référence au péché qui affecte l'ensemble d'une personne, et non au fait que chaque individu soit aussi mauvais que possible[16].

Jacobus Arminius lui-même et certains de ses partisans ultérieurs, tels que John Wesley, ont également soutenu la doctrine corruption totale.

L'élection inconditionnelle

Article détaillé : Élection inconditionnelle.

Appelée aussi la double prédestination[15], cette doctrine affirme que de toute éternité, le choix de Dieu d'amener à lui certaines personnes n'est pas fondé sur leur vertu, leur mérite ou sur leur foi. Il est inconditionnellement basé sur la seule miséricorde de Dieu.

La doctrine de l'élection inconditionnelle est quelquefois considérée comme la principale doctrine des Églises réformées, y compris parfois par certains de ses membres. Cependant, ce jugement ne se vérifie pas dans les déclarations doctrinales de ces églises. L'élection inconditionnelle et son corollaire de la doctrine de la prédestination ne sont jamais complètement enseignées par les calvinistes, exceptées comme une assurance, pour ceux qui cherchent le pardon et le salut à travers le Christ, que leur foi n'est pas vaine, parce que Dieu est capable d'amener à l'accomplissement ceux qu'il a choisi de sauver. Néanmoins, les non-calvinistes objectent que ces doctrines favorisent le découragement dans la recherche du salut.

La rédemption particulière

Article détaillé : Expiation limitée.

La rédemption ou l'expiation particulière ou limitée[15] est la doctrine qui enseigne que l'expiation substitutive de Jésus est définitive et certaine dans son dessein et sa réalisation. Cette doctrine suit la notion de la souveraineté de Dieu dans le salut et la conception calviniste de la nature de la rédemption. Les calvinistes considèrent en effet la rédemption comme une substitution pénale : Jésus a été puni à la place des pécheurs. Et puisqu'il serait injuste pour Dieu de racheter les péchés de certains puis de les condamner quand même pour leurs péchés, alors tous ceux dont les péchés ont été expiés, doivent nécessairement être sauvés.

En outre, puisque dans ce plan, Dieu savait précisément qui serait sauvé et puisque seuls les élus sont sauvés, alors il n'y a pas d'obligation pour le Christ d'expier tous les péchés en général, mais seulement ceux des élus. Les calvinistes ne croient cependant pas que la rédemption est limitée dans sa valeur ou son pouvoir. En d'autres termes, selon eux, Dieu aurait pu élire et racheter tout le monde. Mais la rédemption est limitée dans le sens où elle a été conçue pour certains seulement et non pour tous. Ainsi les calvinistes soutiennent que la rédemption est suffisante pour tous et efficace pour les élus.

La grâce irrésistible

Article détaillé : Grâce irrésistible.

La doctrine de la grâce irrésistible, aussi appelée la grâce efficace, prétend que la grâce rédemptrice de Dieu agit efficacement pour ceux qu'il a choisi de sauver, c'est-à-dire les élus. Au moment choisi par Dieu, elle triomphe de leur résistance à obéir à l'appel de l'Évangile, les amenant ainsi à la foi salvatrice.

Cette doctrine ne soutient pas qu'on ne peut opposer une résistance à toute influence du Saint-Esprit de Dieu[17], mais que le Saint-Esprit est capable de vaincre toute résistance et de rendre son influence irrésistible et efficace. Alors, quand Dieu décide souverainement de sauver quelqu'un, cette personne sera sauvée avec certitude.

La persévérance des saints

Article détaillé : Persévérance des saints.

La persévérance (ou préservation) des saints est aussi connue sous le nom de « sécurité éternelle ». Le terme « saints » est ici utilisé dans le sens biblique pour évoquer tous ceux qui sont placés à part par Dieu, et non dans le sens technique de celui qui est exceptionnellement sanctifié, canonisé, ou au ciel (voir Saint). Selon cette doctrine, puisque Dieu est souverain et que sa volonté n'est jamais entravée par personne, alors ceux qu'il a appelés à communier avec lui, persévéreront dans la foi jusqu'à la fin. Si certains s'en éloignent, c'est soit qu'ils n'ont jamais reçu la vraie foi, soit qu'ils retourneront vers elle.

Cette doctrine est légèrement différente de celle de la grâce libre ou de la formule « une fois sauvée, toujours sauvé » qui est prêchée par certains évangéliques. Selon celle-ci, même s'il est en état d'apostasie ou d'impénitence, un individu est vraiment sauvé s'il a accepté le Christ à un moment donné dans sa vie. Dans la conception calviniste traditionnelle, l'apostasie d'une personne prouve qu'elle n'a jamais été sauvée[18].

La nature de l'expiation

Un autre sujet de désaccord avec l'arminianisme qui apparaît dans les cinq points, réside dans la conception calviniste de la doctrine de l'expiation substitutive de Jésus en tant que peine pour les péchés des élus. Cette conception fut développée par saint Augustin et en particulier saint Anselme et Calvin lui-même. Les calvinistes affirment que si le Christ a subi la peine à la place d'un pécheur, alors celui-ci doit être sauvé puisqu'il serait injuste s'il était par la suite condamné pour des péchés qui ont été rachetés. La nature définitive et contraignante de cette conception consentante de l'expiation, entraîne de fortes conséquences pour chacun des cinq points. Elle a mené les arminiens à adopter la théorie gouvernementale de l'expiation. Selon cette théorie, il n'y a pas de péchés ou de pécheurs particuliers, mais toute l'humanité est incluse dans ceux dont les péchés ont été rachetés. L'expiation n'était donc pas un paiement de la dette des pécheurs, mais un substitut à ce paiement, ce qui autorise Dieu à retirer par sa grâce la punition d'un pécheur lorsque celui-ci fait acte de repentance et croit en l'Évangile.

La théologie de l'alliance

Bien que les doctrines de la grâce ont d'une manière générale attiré le plus l'attention dans le calvinisme contemporain, la théologie de l'alliance ou théologie fédérale[19], est la superstructure architecturale qui unifie la doctrine du calvinisme dans son ensemble[12].

Les calvinistes conçoivent la transcendance de Dieu comme la relation entre Dieu et sa création instaurée par la condescendance volontaire de Dieu. Cette relation qu'il établit est une alliance. Les termes de la relation sont immuablement édictés par Dieu seul[20].

Les écrits réformés font habituellement référence à une alliance de rédemption intra-trinitaire. La relation entre Dieu et l'homme, qui dans le calvinisme historique est basée sur une double alliance, reflète la distinction établie dans les premiers temps de la Réforme protestante, entre la loi et l'Évangile. L'alliance des œuvres (la première alliance conclue) englobe la morale et la loi naturelle, en imposant ses exigences à la création. Selon ces exigences, l'homme jouit d'une vie éternelle et d'un bonheur suprême à la condition qu'il observe une obéissance continue, personnelle et parfaite[21]. Avec la chute de l'homme, cette alliance continue à s'opérer, mais seulement pour condamner l'homme pécheur[22]. L'alliance de la grâce est instituée lors de la chute et appliquée à travers les alliances historiques successives, inscrites dans l'Écriture, dans le but d'apporter la rédemption. Selon les dispositions de cette alliance, le salut ne vient pas d'un comportement personnel mais d'une promesse. La paix avec Dieu ne peut venir que d'un médiateur, lequel se trouve dans la personne et l'œuvre de Jésus-Christ. Le Christ est considéré comme la tête fédérale de ses élus. En conséquence, l'alliance est la base des doctrines de l'expiation substitutive et de l'imputation de l'obéissance active du Christ[23].

Dieu est partout

Les théories qui ont trait à l'église, à la famille et à la vie politique, et qui sont toutes appelées de façon ambiguë « calvinisme », sont le résultat d'une conscience religieuse imprégnée de la souveraineté de Dieu dans le cadre de ses alliances à la fois créationnelle et rédemptrice. La bonté et le pouvoir de Dieu ont alors des applications libres et illimitées, et ses œuvres sont une preuve que Dieu agit dans tous les domaines de l'existence, incluant les domaines spirituels, intellectuels et physiques, qu'ils soient profanes ou sacrés, publics ou privés, sur terre ou au ciel.

Selon ce point de vue, le plan de Dieu est à l'œuvre dans chaque évènement. Dieu, en tant que créateur, règne souverainement sur toutes choses, et en tant que rédempteur, sur ceux qu'il a sauvés. La dépendance absolue vis-à-vis du Christ n'est pas limitée au sacré (simplement à l'église ou à des actes explicites de piété comme la prière) mais s'étend aussi à toutes les tâches triviales et à vocation profane. Pour les calvinistes, bien que le royaume rédempteur de Dieu dans l'Église reste distinct des domaines d'activité commune avec ceux qui ne sont pas chrétiens, aucune partie de la vie n'est vraiment autonome vis-à-vis du règne du Christ.

Culte régulé par Dieu

Un culte dans une église presbytérienne de Virginie.
Article détaillé : Principe régulateur du culte.

Le principe régulateur concernant le culte, qui distingue l'approche calviniste du culte public de Dieu par rapport aux autres traditions chrétiennes, consiste en ce que seuls les éléments qui sont ordonnés ou désignés sous forme de précepte ou d'exemple dans le Nouveau Testament sont acceptables pour le culte. Le principe régulateur affirme que Dieu a institué dans les Saintes Écritures ce qu'il exige pour le culte, et tout ce qui n'en fait pas partie est prohibé. Exprimant la propre pensée de Calvin, ce principe régulateur est guidé par l'antipathie manifeste de ce dernier à l'égard de l'Église catholique romaine et de son culte. Calvin associe également les instruments de musique aux icônes, ce qu'il considère être une violation de l'interdiction des images taillées par les Dix Commandements[24].

Selon ce principe, beaucoup de calvinistes des premiers temps ont aussi recommandé d'éviter les instruments de musique et préconisé la psalmodie exclusive pour le culte[25], bien que Calvin lui-même autorisât d'autres chants bibliques en plus des Psaumes[24]. Cette pratique a caractérisé pendant un certain temps, le culte presbytérien et celui d'autres Églises réformées. Même si la question de la musique est centrale dans les débats sur le culte, d'autres sujets attisent également la controverse : les doxologies, les bénédictions, la confession collective des péchés, la prière et les lectures des credo ou des extraits de l'Écriture. La présence de chacun de ces éléments, leur ordre et leur priorité divergent suivant les nombreuses confessions protestantes.

Cependant, depuis les années 1800, la plupart des Églises réformées ont modifié leur conception du principe régulateur et se sont mises à utiliser les instruments de musique. Elles estiment que Calvin et ses premiers disciples sont allés au-delà des conditions fixées par la Bible[24] et que les particularités du culte exigent une sagesse fondée sur la Bible plutôt qu'une règle explicite. Malgré les protestations d'un petit nombre qui s'en tiennent à une vision stricte du principe régulateur, aujourd'hui les hymnes et les instruments de musique sont couramment employés, tout comme la louange[26].

Variantes

Beaucoup d’efforts ont été entrepris afin de réformer ou de développer le calvinisme. Ils ont donné lieu à un certain nombre de variantes au sein ou autour du calvinisme, qui ont marqué plus ou moins son histoire.

Lapsarianisme

Article détaillé : Lapsarianisme.

Au sein de la théologie scolastique calviniste, il existe deux écoles de pensée à propos de quand et de qui Dieu a prédestiné : le supralapsarianisme (du latin supra, « sur », signifiant ici « avant », et lapsus, « chute ») et l'infralapsarianisme (du latin infra, « sous », signifiant ici « après », et lapsus, « chute »). La première prétend que la chute s'est en partie produite pour faciliter l'action de Dieu dans l'accomplissement de son but qui consiste à choisir certains individus pour le salut et certains pour la damnation. La seconde est la doctrine qui assure que la chute, qui a été planifiée, ne l'a pas été en fonction de qui serait sauvé.

Les supralapsaires pensent que Dieu a choisi quels individus sauver avant d'avoir décidé d'autoriser l'homme à chuter. La chute étant alors un moyen de réaliser la décision prise préalablement d'envoyer certains individus en enfer et d'autres au ciel. Elle fournit les conditions nécessaires à la condamnation des réprouvés, et le besoin de la rédemption dans le cas des élus. Par opposition, les infralapsaires assurent que Dieu a logiquement planifié la chute de l'homme avant de prendre la décision de sauver ou de damner les individus, puisque selon eux, pour être sauvé, on doit d'abord avoir besoin d'être sauvé de quelque chose. Par conséquent, le décret divin de la chute doit précéder la prédestination au salut ou à la damnation.

Ces deux conceptions rivalisèrent entre elles lors du synode de Dordrecht en 1618-1619, lors duquel était réuni un corps international représentant les Églises calvinistes de toute l'Europe. Les décisions de ce synode prirent position en faveur de l'infralapsarianisme[27]. L'influente confession de foi de Westminster enseigne également l'infralapsarianisme[28] mais elle est aussi sensible à la position supralapsaire[29]. Aujourd'hui, la controverse lapsarienne comporte quelques partisans qui se font entendre d'un côté et de l'autre, mais d'une façon générale, elle ne reçoit pas beaucoup d'attention de la part des calvinistes modernes.

Amyraldisme

Article détaillé : Doctrine de Saumur.

L'amyraldisme, appelé aussi « doctrine de Saumur »,« universalisme hypothétique » ou « calvinisme quatre points », est une doctrine issue du calvinisme, qui abandonne le principe de l'expiation limitée en faveur d'une expiation illimitée énonçant que Dieu a fourni l'expiation de Jésus-Christ pour tous de la même façon. Mais observant que personne ne se mettrait à croire tout seul, Dieu aurait alors élu ceux qu'il amènerait à la foi en Christ. Ainsi, le principe calviniste de l'élection inconditionnelle est respecté[30].

Cette doctrine fut, en très grande partie, véritablement établie à l'académie de Saumur par le théologien réformé français Moïse Amyraut qui lui donna son nom. La formulation de cette doctrine fut pour lui une tentative de rapprocher le calvinisme du luthéranisme. Elle fut popularisée en Angleterre par le pasteur réformé Richard Baxter et remporta une forte adhésion parmi les congrégationalistes et certains presbytériens dans les colonies américaines aux XVIIe et XVIIIe siècles.

L'amyraldisme est présent au sein de divers groupes évangéliques aux États-Unis et du diocèse anglican de Sydney. Il est répandu dans des groupes conservateurs et modérés des Églises presbytériennes, réformées, baptistes réformés, chez les membres évangéliques de l'Église d'Angleterre et dans certaines Églises non dénominatives.

Historiquement, l'amyraldisme a été appelé « calvinisme modéré »[31]. L'apologiste Norman Geisler définit son point de vue de cette façon, mais plusieurs théologiens réfutent l'idée qu'il serait un calviniste modéré. Ainsi James White qualifie sa pensée de « simple forme modifiée de l'arminianisme historique »[32].

Le théologien Robert Charles Sproul pense qu'il existe une confusion à propos de ce que la doctrine de l'expiation limitée enseigne réellement. Bien qu'il considère qu'il est possible pour une personne de croire à quatre des points du calvinisme sans croire au cinquième, il soutient qu'une personne qui comprend vraiment ces quatre points « doit » croire à l'expiation limitée en raison de ce que Martin Luther appelle la « logique irrésistible »[30].

Hypercalvinisme

Article détaillé : Hyper-calvinisme.

L'hyper-calvinisme fait en premier lieu référence à une conception excentrique apparue chez les premiers baptistes particuliers anglais, dans les années 1700. Leur doctrine niait le fait que l'appel de l'évangile à « se repentir et croire » soit adressé à tout individu et que ce soit le devoir de chacun de croire au Christ pour le salut. Même si cette doctrine a toujours été minoritaire, elle n'a pas été reléguée au passé et est aujourd'hui présente chez certaines petites dénominations et communautés chrétiennes. Le terme apparaît aussi occasionnellement dans des contextes controversés sur un plan théologique ou séculier. Il connote alors généralement une opinion négative concernant certains types de déterminisme théologique ou de prédestination. Il désigne aussi parfois une version du christianisme évangélique ou du calvinisme qui est qualifiée d'ignorante, de dur ou d'extrême par ceux qui la critiquent.

Théologie dialectique

Article détaillé : Théologie dialectique.

Dans les Églises réformées traditionnelles, le calvinisme a subi une révision et un développement sous l'influence de Karl Barth et de la théologie dialectique (appelée aussi théologie de crise ou néo-orthodoxie). Barth était un important théologien réformé suisse qui commença à écrire au début du XXe siècle et dont la principale réalisation fut de contrecarrer l'influence des Lumières au sein des Églises. La déclaration de Barmen exprime la réforme du calvinisme de Barth. Les calvinistes conservateurs (ainsi que certains réformateurs libéraux) considèrent qu'il est ambigu d'utiliser le terme « calvinisme » pour désigner la néo-orthodoxie ou d'autres révisions libérales provenant d'Églises calvinistes, à cause des différences théologiques qui existent entre ces doctrines.

Néo-calvinisme

En plus des mouvements traditionnels au sein des Églises réformées conservatrices, plusieurs courants sont apparus à travers la tentative de proposer une approche du monde contemporaine mais théologiquement conservatrice.

Le néo-calvinisme est une version du calvinisme qui fut adoptée à la fois par des conservateurs et des libéraux (en matière de théologie). Il gagna en influence vers la fin du XIXe siècle, au sein des Églises réformées néerlandaises. Il se développa à partir des théories du théologien, homme politique et journaliste néerlandais, Abraham Kuyper. Les critiques de ce mouvement de la part des calvinistes plus modernes le décrivaient comme une révision du calvinisme, mais une révision plus conservatrice par rapport au christianisme moderne ou à la néo-orthodoxie. Le néo-calvinisme ou la « philosophie réformée » sont une réponse aux influences des Lumières, mais d’une façon générale, elles ne touchent pas directement aux doctrines du salut. Les néo-calvinistes considèrent leurs travaux comme une mise à jour de la weltanschauung calviniste en réponse aux circonstances modernes. Ils souhaitent que ce soit une extension de la compréhension calviniste de la religion aux questions scientifiques, sociales et politiques. Pour montrer leur cohérence avec le mouvement réformé historique, ses partisans font référence aux chapitres 1 à 3 du 1er livre de l'Institution de la religion chrétienne de Calvin. Aux États-Unis, le néo-calvinisme de Kuyper est entre autres représenté par le Center for Public Justice, un think tank politique et confessionnel dont le siège se trouve à Washington.

Le néo-calvinisme bifurqua vers des mouvements théologiquement plus conservateurs aux États-Unis. Le premier d'entre eux à devenir important se développa à travers les écrits de Francis Schaeffer, qui avait réuni autour de lui un groupe d'universitaires, et qui diffusait leurs idées par écrit et grâce à L'Abri, un centre d'études calviniste en Suisse. Ce mouvement généra une conscience sociale renouvelée au sein des évangéliques.

Reconstructionnisme chrétien

Le « reconstructionnisme chrétien » est un autre mouvement néo-calviniste mais beaucoup plus petit, plus radical et théocratique. Il est cependant décrit par certains comme largement influent dans la vie politique et familiale américaine. Le reconstructionnisme est une révision du calvinisme distincte de l'approche de Kuyper, qui s'écarte nettement de cette influence d'origine par le rejet total du pluralisme religieux et par la proposition faite aux gouvernements civils modernes d'appliquer des sanctions tirées de la loi biblique. Ces caractéristiques sont les aspects les moins influents du mouvement. Son fondateur intellectuel, Rousas John Rushdoony, base une grande partie de ses opinions sur les idées apologétiques de Cornelius van Til, le père du présuppositionalisme et professeur au séminaire théologique de Westminster (bien que Van Til ne soutenait pas une telle conception). Ce mouvement a une certaine influence parmi les Églises réformées conservatrices, au sein desquelles il est né, et parmi les Églises baptistes calvinistes et charismatiques, principalement aux États-Unis.

Le reconstructionnisme tend à reconstruire totalement les structures de la société sur des présuppositions chrétiennes et bibliques. Selon ses défenseurs, ce but ne sera pas atteint par des changements structurels du sommet à la base, mais à travers la progression régulière de l'évangile du Christ dans l'esprit des hommes, telle qu'elle se voit par la conversion des hommes et des femmes, lesquelles par la suite, mettent en œuvre leur obéissance à Dieu dans tous les domaines dont ils sont responsables. En se conformant au principe théonomique, ce mouvement cherche à établir les lois et les structures les mieux à même de mettre en application les principes éthiques de la Bible, y compris de l'Ancien Testament, tels qu'ils sont résumés dans le Décalogue. Bien que n’étant pas un mouvement politique à proprement parler, le reconstructionnisme a néanmoins été influent dans le développement de certains aspects de la droite chrétienne et que certains détracteurs ont qualifié de « dominionisme ». Le reconstructionnisme assure que Dieu a institué dans les Saintes Écritures, tout ce qu’il exige pour organiser la société et soi-même, étendant alors le principe régulateur du culte à tous les domaines de la vie.

Le calvinisme aujourd'hui

Dans les années récentes, le calvinisme a été l'objet d'un regain en Amérique du Nord[33]. Le magazine Time a décrit en 2009 le nouveau calvinisme comme l'une des « dix idées en train de changer le monde » et ses partisans comme des baptistes réformés et des baptistes du sud principalement[34].

Influences religieuses et sociales

Argent et capitalisme

Une école de pensée établit un lien entre l'essor de la révolution industrielle aux Pays-Bas et en Angleterre et le calvinisme. Elle affirme que ce dernier a permis le développement du capitalisme dans les pays protestants européens. Cette thèse fut notamment développée par Max Weber dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme dans lequel il affirme que l'esprit capitaliste est issu du calvinisme[35]. Pour lui en effet, Calvin a élevé le travail et l'effort au rang de pratique religieuse tout en insistant sur l'austérité et la simplicité du mode de vie, ce qui a entraîné des comportements d'épargne et ainsi abouti à l'émergence du capitalisme[35]. Le théologien allemand Ernst Troeltsch soutient que le capitalisme ne trouve pas son origine dans le calvinisme mais que le calvinisme a favorisé l'esprit capitaliste après avoir été sous l'influence de l'économie capitaliste[36]. Pour Georges Goyau, le calvinisme a permis l'individualisme religieux, qui a encouragé l'individualisme économique et ainsi le capitalisme[35]. En revanche, selon l'économiste André-Émile Sayous, le calvinisme a freiné le développement du capitalisme, notamment en prônant une limitation du taux de l'intérêt à Genève, ville où Calvin et de nombreux protestants s'étaient installés[35].

Pour Calvin, la richesse est une manifestation de la grâce de Dieu. Elle n'appartient donc pas vraiment à l'homme et doit par conséquent circuler, du riche vers le pauvre[35]. Ainsi, riche et pauvre ont une fonction sociale : le riche doit distribuer son argent au pauvre afin de le secourir et le pauvre doit recevoir l'argent du riche afin que se révèle la solidarité entre les hommes voulue par Dieu. Le pauvre est alors le « procureur » de Dieu, celui par qui le riche est jugé selon sa charité et sa foi[35].

Concernant le prêt à intérêt, Calvin considère que son interdiction telle qu'elle est mentionnée dans la Bible, ne concerne que le prêt destiné à ceux qui sont dans le besoin et non les prêts industriels et commerciaux, lesquels étaient inconnus à l'époque en Israël[35]. Il interdit donc le premier mais autorise les seconds[37]. Ce faisant, il s'oppose aux réformateurs précédents qui, comme l'Église catholique, condamnaient le prêt à intérêt. Calvin fixe cependant des limites à ces prêts concernant leurs modalités et les créanciers[37]. Il met également en garde contre ses éventuels abus[35]. Le prêt à intérêt est ainsi autorisé à Genève, mais sous certaines conditions. Le taux de l'intérêt, fixé par les autorités, est par exemple beaucoup plus bas qu'ailleurs à la même époque. Après sa mort, ses successeurs se conforment à sa conception du prêt à intérêt. Lors du projet de création d'une banque dans la ville, Théodore de Bèze avertira contre les dangers que pourrait faire peser le désir de richesse sur les mœurs[35].

Arminianisme

Article détaillé : Arminianisme.

Un mouvement politique et théologique, qui grandit en opposition au calvinisme, et aujourd'hui appelé « arminianisme », fut fondé par le théologien néerlandais Jacobus Arminius puis développé et révisé par les remonstrants. Arminius rejetait plusieurs principes des doctrines calvinistes du salut, à savoir les quatre derniers points de ce qui fut plus tard nommé les cinq points du calvinisme. Aujourd'hui, le terme « arminianisme » sert souvent à désigner à la fois la doctrine d'Arminius et celle des remonstrants. Cependant, les disciples d'Arminius se distinguent parfois eux-mêmes en se désignant sous le nom d'« arminiens réformés »[38].

La doctrine des remonstrants fut condamnée au synode de Dordrecht, qui se tint dans la ville du même nom, en Hollande, en 1618-1619. Les partisans d'Arminius et les remonstrants ne sont généralement pas considérés comme « réformés » par la plupart des calvinistes. Beaucoup de chrétiens évangéliques adoptèrent les positions soutenues par les remonstrants. La doctrine d'Arminius fut relancée par l'évangéliste John Wesley et est aujourd'hui courante, particulièrement au sein du méthodisme.

Comparaison entre courants protestants

Ce tableau résume les différences de conceptions du salut entre le calvinisme et deux autres courants protestants[39].

Sujet Luthéranisme Calvinisme Arminianisme
Libre arbitre Corruption totale sans libre arbitre Corruption totale sans libre arbitre La corruption n'exclut pas le libre arbitre
Élection Élection inconditionnelle au salut seulement Élection inconditionnelle au salut et à la damnation Élection conditionnelle sur la base de la prédiction de la foi ou la prédiction de l'incroyance
Justification Justification pour tous, accomplie à la mort du Christ Justification limitée à ceux qui sont élus au salut, accomplie à la mort du Christ Justification possible pour tous mais seulement accomplie lorsque l'individu choisit la foi.
Conversion À travers les moyens de grâce, résistible Sans moyens, irrésistible Implique le libre arbitre, résistible
Préservation et apostasie S'éloigner est possible mais Dieu donne l'assurance de la préservation. Persévérance des saints Préservation à la condition de persévérer dans la foi, possibilité d'une apostasie totale et définitive.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Calvinism » (voir la liste des auteurs)

  1. (en) Abraham Kuyper, Lectures on Calvinism: The Stone Lectures of 1898, 1898. Consulté le 18 juillet 2009.
  2. Jean-Daniel Benoit, Calvin, directeur d'âmes : Contribution à l'histoire de la piété réformée, Strasbourg, Oberlin, 1947, p. 68
  3. Olivier Fatio, « Le calvinisme », in Dictionnaire Historique de la Suisse, Berne. [1]
  4. [PDF] (en) George M. Ella, « Article on Bullinger » [2]
  5. (en) John Patrick Donnelly, Calvinism and Scholasticism in Vermigli's doctrine of man and grace, Volume 18 de Studies in medieval and Reformation thought, Brill Archive, 1976, pages 1-2, (ISBN 9789004044821) [3]
  6. Ulrich Zwingli, André Gounelle, La foi réformée, Volume 15 de la Petite bibliothèque protestante, Éditions Olivetan, 2000, pages 5-6 (ISBN 9782853041577) [4]
  7. (en) Benjamin B. Warfield, Calvinism: The Meaning and Uses of the Term, The Works of Benjamin B. Warfield, MI: Baker Book House, Grand Rapids, 1991, pp. 353-366.
  8. (en) William Gilbert, « The Reformation in Germany and Scandinavia », chapitre 12, in Renaissance and Reformation.
  9. (en) Major Branches of Religions Ranked by Number of Adherents, Adherents.com. Consulté le 19 août 2009.
  10. À propos de nous-mêmes sur le site officiel de la Communion mondiale d'Églises réformées. Consulté le 26 octobre 2010.
  11. (en) S. Vandergugten, « The Arminian Controversy and the Synod of Dort », dans Clarion, vol. 37, no 19, 20 (16-30 septembre 1989) [lire en ligne]
  12. a et b Michael Horton, God of Promise, Introducing Covenant Theology, Grand Rapids, Mich. : Baker Books, 2006.
  13. J. A. Delivuk, Biblical authority and the proof of the regulative principle of worship in the Westminster confession, The Westminster theological journal, 1996, vol. 58, n°2, pp. 237-256, résumé. Consulté le 15 juin 2009.
  14. (en) Jerry Bridges, Gospel-Driven Sanctification, Good News: The Gospel for Christians, vol. 12, n°3, mai/juin 2003, pp. 13-16. Consulté le 16 juin 2009.
  15. a, b et c Martin R. Gabriel, Le dictionnaire du christianisme, Publibook, 2007, p. 299. Consulté le 16 juin 2009.
  16. (en) David Steele et Curtis Thomas, The Five Points of Calvinism Defined Defended Documented, § 25 : « L'adjectif "total" ne signifie pas que chaque pécheur est aussi totalement et complètement corrompu dans ses actions et ses idées qu'il est possible de l'être. Le mot "total" est plutôt utilisé pour indiquer que "l'ensemble" de l'être humain a été affecté par le péché ».
  17. (en) John Murray, « Irresistible grace », in Soli Deo Gloria: Essays in Reformed Theology, éd. R.C. Sproul, Presbyterian and Reformed Publishing, 1976.
  18. (en) Loraine Boettner, The Perseverance of the Saints, The Reformed Doctrine of Predestination, 1932. Consulté le 17 juin 2009.
  19. Martin R. Gabriel, Le dictionnaire du christianisme, Publibook, 2007, p. 30. Consulté le 17 juin 2009.
  20. Confession de foi de Westminster, 1647, VII. 1..
  21. Confession de foi de Westminster, 1647, VII 2 et XIX 1.
  22. Confession de foi de Westminster, 1647, XIX 2.
  23. Confession de foi de Westminster, 1647, VII 3 et VIII.
  24. a, b et c (en) John Barber, Luther and Calvin on Music and Worship, Reformed Perspectives Magazine, vol. 8, n° 26, 25 juin 2006. Consulté le 18 juin 2009.
  25. (en) Brian Schwertley, Musical Instruments in the Public Worship of God, 1998. Consulté le 18 juin 2009.
  26. John Frame, Worship in Spirit and Truth, P&R Publishing, Phillipsburg, 1996 (ISBN 978-0875522425)
  27. Canons de Dordrecht, premier point de doctrine, article 7. Consulté le 19 août 2009.
  28. (en) Charles Hodge, Systematic Theology, volume II, Infralapsarianism, Christian Classics Ethereal Library. Consulté le 19 août 2009.
  29. (en) Charles Hodge, Systematic Theology, volume II, Supralapsarianism, Christian Classics Ethereal Library. Consulté le 19 août 2009.
  30. a et b (en) Robert Charles Sproul, The Truth of the Cross, Reformation Trust Publishing, 2007, (ISBN 978-1567690873), pp.140-142
  31. (en) Michael Horton, Four Views on Eternal Security, J. Matthew Pinson ed., Zondervan, 2002 (ISBN 978-0310234395), p. 113
  32. (en) James White, The Potter's Freedom, Calvary Press, mai 2000 (ISBN 978-1879737433), p. 29
  33. (en) Collin Hansen, « Young, Restless, Reformed », Christianity Today, 22 septembre 2006. Consulté le 21 juin 2010.
  34. (en) David Van Biema, « 10 Ideas Changing the World Right Now: The New Calvinism », Time, 12 mars 2009. Consulté le 21 juin 2010.
  35. a, b, c, d, e, f, g, h et i [PDF] Calvin, l'argent et le capitalisme, extrait de : La revue réformée, n°37 – 1959/1, pages 43-52. Consulté le 10 juillet 2009.
  36. Annette Disselkamp, Une autre éthique protestante : à propos d'Ernst Troeltsch, Archives de sciences sociales des religion, 1991, vol. 75, p. 109.
  37. a et b (en) Guenther H. Haas, The Concept of Equity in Calvin’s Ethics, Waterloo (Ontario, Canada), Wilfrid Laurier University Press, 1997 (ISBN 0889202850), pp. 117 et suivantes.
  38. (en) Stephen Ashby, « A Reformed Arminian View », in Pinson, J. Matthew, editor, 2002, Four Views on Eternal Security, Grand Rapids: Zondervan.
  39. (en) Lyle W. Lange, God So Loved the Word: A Study of Christian Doctrine, Northwestern Publishing House, Milwaukee, 2006. p. 448.

Annexes

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Bibliographie

  • Jean-Daniel Benoit, Calvin, directeur d'âmes : Contribution à l'histoire de la piété réformée, Strasbourg, Oberlin, 1947.
  • Charles Brütsch, La foi réformée, coll. Armure, Delachaux et Niestlé, 1947, 106 p.
  • Martin Ernst Hirzel (dir.), Calvin et le calvinisme - Cinq siècles d'influences sur l'Église et la Société, Labor et Fides, Genève, octobre 2008, 360 p., broché, 15,5 x 21,5 x 1,4 cm (ISBN 978-2-8309-1277-7)
  • Marc Vial, Jean Calvin - Introduction à sa pensée théologique, Labor et Fides, novembre 2008, 179 p., broché, 15,5 x 21,5 x 1,4 cm (ISBN 978-2-8309-1276-0)
  • François Wendel, Calvin, sources et évolution de sa pensée religieuse, volume 9 de Histoire et société, Labor et Fides, 1985 (ISBN 9782830900545)
  • Ulrich Zwingli, André Gounelle, La foi réformée, Volume 15 de la Petite bibliothèque protestante, Éditions Olivetan, 2000, 93 p. (ISBN 9782853041577)

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