Histoire de l'Agence France-Presse de 1944 à 2011

Histoire de l'Agence France-Presse de 1944 à 2011

L'Histoire de l’Agence France-Presse de 1944 à 2011 a vu la troisième agence mondiale d’informations, derrière la britannique Reuters et l’américaine Associated Press, se développer à l’international, en doublant son nombre de bureaux à l'étranger, puis se diversifier vers de nouveaux produits comme la téléphoto, l'information financière et la vidéo.

Sommaire

L'âge de l'enfance

La Libération, premières dépêches

L'Agence France-Presse est le premier bâtiment pris lors de la Libération de Paris, un mois avant sa naissance officielle par une ordonnance du 30 septembre 1944. Les journalistes clandestins qui s'emparent de l'immeuble diffusent la première dépêche de l'AFP le 20 août 1944, cinq jours avant l'entrée dans Paris du général Leclerc[1].

« Grâce à l’action des Forces Françaises de l’Intérieur, les premiers journaux libres vont paraître », révèle la dépêche[1].

L'AFP récupère les locaux de l'Office français d'information (OFI) créé par le gouvernement de Vichy à partir de la branche de l'agence Havas spécialisée dans l'information, transformée par l’occupant allemand en officine de propagande. L’AFP revendique ainsi une histoire qui remonte à 1835[2], date de création de l’agence Havas. Mais par ses journalistes, elle a hérité des agences résistantes nées sous l'occupation allemande, comme l'Agence française d'information (AFI) lancée à Londres en 1940, l'Agence France-Afrique à Alger en 1942, et l'Agence d'information et de documentation (AID), créée dans la clandestinité en zone occupée en 1944, par des résistants, pour la plupart anciens journalistes de l'agence Havas.

Jean Marin, gaulliste de la première heure, dirigera l'AFP de 1955 à 1975. Journaliste de la France Libre à Londres, il avait animé l'émission « Les Français parlent aux Français » au micro de la BBC, pendant quatre années de guerre. C’est lui qui va rédiger l’essentiel du statut de 1957 garantissant l’indépendance de l’AFP.

L’après guerre et les critiques des agences concurrentes

Les années d'après-guerre sont consacrées à la refondation du réseau international. L'AFP est le premier média occidental à annoncer la mort de Joseph Staline, le 6 mars 1953 après avoir appris la nouvelle grâce à son service d'écoute des radios de Moscou et des autres capitales d'Europe de l'Est[3].

L’AFP est très en retard sur ses concurrentes anglo-saxonnes. Reuters, qui alors un statut coopératif, souligne auprès des clients que la crédibilité de l'AFP est suspecte car elle est entre les mains du gouvernement français[4]. Au cours de ses douze premières années, l'AFP a eu six directeurs généraux successifs. Cette instabilité « s'ajouta à la tutelle financière fixée par la loi de Finances » et « altérait l'image de l'AFP, notamment face à la concurrence étrangère qui ne se privait pas de la présenter comme l'agence d'état au service de la propagande de la France »[5], selon Lionel Fleury, ancien PDG de l’entreprise[6].

Il apparaît alors de plus en plus évident, même aux yeux des pouvoirs publics, qu'un nouveau statut, libérant l'AFP de la tutelle de l'État, devenait indispensable pour assurer son développement.

Guerre d’Algérie: de la propagande à la photo, puis à la neutralité

L'AFP a commencé par « compter les pieds de vignes » arrachés par les "rebelles" algériens, tout en faisant l’impasse sur la torture, selon l’historienne Barbara Vignaux[7]. À partir de 1956, on note une inflation du nombre de titres des journaux, petits et grands, consacrés à l'Algérie[8] car plusieurs centaines de milliers d’appelés du contingent doivent traverser la Méditerranée. L'État français veut se lancer dans la bataille de l’information, après les reportages très critiques de France Observateur dans les maquis algériens en septembre 1955, ou des prises de position de L'Express pendant la bataille d'Alger en 1957. En face, les indépendantistes algériens ont le sentiment de subir une bataille inégalitaire de l'information. Mais ils attendront les mois précédant l'indépendance de 1962, pour lancer une agence nationale, l'Algérie Presse Service (APS2).

L'AFP a profité de la guerre d'Algérie pour développer son service photo. A Tunis et Alger, les journalistes recueillent des photographies auprès de la presse locale et des clichés venant d'amateurs, tant du côté algérien que français, ce qui permet de crédibiliser la couverture de l’agence auprès des médias internationaux. Les reporters sont tentés d’illustrer la dépêche par une image la validant, plus proche du fait, ou apportant un regard complémentaire. Pour échapper aux clivages politiques, ils tentent timidement de raconter la vie quotidienne, sur le ton de la neutralité, au moins apparente[9].

Le vote de la loi de 1957 donnant statut à l'AFP entraîne une modification sensible de sa couverture de la guerre d’Algérie[10], sujet délicat par excellence : de tonalité très officielle au début, les dépêches accordent peu à peu une part croissante aux activités et aux hommes du FLN et du GPRA, puis de l’OAS. La couverture du conflit devient plus équilibrée avec le temps[10]. L'Histoire de l'Agence Reuters avait été marquée par une évolution allant aussi vers une plus grande objectivité, lors de la guerre des Boers, couverte pour la première fois des deux côtés du conflit, par Sir Roderick Jones, qui deviendra directeur général puis propriétaire de Reuters.

L’adoption du statut d’indépendance

Trente ans après que la Press Association britannique, fédérant les journaux régionaux anglais, a pris en 1925 la majorité du capital de Reuters, un schéma du même type est retenu pour l'AFP, s'inspirant du Reuters Trust.

La genèse de la loi[11] créant un statut spécifique pour l'AFP a été marquée par deux hommes : Jean Marin et Paul Louis Bret, ex-directeur du bureau de Londres, qui avait réfléchi sur les questions d’objectivité : « Que la seule perception de l'objet comporte un jugement, c'est là une évidence », disait-il, en évoquant aussi un « droit à l’information »[12].

Une bonne dizaine de projets de statut ont été préparés depuis 1944, y compris quatre propositions et un projet de loi. Parmi eux, un projet de 1949 signé de François Mitterrand imagine une taxe spéciale, car avec 10 millions quotidiens d'exemplaires seulement, contre 31 millions à la presse britannique et 56 millions à celle des Etats-Unis, la presse française ne pourra seule financer l’AFP.

En 1954, sous Pierre Mendès France, Jean Marin est nommé président de l'AFP et veut la doter d'un statut d'indépendance, car la « plaie secrète» de l'AFP, c'est que des journalistes qui remplissent correctement leur tâche se sentent constamment menacés: il met sur pied 2 groupes de travail comprenant la plupart des fédérations de la presse française et déclare à ses reporters: "votre directeur général prendra sur lui d'assumer la responsabilité de ce pour quoi vous étiez dénoncés par un pouvoir excessif"[13].

Le 5 février 1955, le président du conseil des ministres Pierre Mendès France est renversé. Un de ses derniers actes est la signature la veille du décret créant une commission "chargée d'étudier les réformes de l'AFP et de préparer un projet de statut". Présidée par le conseiller d'État Frédéric Surleau[14], elle réunit les membres des groupes de travail. Le 18 juillet, un projet de statut de 18 pages est approuvé. Fin août, un référendum est organisé auprès des salariés : sur 1001 inscrits, la participation atteint 83 % et 709 voix l’approuvent.

Le 3 juillet 1956, le débat commence à l'Assemblée nationale, dans un hémicycle plein. A la demande des syndicats patronaux de la presse, le droit de participer à l'élection du président-est d'abord dénié aux administrateurs salariés, mais cet amendement est refusé. Un jeune député indépendant du Puy-de-Dôme, Valéry Giscard d'Estaing[14], voit son amendement donnant plus de pouvoir à la Commission financière repoussé par 314 voix contre 261. Dans la nuit du 28 décembre, l'Assemblée vote à l’unanimité la loi.

L'âge de la croissance

Les satellites et l'informatisation : premiers jalons dans les années 1960

Jean Marin, qui dirige déjà l'AFP depuis 1954, est le premier président élu. Il dirigera l'AFP jusqu'en 1975, développant le réseau, les moyens techniques et une clientèle plus large. Dès 1962, il organise le test des liaisons satellites entre Paris et Washington, par Telstar, premier service d’agence transmis par satellite. Le 22 novembre 1963, l’AFP expérimente une liaison permanente par satellite entre Paris et New York.

À partir de 1968, les spécialistes de la presse entrevoient le scénario d’une future informatisation: le directeur technique de l'AFP André Guillotin demande une première étude à une société spécialisée, la CGO. Les quotidiens Le Provençal, Paris-Normandie et le Midi Libre sont les premiers quotidiens français à envisager de se lancer dans la photocomposition. En 1970, la concurrente américaine Associated Press, qui est comme l'AFP une coopérative de journaux, montre la voie par une « electronic newsroom » expérimentale. En 1971, la convention collective du syndicat du Livre prévoit l’introduction de l’informatique, à l'époque encore dominée par les « grands systèmes », des grosses machines prenant beaucoup de place. Le service technique de l'AFP emploie 255 personnes dont 170 opérateurs : un accord avec les syndicats prévoit de supprimer 130 postes et l'informatisation est décidée en 1972. Aucune rédaction en France n’a encore été informatisée. Le seul projet à Paris est mené par l’International Herald Tribune.

L'AFP augmente sa présence dans les pays anglophones mais n'a pas encore une clientèle assez large à l'international pour suivre la politique de diversification vers l'information financière lancée dès 1961 aux Etats-Unis par Michael Nelson chez Reuters, qui s'allie à Ultronics Systems, première société à diffuse les cours des actions, centralisés sur des grosses machines Control Data Corporation, et réceptionnés sur des mini-terminaux à bande magnétique, à une époque où les consoles ne sont pas produites en série et où n'existent ni les IBM PC ni les Macintosh, lancés en 1981 et 1984. Reuters propose ce service Stockmaster dès 1964 et enchaîne en 1971 avec Money Monitor, qui fait sa fortune.

Le développement à l'international des années 60 et 70

Le nouveau statut adopté, l'AFP ouvre un bureau à Pékin en 1958, puis d'autres en Asie. Le service en langue arabe lancé le 1er janvier 1969 permet d'ouvrir progressivement de nouveaux bureaux. En 1972, le scoop de Charles Biétry sur le drame de la Prise d'otages des Jeux olympiques de Munich amène plusieurs grands journaux américains à s'abonner.

La proportion de l'international dans le chiffre d'affaires augmente de 50 % entre 1970 et 1986, pour atteindre presque 18 % du total.

Lors du vote du statut de 1957, l'AFP comptait 25 bureaux en province mais seulement 59 situés "outre-mer", dont 13 dans les anciennes colonies. Quarante ans après, elle a 112 bureaux à l'étranger, presque deux fois plus[15]. Pour contribuer à cette expansion internationale, Jean Marin demande en 1971, l'année de la signature par les syndicats de journalistes de la Charte de Munich, la rédaction du « Manuel de l'agencier » qui codifie les règles professionnelles.

Les investissements, effectués avec régularité chaque année, permettent de réduire progressivement l'écart avec la concurrente Associated Press. En 1977, le chiffre d'affaires de l'américaine (100 millions de dollars) dépasse de 133 % celui de l'AFP. Mais dix-huit ans plus tard, en 1985, l'écart s'est réduit : AP ne dépasse plus que de 64 % l'AFP, un écart deux fois moins important, avec 230 millions de dollars de chiffre d'affaires pour l'américaine, contre 147 millions de dollars pour la française[16].

Cette part croissante de l'actualité internationale se retrouve chez des grands clients comme France-Soir, qui dépasse le million d'exemplaires dans les années 1960 et tire encore à 600000 exemplaires en 1976, ou Le Monde, dont la diffusion triple en 20 ans, passant de 137433 exemplaires en 1960 à 347783 en 1971, puis près de 500000 à la fin des années 1970[8].

Dix grands quotidiens français tournent le dos à l'AFP en 1973

Dès 1973, cette croissance de l'international est fragilisée par le premier choc pétrolier. L'inflation et la récession s'ajoutent, pour les journaux français, aux hausse de salaires importantes consenties en 1968 aux ouvriers du Livre et à la percée rapide de la télévision, à laquelle ils ne se sont pas encore adaptés. Dès 1968, 62 % des familles ont un téléviseur contre 13 % en 1960. La couleur, qui surgit sur les écrans, ne sera généralisée dans les imprimeries françaises que 25 ans plus tard. Une troisième chaîne de télévision, régionale, est créée en 1973[17]. Le tirage des magazines de télévision passe à 3,5 millions dès 1970, puis 6,3 millions en 1980. L'Express atteint 600000 exemplaires[18] quand Le Parisien perd 300000 lecteurs[19] du fait d'une grève qui dure un an et demie.

Les difficultés financières des journaux incitent à remplacer l'AFP par l'Agence Centrale de Presse, créée dès 1951 par Le Provençal et Nord Matin. Meilleur marché, plus diverse dans son contenu, l'ACP a pour la première fois dix clients[20] en 1973, ce qui occasionne un manque à gagner de 1,7 million de francs. L'AFP doit s'adapter, diversifier le contenu de ses dépêches, alors qu'une étude sur les informations politiques dans quatre quotidiens français (Le Monde, France-Soir, Le Figaro et L'Humanité) montre qu'elles cèdent souvent la place aux informations culturelles[21]. Il se produit le même phénomène que dans les années 1880, lorsque "la lutte de Reuters et Havas contre ce concurrent, l'Agence Dalziel, avait "renforcé la démocratisation et dépolitisation du journalisme d'agence"[22]. Dans la deuxième partie des années 1970, les réformes engagées par l'AFP lui permettent de récupérer la plupart des clients perdus.

Après 1973, la lutte contre choc pétrolier et l'inflation

Au début de la décennie, le prix facturé par l'AFP aux organismes publics a augmenté plus vite que le coût de la vie. Avec l'envol de l'inflation, les syndicats exigent des hausses de salaires. Jusque là, ils demandaient des embauches, comme au desk étranger où démarre le 8 février 1971 une grève sauvage[23], la charge de travail ployant sous une plus grande couverture internationale. Les syndicats demandent en tout 53 embauches, la direction en accorde 26[24].

Valéry Giscard d'Estaing, qui tentera sans succès en 1975 d'imposer un ambassadeur de France à la tête de l'AFP, durcit le ton dès 1974, pour combattre la hausse des prix en France (+13,7 % en après +9,8 % en 1973). L'AFP veut relever ses tarifs de 15,4 %, mais Bercy intervient auprès des administrateurs représentant les services publics : 8,1 % serait un maximum. Les patrons de journaux proposent eux 10 %[25]. En août 1974, dans un "memorandum" au gouvernement, le SNJ demande une refonte du statut sur un point : "un financement complémentaire" sous forme de "dotation budgétaire" ou "de taxe"[25].

Après avoir progressé sous Georges Pompidou et culminé à 63 % au milieu des années 1970, la part des abonnements d'organismes publics dans le chiffre d'affaires diminue ensuite d'un tiers, les recettes privées, en particulier à l'international, prenant le relais.

La part des abonnements d'organismes publics dans le chiffre d'affaires de l'AFP :
Année 1968 1976 1978 1981 1982 1986 1987 1993 2005 2011
Proportion

[26]

55 % 63 % 61 % 60 % 59 % 56 % 55 % 48 %[27] 44 % 40 %[28]

Le lancement du service audio, dans le sillage des "radios libres" de 1981

Réclamé par les centaines de radios libres autorisées en 1981, le service audio a pâti des multiples interventions du gouvernement sur le plan d'Henri Pigeat, alors que les grandes radios comme NRJ mobilisent en 1983 des jeunes manifestants-auditeurs pour se réserver un "confort d'écoute" sur la bande FM.

Il faudra attendre octobre 1984 et la menace de la concurrence pour que l'AFP l'inaugure. L'année suivante, elle fournit chaque jour une série de dix bulletins de trois minutes, accessibles par téléphone pour un prix modique, des bulletins "prêt à lire" et des correspondances plus longues, enregistrées de l'étranger, que les radios peuvent se procurer à leur guise.

Cinq ans plus tard, l'AFP Audio émettra toute la journée une grille de programmes complets pour les radios qui souhaitent y prélever un composant ou un autre. Elle compte en France une centaine d'abonnés contre mille aux États-Unis pour AP Audio, le service similaire d'Associated Press, commercialisé auprès des 6000 radios locales américaines.

La disparition de centaines de radios libres, chassées par les plus grandes comme NRJ, oblige ensuite l'AFP à réduire la voilure, puis supprimer ce service dans les années 1990.

Reuters profite de l'info financière pour conquérir les États-Unis

Article détaillé : Histoire de l'Agence Reuters.

Propriété depuis 1941 de journaux britanniques et de coopératives d'agences d'Australie et de Nouvelle-Zélande[29], Reuters dépasse l'Associated Press dès 1980, grâce à un chiffre d'affaires multiplié par 16 en 15 ans. Ses ventes se limitaient à 4 millions de livres sterling en 1964, cinq fois moins qu'Associated Press (19 millions de sterling)[30].

Le succès vient de la création en 1964 du Reuters Ultronics Report. En 1962, alors que l'AFP ne fait que commencer son développement international, Michael Nelson va à New York négocier avec Scantlin Electronics un accord pour offrir aux clients de Reuters le produit révolutionnaire Quotron. N'y parvenant pas, il se tourne en 1963 vers une petite société concurrente, Ultronics Systems, dont le produit Stockmaster permet aussi de consulter des cours de Bourse sur un mini-boitier.

Comme le conseil d'administration de Reuters refuse d'investir un penny dans l'affaire, c'est Ultronics Systems qui débourse l'argent. En contrepartie, la jeune société empoche la moitié des bénéfices, alors que Reuters apporte l'essentiel des clients. L'accord a "introduit Reuters dans le domaine de l'informatique et des pratiques d'affaires américaines" selon Michael Nelson. Résultat, un bénéfice de 1,1 million de sterling dès 1975 contre une perte de 57000 sterling (1,4 % du chiffre d'affaires) en 1964.

Trois ans après l'accord avec Ultronics Systems, en 1967, GTE se substitue à ATT, pour fournir les lignes transatlantiques qui font le succès du produit. En plus des informations européennes, Reuters propose alors aux clients américains du Stockmaster, ses propres informations économiques, mais aussi générales, sur les États-Unis, en embauchant des reporters et en mettant fin en 1967 à son accord d'échange de nouvelles avec Associated Press et Dow Jones and Company[31]. La langue anglaise et l'intérêt commun pour la Bourse rapprochent ce vaste réseau de clients, des deux côtés de l'Atlantique, à qui il sera facile de vendre en 1971, le Money Monitor pour spéculer sur le grand marché des devises créé par la fin de la convertibilité du dollar en or.

L'émergence du SEAQ et d'Instinet permettent à cette forte la croissance de se prolonger au début des années 1980. Reuters abandonne son statut de coopérative pour entrer en Bourse en 1984, ce qui lui permet de réaliser une dizaine d'acquisitions. Le krach d'octobre 1987, qui divise par deux son action calme ensuite le jeu.

En 1989, les ventes de Reuters sont le double de celles d'Associated Press[32], qui contribue à son tour à l'histoire de l'information financière en direct, par son association en 1985 avec Dow Jones and Company, amenée à prendre jusqu'à 67 % du capital de Telerate en 1988[33].

L'AFP a tenté de lancer un service économique à partir de 1980, après avoir développé sa clientèle internationale. Mais elle n'a pas accès aux données de la Bourse de Paris, et s'en tient à une clientèle médias. La création par Claude Moisy en 1991 d'AFX News, par une coentreprise avec la société britannique Extel, a permis de toucher à moindres coûts une clientèle non-média à l'international, en s'appuyant sur le réseau mondial de l'AFP, sur le modèle développé par Reuters et Ultronics Systems dans les années 1960.

L'âge de la souffrance

Le "Plan Pigeat" accouche d'une souris, sur le hors-média et la photo

Henri Pigeat, élu PDG en octobre 1979, déclare que "le marché des médias français étant limité, ce n'est pas là qu'il faut chercher de nouvelles ressources". Cet énarque, chargé d'un rapport gouvernemental "Du téléphone à la télématique", succède à Roger Bouzinac, parti avant le terme de son mandat. Il promet le développement d'un "4e secteur", en plus des trois qui obsèdent l'AFP: services publics, médias français et médias étrangers. Dans le viseur, la finance, qui a fait la fortune de Reuters dans les années 1970.

Commandé en 1979 par le gouvernement, le rapport d'Henri Pigeat n'est remis qu'après l'élection présidentielle de 1981. Pendant ce temps-là, des pertes financières sont apparues, s'élevant à 31,5 millions d'euros pour 1981 et 1982, en raison du second choc pétrolier. L'AFP tardant à les combler, l'État va progressivement se présenter comme un interlocuteur nécéssaire : il promet une énorme enveloppe de 250 millions de francs.

Le rapport d'Henri Pigeat déçoit: contrairement à ce qui avait été annoncé, les "nouveaux produits" s'adressent uniquement aux médias[25]. Nouvelle déception en 1984 lorsque ce report est revu par un comité, composé à la demande du gouvernement d'un inspecteur des finances et de Claude Roussel, ancien PDG de l'AFP, devenu "inspecteur de la communication". Même si l'inspecteur des finances Jean Autain donne son feu vert, le comité "écarte le projet de service mondial de téléphoto, qu'il juge non rentable"[34]

Deux mois plus tard, le gouvernement donne son accord de principe à l'octroi d'avances et crédits d'environ 250 millions de francs, "assorti de conditions sévères portant sur le contrôle de gestion". Mais les dossiers administratifs traînent. En mars 1984, le premier ministre Pierre Mauroy adresse "enfin à l'AFP une lettre d'approbation du plan de développement, quelque peu édulcorée"[25]. "De décennal, le plan est devenu quinquennal et ne porte plus que sur 200 millions de francs", dont un prêt bonifié de 100 millions d'euros sur cinq ans et une avance non-remboursable de 100 millions d'euros.

Fin 1984, nouveau changement, Henri Pigeat décide finalement de créer un service mondial de téléphoto, les syndicats ayant protesté contre l'abandon de ce projet. L’arrivée en 1988 du premier ordinateur de transmission d’images, le Dixel du fabricant suédois Hasselblad, est comparée au sein de l'AFP à l’apparition du Rolleiflex ou du Leica, appareils de petit format, maniables et rapides[35]. Le bélinographe, ancêtre des transmetteurs d’images, était encore employé dans les rédactions en France à la fin des années 1980.

En 1988, c'est la création du service infographie, précédée en 1986 par le début de la diffusion des services AFP par Minitel. Entre 1983 et 1988, les ventes progressent de 40 % pour atteindre 849 millions de francs, ce qui permet de ramener le déficit à 30 millions de francs, soit 3,2 % du chiffre d'affaires[32]. Mais les restructurations, négligées à force de promesses de l'État, tardent.

Déficits : les administrateurs presse se fâchent en 1986

En 1986, des administrateurs représentant la presse au conseil d'administration de l'AFP tirent la sonnette d'alarme alors que les déficits se sont creusés. Ils mettent la pression sur le PDG Henri Pigeat pour que les mesures d'économie nécessaires soient appliquées (annulation de primes, réduction des heures supplémentaires et 36 suppressions de poste dont 12 chez les journalistes). Le 27 mai 1986, près de cinq mois après la fin de l'année 1985, ils découvrent qu'elle se soldera par un déficit de 63,6 millions de francs et non 40 millions comme prévu. La hausse du dollar, monté à dix francs, a renchéri le coût des bureaux de l'AFP à l'étranger. "Il faut frapper très fort", sinon il sera ensuite trop tard, déclare Bernard Roux, directeur du Courrier Picard[36].

Henri Pigeat temporise puis annonce le 8 juillet 1986 300 suppressions d'emplois sur 1900, dont 150 sur 700 chez les journalistes. Les dépenses doivent diminuer de 50 millions d'euros par an[37], ce qui déclenche une longue grève. Jusque-là divisés et tentés par la surenchère, les syndicats prennent conscience du dérapage des finances. Ils signent un "pacte d'unité" et accusent Henri Pigeat d'avoir "prévu et fait voter lui-même le déficit"[38]. Lui-même reconnait que la masse salariale avait progressé plus vite que les recettes.

Alors que le gouvernement reçoit les syndicats, Jacques Saint-Cricq, directeur de la Nouvelle République et administrateur de l'AFP enjoint à Henri Pigeat de ne pas céder, et dénonce des salariés qui ont crû que "tout pouvait se résoudre par l'État"[39]. En décembre, au huitième jour de grève, Henri Pigeat annonce aux administrateurs sa démission. François-Régis Hutin, patron de Ouest-France, propose aux administrateurs de démissionner en bloc pour protester contre le fait que le gouvernement ne l'a pas soutenu. Jean-Louis Prévost, directeur de la Voix du Nord, prend la présidence provisoire. La grève cesse et le plan Pigeat est apliqué presque intégralement, permettant d'éviter une spirale de la dette. Tous les départs prévus de techniciens et employés ont lieu, trois-quart de ceux prévus chez les journalistes aussi.

Claude Moisy restructure et invente l'information financière en anglais

Lorsque Claude Moisy est nommé PDG au début de l'année 1990, l'AFP accuse un déficit de 50 millions de francs, après avoir perdu 40 millions en 1989 et 22 millions en 1988. Grâce à des économies de fonctionnement et à des réductions d'effectifs, sur fond de paix sociale, les pertes sont ensuite divisées par deux en trois ans, malgré la profonde crise économique des années 1990 à 1992.

Pour Claude Moisy, privatiser l'AFP "serait une aberration", car tous les médias français réunis n'assurent que 18 % du chiffre d'affaires, quand les médias américains représentent 80 % de celui d'Associated Press. « Tout le problème de l'AFP, c'est de se voir garantir par ses partenaires, dont l'État, une base de financement solide qui ne vienne pas compromettre son indépendance » explique-t-il. Sous sa présidence, les recettes provenant de médias étrangers vont dépasser celles assurées par les médias français.

Au début des années 1990, l'AFP augmente progressivement son chiffre d'affaires dans les pays où la presse est en expansion, en particulier à Taiwan et Singapour, ainsi qu'en Malaisie et Thaïlande. Pour justifier le développement progressif à l'étranger, en particulier en Europe de l'Est, il rappelle que lors de l'Affaire des charniers de Timişoara, l'AFP n'a commis aucune erreur, ses dépêches citant le média à l'origine de l'information[40]. Il souligne aussi que lors de la Guerre du Golfe, l'AFP a été "beaucoup plus réticente" que Reuters à "suivre et à retransmettre aveuglément toutes les informations de CNN".

En 1991, l'information financière en anglais est développée sans trop de dépenses, par la création d'AFX News, coentreprise avec le britannique Extel, dont le Financial Times deviendra actionnaire en 1993. En 1994, le journaliste qui dirige AFX s'expatrie à Hong Kong, pour veiller à son développement[41]. En 1997, AFX emploie 35 journalistes dans 13 villes d'Asie, dans le cadre d'une filiale en Asie, au capital de laquelle sont associés l'Agence australienne de presse et un quotidien japonais, qui acquiert les droits pour traduire ses informations en japonais[42]. AFX profite de l'infrastructure de l'AFP à l'étranger pour croître sans trop dépenser, comme Ultronics Systems l'avait fait avec Reuters dans les années 1960. Plus tard, un relâchement de la gestion entraînera des pertes financières entre 2000 et 2002.

Avant de partir, Claude Moisy trace le portrait-robot du président idéal de l'AFP : un homme de médias, probablement un journaliste, "pas trop facilement identifiable politiquement" et parlant évidemment un anglais courant[40]. Avec 35 ans d'AFP, de Rangoon à Delhi, de Londres à Washington, où il a couvert l'affaire du Watergate, Claude Moisy a le profil, mais son directeur général Lionel Fleury aussi, à qui il confie les rennes de la maison.

Qui a fait chuter Lionel Fleury en 1996 ?

En 1996, au dernier moment, le gouvernement a écarté le PDG Lionel Fleury malgré le succès reconnu de sa gestion, selon Michel Mathien, professeur au CUEJ. Quelque 2 500 médias dans le monde sont alors clients de l'agence, représentant une audience d'un milliard et demi de personnes. Au premier tour de scrutin, Lionel Fleury obtient huit voix contre aucune à son rival Jacques Thomet, candidat interne. Mais il en faut 12 pour être élu. L'État et une petite partie des administrateurs représentant les médias n'ont pas voté.

Candidat de dernière minute, Jean Miot, président du Figaro et de la Fédération nationale de la presse française (FNPF), est élu au troisième tour de scrutin, entraînant la chute de Lionel Fleury, à la candidature duquel s'oppose discrètement l'État depuis deux semaines. Ses représentants font alliance avec une partie des administrateurs représentant les médias. Michel Bassi, PDG de la Société française de production (SFP) se retire[43] au dernier moment. Les syndicats réagissent vigoureusement : cette élection-surprise est un «coup de force» selon FO, et l'indépendance de l'agence est «bradée», selon la CFDT. Mais des informations de presse, sur des sources anonymes, laissent entendre que la CGT ne voulait plus de Lionel Fleury.

Certains soupçonnent le premier ministre Alain Juppé[44], d'autres le président de la République Jacques Chirac[45], proche de Jean Miot. Le traitement de l'affaire des appartements de la famille d'Alain Juppé, loués à la mairie de Paris à des conditions favorables, puis celui des Grèves de 1995 en France auraient irrité le chef du gouvernement, selon le quotidien La Croix. Mais Jacques Chirac en veut aussi à l'AFP depuis une dépêche de décembre 1986, qui avait été réécrite au siège de l'AFP par la hiérarchie, pour laisser entendre à tort que des casseurs venant de la mairie de Paris avait perturbé des manifestations étudiantes[46].

La gestion du successeur, Jean Miot, sera plus tard contestée par un rapport d’audit de l'inspection générale des finances. L’administration chargée du budget de l’État doit mettre son veto provisoire à l’achat de nouveaux locaux pour le bureau de Varsovie faute de disposer d’un tableau général des investissements immobiliers de l’agence dans le monde entier.

La dérive des dépenses en 1998, 1999 et 2000

Eric Giuly, qui avait refusé jusqu'à la veille du scrutin de se porter officiellement candidat, est élu Le 10 mars 1999, grâce aux représentants de l'État, qui ont finalement convaincu les administrateurs de la presse écrite. Son prédécesseur Jean Miot est déjà confronté à une dérive des dépenses. Eric Giuly s'inscrit dans sa filiation et présente le 1er juillet un «rapport d'étape» proposant en plus une ouverture du capital. Le texte est rejeté par le comité d'entreprise, qui demande un rendez-vous à Matignon[47].

La gestion du nouveau PDG sera critiquée car les dépenses augmentent de 55 millions d'euros (près d'un tiers) en seulement deux ans, sans que le chiffre d'affaires ne suive, malgré la bulle internet qui favorise à court terme les ventes de l'AFP. En 2000, à son départ, l'AFP affiche une perte nette de 13 millions d'euros contre un résultat à l'équilibre à son arrivée.

Année 1998 1999 2000 2001
Effectif salarié 2077 2092 2175 2268
Charges d'exploitation 188,6 202,1 233 240,9
Résultat net 0,0 0,1 –12,9 –4,7

Les syndicats l'accusent d'avoir creusé le déficit pour faire passer son projet d'ouverture de 49 % du capital de l'AFP[48]. Les noms de Vivendi et France Télécom sont cités[46]. Eric Giuly affirme lui qu'il « ne s'agit nullement d'une privatisation de l'AFP » mais de «  permettre d'associer à notre développement cinq ou six entreprises, publiques et privées, possédant des technologies que nous n'avons pas». Objectif, "une croissance de plus de 50 %" du chiffre d'affaires en cinq ans "grâce à de nouvelles activités multimédias et sur Internet"[49]. Selon lui, la composition du conseil d'administration "ne reflète plus la physionomie actuelle de la clientèle de l'entreprise"[47]. Fin 1999, le PDG abandonne son "rapport" d'étape et le remplace par un projet, qui ne parle plus de société anonyme.

Le statut de l'AFP stipule que le budget annuel doit être présenté en équilibre. Des dérogations sont possibles, mais avec l'accord de la commission financière de l'AFP. Dans le projet d'Eric Giuly, cet accord n'est plus nécessaire, ce qui est dénoncé par les syndicats[46], pour qui la commission financière est un précieux garde-fou[50]. La CFDT demande son retrait de l'ordre du jour du conseil d'administration du 29 mars. Le Syndicat national des journalistes CGT (national) appelle aussi "le personnel de l'AFP à se mobiliser".

Les patrons de presse ne soutiennent plus le PDG que du bout des lèvres et tentent de dégager une position commune[51]. Le 27 mars, Catherine Tasca succède à Catherine Trautmann. La nouvelle ministre de la culture est attachée au statut de l'AFP. Mais le 8 juin, la commission des affaires culturelles du Sénat donne son feu vert à la proposition de loi du sénateur RPR de la Côte-d'Or Louis de Broissia[52], qui prévoit que l'AFP puisse "prendre des participations" dans des sociétés et "contracter des emprunts" ou même "émettre des titres et valeurs". Les syndicats de l'AFP font alors du lobbying auprès des parlementaires et de personnalités.

Eric Giuly annonce sa démission le 26 septembre 2000. "Le gouvernement vient de me confirmer qu'il n'acceptait pas les propositions que j'ai présentées à cette fin, notamment ma suggestion de voir adopter pour l'an prochain un budget en déficit et de financer celui-ci par endettement"[53], déclare-t-il alors. La ministre de la culture Catherine Tasca, qui a succédé à Catherine Trautmann souligne que "la réforme du statut de l'AFP n'est pas un sujet à l'ordre du jour". Elle dénonce à l'Assemblée nationale l'achat et la vente par l'AFP de photos de Sid Ahmed Rezala prises dans sa prison portugaise. Cette affaire avait suscité de nombreux remous et valu le vote d'une motion de défiance à l'encontre d'Eric Giuly.

L'âge de l'expérience

Bertrand Eveno et Pierre Louette désendettent l'AFP et développent AFP TV

L'AFP accuse déjà un lourd déficit en 2000 et le nouveau PDG Bertrand Eveno doit faire face en 2001 au dégonflement de la bulle Internet, puis à des pertes très lourdes dans la filiale d'informations financières AFX News en 2002, l'année où le CAC 40 affiche la plus forte chute de son histoire. Pour éponger la dette de l'AFP, Bertrand Eveno vend le siège social, qu'il rachète en même temps sur une période de dix ans, via un credit-bail. Un référendum du personnel donne son feu vert. Dans un second temps, la vente d'AFX News en 2006 permet aussi de dégager 16 millions d'euros pour accélérer le désendettement. Plusieurs plans de départs volontaires entraînent la suppression de 130 postes entre 2003 et 2008, malgré des embauches dans l'activité vidéo, le service AFP TV.

Bertrand Eveno assigne au service AFP TV le modèle qu'avait suivi AFX News : s'appuyer sur le réseau international de l'AFP. Son jeune directeur général Pierre Louette, issu de la Cour des comptes et féru d'Internet, lui succède en 2006 et sera réélu en 2009. Il accélère le développement d'AFP TV à l'international, qui permet aux clients médias d'offrir de la vidéo sur leurs sites internet, pour compléter le contenu en texte, sans avoir besoin d'investir eux-mêmes. Pierre Louette gagne un procès important en droits d'auteur contre Google, qui reprenait des dépêches AFP gratuitement.

Pierre Louette parvient parallèlement à ramener la part des abonnements publics sous la barre des 40 %, tout en assurant de leur solidité juridique lorsque l'agence allemande DPA tente de les attaquer pour concurrence déloyale. Il invoque en particulier la jurisprudence européenne de l'Arrêt Altmark, et ses 4 critères, dont la bonne gestion de l'entreprise.

Le gouvernement lui demande un rapport pour préconiser la transformation de l'AFP en sociétés par actions. Il s'exécute, mais fait face à l'opposition de tous les syndicats, qui réunissent 21000 signatures contre ce projet. France Télécom lui propose en mars le poste de numéro deux et il accepte. Son successeur Emmanuel Hoog, qui dirige l'INA, une petite entreprise publique d'archives audiovisuelles, est élu avec l'appui du gouvernement de François Fillon. Pressentie par les représentants de l'État, sa candidature s'ajoute in extremis à celles de Philippe Micouleau, ancien directeur général de La Tribune, et Louis Dreyfus, ex-directeur général de Libération et du Nouvel Observateur.

Les années 2010 et l'explosive question de la gratuité

La montée en France dans les années 1980 et 1990 d'une presse magazine extrêmement diverse a donné de l'importance au statut de neutralité de l'AFP, lié à sa mission de grossiste, au service de tous les clients. L'AFP ne diffuse pas directement ses photos et informations auprès du grand public : elles servent de matière première aux autres médias, chacun y sélectionnant ce qui l'intéresse. Ses centaines d'abonnés paient selon leur taille, système imaginé pour donner leur chance aux nouvelles entreprises. Il a permis encourager la diversité de la presse régionale, très développée en France, qui a mieux résisté que la presse quotidienne nationale aux graves difficultés des années 2000.

Avec le succès de l'Internet par ADSL à partir de 2005, l'information rediffusée gratuitement en ligne fragilise la presse écrite, même quand elle dispose de ses propres sites gratuits : un jeune lecteur quittant le papier pour Internet[54] rapporte dix fois moins de publicité... et souvent aucun abonnement. Sur 2 milliards d’euros de dépenses publicitaires en France sur Internet, 800 millions vont à Google et 420 millions aux PagesJaunes[55].

En gagnant le 20 juillet 2006[56]un procès important en droits d'auteur contre Google, qui reprenait des dépêches AFP gratuitement, Pierre Louette avait rassuré les administrateurs de l'AFP venant de l'écrit. Mais son successeur Emmanuel Hoog, qui a créé à l'INA un portail gratuit des archives audiovisuelles françaises, veut rééditer cet exploit à l'AFP[57]. Il propose un portail d'informations AFP, sans promettre qu'il sera payant. Cette initiative est mal vue par la presse française, occupée à installer les premiers systèmes permettant de diffuser gratuitement quelques lignes d'un article, le reste étant payant.

Plusieurs dizaines d'éditeurs ont exprimé une "opposition formelle à tout projet de création de site internet ou d'applications mobiles dans lequel l'AFP mettrait gratuitement à la disposition du public ses contenus éditoriaux en langue française quels qu'ils soient", a averti le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN)[58].

La presse régionale résiste aussi : "Nous ne comprenons pas les objectifs visés par l'AFP"[28], confie son président, Pierre Jeantet, ancien journaliste de l'AFP et président de Sud Ouest, pour qui "une telle offre reviendrait à concurrencer la presse", dont l'AFP "vit directement et dont elle dépend aussi, puisque, en province, une partie de l'information fournie par l'agence provient des journaux locaux".

Notes et références

Références

  1. a et b "65 ans de l'AFP, des journaux libres à l'Internet libre?"
  2. (fr) AFP / Historique
  3. (fr) AFP / Qui sommes-nous ? / La marque AFP
  4. Media moguls, par Jeremy Tunstall et Michael Palmer, page 71, dans chapitre sur News agencies and data business, chez Routledge 1991
  5. Lionel Fleury, Fondation Charles de Gaulle
  6. La création de l'Agence France-Presse, par Lionel Fleury, Président-directeur général de l'Agence France-Presse, dans Espoir n°103, Fondation Charles de Gaulle, 1995
  7. "L’Agence France-Presse en guerre d’Algérie", par Barbara Vignaux, 2004
  8. a et b "La presse écrite en France au XXe siècle", par Laurent Martin, page 161, éditions Le Livre de poche
  9. "Des photos sur des mots", extrait de l'avant-propos de Benjamin Stora"
  10. a et b "L’Agence France-Presse en guerre d’Algérie", par Barbara Vignaux, 2004
  11. Loi portant statut de l'AFP
  12. Les médias et la Libération en Europe: 1945-2005, par Christian Delporte, Page 250
  13. L'arrivée de Jean Marin à la tête de l'AFP
  14. a et b Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  15. "The globalization of news", par Oliver Boyd-Barrett et Terhi Rantanen, page 29
  16. "The globalization of news", par Oliver Boyd-Barrett et Terhi Rantanen, page 28
  17. "La presse écrite en France au XXe siècle", par Laurent Martin, page 154, éditions Le Livre de poche
  18. "La passion de la presse", par Jean Miot, page 289
  19. "La passion de la presse", par Jean Miot, page 286
  20. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 311, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  21. "Les grands quotidiens français sont-ils dépolitisés ?", par Francis Balle (1968)
  22. "Des petits journaux aux grandes agences, naissance du journalisme moderne", par Michael B. Palmer, chez Aubier (1983), page 137
  23. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 309, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  24. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 310, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  25. a, b, c et d Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 313, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  26. Media moguls, par Jeremy Tunstall et Michael Palmer, page 72, dans chapitre sur News agencies and data business, chez Routledge 1991
  27. http://www.lexpress.fr/informations/claude-moisy-mes-annees-afp_592729.html
  28. a et b "La presse s'inquiète d'une concurrence de l'AFP", par Delphine Denuit, dans Le Figaro du 23 juillet 2010
  29. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 425, Robert Laffont, 1992
  30. "The globalization of news", par Oliver Boyd-Barrett et Terhi Rantanen, page 29
  31. "Une histoire mondiale de la photographie", de Naomi Rosemblum, commentée par Françoise Denoyelle
  32. a et b "Media moguls", par Jeremy Tunstall et Michael Palmer, page 82
  33. Histoire de Telerate
  34. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 427, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  35. http://expositions.bnf.fr/afp/reperes/index2.htm
  36. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 447, Robert Laffont, 1992
  37. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 448, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  38. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 449, Robert Laffont, 1992. (ISBN 978-2-221-05883-1)
  39. Jean Huteau et Bernard Ullmann, AFP, une histoire de l'Agence France-presse : 1944-1990, page 455, Robert Laffont, 1992
  40. a et b "Claude Moisy: mes années AFP dans L'Express du 7 janvier 1993
  41. The globalization of news Par Oliver Boyd-Barrett,Terhi Rantanen
  42. "Mass communication in Japan", par Anne Cooper-Chen et Miiko Kodama, page 78
  43. "Jean Miot, un patron surprise pour l'AFP fragilisée par deux semaines de crise", par Philippe Bonnet, dans Libération du 5 février 1996
  44. "The media of mass communication", par John Vivian, Allyn and Bacon, 1998, page 279
  45. http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001191.pdf
  46. a, b et c "AFP - Les survivants de l'Information", par Jacques Thomet, chez Hugo Doc 2009
  47. a et b "Eric Giuily, nouveau patron de l'agence, défend ses orientations", dans Libération du 1er juillet 1999
  48. "Eric Giuily : l'absence d'actionnaires est un frein au développement de l'AFP", dans Les Echos, du 16 juin 1999
  49. "AFP : Éric Giuily envoie un courrier aux parlementaires", dans L'Humanité du 12 novembre 1999
  50. "Après le retrait forcé de son plan stratégique, Eric Giuly tente une réforme plus modeste", dans Libération du 16 mars 2000.
  51. "Après le retrait forcé de son plan stratégique, Eric Giuily tente une réforme plus modeste", dans Libération du 16 mars 2000.
  52. "L'AFP sur la sellette au Sénat et à l'Assemblée", dans Libération du 8 juin 2000
  53. http://www.radioactu.com/actualites-radio/214/afp-demission-d-eric-giuily/
  54. Débat ça presse ! : Les journalistes web, forçats de l’info ?
  55. "Déboires financiers de la presse : les journaux reviennent — timidement — vers le modèle payant et Google commence à payer ses partenaires" Blog sur l'actualité juridique
  56. La société Google ira bien devant les tribunaux pour le différend qui l'oppose à l'AFP, sur Génération Technologie
  57. Vidéo d'Emmanuel Hoog présentant les archives gratuites de l'INA chez Laurent Ruquier en 2005
  58. "Des dirigeants de médias français opposés à certains projets internet de l'AFP", dans L'Express du 4 juillet 2001

Voir aussi

Bibliographie


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire de l'Agence France-Presse de 1944 à 2011 de Wikipédia en français (auteurs)

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