Parménide (Platon)

Parménide (Platon)
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Le Parménide (ou Sur les Formes, genre logique) est un dialogue écrit par Platon dans la dernière partie de sa vie. Correspondant à un refus du système philosophique qu'il avait soutenu jusqu'alors, cette œuvre représente un tournant majeur dans la philosophie platonicienne et occidentale en général.

Tout d'abord, on ne peut s'assurer que les paroles du personnage Parménide aient été effectivement prononcées par Parménide (exception faite des passages qui semblent répéter Le Poème de ce dernier). Il semblerait que Platon (427 av. J.-C. - 348 av. J.-C.) ait tenté de retranscrire les pensées du philosophe présocratique. Chronologiquement parlant, Socrate (469 av. J.-C. - 399 av. J.-C.), même jeune, n'a probablement pas pu croiser la route du véritable Parménide (fin VIe siècle av. J.‑C. — début Ve siècle av. J.‑C.). Le dialogue suivant est donc avant tout une conversation philosophique fictive entre deux penseurs.

Ce texte de Platon présente le mouvement conduisant à la révolution platonicienne : La destruction du système platonicien en faveur d'une philosophie non-dogmatique. Introduisant au centre de sa réflexion philosophique les termes majeurs de l'Être et de la Participation, futures notions centrales de la philosophie occidentales, Platon souhaite opérer une réflexion sur l'origine véritable des objets réels.

Les personnages de ce dialogue sont, dans le prologue : Céphale, Adimante, Glaucon et Antiphon ; dans le dialogue proprement-dit : Socrate, Pythodore, Zénon, Parménide, Aristote (ce dernier est qualifié dans le dialogue de « jeune Aristote » et n'a strictement aucun lien de parenté avec le bien plus fameux macédonien Aristote de Stagire né en 384 avant notre ère - soit quinze ans après la mort de Socrate. Ce « jeune Aristote » du Parménide deviendra l'un des Trente lors de la courte tyrannie qui suivit la défaite d'Athènes contre Sparte au terme de la Guerre du Péloponnèse.)

Sommaire

Résumé

  • Platon commence son explication par l'introduction d'une nouvelle sphère dans le réel : le monde des Formes intelligibles. Opposé au monde Sensible (qui contient tout ce que nos sens peuvent analyser) le monde intelligible est celui des Formes des objets. Par exemple : Si on imagine un arbre en fermant les yeux, ce n'est pas « un » arbre que nous voyons, il n'a pas d'existence sensible, on ne peut le toucher, cet arbre est seulement intellectuel et appartient donc au monde intelligible. Platon utilise un terme spécifique pour désigner le « ce que c'est d'être un arbre » : l'arboréité. Cette sorte de construction linguistique est possible avec tous les objets issus d'une Forme intelligible (cuillerité, bleuité, lourdité, etc.)

Pour Platon, le monde sensible tire sa réalité de ces Formes intelligibles, sans elles, point de connaissances sur le réel et même, point de réel. Cette opinion, Platon nous dit la tirer d'une constatation empirique : « la répétition d'occurrences dans des objets sensibles différents ». Par exemple, le ciel peut être dit bleu et la mer peut l'être aussi, cependant, s'agit-il de la même qualité ? Pour Platon, ce sont les Formes qui insufflent leur réalité aux choses. Sans la Forme de la Bleuité, on ne pourrait pas remarquer la répétition de ces occurrences ; les Formes sont ce qui permet d'utiliser le terme "Bleu" pour des objets sensibles différents. Le constat d'une répétition de certaines qualités empiriques dans des objets différents amène Platon à soutenir l'existence autonome et indépendante du monde intelligible sur le monde sensible.

Partant de sa théorie des Formes établie, Platon questionne Parménide afin de chercher à comprendre comment les Formes intelligibles peuvent participer aux choses Sensibles.

Le texte se compose de deux parties :

Tout d'abord, une critique de la théorie des Formes, dans laquelle Parménide montre à Socrate que si les formes existent, d'une part, il est impossible que les êtres d'ici-bas les connaissent telles qu'elles existent vraiment, d'autre part, le problème de l'accès à ces Formes est aussi soulevé. Comment résoudre ces apories? en pratiquant la dialectique comme la seconde partie va en donner l'exemple. Socrate : « De quelle façon Parménide faut-il s’entraîner ? – En faisant précisément ce que tu as entendu Zénon faire. Sous la réserve toutefois de ce que tu lui as dit et qui m’a ravi, à savoir (…) l’appliquer [aux Idées] » (135d10-e4).

  • La seconde partie représente les deux tiers du dialogue. Elle comporte huit ou neuf séries de déductions qui à chaque fois, sous un angle nouveau, examinent l’hypothèse « si l’Un est... ». Parménide énonce les conséquences positives et négatives qui découlent pour l’Un, et pour les autres choses, de l’hypothèse précitée ainsi que de sa négation.

Selon la série de déduction dans laquelle on se situe, l’Un (ou les autres choses) vont pouvoir ou non recevoir un des contraires des couples suivants :
— Être/ Néant : "s'il est", "s'il n'est pas" (136a).
— Repos/ Mouvement : "il peut être en repos ou en mouvement" (138b).
— Identité/ Différence : "il ne sera ni identique... ni non plus différent" (139b).
— Ressemblance/ Dissemblance : "ni semblable ni non plus dissemblable" (139e).
— Égalité/ Inégalité : "ni égal ni inégal" (140b).
— Vieillesse/ Jeunesse (le Temps) : "plus vieux, plus jeune ou du même âge" (140d).
— Absolu / Relativité : "participer à l'être", "ni nom ni définition", "ni science ni sensation ni opinion" (141e).
— Finie/ Infini en nombre : "un", "couple de deux", "trois éléments" (143 cde).
— Un/ Multiple : "sa fragmentation" (144b) .
— Divisible/ Indivisible : "des limites" (145a), "une figure".
— En contact/ Sans contact : "en contact avec lui-même", "en contact avec les autres choses" (148e).
— Grand/ Petit (la Dimension) : "deux espèces, la grandeur et la petitesse" (149e).

Les neuf hypothèses successivement examinées sont :

I) Thèse positive : l'Un est (εί ἓν ἐστιν 137c) [premières catégories du Sophiste : Être/Néant]
hypothèse 1 (137 c) l'Un en tant qu'un ; l'Un, c'est l'Un. Conséquences : il n'est ni tout ni parties, ni droit ni circulaire (sans figure), ni en soi-même ni en autre chose (il n'est pas dans l'espace), ni en repos ni en mouvement [deuxièmes catégories : Repos/mouvement], ni identique ni différent [troisièmes catégories : Identité/Différence], ni semblable ni dissemblable [quatrièmes catégories : ressemblance/dissemblance], ni égal ni inégal [cinquièmes catégories : égalité/inégalité], ni plus vieux ni plus jeune (il n'est pas dans le temps) [sixième catégorie : Temps], il échappe à l'être et à la connaissance [septièmes catégories : existence pour soi/existence pour l'autre].
hypothèse 2 (142 b) l'Un est ; l'Un, il est. Conséquences : il est un tout [huitième catégorie : Nombre] et il se dédouble en une infinité de parties [neuvièmes catégories : Un/Multiple], il a configuration [dixièmes catégories : limites et figure], il est à la fois en lui-même et en autre chose (il est dans l'espace), et en mouvement et en repos, identique et différent, semblable et dissemblable, contigu et non contigu, égal et inégal, il est dans le temps, connaissable,
hypothèse 3 (155 d) : l'Un est et n'est et n'est pas, il change, et ce dans l'instantanéité
hypothèse 4 (157 b) : si l'Un est, les autres choses sont les parties d'un tout
hypothèse 5 (159 b) : l'Un est et les autres choses n'en sont point des parties, ne sont ni un ni plusieurs, et ne peuvent recevoir aucun attribut
II) Thèse négative : l'Un n'est pas (εί δὲ δὴ μὴ ἒστι τὀ ἒν 160 b)
hypothèse 6 (160 b) : l'Un n'est pas, mais il est pensable, sujet de toutes les relations ; et il possède l'Être et le non-Être impliqués dans le relatif, le mouvement et le repos y sont contenus éminemment sous tous leurs aspects
hypothèse 7 (163 b) : l'Un n'est pas absolument, il n'est sujet d'aucune détermination, il n'est pas même pensable
hypothèse 8 (164 b) : l'Un n'est pas et les autres choses peuvent être déterminées par leur altérité réciproque
hypothèse 9 (165 d) : l'Un n'est pas absolument et les autres choses n'ont aucune détermination possible, ni l'être ni l'apparence.

Ces hypothèses forment système. Il y a opposition entre 1 et 7, 2 et 6, 4 et 8, 5 et 9. La 3° hypothèse seule n'a pas de contraire.

L'influence de ce dialogue est considérable ; on peut dire qu'il est la source de toute la métaphysique occidentale. Chaque embranchement de l'analyse de l'Un a donné lieu à une philosophie (néo-platonisme, idéalisme de Berkeley, etc.).

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

Éditions

  • Platon, Œuvres complètes, VIII, 1, Parménide, texte établi et traduit par Auguste Diès, Paris, 1923, Les Belles Lettres.
  • Platon, Parménide, traduit et annoté par Joseph Moreau (in Platon, Œuvres complètes, II, Paris, 1950, Gallimard).
  • Parménide, traduction et présentation par Luc Brisson, GF, Paris, 2nde édition, 1999.
  • Plato's Parmenides, traduction, introduction et commentaire par Samuel Scolnicov, University of California Press, Los Angeles, 2003.
  • Parmenides, traduction Mary Louise Gill et Paul Ryan, Hackett, Indianapolis, 1996.

Commentaires

  • Procli commentarium in Platonis Parmenidem, Proclos [en latin]
  • Proclus, Commentary on Plato’s Parmenides, trad. Glenn R. Morrow et John M. Dillon Princeton University Press, 1987. [en anglais, traduction française en cours]
  • Damascius, Commentaire du Parménide de Platon, L.-G. Westerink (éd.), Joseph Combès (trad.), CUF, Les Belles Lettres, Paris, 2002 [2e éd.].
  • Jean Wahl, Études sur le Parménide de Platon, Paris, 1926, Vrin (1951),
  • Francis Cornford, Plato and Parmenides, International Library of Philosophy, Routledge, London, 1939 [réimp. 2001].

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Parménide (Platon) de Wikipédia en français (auteurs)

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