Y Gododdin

Y Gododdin
Une page du Livre d'Aneirin

Y Gododdin est un poème médiéval gallois. Il est constitué d'une série d'élégies aux hommes du royaume des Gododdin et à leurs alliés morts en combattant, selon l'interprétation la plus courante, les Angles de Deira et de Bernicie, en un lieu appelé Catraeth (en). Le poème est généralement attribué au barde Aneirin.

La bataille de Catraeth semble avoir eu lieu vers l'an 600, mais la date de rédaction de Y Gododdin est incertaine. Pour certains historiens, le poème est issu d'une tradition orale née peu après l'affrontement dans le Hen Ogledd (en), la région de langue brittonique du nord de la Grande-Bretagne. Dans ce cas, sa langue d'origine aurait été le cambrien. Toutefois, d'autres historiens estiment que le poème a été composé au Pays de Galles au IXe siècle ou Xe siècle, auquel cas il pourrait s'agir d'un des plus anciens poèmes connus rédigés dans une forme de la langue galloise.

Le territoire des Gododdin, appelés Votadini par les Romains, s'étend sur le sud-est de l'Écosse actuelle et sur le Northumberland. Le poème raconte comment trois cents guerriers d'élite sont réunis à Din Eidyn (Édimbourg). Après avoir festoyé pendant une année, ils attaquent Catraeth, communément identifiée à l'actuelle Catterick, et sont presque tous tués au terme d'un affrontement extrêmement inégal. L'accent est mis sur la gloire que recherchent les héros au combat, rappelant la poésie épique, sans toutefois s'agir d'un récit narratif.

Le seul manuscrit du poème, communément appelé « Livre d'Aneirin », date de la seconde moitié du XIIIe siècle. Il est écrit pour partie en moyen gallois (en) et pour partie en vieux gallois. Certaines stances du manuscrit n'ont aucun rapport avec les Gododdin, et sont considérées comme des ajouts postérieurs. Une stance mentionne le roi Arthur : si le poème date effectivement de la fin du VIe siècle ou du début du VIIe siècle, cela en ferait la plus ancienne référence connue à ce personnage.

Sommaire

Le Livre d'Aneirin

Le manuscrit

Il n'existe qu'un seul manuscrit de Y Gododdin : le Livre d'Aneirin (en), daté de la seconde moitié du XIIIe siècle. Les recherches philologiques actuelles y voient l'œuvre de deux scribes, communément appelés « A » et « B ». 88 stances ont été écrites par le scribe A[N 1], qui a ensuite laissé une page blanche avant d'écrire quatre autres poèmes liés, les Gorchanau[N 2]. L'orthographe de ce scribe correspond au moyen gallois (en). Plus tard, le scribe B a repris le manuscrit ; il semble avoir eu accès à un manuscrit plus ancien car il emploie une orthographe correspondant au vieux gallois. Sur les 35 stances qu'il rédige, certaines sont des variantes de stances déjà écrites par A, d'autres n'ont pas d'équivalent. La dernière stance est incomplète, et il manque trois in-folios à la fin du manuscrit : il est donc possible qu'une partie du texte se soit perdue[1]

Des différences apparaissent au sein du texte rédigé par le scribe B. Ses 23 premières stances présentent des signes d'une modernisation partielle de l'orthographe, tandis que les autres conservent davantage de caractéristiques du vieux gallois. Jarman imagine que le scribe B a commencé son travail de copie en modernisant partiellement l'orthographe du texte qu'il copie, mais qu'il finit par s'en lasser et recopie les dernières stances telles qu'elles sont dans le texte original. Isaac suggère que le scribe B a deux sources à sa disposition, qu'il appelle « B1 » et « B2 », auquel cas le Livre d'Aneirin se baserait en fait sur trois sources[2].

Le poème

Genre et versification

Le château d'Édimbourg vu depuis Princes Street.

Les stances du poème[N 3] sont une série d'élégies pour des guerriers tombés au combat. Elles racontent comment le roi des Gododdin, Mynyddog Mwynfawr (en), rassemble des guerriers issus de plusieurs royaumes brittoniques et leur offre une année de fête dans son château de Din Eidyn, avant d'entreprendre une campagne contre des forces largement supérieures en nombre. Près de 100 000 adversaires selon une stance, 180 adversaires par guerrier selon une autre leur font face.

La versification est basée sur un nombre de pieds fixes, avec quelques irrégularités, peut-être dues à une modernisation du langage durant la transmission orale[réf. nécessaire]. Le poème contient des rimes, en fin de vers comme en milieu, et certains passages utilisent l'allitération. L'anaphore est également utilisée : plusieurs stances commencent avec les mêmes mots, notamment « Gwyr a aeth gatraeth gan wawr » (« Les hommes partirent pour Catraeth à l'aube ».

Thèmes

Il semble y avoir deux versions différentes à l'origine du poème. Certaines stances parlent de 300 hommes des Gododdin, dont un seul, Cynon fab Clytno, survit au combat, mais d'autres dénombrent 363 guerriers et trois survivants en plus du poète, qui, en tant que barde, n'aurait certainement pas été compté au nombre des guerriers. Environ 80 guerriers sont nommés dans le poème[3]. Le Livre d'Aneirin s'ouvre sur la phrase « Hwn yw e gododin. aneirin ae cant » (« Voici le Gododdin ; Aneirin l'a chanté »). La première stance semble être un prologue composé après la mort d'Aneirin. Ensuite, certaines stances s'attachent à des héros précis (par exemple la 2), d'autres parlent de l'armée entière (par exemple la 13). Les héros commémorés par le poème sont des cavaliers ; il y a de nombreuses références aux chevaux, ainsi qu'aux lances, épées, boucliers et armures (llurug, dérivé du latin lorica)[4].

Plusieurs stances parlent d'hydromel, et parfois sous-entendent que la boisson est liée à la mort des guerriers. Aussi, certains éditeurs du XIXe siècle ont cru que les guerriers étaient partis au combat ivres, mais Ifor Williams explique que le terme « hydromel » fait ici référence à tout ce que les guerriers ont reçu de leur seigneur. En contrepartie, ils doivent « payer leur hydromel » en lui restant fidèles jusqu'à la mort. Un concept similaire apparaît dans la poésie anglo-saxonne[5]. Par ailleurs, plusieurs termes semblent indiquer que les guerriers sont chrétiens : « pénitence », « autel », « païens », par exemple dans la stance 33. Selon D. Simon Evans, la plupart des références faites au christianisme, voire toutes, pourraient être des ajouts ultérieurs[6]. Steve Short souligne que « bon nombre des valeurs du Gododdin sont explicitement païennes. Voir un guerrier en chasse « sans merci ; jusqu'à ce que son sang coule...  », ou un homme loué pour sa cruauté prouve qu'il s'agit d'un monde où les valeurs chrétiennes de compassion et de pitié n'ont que peu de valeur[7] ».

De nombreux individus sont nommés, mais parmi eux, seuls deux noms se retrouvent dans d'autres manuscrits. L'un des guerriers est « Cynon fab Clytno », que Williams identifie au Cynon fab Clydno Eiddin (en) mentionné dans d'anciennes généalogies[8]. L'autre nom est celui d'« Arthur », patronyme utilisé dans la stance 99 pour louer la bravoure de Gwawrddur, l'un des guerriers. Si cette mention d'Arthur appartient bien au poème original, il pourrait s'agir d'une des toutes premières références au roi Arthur comme parangon de courage[N 4]. Plusieurs des guerriers sont étrangers aux Gododdin. Parmi les lieux d'origine mentionnés, Aeron, qui correspond peut-être à la vallée de l'Ayr (en), et Elfed, la région autour de Leeds également appelée Elmet. D'autres guerriers viennent d'encore plus loin : l'un d'eux arrive de « par-delà Bannog », référence aux montagnes entre Stirling et Dumbarton (principale forteresse du royaume de Strathclyde), autrement dit du pays des Pictes. D'autres sont originaires du Gwynedd, dans le nord du Pays de Galles[9].

Interpolations

Trois des stances n'ont aucun lien avec le sujet du reste du manuscrit, en dehors du fait qu'elles concernent également le Sud de l'Écosse et le Nord de l'Angleterre et non le Pays de Galles. L'une d'elles commémore la victoire d'Eugein Ier, rois des Bretons de Strathclyde (ici qualifié de « petit-fils de Neithon »), sur Domnall Brecc (« Dyfnwal Frych » en gallois), roi de Dál Riata, à la bataille de Strathcarron, survenue en 642. Une autre stance semble appartenir à un cycle de poèmes distinct, lié à Llywarch Hen. La troisième interpolation est une comptine destinée à un nourrisson appelé Dinogad, et décrit son père allant chasser et pêcher[10].

On estime généralement que les interpolations ont été ajoutées au poème après sa rédaction : les stances auraient été écrites dans les espaces vierges d'un manuscrit, puis intégrées au poème par un copiste ultérieur qui ne se serait pas rendu compte qu'elles n'en faisaient pas partie. Par exemple, la stance de Strathcarron est la première du texte B du Livre d'Aneirin, et Jackson suggère qu'elle a pu être rédigée sur un espace laissé vierge au sommet de la première page du manuscrit original[11]. En revanche, selon la reconstruction de Koch, cette stance a été délibérément ajoutée au poème sur Strathclyde.

Analyse

Datation

Dater le Y Gododdin est une tâche qui divise les historiens depuis le début du XIXe siècle[12]. Si le poème a été composé peu après la bataille, il doit nécessairement dater d'avant 638 : cette année-là, Din Eidyn est assiégée et prise par les Berniciens, un événement qui marque probablement la fin du royaume des Gododdin[13]. S'il s'agit d'une composition plus tardive, l'orthographe de la deuxième partie du texte du scribe B fournit une borne de fin à la période possible de rédaction du texte. Les tenants de ce point de vue considèrent généralement que le poème date au plus tard du IXe siècle ou du Xe siècle, voire du XIe siècle selon certains historiens[14].

Le débat qui entoure la datation du poème est alimenté par des arguments essentiellement linguistiques. On estime qu'au moment de la bataille, le brittonique était en train de donner naissance à ses langues-filles : un gallois primitif au Pays de Galles, le cornique et le breton dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne et sur le continent, et le cambrien dans le nord de la Grande-Bretagne[15]. Kenneth Jackson en conclut que l'essentiel des changements qui ont fait du brittonique le vieux gallois (comme la syncope et la perte de la syllabe finale des mots) ont eu lieu entre le milieu du Ve siècle et la fin du VIe siècle[16]. Si le poème date de cette époque, il a dû être rédigé dans une forme primitive de cambrien[17], que Jackson propose d'appeler « cambrien primitif »[18]. Sweetser donne l'exemple du nom Cynfelyn, qui apparaît dans le Gododdin : en brittonique, il aurait été orthographié Cunobelinos. Le « o » médian et la syllabe finale « os », tous deux non accentués, sont tombés[19].

Ifor Williams (en), dont l'édition de 1938 a posé les fondations de l'étude moderne du poème, considère qu'au moins une partie du texte est probablement originaire de la fin du VIe siècle. Il se serait transmis oralement pendant un certain temps avant d'être couché sur le papier[20]. Myles Dillon met en doute cette date de composition : selon lui, il n'est guère plausible que le gallois primitif ait pu devenir une langue « pas plus archaïque que celui du neuvième siècle » dès la fin du VIe siècle. Il propose de dater les vers du IXe siècle. Basés sur des thèmes traditionnels, ils auraient été attribués à Aneirin a posteriori[21]. Toutefois, Jackson considère cet argument comme « dénué de substance », et souligne qu'avant d'être écrites, les stances se seraient longtemps transmises oralement, qu'elles auraient été certainement modernisées dans le processus, et que rien, dans le langage employé, ne permet d'écarter définitivement une composition autour de l'an 600[22]. Koch avance une date encore antérieure, autour de 570, et propose que le poème ait existé à l'écrit dès le VIIe siècle, bien avant la date communément admise. Il écrit :

« La possibilité d'un faux complet (qui exigerait d'apposer un concept littéraire moderne sur d'anciennes traditions galloises) n'est plus aujourd'hui envisagée sérieusement. L'éventail des possibilités s'est réduit : elles vont désormais d'un corpus Gododdin qui serait essentiellement une création littéraire des Galles médiévales, basé sur un vague héritage des traditions du vieux Nord brittonique, à un corpus en grande partie accessible d'un texte qui aurait été effectivement composé là-bas à cette époque[23]. »

Koch lui-même estime qu'une partie considérable du poème peut être datée du VIe siècle. Selon Greene, la langue du poème correspond davantage au IXe siècle qu'au VIe siècle[24], et selon Isaac, les preuves linguistiques n'exigent pas de dater le poème d'avant le IXe ou Xe siècle[25].

Une autre approche consiste à envisager le poème d'un point de vue historique. Pour Charles-Edwards :

« les arguments historiques suggèrent que le poème est une œuvre authentique d'Aneirin ; que l'on peut établir la nature essentielle du poème à partir des deux versions qui subsistent ; mais qu'il est impossible, hormis en des circonstances favorables, d'établir la formulation originelle[26]. »

Concernant les tentatives d'établir l'historicité du poème, Dumville écrit : « La recherche d'authenticité, quoi que cela veuille exactement dire, n'est pas achevée ; mais cela ne veut pas dire qu'elle ne peut l'être[27] ». Le fait que la quasi-totalité des guerriers mentionnés dans le poème n'apparaissent dans aucune autre source a été utilisé par plusieurs auteurs pour réfuter l'hypothèse selon laquelle le poème serait une composition tardive. Les auteurs de poèmes dont on sait qu'ils sont « faux » avaient un but bien précis en tête, par exemple la glorification d'une dynastie donnée ; mais les hommes célébrés par le Y Gododdin n'apparaissent dans les généalogies d'aucune dynastie galloise[28]. Breeze souligne qu'il est « difficile de voir pourquoi un poète tardif voudrait prendre la peine de commémorer des hommes qui, sans le poème, seraient totalement oubliés[29] ».

Contexte

Le centre de la Grande-Bretagne au milieu du VIe siècle

Le poème appartient à une tradition littéraire de la région qui correspond au sud de l'Écosse et au nord-est de l'Angleterre actuelles. Vers l'an 600, la région est occupée par plusieurs royaumes brittoniques : outre celui des Gododdin, le royaume d'Alt Clut s'étend sur le Strathclyde, et le Rheged chevauche Galloway, Lancashire et Cumbrie. Au sud, le royaume d'Elmet occupe la région de Leeds. Ces royaumes constituent ce qui est par la suite appelé en gallois Yr Hen Ogledd (en), « le Vieux Nord ».

Les Gododdin, appelés Votadini à l'époque romaine, occupent un territoire s'étendant du Firth of Forth jusqu'à la Wear au sud, correspondant aux actuels Clackmannanshire, Lothian et Borders. Leur capitale était peut-être Din Eidyn, à moins qu'il s'agisse d'un anachronisme selon plusieurs auteurs[30],[31],[32],[33],[34],[35],[36]. À l'époque, la future Northumbrie a été envahie par les royaumes anglo-saxons de Bernicie et de Deira, qui ne cessent de s'étendre[37].

L'Historia Brittonum, communément attribuée à Nennius, contient une référence à plusieurs poètes de cette région : « Talhaearn le Père de la Muse (en) », Neirin, Taliesin, Blwchfardd et « Cian qui est appelé Gweinthgwawd »[38]. Il ne subsiste rien des œuvres de Talhaearn, Blwchfardd et Cian, mais des poèmes attribués à Taliesin ont été publiés par Ifor Williams dans Canu Taliesin, et Williams estime qu'ils sont aussi anciens que le Gododdin. Ces vers louent Urien de Rheged et son fils Owain, et Urien est appelé seigneur de Catraeth[39].

Interprétations

Y Gododdin n'est pas un poème narratif, mais une série d'élégies écrites pour des héros morts durant une bataille et dont les auditeurs originaux dconnaissaient bien les tenants et aboutissants. Aussi, le contexte du poème doit être déduit du texte lui-même. Les événements du poème ont fait l'objet de plusieurs interprétations.

L'historien gallois du XIXe siècle Thomas Stephens (en) a identifié les Gododdin aux Votadini et Catraeth à Catterick, dans le Yorkshire du Nord[40]. Il fait le lien avec la bataille de Degsastan, livrée vers 603, qui oppose le roi Æthelfrith de Bernicie aux Gaels d'Áedán mac Gabráin, roi de Dál Riata. Dans son édition et traduction du Livre d'Aneirin (publiée en 1922), Gwenogvryn Evans affirme que le poème fait référence à une bataille livrée près de la Menai en 1098, et il modifie le texte pour l'adapter à sa théorie[41].

L'interprétation communément admise de la bataille de Catraeth (en) est celle avancée par Ifor Williams dans son Canu Aneirin (1938). Il interprète le mynydawc mwynvawr du texte comme faisant référence à un individu, Mynyddog Mwynfawr (en) en gallois moderne. Selon Williams, Mynyddog est le roi des Gododdin, et sa capitale est à Din Eidyn (Edinburgh). Aux alentours de l'an 600, Mynyddog rassemble trois cents guerriers triés sur le volet, les héberge à Din Eidyn pendant une année, puis lance une attaque sur Catraeth, que lui aussi identifie à Catterick, alors occupée par les Anglo-Saxons. Ils sont vaincus par une armée supérieure en nombre provenant des royaumes de Bernicie et de Deira[42].

La bataille de Catraeth (en) a été considérée comme une tentative d'entraver la progression des Angles : à l'époque, le Bryneich, ancien territoire des Votadini, a probablement été déjà annexé par les envahisseurs à leur royaume de Bernicie. Quelque temps après la bataille, les Angles annexent également les terres des Gododdin, peut-être après la chute de Din Eidyn in 638. Cette interprétation est acceptée par la plupart des historiens contemporains. Jackson estime que les 300 cavaliers (un groupe trop faible pour attaquer une place forte) étaient accompagnés par un certain nombre de fantassins, jugés indignes d'être mentionnés dans le poème[43]. Selon lui, après la chute du royaume des Gododdin, vers 638, le poème a été préservé en Strathclyde, resté indépendant pendant plusieurs siècles. Il estime que c'est là que le poème a été couché sur le papier, avant d'atteindre le Pays de Galles sous forme manuscrite entre la fin du VIIIe siècle et la fin du IXe siècle[44]. Le Gwynedd devait alors grandement s'intéresser à tout ce qui entoure le Gododdin, car selon le mythe fondateur de ce royaume, Cunedda Wledig était venu du Manaw Gododdin.

En 1997, John Koch publie une nouvelle étude du Y Gododdin. Il tente d'y reconstruire le poème originel, écrit dans ce que Koch appelle du « néo-brittonique archaïque », et propose également une interprétation inédite du contexte du poème. Il propose d'identifier l'attaque sur Catraeth avec la bataille de Gwen Ystrad, mentionnée dans un poème du Canu Taliesin intitulé Gweith Gwen Ystrat (en) qui mentionne les « hommes de Catraeth » et leur souverain « Uryen »[45]. Le poème daterait alors de 570 environ, quelques décennies avant la date retenue par Williams. Les Gododdin auraient combattu les Bretons du Rheged et d'Alt Clut dans le cadre d'une lutte intestine en Elmet, avec des auxiliaires angliens dans les deux camps (le Rheged étant allié au Deira). La bataille aurait été remportée par Urien Rheged, dont le fils Rhun baptise Edwin de Deira vers 627 selon l'Historia Britonnum[46]. Mynyddog Mwynfawr ne serait pas le nom d'une personne, mais une simple description signifiant « fête de la montagne » ou « chef de la montagne »[N 5]. Oliver Padel et Tim Clarkson ont critiqué certains aspects de la théorie de Koch. Ainsi, Clarkson souligne que le Gweith Gwen Ystrat mentionne les « hommes de Catraeth » : il n'indique pas que la bataille a eu lieu à Catraeth. En outre, selon Bède le Vénérable, ce n'est pas Rhun qui a converti le Deira au christianisme, mais l'évêque Paulin[47].

Éditions et traductions

La première traduction connue du Y Gododdin est celle d'Evan Evans (« Ieuan Fardd »), qui reproduit dix stances avec une traduction latine dans son livre Some Specimens of the Poetry of the Antient Welsh Bards, publié en 1764[48]. Le texte intégral connaît sa première impression en 1801, dans le Myvyrian Archaiology d'Owen Jones (en). Au XIXe siècle, des traductions en anglais sont publiés par William Probert (1820), John Williams (1852), William Forbes Skene (1866, dans Four Ancient Books of Wales) et Thomas Stephen (1888, pour la Cymmrodorion Society). Gwenogvryn Evans produit une édition en fac-similé du Livre d'Aneirin en 1908, puis une édition avec traduction en 1922.

La première édition fiable est le Canu Aneirin d'Ifor Williams, publié en 1938 avec des notes en gallois. De nouvelles traductions basées sur l'édition de Williams ont été réalisés par Kenneth H. Jackson (1969) et A. O. H. Jarman (1988), cette dernière avec un texte gallois modernisé et un glossaire. Un fac-similé en couleur du manuscrit, avec une introduction de Daniel Huws, a été publiée par le South Glamorgan County Council et la National Library of Wales en 1989. La nouvelle édition de John Koch, visant à recréer le texte original, est parue en 1997.

Plusieurs traductions cherchent à présenter le Gododdin comme une œuvre littéraire davantage que comme un sujet d'études. Parmi celles-ci, la traduction de Joseph P. Clancy dans The Earliest Welsh Poetry (1970) et celle de Steve Short (1994).

Influence culturelle

La poésie galloise médiévale présente des références au Y Gododdin. Au XIIe siècle, dans Hirlas Owain, Owain Cyfeiliog loue ses gens d'armes sur le modèle du Y Gododdin. Un peu plus tard, dans une eulogie adressée à Llywelyn le Grand, Dafydd Benfras (en) souhaite être inspiré « pour chanter comme chanta Aneirin / le jour où il chanta le Gododdin ». Après cela, le poème sombre dans l'oubli jusqu'à la découverte du manuscrit par Evan Evans à la fin du XVIIIe siècle.

En anglais, Y Gododdin est une influence majeure du poème de David Jones In Parenthesis (en) (1937), dans lequel il revient sur les massacres dont il a été témoin durant la Première Guerre mondiale[49]. Chacune des sept sections de In Parenthesis s'ouvre avec une citation du Gododdin. Le poète Richard Caddel (en) a également utilisé Y Gododdin comme base de son poème For the Fallen (1997), écrit en mémoire de son fils Tom[50].

Plusieurs romans historiques s'inspirent du poème, parmi lesquels Men Went to Cattraeth de John James (en) (1969), The Shining Company de Rosemary Sutcliff (1990) et The Amber Treasure de Richard J. Denning (en) (2009). En 1989, le groupe de musique industrielle Test Dept publie l'album Gododdin, mise en musique du poème original et de sa traduction en anglais, réalisé en collaboration avec la compagnie théâtrale d'avant-garde Brith Gof[51].

Annexes

Notes

  1. Dans le manuscrit, chaque stance commence par une grande capitale, mais il n'y a pas de division en vers. La plupart des éditeurs modernes reprennent le découpage effectué par Ifor Williams dans son édition de 1938.
  2. Klar, Brendan O'Hehir et Eve Sweetser postulent l'existence d'un troisième scribe, dit « C », qui aurait rédigé les Gorchanau. Cette théorie est contestée par Daniel Huws, pour qui les Gorchanau sont l'œuvre du scribe A, in Huws, p. 34-48.
  3. Selon Brendan O'Hehir, il vaut mieux considérer le Y Gododdin comme un recueil de poèmes aux sujets proches. Voir O'Hehir, p. 66.
  4. Dans son édition de 1988, A. O. H. Jarman considère la stance comme une possible interpolation. Dans son étude de 1997, John T. Koch la considère comme probablement archaïque, datant d'avant 638. Voir Koch, p. 147-148.
  5. Wmffre estime lui aussi que Mynyddog n'est pas le nom d'une personne, mais propose d'y voir une référence au Dieu chrétien, in Wmffre, p. 83-105.

Références

  1. Jarman, p. xiv.
  2. Koch, p. lxvi.
  3. Les guerriers sont listés dans Jarman, p. xxx-xxxi.
  4. Williams (1938), p. lxii-lxiii.
  5. Williams (1938), p. xlviii-xlvix.
  6. Evans (1977), p. 44.
  7. Short, p. 10.
  8. Williams, p. 175.[réf. incomplète]
  9. Jackson (1969), p. 5-7.
  10. Jarman, p. lxi-lxiii.
  11. Jackson (1969), p. 48.
  12. Turner, p. iii-iv.
  13. Jackson (1969), p. 10.
  14. Evans (1982), p. 17.
  15. Davies, p. 232.
  16. Jackson (1953), p. 3-11, 690.
  17. Elliot, p. 583.
  18. Jackson (1969), p. 86-90.
  19. Sweetser, p. 140.
  20. Williams (1938), p. xc-xciii.
  21. Dillon, p. 267-268.
  22. Jackson (1969), p. 88-91.
  23. Koch, p. l-li.
  24. Greene, p. 1-11.
  25. Isaac, p. 55-78.
  26. Charles-Edwards, p. 66.
  27. Dumville, p. 8.
  28. Jarman, p. lxix.
  29. Breeze, p. 14.
  30. Campbell, p. 5
  31. Blackie, 68.
  32. Norman Davies, p. 87.
  33. Swanton, p. 126.
  34. Jordan-Bychkov, p. 243.
  35. Coghill, p. 3.
  36. Jackson (1969), p. 5.
  37. Jackson (1969), p. 5-9.
  38. Williams (1972), p. 43[réf. incomplète].
  39. Williams (1972), p. 49[réf. incomplète].
  40. Stephens, p. 3.
  41. Williams (1972), p. 58-59[réf. incomplète].
  42. Williams, p. xxiii-xlviii[réf. incomplète].
  43. Jackson (1969), p. 13-18.
  44. Jackson (1969), p. 63-67.
  45. Koch, p. xxvii.
  46. Koch, p. xxxiii.
  47. Tim Clarkson, « The Gododdin Revisited ». Consulté le 1er mai 2011.
  48. Jarman, p. lxxxii.
  49. Jarman, p. lxxxvi.
  50. Martin Corless-Smith, « Magpie Words », dans Electronic Poetry Review, no 6, 2002 [texte intégral (page consultée le 1er mai 2011)] .
  51. (en) Test Dept: a short history. Consulté le 1er mai 2011.

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

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