Nationalisme intégral

Nationalisme intégral

Le nationalisme intégral est une doctrine politique théorisée par Charles Maurras au début du XXe siècle. Elle s'est principalement exprimée dans les cercles royalistes d'Action française. La base de cette doctrine repose sur l'unité de la société.

Cette doctrine porte aussi le nom de maurrassisme.

Sommaire

La doctrine du nationalisme intégral

Un constat de décadence

Le nationalisme intégral a pour ambition d'être une doctrine contre-révolutionnaire, assurant la cohésion de la France et sa grandeur. Elle part d'un mot d'ordre, « Politique d'abord », d'un postulat, le patriotisme, que la Révolution aurait effacée au profit du nationalisme et d'un constat : pour Maurras, la société française de la fin du XIXe siècle est minée par la décadence et la corruption. Selon lui, ces maux remontent principalement à la Révolution française, et atteignent leur paroxysme dans l'affaire Dreyfus. Les influences philosophiques de Charles Maurras vont de Platon et Aristote à Joseph de Maistre en passant par Dante, Thomas d'Aquin et Auguste Comte. Ses influences historiques vont de Sainte-Beuve à Fustel de Coulanges en passant par Taine et Ernest Renan.

Pour Maurras, le coupable est l'esprit révolutionnaire et romantique, véhiculé par les forces libérales que furent selon lui à cette époque les quatre « États confédérés » qu'il avait définis en 1949 dans Pour un jeune Français, à savoir : les juifs, les protestants, les francs-maçons, et les étrangers (que Maurras appelait "métèques"). Ces états confédérés représentent l'anti-France, ils ne peuvent en aucun cas faire partie de la nation française.

La solution maurrassienne : ordre, raison, classicisme

Le nationalisme intégral semble naître d'un désir d'ordre chez le jeune Charles Maurras, attribué par certains à sa surdité[1].

  • Sur le plan philosophique, ce désir d'ordre entraîne un attachement inconditionnel à la raison.
  • Sur le plan artistique, la défense du classicisme contre les "débordements" des sens du romantisme.
  • Sur le plan politique, il implique la recherche d'un régime d'autorité. Mais chez Maurras, poète régionaliste provençal, l'autorité doit se concilier avec le respect des libertés locales. Une équation qui ne trouve selon lui sa résolution que dans le système monarchique. Maurras devient donc un royaliste de raison en 1896.

Plus précisément, sur le plan politique, pour assurer la cohésion nationale, le maurrassisme repose donc sur :

  • L'exclusion de la nation des quatre « États confédérés » et l'exaltation de l'intérêt national ("La France seule"),
  • Sur le plan politique, la mise en place d'institutions devant garantir simultanément les libertés locales du "pays réel" et le maintien de l'unité nationale, c'est-à-dire pour lui la monarchie.
  • Sur le plan moral, le magistère de l'Église catholique romaine en tant que ciment unificateur, facteur et modèle d'ordre.

Un modèle politique basé sur le « pays réel »

Dans la lignée du positivisme, Charles Maurras considère que l'organisation et les institutions de la société doivent être le fruit de la sélection opérée par les siècles, l'« empirisme organisateur » étant considéré comme plus efficace, car adapté à chaque situation nationale, que l'application de théories idéalistes. La monarchie fait partie de ces institutions, nécessaire notamment pour freiner les rivalités franco-françaises.

La confiance mise dans les institutions forgées par le temps conduit Charles Maurras à distinguer le « pays réel », enraciné dans les réalités de la vie (la région, le travail, les métiers, la paroisse, la famille) du « pays légal » (les institutions républicaines), selon lui artificiellement superposé au "pays réel". Une notion qui reprend également les thèmes organicistes de la tradition politique catholique.

La réflexion institutionnelle de Maurras doit également beaucoup à son fédéralisme originel et à son appartenance au mouvement régionaliste provençal des Félibrige de Mistral. Il voyait dans la monarchie la clé de voûte de la décentralisation. En effet, il estimait que, contrairement à l'administration centralisée de la République napoléonienne contrainte à des recours au « corset de fer », l'attachement direct du peuple à l'autorité symbolique du souverain et le ciment moral de l'Église catholique étaient des forces unificatrices suffisantes pour assurer l'unité nationale dans un système politique largement décentralisé. Une vision politique synthétisée par la formule : « l'autorité en haut, les libertés en bas ».

Ce serait par pragmatisme et par hantise de la guerre civile que Maurras resta fidèle, en 1914 comme en 1940, à son principe du compromis nationaliste, c'est-à-dire de l'union nationale en cas de crise, et en soutenant Georges Clemenceau puis Philippe Pétain.

Place dans l'histoire des idées politiques

Une synthèse politique nouvelle

Sur le plan des institutions politiques, légitimiste dans sa jeunesse puis républicain fédéraliste, Maurras redevint royaliste (mais désormais partisan des Orléans) en 1896 par raisonnement politique : les rois ont fait la France, elle se défait depuis 1789. Partisan dès lors du duc d'Orléans puis de ses héritiers (le « duc de Guise », puis le « comte de Paris », vivant alors à l'étranger car concernés par la loi d'exil de 1886), il s'attacha à convertir l'Action française naissante, et créée par des républicains nationalistes, à l'idée royale et à rassembler en son sein les restes du royalisme traditionnel français, illustré notamment par le marquis de la Tour du Pin ou le général de Charette.

La synthèse entre les idées contre-révolutionnaires et le nationalisme (mais aussi le positivisme), initiée par le choc moral de la guerre de 1870 (qui convertit une partie des forces traditionalistes à l'idée nationale) et largement opéré par l'affaire Dreyfus (à partir de 1898), trouvera son aboutissement doctrinal dans le nationalisme intégral. S'il restera des courants politiques nationalistes non maurrassien (telles les diverses expressions du nationalisme jacobin, le nationalisme universaliste à la Péguy), le courant politique contre-révolutionnaire sera pour sa part totalement converti au maurrassisme après les ralliements des royalistes traditionnels (vers 1911).

Le nationalisme intégral aura donné un second souffle aux idées contre-révolutionnaires, en déclin au milieu des années 1893 après le ralliement des catholiques à la République, qu'elle aura diffusé bien au-delà de ses milieux traditionnels (certaines région de tradition contre-révolutionnaire, les milieux catholiques, l'aristocratie).

Personnellement agnostique jusqu'aux dernières années de sa vie (il se convertit alors au catholicisme), Maurras appréciait le rôle social et historique de la religion catholique dans la société française, notamment pour son rôle fédérateur. Sa vision « utilitariste » de l'Église catholique, en tant qu'institution servant les intérêts de la cohésion nationale, a facilité la convergence entre des catholiques fervents et des hommes plus éloignés de l'Église.

Une influence majeure sur la première moitié du XXe siècle

La synthèse maurrassienne fera école en France et se diffusera à l'étranger. En France, elle exercera une influence majeure sur les milieux intellectuels et étudiants (facultés de droit, de médecine, etc.) des années 1910 et 1920 pour atteindre une certaine apogée en 1926, avant la condamnation pontificale. A titre d'exemple, le courant maurrassien exerce ainsi "son attraction sur les esprits les plus divers: de Bernanos à Jacques Lacan, de T.S. Eliot à Georges Dumézil, de Jacques Maritain à Jacques Laurent, de Thierry Maulnier à Gustave Thibon, jusqu’à de Gaulle"[2].

Le maurassisme a en particulier été source d'inspiration de la Révolution nationale du régime de Vichy (période 1940-1941), du régime de Salazar au Portugal ou encore du franquisme en Espagne.

Autres usages

Selon d'autres usages, le nationalisme intégral est une variante démocratique du solidarisme, comme le corporatisme. Les nationalistes intégraux pensent que la société doit disposer d'une hiérarchie sociale, mais que les différentes classes doivent collaborer entre elles.

Souvent perçu par ses adversaires comme la croyance en un conservatisme du sang et de la terre, le nationalisme intégral affirme que la meilleure institution politique possible pour une nation donnée dépend de son histoire, de sa culture et de son environnement humain. Le nationalisme intégral ne soutient l'existence d'une Église nationale (Érastianisme).

Ses adversaires soutiennent aussi que le nationalisme intégral a souvent des points d'intersection avec le fascisme, surtout en Amérique latine, bien qu'il existe de nombreux points de désaccord profond entre les deux mouvements, au premier rang desquels l'insistance des nationalistes intégralistes sur le localisme, ou la décentralisation du pouvoir.

Notes et références

  1. Charles Maurras, le chaos et l'ordre, de Stéphane Giocanti, cité par Laurent Dandrieu, Valeurs actuelles, 15 septembre 2006 [1]
  2. Laurent Dandrieu, Valeurs actuelles, 15 septembre 2006 [2]

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Pierre Boutang, Maurras, la destinée et l'œuvre, La Différence, 1991 ;
  • François Huguenin, A l'école de l'Action française : un siècle de vie intellectuelle, Editons J.-C. Lattès, 1998, 637 p.
  • Yves Chiron, La vie de Maurras, Perrin, 1991 ;
  • Stéphane Giocanti, Maurras félibre, coll. des Amis de la Langue d'oc, 1995.
  • Michel Mourre, Charles Maurras, éd. Universitaires, 1958 ;
  • Jacques Paugam, L'Âge d'or du maurrassisme, préface de Jean-Jacques Chevallier, Paris, Denoël, 1971.
  • Claude Hauser & Catherine Pomeyrols (eds), L'Action française et l'étranger : usages, réseaux et représentations de la droite nationaliste française, L'Harmattan, 2001, 148 p., (ISBN 2-7475-1778-0)
  • Ernest Roussel, Les Nuées maurrassiennes, étude critique des "croyances" historiques de l'Action française, préface de Charles Seignobos, Paris, 1936.
  • Philippe Bedouret " Barrès, Maurras et Péguy face au germanisme (1870-1914)". Référence ANRT: 50263 - Identifiant BU : 05EPHE4023 - ISBN: 9782729565336 - 2007

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