Esclavage en Afrique

Esclavage en Afrique

L'esclavage en Afrique est une constante de l'histoire du continent. Il fut pratiqué par diverses civilisations depuis l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui. Il donna lieu à un important trafic d'hommes, la traite négrière et marqua profondément la géographie et les sociétés africaines.

Sommaire

Afrique du nord et Sahara

Civilisations antiques

Si les spécialistes s'accordent pour dire que l'esclavage, tel qu'il se pratiqua dans la Grèce antique, n'a pas existé en Égypte avant la période ptolémaïque, c'est-à-dire, avant l'invasion grecque, certaines formes de servitudes existaient néanmoins dans la civilisation égyptienne : la corvée était imposée à tous pour les grands travaux tels que l'entretien des canaux d'irrigation ou la construction de grands monuments. Les condamnations de droit commun se traduisaient dans certains cas par des travaux forcés. Outre le fait que le régime quotidien était moins dur que dans d'autres civilisations, les serviteurs avaient une personnalité juridique et pouvaient posséder un capital. Les ouvriers qui travaillaient sur les chantiers des pyramides étaient des hommes soumis, mais libres et respectés[1].

Les Romains conquirent l'Afrique du Nord à la fin de la République et au début de l'empire ; ils imposèrent l'esclavage dans ces régions. Au cours du Bas-Empire, l'esclavage devient moins important car il est relayé par le système du colonat. Saint Augustin, évêque d'Hippone d'origine berbère[2] apporte au début du Ve siècle une justification théologique à l'esclavage : on est ou devient esclave en raison de ses péchés, ou à défaut en raison du péché originel.

Aire arabo-musulmane

L'Égypte islamique a largement fait usage des esclaves soldats, les Mamelouks, capturés ou achetés parmi les chrétiens et les tribus païennes, puis instruits au métier des armes et affranchis. En 1260, leur chef Baybars prit le pouvoir. Les Mamelouks le conservèrent jusqu'à la conquête par les Turcs en 1516-1520. Il faut remarquer que même lorsqu'ils furent les maîtres de l'Égypte, les mamelouks conservèrent leur mode de recrutement, à partir d'esclaves.

L'Empire ottoman qui domine le nord de l'Afrique à partir du XVIe siècle continue la pratique de l'esclavage. Les esclaves venaient des régions slaves et d’Afrique. Ils étaient employés dans l’armée, la marine, les harems. Certains étaient domestiques ou artisans. Les Ottomans ont créé à partir du XVe siècle des unités d'élites avec des esclaves chrétiens, les janissaires. Ces esclaves étaient encasernés très jeunes, entraînés et convertis à l'Islam.

Jusqu'au XIXe siècle, les corsaires nord-africains capturent des esclaves sur les côtes des pays européens et les navires européens. Entre 1530 et 1780, au moins 1,2 million d'Européens furent emmenés en esclavage en Afrique du Nord (seul le nombre d'hommes est à peu près quantifiable, tandis que le nombre de femmes victimes de cette traite est très difficile à quantifier et généralement largement sous-estimé).

Aujourd'hui, l'esclavage en Mauritanie continue d'exister bien qu'il ait été aboli en 1981. Il concerne les descendants des noirs asservis il y a des générations; ils travaillent en partie encore comme esclaves pour les "maures blancs". On ne connait pas exactement le nombre des esclaves dans ce pays, mais on estime qu'ils sont des centaines de milliers. L'experte de l'esclavage moderne Kevin Bales estime que la proportion d'esclaves dans la population totale est la plus haute du monde. Il y a des organisations en Mauritanie comme El Hor et SOS Esclaves qui luttent contre l'esclavage. Le 8 août 2007 le Parlement du pays a adopté une loi criminalisant l'esclavage, puni de dix ans d'emprisonnement[3].

Généralités

Estimation de la proportion d'esclaves dans la population[4] :

Afrique subsaharienne

Généralités

L'esclavage était une institution établie de longue date dans les sociétés noires africaines[5] : il permettait, comme le mariage, d'augmenter la richesse du groupe[6]. Il s'agissait d'une pratique courante[5]. D'autre part, la traite transatlantique de l'époque moderne n'aurait pas été possible sans la participation de négriers africains[7] : lorsqu'ils débarquaient sur les côtes occidentales de l'Afrique, les marchands européens achetaient ou troquaient les esclaves noirs capturés à l'intérieur des terres. Sur le littoral de l'Afrique de l'est, les marchands arabes, indiens, malais et même chinois venaient s'approvisionner auprès des intermédiaires noirs[5].

Les principaux royaumes négriers furent[8] :

Estimation de la proportion d'esclaves dans la population[4] :

Au début du XIXe siècle, l'Empire zoulou réduisit de nombreuses personnes en esclavage à l'occasion de son expansion[9]. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le cardinal Charles Martial Lavigerie dénonce l'esclavage en Afrique.

Afrique occidentale

Avec l'avancée de l'islam, l'esclavage se développe. Dès le VIIe siècle, sans parler de conquêtes, les premiers raids arabes dans le Sahara approvisionnent les marchés aux esclaves. Dès le VIIIe siècle, des marchands soninkés échangent des esclaves contre du sel, du cuivre ou des tissus[10]. Au XIe siècle, le trafic caravanier augmente et les chefs de tribus africaines se convertissent.

En Afrique occidentale, les trois plus importants empires du Moyen Âge, l'Empire du Ghana (IXe - XIe siècles), l'Empire du Mali (XIIIe - XVe siècles) et l'Empire songhai (XVe - XVIe siècles) ont tous pratiqué l'esclavage à des degrés divers. Il y avait de nombreux esclaves noirs, mais aussi des blancs[11] achetés aux marchands arabes qui circulaient à travers le Sahara ou qui étaient implantés en Afrique occidentale. Au XIe siècle, le géographe andalou El-Békri évoque des esclaves blancs et noirs dans le royaume d'Aoudaghost[12]. Dans l'Empire de Ghana, l'or était extrait par des esclaves[13]. D'autres étaient employés comme gardes de l'empereur. Dans la capitale Koumbi Saleh, la population était répartie par quartiers en fonction de leur ethnie, de leur clan ou de leurs activités : le quartier des blancs étaient réservés aux Arabes[14]. La majorité des habitants de l'Empire était animiste, mais la minorité musulmane était tolérée.

Les populations soumises étaient réduites en esclavage : c'est par exemple le cas lorsque les Sossos s'emparent du Ghana[15]. Au XIIIe siècle, l'Empire du Mali est fondé et étend sa souveraineté sur une partie de l'Afrique occidentale. Le premier empereur, Soundiata Keïta décide de réglementer l'esclavage (Charte du Manden). La charte de Kouroukan Fouga prescrit de ne pas maltraiter les esclaves ; mais ses dispositions sont remises en cause après sa mort[16] et l'esclavage se développa au XVe siècle[17]. L'islamisation de l'Empire du Mali limite en principe l'esclavage aux non-musulmans. L'Empire poursuit les échanges avec les états d'Afrique du Nord et l'on rencontre des marchands arabes et juifs dans les villes[18]. En 1324, l'empereur Kouta Moussa part en pèlerinage à La Mecque en 1324 accompagné de 1000 à 2000 personnes, dont de nombreux esclaves[19]. Selon l'auteur égyptien Al-Omary, l'empereur acheta des esclaves pendant son séjour au Caire, notamment des mamelouks et des femmes blanches, musulmanes et chrétiennes[20].

Aux XVe et XVIe siècle, l'Empire songhaï domine l'Afrique de l'Ouest. Son empereur (askia) possède un harem de femmes musulmanes et européennes achetées en Afrique du Nord[21].

Au XVIe siècle, les expéditions menées par les gouverneurs d'Alger se multiplient dans le Sahara central. L'effondrement de l'empire Songhaï entraîne une chasse aux esclaves dans les pays du Niger. La traite atlantique est approvisionnée par les guerres entre rois et clans africains. La traite transsaharienne décline[22].

Afrique orientale

Dès le VIIe siècle, plusieurs expéditions musulmanes montent vers la Nubie, en suivant le Nil. Les vainqueurs exigent des esclaves comme tribut : en 642, le roi de Nubie Kalidurat doit livrer 360 esclaves par an aux musulmans. Selon le même processus, une série de raids musulmans menacent l'Abyssinie chrétienne. Les Arabes traversent la Mer Rouge et s'installent sur la côte éthiopienne, en fondant d'abord quelques comptoirs de traite négrière (archipel des Dahlaks, Aydab et Souakim par exemple). Les marchands arabes y échangent les produits apportés par des marchands asiatiques contre des esclaves noirs. En effet, des inscriptions javanaises et des textes arabes montrent qu'aux IXe et Xe siècles Java entretenait des échanges commerciaux avec la côte est de l'Afrique, qui incluaient l'achat d'esclaves "jenggi", c'est-à-dire originaires du "Zenj", nom que les Arabes de l'époque donnaient à la côte est de l'Afrique.

Puis les Arabes pénètrent davantage dans les terres et finissent par installer de petits sultanats autonomes en Éthiopie : celui d'Adal par exemple exportait les esclaves du pays. Ces sultanats disparurent au XVe siècle. Au XVIe siècle, les raids viennent à nouveau d'Égypte où les Turcs s'installent. Le négus d'Éthiopie appelle les chrétiens d'Occident à l'aide. L'Espagne, l'Italie et le Portugal envoient des hommes. Les Portugais voulant contrôler la route des Indes orientales attaquent les comptoirs arabes : en 1517, ils incendient le comptoir arabe de Zeilah. Christophe de Gama mène une expédition en Abyssinie vers 1542-1543. Les renforts portugais repoussent les Turcs vers le nord de l'Abyssinie.

Sources de l'article

  • Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, Pascal Galodé éditeurs, Saint-Malo, 2008, (ISBN 9782355930058)
  • Slavery, Encyclopædia Britannica's Guide to Black History. Consulté le 01-11-2008

Notes

  1. On a retrouvé les installations pour loger et nourrir les ouvriers des pyramides de Khéphren et Mykérinos ainsi que leurs tombes (emplacement d'honneur près des pyramides). Ils sont bien nourris et bénéficient d'une assistance médicale efficace (soins en cas d'accident, y compris amputations proprement effectuées). Voir catalogue de l'exposition "Pharaons", p. 29 et pp. 34-35 (éditions Flammarion, Institut de Monde Arabe, 2004).
  2. Étienne Gilson, Le philosophe et la théologie (1960), Vrin, 2005, p.175 ; Henri-Irénée Marrou, Crise de notre temps et réflexion chrétienne de 1930 à 1975, Beauchesne, 1978, p.177
  3. « Mauritanie. Une loi contre l'esclavage », dans Courrier international du 10-08-2007, [lire en ligne]
  4. a et b (en) Slavery, Encyclopædia Britannica's Guide to Black History. Consulté le 01-11-2008
  5. a, b et c Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002 (ISBN 2253905933) , p.135
  6. Collectif, Atlas de l’Afrique. Géopolitique du XXIe siècle, Atlande, Paris, 2006, 4e édition, (ISBN 2912232562), p.19
  7. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, 2002 (ISBN 2253905933) , p.134
  8. Collectif, Atlas de l’Afrique. Géopolitique du XXIe siècle, Atlande, Paris, 2006, 4e édition, (ISBN 2912232562), p.18
  9. Jean Sévilla, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Paris, Perrin, 2003 (ISBN 2262017727) , p.260
  10. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.25
  11. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.10
  12. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.23
  13. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.27
  14. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.42
  15. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.49
  16. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.57
  17. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.92
  18. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.61
  19. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.75
  20. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.81 et p.88
  21. Serge Bilé, Quand les noirs avaient des esclaves blancs, 2008, p.104
  22. Collectif, Atlas de l’Afrique. Géopolitique du XXIe siècle, Atlande, Paris, 2006, 4e édition, (ISBN 2912232562), p.16

Voir aussi

Bibliographie

Généralités sur l’Afrique :

  • Bernard Lugan, Atlas historique de l'Afrique des origines à nos jours, Éditions du Rocher, Paris-Monaco, 2001, 268 p. (ISBN 226803903X)
  • Mody Sékéné Cissoko, Histoire de l’Afrique occidentale. Moyen-Âge et temps modernes, Présence africaine, 1966, (ASIN B0000DUX16)
  • Mody Sékéné Cissoko, Tombouctou et l’empire songhai, L’Harmattan, Paris, 1996, (ISBN 2738443842)
  • Collectif, Histoire Générale de l'Afrique, Présence Africaine/UNESCO/EDICEF, 1991 : volumes 2, 3 et 4
  • Germaine Dieterlen, Diarra Sylla, L’empire de Ghana : le Wagadou et les traditions de Yéréré, Karthala, 2000, (ISBN 9782865373536)
  • Jean Jolly, Histoire du continent africain, tome 1 (sur 3), L’Harmattan, 1996, (ISBN 2738446884)
  • Djibril Tamsir Niane, Le Soudan Occidental au temps des grands empires, Présence Africaine, 2000, (ISBN 9782708703155)
  • Jean Roch, Les Songhay, L’Harmattan, Paris, 2005, (ISBN 978-2747586153)

Généralités sur l’esclavage

  • Marcel Dorigny et Max-Jean Zins(sous la direction de), "Les traites négrières coloniales, Histoire d'un crime", Editions Cercle d'Art, Paris, 2009 ISBN 978-2-7022-0894-6
  • Olivier Pétré-Grenouilleau, L'histoire de l'esclavage, Plon, Paris, 2008, (ISBN 9782259207515)
  • Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières : Essai d'histoire globale, Gallimard, 2004, (ISBN 9782070734993)
  • Christian Delacampagne, Une histoire de l'esclavage, Le livre de poche, Paris, 2002, (ISBN 9782253905936)

En anglais

  • (en) John Donnelly Fage (dir.), The Cambridge History of Africa, Cambridge University Press, Cambridge, 1975-1986 (8 volumes)

Articles connexes

Liens externes


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