Accords De Dayton

Accords De Dayton

Accords de Dayton

Les accords de Dayton mirent fin aux combats interethniques qui ravageaient la Bosnie-Herzégovine.

Du 1er novembre au 21 novembre 1995, sur la base aérienne de Wright-Patterson, près de Dayton, dans l'Ohio, aux États-Unis, se déroulèrent des négociations visant à mettre fin à la guerre qui ravageait depuis trois ans l'ex-Yougoslavie. Les principaux participants étaient les présidents serbe (Slobodan Milošević), croate (Franjo Tuđman) et bosniaque (Alija Izetbegović), ainsi que le négociateur américain Richard Holbrooke assisté de Christopher Hill. Les accords de Dayton prévoyaient une partition de la Bosnie-Herzégovine à peu près également entre la Fédération de Bosnie et Herzégovine (croato-bosniaque) et la République serbe de Bosnie (serbe), ainsi que le déploiement d'une force de paix multinationale, l'IFOR.

Bien que formellement signés à Paris le 14 décembre 1995, ces accords sont passés à l'histoire sous le nom d'accords de Dayton.

Sommaire

Une partition en deux États ethniques forts

Les accords de Dayton 1995 constituent une sorte de compromis boiteux entre les belligérants serbes, croates et bosniaques.

Les accords de Dayton ont eu pour effet d’entériner la partition du pays en deux États ethniquement forts au sein d’un État unitaire faible et presque symbolique avec comme capitale Sarajevo. La république de Bosnie-Herzégovine, c’est-à-dire l’État, est maintenant divisée en deux entités politiques distinctes : la République serbe de Bosnie d'une part et la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine d'autre part.

Parce que la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine regroupe les Croates et les Bosniaques (ce dernier terme définissant les Bosniens Musulmans), elle est aussi appelée «la Fédération» ou encore la «Fédération croato-musulmane». Quant à la République serbe de Bosnie (Republika Srpska), elle compte majoritairement des Serbes orthodoxes (près de 90%).

Les institutions centrales de l’État unitaire

Les accords de Dayton ont prévu des institutions communes à la Fédération croato-musulmane et à la République Serbe. Le pouvoir exécutif de la république de Bosnie-Herzégovine est assuré par une présidence collégiale rotative de trois membres (en alternance: un Bosniaque, un Croate et un Serbe) et un Conseil des ministres chargé de mettre en œuvre les politiques et décisions de la Bosnie-Herzégovine dans les domaines de sa compétence.

Le pouvoir législatif

Le système législatif est bicaméral: il est exercé par la Chambre des représentants de 42 membres élus au suffrage universel par chacune des deux entités, en raison de 28 représentants pour la Fédération croato-musulmane et de 14 représentants pour la République serbe de Bosnie (Republika Sprska). La deuxième chambre, la Chambre des peuples, comprend 15 membres nommés par les Assemblées de chaque entité: deux tiers par la Fédération (cinq Bosniaques, cinq Croates) et un tiers par la Republika Sprska (cinq Serbes). Les Bosniaques, les Croates et les Serbes sont ainsi reconnus en leur qualité de «peuples constituants». Les langues officielles sont le bosniaque, le croate et le serbe.

Les compétences des institutions centrales

Les institutions centrales sont compétentes pour les Affaires étrangères, la défense, le commerce international et les douanes, la politique monétaire, les communications, le financement des opérations publiques et la législation concernant l'immigration et le droit d'asile. Tout ce qui n'est pas explicitement dévolu à l'État central relève des compétences des entités. Cela confère à chacune d'elles des responsabilités considérables telles que la justice, la police, les finances, la langue, la santé, etc. Sur le plan financier, la Bosnie-Herzégovine dépend entièrement des contributions de chacune des deux entités (de la Fédération, à raison des deux tiers, de la République serbe de Bosnie, à raison d’un tiers). Ce système de gouvernement ressemble beaucoup à celui de l'ancienne Yougoslavie (la seconde).

Enfin, les accords ont prévu la poursuite des criminels de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, créé en février 1993 par l'ONU, le libre retour des réfugiés et l'organisation d'élections générales, conditions préalables à un rétablissement durable de la paix.

Un fonctionnement douteux

Toutefois, il faut reconnaître que les institutions centrales, conçues délibérément à des fins intégratrices, ne fonctionnent pas très bien. Leur mise en place a été laborieuse, d’une part, pour des raisons tenant à la localisation par rotation des administrations, d’autre part, en raison de la réticence évidente des Serbes et des Croato-Musulmans à faire vivre un État imposé par les accords de Dayton et auquel ils ne croient pas. D’un côté, les Croates et les Bosniaques ne parviennent pas à s’entendre au sein des institutions communes; de l’autre, les Serbes ne songent qu’à consolider l’entité qu’ils ont arrachée à coup de canons.

En fait, la solution des protagonistes serbes, croates et bosniaques aurait été, d’après les déclarations à l'époque des présidents signataires de Croatie (Franjo Tuđman) et de Serbie (Slobodan Milošević), «le partage de la Bosnie-Herzégovine entre Serbes et Croates, laissant un petit État musulman autour de Sarajevo». D’ailleurs, le président de la Bosnie-Herzégovine (Alija Izetbegović), écrivait lui-même, dans un essai écrit en 1970 (Déclaration islamique) mais publié en Turquie en 1990, qu'il ne «pouvait y avoir ni paix ni coexistence entre la religion musulmane et les institutions politiques et sociales non islamiques».

Un protectorat déguisé

Pour toutes ces raisons, la communauté internationale a imposé à la Bosnie-Herzégovine, depuis décembre 1997, un haut représentant civil (alors M. Carlos Westendorp) chargé de prendre des «décisions contraignantes» et des «mesures provisoires». Déjà, ce dernier a imposé des plaques d’immatriculation communes, un passeport unique, une monnaie (le «marka») alignée sur le Deutsch Mark (l'euro, maintenant), une loi sur la citoyenneté, un nouveau drapeau, sans compter les révocations des plusieurs responsables locaux élus.

Selon les observateurs, la Bosnie-Herzégovine glisse progressivement vers une forme de «protectorat déguisé» qui produit ses effets pervers. En effet, les responsables politiques locaux (serbes, croates et bosniaques) ont de plus en plus tendance à renoncer à trouver des compromis, car ils savent qu’en dernière instance le haut représentant civil tranchera. Dans ces conditions, certains estiment qu'il est peu probable que la Bosnie-Herzégovine survivrait au départ des Occidentaux du pays.

Les deux États ethniques

Rappelons-le, la république de Bosnie-Herzégovine — l’État — compte deux entités politiques distinctes : d'une part, la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (dont la capitale est également Sarajevo) appelée également «la Fédération» ou encore la «Fédération croato-musulmane», d'autre part, la République serbe de Bosnie (dont la capitale est Banja Luka) ou «République serbe de Bosnie». La Fédération de Bosnie-et-Herzégovine regroupe les Croates et les Musulmans, tandis que la Republika Srpska ne compte officiellement que des Serbes orthodoxes.

Chacune des deux entités dispose de sa propre Constitution, de sa propre police et de ses propres forces armées, et a «le droit d'établir des relations bilatérales spéciales avec les États voisins», ce qui avantage les Croates et les Serbes. Ainsi, en Bosnie, la séparation ethnique demeure la règle. Il faut bien comprendre ces nouvelles structures politiques pour constater à quel point celles-ci jouent un rôle primordial dans l’élaboration des politiques linguistiques.

La Fédération croato-musulmane

La population de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine est estimée approximativement à 2,3 millions d’habitants. Cette fédération croato-musulmane regroupe le centre du pays et tout le sud-ouest, soit 51 % du territoire du pays. La Fédération croato-musulmane, créée en mars 1994 par les accords de Washington, est composée de neuf cantons (quatre musulmans, deux croates, trois mixtes), et dotée d'institutions associant des représentants bosniaques et croates.

La Fédération compte une Chambre des représentants (140 membres élus au suffrage universel) et une Chambre des peuples (60 élus auxquels s'ajoutent 60 membres nommés par les neuf assemblées cantonales en raison de 30 Bosniaques et de 30 Croates). Sur le plan local, les neuf cantons disposent chacun d'une assemblée élue au suffrage universel. Enfin, chacune des 40 opstinas — l'équivalent des communes — élit une assemblée municipale.

La République serbe de Bosnie (Republika Srpska)

La population de la Republika Srpska (ou république de Srpska) est estimée à près de 1,4 million d’habitants dont 95 % seraient d'origine ethnique serbe et les autres 5 % seraient essentiellement d’origine croate et bosniaque. La Republika Srpska a juridiction dans tout le pourtour nord-ouest et sud-est du pays (voir la carte no 5: en vert), soit 49 % du territoire de la république de la Bosnie-Herzégovine.

La république de Sprska a choisi un système monocaméral (une seule chambre), conforme à l'homogénéité de sa population, avec une Assemblée nationale de 140 membres élus au suffrage universel pour deux ans au scrutin proportionnel. Il reste maintenant à voir comment ces structures se refléteront dans les politiques linguistiques.

Les dispositions constitutionnelles de l'État central

La Constitution de la Bosnie-Herzégovine a été adoptée ou plutôt imposée le 1er décembre 1995, suite aux accords de Dayton. La Constitution intègre la protection des droits de l'homme tels qu’ils ont été définis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles. Les dispositions constitutionnelles concernant la langue sont très générales et extrêmement minces. Elle correspondent simplement aux déclarations de non-discrimination.

Le préambule de la Constitution reconnaît des droits aux «personnes appartenant aux minorités nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques, en plus des autres protections relatives aux droits de l'homme».

Le paragraphe 7-b de l’article 1 précise que personne ne sera privé arbitrairement de l’entité et de la citoyenneté de la Bosnie-Herzégovine ou laissé pour compte avec un statut d’apatride, quels que soient le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les idées politiques ou autres, l’origine sociale ou nationale, l’appartenance à une minorité nationale, la propriété, la naissance ou toute autre condition.

Quant au paragraphe 4 de l’article 2, il reconnaît que la protection des droits et libertés prévus dans la Constitution ou dans les accords internationaux (énumérés à l'annexe de cette constitution) sera accordée à quiconque habite la Bosnie-Herzégovine, et ce, sans discrimination de sexe, de race, de couleur, de langue, de religion, d’idées politiques ou autres, d’origine sociale ou nationale, d’appartenance à une minorité nationale, de propriété, de naissance ou de toute autre condition.

Ces dispositions constitutionnelles sont celles de la république de Bosnie-Herzégovine (l’État central). Elles sont formulées en des termes très généraux de telle sorte que ce sont les constitutions de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et de la république de Srpska qui, sur le plan juridico-linguistique, prévaudront. Dans le premier cas, le croate et le bosniaque sont les deux langues officielles. Dans le second cas, le serbe reste l’unique langue officielle. Notons enfin que les constitutions cantonales de la Fédération et les statuts des municipalités (ou communes) des deux entités viennent ajouter des dispositions particulières.

Lien externe

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