Chômage de masse

Chômage de masse

Chômage

Le chômage peut être défini comme l’inactivité d’une personne souhaitant travailler. Cette définition du chômage connaît de nombreuses variantes et son concept donne toujours lieu à des controverses théoriques et statistiques.

Le chômage est souvent considéré comme résiduel et volontaire jusqu’au début du XXe siècle. Lors de la Grande Dépression des années 1930, le chômage devient par son ampleur un des problèmes sociaux et économiques les plus centraux des pays développés. La détermination du niveau de l’emploi devient également avec cette crise économique une des questions les plus fondamentales de la réflexion économique. Le chômage demeure, dans la réflexion économique actuelle, un sujet de confrontation politique : ses causes ou les politiques aptes à lutter contre lui, ne font ainsi pas consensus.

Associé à la pauvreté, à la précarité et l’exclusion, il est aussi au premier plan du débat politique depuis la fin des Trente Glorieuses dans quelques pays d’Europe occidentale, où il a atteint des niveaux très élevés ; le chômage transforme la structure sociale de la société, bouleverse la vie des plus touchés, tout en suscitant l’inquiétude de nombreux actifs.
Le chômage n’est pourtant pas considéré comme un élément majeur du débat économique et politique dans les pays qui sont proches du plein emploi.

Le chômage est sujet d'oppositions entre les écoles de pensée économique, et entre les modèles économiques et sociaux des différentes nations. Difficile à appréhender lorsque le travail au noir est très important, son importance variant beaucoup d’un pays à l’autre.

Caricature politique américaine de 1837

Sommaire

Définitions du chômage

Contexte historique de la notion

La notion de chômage est intrinsèquement liée à l’idée de salariat, c’est-à-dire d’un contrat entre un travailleur et un employeur. Est chômeur l’individu qui souhaite vendre sa force de travail à un autre individu mais ne trouve pas preneur aux conditions qu’il exige. Or si le travail salarié s’est désormais imposé dans les sociétés occidentales contemporaines, il reste une réalité historique, fruit d’une évolution du système économique.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’activité économique des individus est partagée entre le travail rural, à domicile et indépendant, et le travail salarié en usine. Nombre de personnes cumulent les deux types d’activité et les paysans s’adonnant à une production agricole dans une optique d’autoconsommation restent longtemps nombreux[1]. Il existe déjà des formes de sous-emploi : saisonnier dans le cas du secteur agricole ou conjoncturel à l’occasion des ralentissements d’activité. Il est toutefois difficile de parler de chômage dans un contexte économique où le rapport salarial reste une exception.

Des historiens de l’économie ont souligné que le chômage était finalement une invention de la fin du XIXe siècle allant de pair avec la constitution de la classe prolétaire urbaine. C’est à cette époque que « la frontière travail/non-travail devient une coupure nette entre deux mondes et est vécue comme telle, d’autant qu’elle est séparation de lieu, entre lieu de travail et lieu d’habitat[2]. ».

Les différentes définitions statistiques

Dans de nombreux pays, la statistique du chômage connaît la cohabitation d’une définition internationale proposée par le Bureau international du travail (BIT) et de définitions locales propres aux organismes nationaux.

Selon le BIT, est chômeur toute personne (de plus de 15 ans) qui remplit les critères suivants[3] :

  • « être sans travail », c’est-à-dire ne pas avoir d’activité, même minimale, pendant la semaine de référence ;
  • « être disponible pour travailler », c’est-à-dire être en mesure d’accepter toute opportunité d’emploi qui se présente dans les quinze jours, sans qu’une tierce obligation soit une entrave au retour à l’activité ;
  • « rechercher activement un emploi, ou en avoir trouvé un qui commence ultérieurement ».
taux de chômage = chômeurs au sens du BIT
population active

Pour être chômeur selon le système statistique européen Eurostat, il faut avoir été sans travail durant la semaine de référence (soit moins d’une heure hebdomadaire d’activité) et avoir fait des démarches spécifiques en vue de retrouver un emploi, sans forcément s’être déclaré comme chômeur auprès de l’administration.

Aux États-Unis, le Bureau of Labor Statistics compte comme chômeurs les personnes n’ayant pas d’emploi, en ayant cherché un activement durant les 4 semaines passées, et disponibles pour travailler[4].

Limites de l’outil statistique

Selon les pays, l’économie informelle (dite « noire » ou « grise ») génère des actifs non déclarés qui peuvent être par ailleurs comptabilisés comme chômeurs (pour permettre le cumul allocations-salaires).

Il est également difficile de comparer les chiffres de périodes différentes, car la définition elle-même a évolué considérablement dans le temps. Il est donc très délicat de comparer le taux de chômage dans le temps.

Il faut noter également que la population des actifs occupés est en augmentation dans la plupart des pays. Ainsi, en France par exemple[5], il y avait 19,9 millions d'actifs occupés en 1960, 23,4 millions en 1980, et 26,7 millions en 2000, une augmentation absolue deux fois plus importante que celle du nombre de chômeurs (négligeable en 1960, 1,8 millions en 1980, 3 millions en 2000).

Enfin, le numérateur comme le dénominateur du ratio utilisé pour calculer le taux de chômage sont contestables. D'une part le taux de chômage est rapporté à la population active totale, tandis que dans certains pays comme la France, seuls les actifs du privé sont exposés au risque de chômage. D'autre part le nombre de chômeurs recensés ne donne qu'une image partielle de la précarité vis-à-vis de l'emploi, car il n'inclut pas les emplois précaires, le temps partiel subi et les préretraites, qui peuvent être considérés comme étant du chômage déguisé et non-comptabilisé. En comptabilisant ces éléments, le site « éclairages économiques » obtient pour la France un « taux de chômage effectif » de 27,6% de la population active du secteur privé[6].

Le chômage : approche descriptive

En France et dans l'Union européenne

Article détaillé : chômage en France.
Article détaillé : chômage dans l'Union européenne.

Historique

Migrant Mother, Dorothea Lange, États-Unis, 1936

Le chômage, défini comme une inactivité subie, existe déjà dans les sociétés traditionnelles, mais son inexistence statistique – en France, la première statistique date du recensement de 1896 - le rend difficilement quantifiable avant le XXe siècle. On peut toutefois avancer le chiffre probable de 6 % à 8 % de chômeurs dans la première moitié du XIXe siècle, ce qui permet à Karl Marx de décrire une « armée industrielle de réserve » dans Le Capital (1867).

Après avoir décru à la Belle Époque, le chômage réapparaît après la première guerre mondiale à la suite des crises de reconversion et malgré la forte croissance des années 1920. Il atteint des taux aux alentours de 10 % au Royaume-Uni et en Allemagne. Une hausse spectaculaire suit la crise économique de 1929, sauf en URSS : le chômage atteignant des pics de 25 % aux États-Unis et de 33 % en Allemagne. Seule l’Allemagne réussit à résoudre réellement le problème dans un contexte politique particulier, le nazisme qui s’installe grâce au désastre économique et au nationalisme allemand.

Les Trente Glorieuses qui suivent la Seconde Guerre mondiale sont marquées par un chômage très faible avoisinant les 2 % en Europe occidentale, les 4 à 5 % en Amérique du Nord et les 1 % au Japon.

Le chômage commence à croître dès la fin des années 1960, et connaît une hausse particulièrement significative suite au choc pétrolier de 1973. Dix ans plus tard, il touche 8,3 % de la population des pays de l’OCDE. La révolution conservatrice au Royaume-Uni et aux États-Unis avec les élections de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan conduisent à une baisse du chômage dans ces pays, une baisse importante du chômage est aussi constatée en Allemagne fédérale jusqu’à la réunification.

En 1994, le chômage toucherait 7,8 % de la population active dans les pays de l’OCDE. Depuis, il a connu une baisse importante aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays d’Europe comme l’Irlande ou l’Espagne. Il reste endémique en France, ainsi qu’en Allemagne depuis le rattachement des Länder de l’Est.

La crise financière de 2008 a entrainé une forte augmentation de plus de 10 millions depuis 2007 aux États-Unis, en Europe et au Japon. L'Europe comptera 26,5 millions de personnes privées d'emploi en 2010, soit 11,5 % de la population active, contre environ 10 % aux États-Unis. Les suppressions d'emploi sont particulièrement soutenues en Europe, notamment en Espagne (taux de chômage de 18 %) et au Royaume-Uni et en France. Le nombre des sans-emploi a crû de 250 000 en France au cours du premier trimestre 2009, ce qui mène à un taux de chômage de 11 % en 2010 et 12 % en 2011 (plus de 3 millions de chômeurs). [7]

Limites de la définition du chômage

Au quatrième trimestre 2004 selon l'OCDE[8] le taux de chômage normalisé pour les hommes de 25 à 54 ans était de 4,6 % aux États-Unis et de 7,4 % en France. À la même période et pour le même groupe, le taux d'emploi était de 86,3 % aux États-Unis et de 86,7 % en France d'après le même document.

On constate donc un taux de chômage 60 % plus élevé en France qu'aux USA, alors qu'un nombre plus important d'individus travaillent dans le premier groupe — ce qui est contre-intuitif si on s'attend à ce que le niveau de chômage reflète la situation du marché du travail.

Il faut donc bien se garder d'interpréter sans précaution les chiffres du chômage. En effet, la définition du chômage repose sur la distinction fragile entre non-emploi d'un actif potentiel d'une part et l'inactivité d'autre part. Malgré les efforts de définition et de normalisation, cette mesure reste extrêmement subjective et donc facilement influençable par différentes politiques n'améliorant sans doute pas véritablement la situation du marché du travail.

L'OCDE recommande l'utilisation du taux d'emploi plutôt que du taux de chômage pour juger de l'efficacité du marché du travail et des politiques de l'emploi[9].

Comparaisons entre pays

Article connexe : Taux de chômage.
Taux de chômage par pays en pourcentages d’après la CIA en mars 2006

Aux États-Unis, le marché du travail est caractérisé par une logique de flexibilité. Les salariés sont payés selon leur efficacité supposée, et les emplois précaires se multiplient autant dans le secteur industriel et que dans le tertiaire, permettant aux travailleurs non qualifiés de rester compétitifs.[réf. nécessaire] D’après Philippe d'Iribarne[10], les emplois précaires sont plus facilement acceptés car la hiérarchie sociale et l’honorabilité sont moins problématiques. Le pays est donc marqué par un chômage frictionnel important mais relativement stable. La part du chômage de longue durée, c’est-à-dire supérieur à un an, est de 6,1 % en 2001[11].

Des pays scandinaves comme la Suède sont marqués par des aides très importantes aux travailleurs les moins employables. En revanche, les chômeurs sont tenus d’accepter les emplois qui leur sont proposés. Dans le cas du Danemark, l’entreprise qui licencie ne verse pas d’indemnités. L’assurance chômage n’est pas obligatoire ; elle est gérée par plusieurs caisses privées. En cas de perte d’emploi, le chômeur touche 90 % de son ancien salaire pendant quatre ans au plus[réf. nécessaire]. L’indemnité n’est pas dégressive. Elle est versée à 100 % si la personne a travaillé au moins 52 semaines au cours des trois dernières années. Cette politique provoque des dépenses importantes pour l’État. Les chercheurs d’emploi sont aussi aidés par les municipalités. Ils doivent accepter les stages et les formations proposés[12].

Dans la plupart des pays européens, le haut niveau de protection sociale vient répondre à l’importante identification des individus à leur emploi et à leur poste dans la hiérarchie professionnelle. Le taux de chômage est très élevé, et la part du chômage de longue durée importante : 43,7 % dans l’Europe des 15 et 37,7 % en France[11], toujours en 2001. Selon Philippe d’Iribarne[13], c’est cette logique sociale qui explique la différence d’attitude entre les pays industrialisés.

Dans nombre de pays en développement, le chômage est une notion peu pertinente. Statistiquement, il peut atteindre des taux officiels dépassant souvent les 30 %, mais la mesure du chômage néglige les activités économiques indépendantes et familiales destinées à l’autoconsommation et représentant la source essentielle de richesse pour des populations à l’écart de l’économie marchande. Dans les pays les plus pauvres, ce travail indépendant représente 37 % de l’activité en zone urbaine, et bien davantage en zone rurale[14].

L’expérience du dernier quart de siècle a montré que certains pays jadis pauvres pouvaient résoudre le problème du chômage. Les dragons asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong) notamment, mais aussi l’Irlande par exemple, ont réussi à éliminer le problème de l’emploi et connaissent des taux de chômage faibles. Dans la plupart des cas le chômage a été réduit par une stratégie d’intégration des pays au commerce international et leur spécialisation dans des activités nécessitant beaucoup de main-d’œuvre, tandis que les stratégies de substitution d’importation n’auraient que peu d’effet[14].

Dans de nombreux pays, notamment en Afrique, l’instabilité politique et économique constitue un découragement à l’investissement des entreprises et explique une large part du chômage. L’accroissement constant de la population active du fait de la forte natalité aggrave le problème. Dans le cas de ce continent, la centralisation dirigiste des décisions relatives à la production agricole dans les capitales où règne la corruption constitue un obstacle essentiel à l’essor de l’emploi agricole rural[15]. C’est pourtant l’agriculture qui pourrait fournir l’essentiel du travail manquant.

Le halo du chômage

Le « halo du chômage », d’après J. Freyssinet[16]. Quelques exemples de situations intermédiaires

D’après les définitions statistiques, chaque individu peut rentrer dans l’une des trois catégories suivantes :

  • Chômeur s’il remplit les critères de la définition,
  • actif occupé s’il travaille effectivement,
  • inactif s’il ne travaille pas et ne remplit pas les critères de définition du chômage (exemple : les retraités, les enfants, les étudiants …).

La crise économique entamée dans les pays occidentaux à partir des années 1970 a contribué à créer de nouvelles situations rendant cette catégorisation parfois incertaine.

On remarque d’abord qu’un certain nombre de personnes se trouvent entre une situation d’inactivité et de chômage (cf. zone 3). Parmi elles, beaucoup désirent travailler mais ne sont pas comptabilisées parce qu’elles ont trop peu de chance de retrouver un emploi (et sont donc dispensées de recherche d’emploi) ou parce qu’elles ont renoncé, par découragement, à rechercher un emploi. Dans ce dernier cas, il peut s’agir de chômeurs de longue durée subissant des cas d’extrême exclusion sociale, de mères au foyer désirant travailler mais n’entamant pas de démarche, ou encore d’étudiants choisissant de poursuivre leurs études à défaut d’avoir pu se faire embaucher.

La zone floue entre l’emploi et le chômage (cf. zone 2) s’accroît avec la multiplication des formes atypiques d’emplois : les travailleurs subissant un temps partiel non voulu, les personnes recherchant un emploi mais ayant un peu travaillé dans la semaine ou le mois de référence, ainsi que les personnes possédant un emploi précaire.

De même, on trouve des situations intermédiaires entre l’emploi et l’inactivité (cf. zone 1), situation occupée par les individus faisant le choix de travailler moins. Enfin, les travailleurs clandestins et les employés « au noir » ne sont catégorisables dans aucun des trois groupes (cf. zone 4).

Le sous-emploi en France en 1996, d’après Jacques Freyssinet[17]
Chômeurs au sens du BIT Chômage « déguisé » Absence de recherche d’emploi Temps réduit subi Précarité subie (intérim, CDD… subis) Total du sous-emploi
demandeurs d’emploi en formation cessation anticipées d’activité chômeurs « découragés » incapable de chercher un emploi
353 467 242 321
3082 820 563 1572 663 6700

Sociologie du chômage

Certaines populations sont plus susceptibles de subir le chômage, soit parce qu’elles n’ont pas de « bonne » qualification, soit parce qu’elles ont une faible volonté de travailler, ou encore parce qu’elles subissent un phénomène de discrimination. Ces causes de chômage peuvent se combiner.

La volonté de travail se manifeste par la capacité de l’individu à accepter des postes peu désirés à de faibles salaires et à se résoudre à compenser les obstacles économiques à son emploi en acceptant certaines contraintes comme la mobilité[18].

Inadéquation des formations

Le chômage ne concerne essentiellement que les personnes non qualifiées, ou dont les qualifications ne correspondent pas à des besoins contemporains au sein de l'économie[18]. Le taux de chômage est ainsi bien plus élevé parmi les non diplômés (voir tableau), et, pour les diplômés de l'enseignement supérieur, il varie fortement en fonction du domaine de formation, et de la réputation de l’université ou de l’école de formation.

Le chômage de longue durée et la coexistence simultanée d'offres d'emploi non pourvues pourraient être essentiellement liés à des problèmes d’inadéquation entre l’offre et la demande de travail.

En France, le nombre de diplômés formés dans certains domaines (histoire de l’art, par exemple) ne correspond pas aux besoins réels de l’économie. Certains secteurs économiques connaissent, dans les pays développés, un déficit de main-d'œuvre (artisanat, personnel de maisons de retraite,…).

Chômage et discriminations

Si les qualifications constituent l’une des variables les plus discriminantes[18] (voir tableau), le sexe, l’origine ethnique, l’âge, mais aussi les capacités physique et intellectuelle, le milieu social d’origine, la zone géographique d’habitation, jouent un rôle dans la compétitivité d’un individu sur le marché du travail, et en particulier par la représentation que l’employeur se fait de ces diverses données.

Il est difficile de déterminer la part exacte des discriminations envers les femmes ou les minorités ethniques, puisque ces populations sont également moins bien qualifiées que le reste de la population active.

Taux de chômage selon le diplôme en France[19]
Année Sans diplôme, Brevet ou CEP CAP, BEP et équivalents Baccalauréat et équivalents Diplôme supérieur (Bac +2) Diplôme supérieur (Bac +5)
1999 17,9% 11,1% 10,7% 7,1% 6,3%
2005 15% 9,3% 9,2% 6,6% 7,0%
Taux de chômage selon le sexe en France[19]
Année Hommes Femmes
1982 5,8% 10,5%
1995 9,8% 13,9%
2000 8,5% 11,9%
2005 8,0% 9,8%
Taux de chômage selon l’origine ethnique en juillet 2006 aux États-Unis[20]
Population blanche noire et afro américaine asiatique hispanique
4,2% 10,5% 2,7% 5,6%
Taux de chômage par tranche d’âge en France[19]
Année De 15 à 25 ans De 25 à 49 ans 50 ans et plus
1995 25,9% 10,7% 7,9%
2002 21,6% 8,3% 6,2%
2005 22,8% 9,1% 7,6%
Taux de chômage dans pays différents de l'Union européenne selon le sexe en 2006[19]
Pays Nombre de chômeurs (en milliers) Taux de chômage (en %) Hommes (en %) Femmes (en %)
Allemagne 3 431,8 8,4% 7,7% 9,2%
Danemark 111,3 3,8% 3,2% 4,5%
Espagne 1 849,1 8,6% 6,4% 11,6%
Irlande 93,4 4,4% 4,5% 4,2%
Italie non disponible 7,7% 6,2% 10,1%
Pays-Bas 335,8 3,9% 3,5% 4,4%
Pologne 2 374,6 14,0% 13,1% 15,1%
Royaume-Uni non disponible 4,8% 5,1% 4,3%
Taux de chômage selon la durée depuis la fin de la formation en France[19]
Année Sortis depuis moins de 5ans Sortis depuis 5 à 10 ans Sortis depuis plus de 10 ans
1990 18,0% 12,1% 7,3%
1995 24,0% 15,3% 9,3%
2000 18,9% 11,6% 8,5%
2005 18,8% 12,0% 7,8%

Des expériences différentes

Parmi les catégories sociales modestes, le travail est un facteur important d’honneur et de valorisation personnelle, d’autant que la distinction entre « travailleurs » et « fainéants » s’y fait plus rapidement. Le chômage est donc vécu comme une perte d’identité et de dignité qui s’aggrave à l’occasion de chaque échec pour recouvrer un emploi ou lorsque le chômeur doit entamer les démarches administratives qui parachèvent sa catégorisation de chômeur. De plus, l’ennui est bien plus profond dans ces milieux où les opportunités de s’adonner à des activités alternatives (culturelles, associative, sportives …) sont plus rares que dans les milieux aisés[18].

Longtemps les femmes sans emploi ne se considéraient pas comme chômeuses mais simplement « non payées ». Aujourd’hui, leur réaction est relativement semblable à celle des hommes. Elles refusent souvent le statut de « femme au foyer » et la perte des liens sociaux qui dépendaient de l’exercice de leur profession. Avec l’apparition des familles mono-parentales, elles peuvent vivre des situations de désastre économique et de culpabilité vis-à-vis du foyer dont elles ont la charge. Quelques femmes ayant des enfants en bas-âge parviennent à justifier leur chômage subi par les avantages familiaux qu’il procure[18].

Les cadres au chômage vivent le plus souvent une expérience différente de celle des catégories professionnelles plus modestes. Pour le cadre, il s’agit de rejeter le statut de chômeur en profitant du temps libre dans une optique professionnelle. Ils consacrent un temps important pour retrouver un emploi d’un certain niveau. Ils profitent aussi de leur inactivité temporaire pour suivre des formations ou se consacrer à la lecture d’ouvrage professionnel lié à leur domaine de compétence. Toutefois le chômage remet en cause leur plan de carrière, un des points les plus fondamentaux de leur identité sociale. Comme les chômeurs plus modestes, ils subissent progressivement une dégradation de leurs liens sociaux, mais bien moins rapidement[18].

Les conséquences politiques

Chez la plupart des chômeurs, le rejet du système économique se traduit à long terme par une situation d’anomie, et non par l’évolution de leur pensée politique. On trouve toutefois dans l’histoire des périodes historiques de haut chômage qui ont favorisé l’accession au pouvoir des régimes extrêmes comme le nazisme en Allemagne en 1933. Pour autant, la réaction politique de sanction des gouvernants est autant le fait des personnes effectivement affectées par le chômage que par les actifs occupés qui s’inquiètent du niveau de l’emploi. On remarque toutefois que statistiquement les chômeurs sont plus représentés parmi les électeurs s’abstenant de voter, notamment dans les classes modestes. Le choix politique entre les partis dits « de gouvernement » n’est que peu affecté par la situation de chômage, le chômeur trouvant dans son vote habituel une occasion de rejeter son nouveau statut de sans emploi[18]. Les partis dits « de gouvernement » sont toutefois très légèrement sous-représentés parmi les populations au chômage, et quelle que soit l’origine sociale des chômeurs[21].

Au niveau de la population globale, l’importance accordée à la lutte contre le chômage dépend moins de son volume que des effets d’annonce ou que des vagues de licenciements localisées relayées par les médias. Le sentiment serait que les partis de gauche ne sont pas plus à même de résoudre le chômage que ceux de droite et inversement, d’où l’impact faible de la question de l’emploi sur le résultat final des élections[18].

Lutte contre le chômage

Article détaillé : Politiques de l'emploi.

Les politiques de l'emploi renvoient à l'ensemble des mesures étatiques de politiques économiques visant à agir sur l'emploi. Leur objectif le plus courant est la réduction du chômage et la recherche du plein emploi. On distingue généralement deux grands types de politiques, les politiques actives cherchant à modifier le niveau de l'emploi dans l'économie et les politiques passives dont l'objectif est de limiter le chômage sans accroître la demande de travail de l'économie, et de le rendre plus supportable.

Une opposition forte existe entre :

  • les tenants des logiques keynésiennes d’interventionisme étatique, pour qui l'intervention des administrations publiques est nécessaire pour encourager l’activité économique par des politiques de la demande, d’autant plus efficaces que l’économie est fermée, et pour limiter voire interdire les licenciements (approche défendue par l’extrême-gauche).

Théorie économique

Article connexe : Économie du travail.

Typologie du chômage

La science économique distingue plusieurs types de chômage selon leur cause : mobilité volontaire des travailleurs ; niveau d’activité (conjoncture) et structures économiques et sociales.

  • Le chômage de mobilité, ou chômage frictionnel : les travailleurs employés sont en permanente mobilité. À tout moment, des individus quittent leur emploi pour changer d'entreprise, de région, de salaire, de poste, de conditions de travail. À la mobilité entre les différents emplois s’ajoutent les périodes de mobilité entre activité et inactivité.
  • Le chômage conjoncturel est lié à l’évolution négative de l’économie, au ralentissement de l’activité. Le produit intérieur brut détermine le nombre d’emplois.
  • Le chômage structurel découle de l’inadéquation qualitative entre l’offre et la demande de travail. Durant les périodes de mutation industrielle certains secteurs déclinent rapidement au profit de nouveaux secteurs en développement. La consommation et la production entraînent inévitablement des entrées au chômage, les entreprises réduisent sensiblement leur volume de production. Or, les secteurs sinistrés pour résister aux secteurs en expansion substituent du capital au travail, ce qui peut aussi constituer une cause de chômage structurel. Le coût du travail n’a cessé de croître depuis la Seconde Guerre mondiale, en raison d’une progression rapide des salaires liée, entre autres, à la montée des cotisations sociales.
  • Le chômage saisonnier, lié aux variations d’activité au cours de l’année dans certains secteurs économiques (exemple : le tourisme) et le chômage technique, subi par des travailleurs dont les moyens de production sont devenus inutilisables, sont à classer parmi les causes secondaires du chômage.

L’approche marxiste

D’après Karl Marx, le chômage est inhérent au fonctionnement instable du système capitaliste, le chômage de masse étant une constante des périodes régulières de crise du capitalisme. Le prolétariat est alors divisé entre ceux qui sont en situation de sur-travail (salariés) et de sous-travail (chômeurs). Ces derniers constituent une « armée industrielle de réserve » qui permet aux capitalistes de faire pression à la baisse sur les salaires.

Au niveau du capitaliste individuel, le chômage est donc favorable en ce qu'il permet d'avoir toujours de la main d'œuvre à disposition, tout en maintenant les salaires à un niveau faible. Au niveau du capitalisme global, le chômage est à première vue un manque à gagner, puisque aucun profit n’est réalisé sur le dos des chômeurs. Le chômage n’est rentable pour le capitalisme global que s’il permet de baisser les salaires d’un pourcentage plus important que le taux de chômage.

Dans Le Capital, Marx écrit : « L’excès de travail imposé à la fraction de la classe salariée qui se trouve en service actif grossit les rangs de la réserve, et, en augmentant la pression que la concurrence de la dernière exerce sur la première, force celle-ci à subir plus docilement les ordres du capital. » Et plus loin : « La condamnation d’une partie de la classe salariée à l’oisiveté forcée non seulement impose à l'autre un excès de travail qui enrichit des capitalistes individuels, mais du même coup, et au bénéfice de la classe capitaliste, elle maintient l'armée industrielle de réserve en équilibre avec le progrès de l'accumulation. »[22]

Selon Marx, le seul moyen de supprimer définitivement le chômage serait d’abolir le capitalisme et le système du salariat, en passant à une société socialiste ou communiste (les termes étant à l'époque équivalents).

Pour les marxistes contemporains, l’existence d’un chômage persistant est la preuve de l’incapacité du capitalisme à assurer le plein emploi.

Le chômage « classique »

Dans le modèle néoclassique d’une économie concurrentielle, le chômage est décrit comme « volontaire » ou frictionnel. On dit qu’il est volontaire lorsqu’un individu refuse un emploi qu’il juge insuffisamment payé alors que le surplus de production qu’il apporte à l’entreprise ne peut permettre de lui accorder une rémunération supérieure. Dans l’optique néoclassique, le chômeur fait alors un arbitrage entre les avantages du travail (le salaire, la sociabilité) et les désavantages (le coût des transports, les frais de garde des enfants, le renoncement au loisir, la perte d'éventuels revenus d'inactivité) et décide alors volontairement de rester sans emploi.

Le jeu de la concurrence est censé faire varier les salaires à la hausse ou à la baisse de sorte que tout individu offrant du travail (demandant un emploi) doit finir par trouver une entreprise pour l’embaucher à une juste rémunération, c’est-à-dire selon la richesse qu’il produit.

Face à la Grande dépression, les néoclassiques ont renforcé leurs positions en posant le chômage de masse constaté comme la preuve de leurs théories. Des économistes comme Arthur Cecil Pigou[23] ou Jacques Rueff ont tenté de montrer que le chômage découlait essentiellement des entraves à la concurrence imposées par certaines institutions monopoleuses comme les syndicats, et parfois l’État.

Chomage classique.JPG

Pour comprendre l’analyse néoclassique du chômage, plaçons-nous dans une première situation où le volume de l’emploi est L1 et le salaire réel wr1. Pour une raison exogène, une innovation technologique par exemple, la demande de travail des entreprises diminue (cf. courbe « Demande de travail »), tandis que l’offre de travail reste constante.

Cette évolution induit un nouveau point d’équilibre entre l’offre et la demande, et donc nécessairement un nouveau salaire, noté wr2. Le passage du salaire wr1 au salaire wr2 provoque une hausse du chômage « volontaire » car certains demandeurs d’emplois, prêt à travailler pour la rémunération wr1, préfèrent rester oisifs si le salaire est wr2. Le volume de l’emploi est L2. Il correspond au taux de chômage naturel de l’économie.

Toutefois, il est possible que, pour des raisons diverses (réglementation, salaire minimum, pression des syndicats), le salaire ne soit pas flexible à la baisse et demeure, malgré la baisse de la demande de travail, au niveau wr1. Le volume de l’emploi est alors défini par le nombre de travailleurs que les entreprises veulent embaucher à ce salaire, c’est-à-dire L3. Dans cette situation, le taux de chômage est supérieur au taux naturel, du fait du manque de flexibilité[24].

Ainsi ce sont les syndicats ou les réglementations étatiques qui - en empêchant les prix et les salaires de jouer leur rôle de variable d’ajustement - provoquent l’augmentation massive du chômage. Jacques Rueff explique :

« Assurément, en immobilisant les salaires, on peut maintenir aux ouvriers qui travaillent une rémunération quelque peu supérieure à celle qu’ils recevraient en régime de libre concurrence ; mais on en condamne d’autres au chômage et on expose ceux-ci à des maux que l’assurance chômage n’atténue que bien faiblement. »

— Jacques Rueff, L’assurance chômage, cause du chômage permanent, Revue d’économie politique, 1934[25]

L’équilibre de sous-emploi

Article détaillé : équilibre de sous-emploi.
Représentation graphique d’un équilibre de sous emploi

Pour Keynes, les entreprises embauchent conséquemment à leurs anticipations de débouchés. C’est donc la demande effective qui détermine le niveau de la production. Ce même niveau de production fixe le niveau de l’emploi. Au final, c’est donc la seule demande effective qui détermine le volume de la production et le volume de l’emploi.

Pour représenter graphiquement l’équilibre économique obtenu on détermine d’abord la fonction de demande globale (DG1) en fonction du revenu réel (Y). On trace par ailleurs la première bissectrice (DG=Y) qui décrit tous les points d’équilibre possible, c’est-à-dire les points où la demande et l’offre s’égalisent. L’intersection de DG1 et de la bissectrice permet de définir l’équilibre effectif. Or, rien n’assure que la production définie par cet équilibre (Y1) soit la production qui permette le plein-emploi (Ype). Si ce n’est pas le cas, l’équilibre effectif n’est pas égal à l’équilibre de plein-emploi (Epe) et il existe donc un chômage involontaire[26].

L’analyse est donc radicalement différente de celle des néo-classiques. Chez Keynes, il n’y a plus, à proprement parler, de marché de l’emploi : le salaire réel n’est pas le prix d’équilibre entre une offre de travail et une demande de travail. Ce n’est pas non plus parce que le fonctionnement de ce marché est entravé (par les syndicats, par exemple), interdisant une baisse des salaires réels, que le chômage existe. Le niveau de l’emploi est fixé au niveau macroéconomique, en dehors du marché du travail : il est le produit de la demande effective. Il est donc conditionné par les deux composantes de cette demande : la propension à consommer des ménages et l’investissement. Ce n’est que lorsque le niveau de l’emploi est déterminé, en fonction d’un niveau de production correspondant à la demande effective, que les salaires réels se fixent. Il peut donc exister un équilibre de sous-emploi c’est-à-dire une situation où la demande effective correspond à un niveau de production inférieur à celui qui permettrait le plein emploi. Une baisse du salaire réel n’aurait, dans cette situation, que pour effet d’accroître le chômage, par suite d’une baisse de la demande effective (toute baisse du salaire entraînant une baisse de la consommation).

Pour Keynes, à court terme, la propension marginale à consommer des ménages est stable. Le niveau de l’emploi est donc fondamentalement lié, pour lui, à l’autre variable de la demande effective : l’investissement.

Des théories plus récentes d’équilibre de sous-emploi mettent en avant l’idée d’un salaire d'efficience : les nouveaux keynésiens[réf. souhaitée] notent que la difficulté pour les entreprises à mesurer la productivité réelle de leurs employés (cette mesure a un coût) peut les amener à les rémunérer au-dessus du salaire du marché, afin de renforcer leurs incitations à accroître ou maintenir leur productivité pour rester dans l'entreprise dont les salaires sont supérieurs à ceux du marché. Le niveau de salaire plus élevé est alors compensé par un surcroît de productivité. Lorsque cette stratégie est adoptée par l'ensemble des entreprises, le prix du marché peut s'élèver au-dessus du prix d'équilibre. Le déséquilibre ainsi créé serait alors à l'origine d'une insuffisance de l'offre d'emploi, d'où dérive un chômage important[27].

L’arbitrage entre inflation et chômage

Article détaillé : courbe de Phillips.

En 1958, Alban William Phillips publie une étude empirique sur la Grande-Bretagne qui l’amène a établir une relation décroissante entre le chômage et la variation des salaires[28].

Remplaçant les salaires nominaux par l’inflation, Paul Samuelson et Robert Solow dessinent une nouvelle courbe, celle communément appelée la courbe de Phillips. Elle met en évidence qu’à partir d’un certain seuil, lorsque le chômage diminue, l’inflation s’accélère et inversement. Ce point critique où l’autorité politique doit faire un arbitrage entre l’inflation et le chômage est baptisé NAIRU (non accelerating inflation rate of unemployment[29]).

« La société est mise en demeure de choisir entre un niveau d’emploi raisonnablement élevé, associé à une croissance maximale et à une hausse modérée mais continue d’une part, et d’autre part une stabilité raisonnable des prix, mais associée à un degré de chômage élevé. »

— Paul Samuelson[30]

Milton Friedman et les monétaristes ont cherché à montrer l’inexistence d’un tel arbitrage à long terme. Pour Friedman, les individus finissent par adapter leurs réactions aux manœuvres du gouvernement. Si celui-ci décide par exemple de baisser les taux d’intérêt pour relancer l’activité, il provoque des nouvelles embauches sur le court terme, ainsi qu’une accélération de l’inflation. Au début, les travailleurs sont dupes de l’illusion monétaire, mais à moyen terme ils constatent que leur pouvoir d’achat a baissé et exigent donc des hausses de salaires, provoquant le retour du chômage à son niveau initial[31].

Les nouveaux classiques ont prolongé cette analyse en postulant que les agents économiques étaient désormais capables d’anticiper directement l’effet des politiques de relances sur l’inflation, exigeant alors immédiatement des hausses de salaires et rendant donc ces politiques inefficaces dès le court terme.

Quelques débats sur le chômage

Le progrès technique détruit-il des emplois ?

Depuis au moins la destruction de leurs machines par les luddites, au début de la Révolution industrielle, l’idée que le progrès technique détruit l’emploi est communément admise. La science économique tend, pourtant, à prouver qu’elle est fausse. La critique la plus classique de cette idée a été formulée par Alfred Sauvy, dans La Machine et le Chômage (1980), où il présente la célèbre thèse dite du « déversement ». Après avoir rappelé que, durant les deux siècles précédents, le progrès technique a bouleversé les modes de production et décuplé la productivité sans susciter l’augmentation durable du chômage, il insiste sur les effets indirects du progrès technique : « le travail consacré à la production de la machine ; l’accroissement de la vente des produits bénéficiant du progrès, grâce à la baisse de leur prix et la production de masse ; l’apparition de consommations nouvelles ou l’augmentation de consommations anciennes ». De ces processus découlent ce qu’il nomme le « déversement », c’est-à-dire le transfert de la population active des activités dont le besoin de main d’œuvre diminue en raison du progrès vers de nouvelles activités suscitées par ce même progrès technique (fabrication des machines créées par le progrès, productions nouvelles, etc.). C'est par ce processus de « déversement » qu’Alfred Sauvy explique la transformation de la structure de la population active : la société agricole est devenue industrielle, avant d’être dominée par le secteur tertiaire - en suscitant à chaque fois une transformation qualitative des emplois, mais non leur diminution quantitative. Alfred Sauvy postule enfin que l’humanité s’inventera toujours de nouveaux désirs que le progrès technique comblera.

En 1995, Jeremy Rifkin a contesté, dans son livre La Fin du Travail, l’argument du déversement dans le contexte d’une troisième révolution industrielle dont l’automatisation et l’informatisation poussent progressivement à la disparition du travail, même dans le secteur tertiaire. Cette thèse futuriste n’est pourtant pas sans similitude avec les inquiétudes infondées des ouvriers du XVIIIe siècle[32].

La mondialisation, source de chômage dans les pays riches ?

Article détaillé : Dumping social.

Selon la théorie du commerce international, les pays se spécialiseraient dans les activités qui requièrent abondamment le facteur de production dont elles sont le mieux dotées. Celle de main-d’œuvre pour les pays pauvres, celle de capitaux et de savoir-faire dans les pays riches. Selon Walter Stolper et Paul Samuelson le résultat de cette évolution est d’égaliser le salaire tiré d’un même travail à travers le monde. Ceci pourrait expliquer la chute des salaires dans l’industrie manufacturière aux États-Unis et le chômage dans les pays où les salaires sont rigides à la baisse (en France par exemple).

Toutefois si quelques économistes soulignent le lien entre ouverture commerciale et montée des inégalités, nombreux sont ceux qui proposent une contre-analyse. Selon Paul Krugman, l’idée que la hausse du chômage serait liée à une concurrence déloyale des pays à bas salaires relève d’une « théorie populaire du commerce international »[33]. Il explique que l’intérêt des politiques à prêter leur voix à de telles théories n’est qu’électoral. Il précise que la plupart des ouvrages traitant de ce sujet ou de la « guerre économique » sont l’œuvre d’essayistes et non d’économistes et sont vendus grâce à leurs thèses faciles qui alimentent l’imaginaire populaire. C’est la théorie « pop » qui néglige toutes les causes possibles du chômage (cf. supra).

« Selon cette idée reçue, la concurrence étrangère a érodé la base manufacturière américaine et détruit les emplois bien rémunérés […] Un faisceau croissant de preuves vient contredire cette idée courante […] Le ralentissement de la croissance du revenu réel est presque entièrement imputable à des causes internes. »

— Paul Krugman, La Mondialisation n’est pas coupable, 1994[34]

Citations

« Il n’y a pas de moyen de coercition plus violent des employeurs contre les employés que le chômage. »

— Henri Krasucki[35]

« Ce sont la propension à consommer et le montant de l'investissement nouveau qui déterminent conjointement le volume de l'emploi et c'est le volume de l'emploi qui détermine de façon unique le niveau des salaires réels et non l'inverse »

— John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936

« À chaque instant, toute la population existante est toujours assurée de trouver du travail mais à un salaire répondant aux conditions du marché. Il ne peut y avoir de chômage permanent que si on fixe un niveau minimum de salaire supérieur au niveau qui s'établirait spontanément, ce qui a pour effet de vouer au chômage permanent les ouvriers qui ne trouveront du travail qu'au-dessous du minimum fixé »

— Jacques Rueff, « L'assurance chômage, cause du chômage permanent », Revue d'économie politique, 1931

« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. »

— Déclaration universelle des Droits de l’Homme, art. 23, 1948

« On pensait pouvoir trouver la sortie d'une récession et augmenter l'emploi en diminuant les impôts et en augmentant les dépenses du gouvernement. Je vous dis candidement que cette option n'existe plus, et dans la mesure où elle a jamais existé, ça n'a marché à chaque occasion depuis la guerre qu'en injectant une dose d'inflation plus grande dans l'économie, suivie d'un taux de chômage plus élevé à l'étape suivante. »

— James Callaghan, discours à la conférence du Parti travailliste (Royaume-Uni), 28 septembre 1976.

Notes et références

  1. Voir : « Domestic system », Wikipédia, L’encyclopédie libre
  2. Nicolas Baverez, Bénédicte Reynaud & Robert Salais, L’invention du chômage, puf, 1986
  3. Définition « Chômeur (BIT) » sur insee.fr [lire en ligne]
  4. « Persons are classified as unemployed if they do not have a job, have actively looked for work in the prior 4 weeks, and are currently available for work. » [1]
  5. source INSEE reprise par QUID 2007 page 1632c
  6. Source: Eclairages Economiques
  7. L'exception française du chômage permanent, par Nicolas Baverez, Le Point, 20 mai 2009
  8. Source OCDE : OECD Employment Outlook 2005 (ISBN 92-64-01045-9)
  9. Raymond Torres, économiste de l'OCDE, cité par Le Monde, 30 mai 2007 : le taux de chômage est un indicateur de moins en moins pertinent pour juger de l'efficacité du marché de l'emploi.
  10. Philippe d’Iribarne, Le Chômage paradoxal, 1990, puf
  11. a  et b Source : OCDE, cité par Emmanuel Combe, Précis d’économie, 8e édition, Collection Major, puf. P.125
  12. Le Monde, 6 juin 2005
  13. Philippe d’Iribarne, Le Chômage paradoxal, 1990, puf
  14. a  et b David Turnham, « Création d’emploi et stratégie de développement », Cahier de politique économique, Centre de développement de l’OCDE
  15. Daniel Cohen, Richesse du monde, pauvretés des nations, 1998
  16. J. Freyssinet, Le Chômage, La Découverte, 1988
  17. Jacques Freyssinet, Le Chômage, La Découverte, 1998
  18. a , b , c , d , e , f , g  et h « Chômage », Encyclopædia Universalis, 2005
  19. a , b , c , d  et e Données sociales de 1990, 1995, 2000, 2002 et 2005", accessible sur le site de l'INSEE
  20. Source : Bureau of Labour Statistics
  21. « Le positionnement politique des chômeurs », ifop, juillet 2006
  22. Karl Marx, Le Capital, dans Economie 1, La pléiade, 1972, pages 1152 et 1153.
  23. Arthur Cecil Pigou, Théorie du chômage, 1931
  24. Jacques Généreux, Économie politique : 3. Macroéconomie, 4e édition, Hachette Supérieur. p.14
  25. cité par Emmanuel Combe, Précis d’économie, 8e édition, Collection Major, puf. 2004 p.130
  26. Jacques Généreux, Économie politique : 3. Macroéconomie, 4e édition, HACHETTE Supérieur. p.44
  27. Voir, par exemple, présentation page 8 de ce panorama.
  28. Alban William Phillips, « The relatation between unemployment and the rate of change of money wage rates in the United Kingdom 1861-1957, » Econometrica, 1958
  29. Traduction : Taux de chômage n’accélérant pas l’inflation
  30. cité par Emmanuel Combe, Précis d’économie, 8e édition, Collection Major, puf, 2004 p. 184
  31. Milton Friedman, « The role of monetary policy », American Économic Review, 1968
  32. Pour un exemple, voir : « Luddisme »
  33. (en) pop internationalism
  34. Paul Krugman, La Mondialisation n’est pas coupable, La Découverte/Poche, Essais, p. 48
  35. Cité par Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Le Monde diplomatique, novembre 2001, page 2. http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/BEAUD/15764

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Alfred Sauvy, La machine et le chômage, 1980
  • Martin Weitzman, L'Économie de partage, vaincre la stagflation, éd. L'Expansion - Hachette - J.-C. Lattès, 240 pages. L'auteur est un célèbre professeur au MIT qui propose de découpler le chômage et le cycle économique, et de lier les rémunérations avec les profits.
  • Livre collectif, Guide pratique du chômage et des pré-retraites, éd. La Découverte, 1985, 200 pages. Développe le concept de "droit du non-travail".
  • Pierre Albert, Chômage, mode d'emploi, éd. Marabout, 1985, 224 pages. 130 questions essentielles.
  • Jacques Caritey, Demain 6 millions de chômeurs ?, éd. Economica, 1985, 176 pages. Ce livre développe une extrapolation exagérée de la situation d'alors pour s'interroger sur les conséquences financières, politiques et même psychologiques d'un chômage de masse.
  • Pierre de Galan, Inacceptable chômage, éd. Dunand, 1986, 224 pages. Ce livre traite du chômage à partir des grands problèmes économiques d'ensemble (progrès techniques, croissance, investissements...) et de leurs influences sur l'emploi.
  • Philippe Vasseur, Le Chômage, c'est les autres, éd. Belfond, 1986, 224 pages. Ce livre propose d'adopter une meilleure visibilité de la réalité du chômage en adoptant un nouvel indicateur qui tiendrait compte à la fois du taux de chômage mais aussi de sa durée moyenne. Il propose aussi un certain nombre de mesures législatives nouvelles.
  • Nicolas Baverez, Bénédicte Reynaud & Robert Salais, L’invention du chômage, puf, 1986 (ISBN 2130499430)
  • Octave Gélinier, La chômage guéri... si nous le voulons, éd. Hommes et Techniques, 161 pages. Ce livre propose une doctrine libérale du plein emploi inspirée de la "loi des débouchés". Instaurer la liberté des prix, des salaires et des taux d'intérêt, et lier rémunération et compétence professionnelle, et surtout démanteler tout le système d'aides diverses et réduire l'impôt sur les sociétés.
  • G. Grangeas, J.M. Le Page, Les politiques de l’emploi, puf, coll. « Que sais-je ? », 1992 (ISBN 2130443656)
  • Daniel Cohen, Richesse du monde, pauvreté des nations, Flammarion, 1998
  • Jean-Michel Fahy, Le chômage en France, puf, coll. « Que sais-je ? », 2001 (ISBN 2130518621)
  • Jacques Freyssinet, Le chômage, La Découverte, coll. « Repères », nlle édition, 2004 (ISBN 2707143359)
  • Alain Minc, Nicolas Baverez, Jean-Baptiste De Foucault, Le chômage, à qui la faute ?, éd. de L’ Atelier, coll. « Questions de vie », 2005 (ISBN 2708238000)
  • Emmanuel Pierru, Guerre aux chômeurs ou guerre au chômage, éd. du Croquant, 2005.
  • Didier Demazière, Sociologie du chômage, La Découverte, coll. « Repères », 2006 (ISBN 270714892X)
  • Fabienne Brutus, Chômage, des secrets bien gardés, éd LGF, 2006 (ISBN 978-2253119340).
  • Patrick Salmon, Chômage, le FIASCO des politiques, éd. Balland, 2006.
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