Tim Burton

Tim Burton
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Tim Burton (né Timothy Walter Burton) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 25 août 1958 à Burbank en Californie. Maître du fantastique fortement influencé par Edgar Allan Poe, excellent conteur et graphiste d'exception, on lui doit notamment Pee-Wee Big Adventure, Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d’argent, Charlie et la Chocolaterie, Big Fish et Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street. Il a également rédigé les scénarios de L'Étrange Noël de monsieur Jack et des Noces funèbres, deux films d’animation réalisés avec des marionnettes évoluant dans des décors réels. Son cinéma se caractérise par des histoires mettant en scène des personnages marginaux et des êtres hors-normes confrontés à la méchanceté du monde réel. On y décèle également une grande influence du cinéma fantastique, du cinéma expressionniste allemand ainsi que des films de la Hammer Film Productions. Il fait partie des cinéastes qui parviennent à concilier succès critique et commercial. Il a été décoré de l'insigne de chevalier et d'officier de l'ordre national des Arts et des Lettres par Frédéric Mitterrand en mars 2010[1]. Il a été le président du jury du Festival de Cannes en mai 2010.

Sommaire

Biographie

De Burbank aux studios Disney

Aîné des deux fils de Jean et Bill Burton, Timothy Walter Burton[2] passe l'essentiel de son enfance en solitaire, se considérant lui-même comme un introverti. Au soleil de la Californie, dans sa ville natale de Burbank, qu'il définit comme l'antichambre d'Hollywood, il préfère les salles obscures des cinémas où il voit et revoit les films de monstres comme Godzilla, Frankenstein et ses nombreuses suites, les films de Hammer Film Productions, et surtout ceux avec Vincent Price. Il s'amuse à terroriser l'enfant de ses voisins en lui faisant croire que les extraterrestres se préparent à envahir la planète[3]. Très doué pour le dessin, il gagne un concours organisé pour décorer les camions de la ville[4]. Après le secondaire, c'est naturellement vers l'animation que Burton se tourne en l'étudiant au California Institute of Arts. En 1979, il est embauché par les studios Disney, dont le siège est à Burbank, et travaille sur les concepts de Taram et le Chaudron magique[5]. Il dit à ce propos : « Cela peut paraître stupide, mais je suis arrivé à une époque où le studio était en crise. Les dirigeants cherchaient à tout prix du personnel. »[6]. Avec toute la meilleure volonté du monde, Burton ne parvient pas à dessiner ce que le studio désire. Durant cette période, il réalise plusieurs courts métrages, dont Vincent (1982) et Frankenweenie (1984), mais aucun n'eut l'accord de la direction de Disney pour une distribution[5]. Il écrit aussi un poème qui, dix ans plus tard, sera la base du scénario de L'Étrange Noël de monsieur Jack.

L'idole de Tim Burton, ici dans le film d'Otto Preminger, Laura

En 1982, Burton reçoit 60 000 USD pour réaliser, à partir du scénario qu'il a rédigé, Vincent. Julie Hickson, exécutif chez Disney, et Tom Wilhite, responsable du développement créatif, sont persuadés du potentiel créatif du jeune homme. Cerise sur le gâteau, Vincent Price, son idole, est le narrateur de ce petit dessin animé. Rick Heinrichs, collègue de travail et spécialiste de l'animation, travaille sur le projet. Il participera à presque tous les futurs films de Burton. Les cadres du studio sont effrayés par la noirceur de ce court métrage de seulement cinq minutes, et le mettent au placard. Il ne sortira qu'en complément de programme de L'Étrange Noël de monsieur Jack en 1993. Néanmoins, ils reconnaissent à Burton un certain talent. Aussi, il est choisi pour mettre en scène un court métrage un peu plus long, avec des acteurs et des décors réels : Frankenweenie. Même résultat artistique et même conséquence.

En 1984, il quitte les studios Disney[5].

Un univers sombre et poétique

Paul Reubens, alias Pee-Wee Herman, à la cérémonie des Oscars en 1988.

La chance lui sourit en 1985. La firme cinématographique Warner Bros. a passé un contrat avec l'acteur Paul Reubens qui incarne Pee-Wee Herman, sorte d'enfant dans un corps d'adulte, pour réaliser un film dont il est la vedette. Tim Burton parvient à décrocher le poste de réalisateur. Il n'entre plus dans les plans de Disney, et Warner Bros. veut un metteur en scène qui ne pose pas de problème. Avec un faible budget, Pee-Wee Big Adventure n'est pas l'une des priorités du studio qui concentre son attention sur Les Goonies, mais qui garde cependant un œil sur ce tournage record : le film est réalisé en moins d'un mois, sans aucun dépassement budgétaire. Danny Elfman signe la musique ; c'est le début d'une longue et fructueuse collaboration entre le compositeur et le réalisateur. Succès surprise au box-office, le premier long métrage de Tim Burton divise la critique[7].

Lucide, Burton refuse de réaliser la suite des aventures de Pee-Wee afin de ne pas être catalogué. Trois ans plus tard, il est désigné pour réaliser Beetlejuice (personne qu'il a lui même imaginé), d'un budget de treize millions de dollars, dont un affecté aux effets spéciaux. Avec ce film, qui est, selon ses propres mots[réf. souhaitée], une version parodique de L'Exorciste, il pose un peu plus les bases de son univers joyeusement morbide, délicieusement poétique et comique. Emmené par l'interprétation totalement déjantée de Michael Keaton, le film cartonne et récolte soixante-treize millions de dollars aux États-Unis seulement[8]. Il reçoit également un Oscar pour le maquillage.

Jack Nicholson, interprète du Joker, à Cannes en 2001

La Warner propose à Tim Burton de réaliser Batman, avec un budget de trente cinq millions de dollars. La firme a acquis, en 1979, les droits d'adaptation du personnage créé par Bob Kane en 1939 et a mis près de dix ans à développer le projet[9]. Séduit depuis toujours par la face cachée, la double personnalité de Batman, Burton accepte[10]. Il part à Londres, aux Pinewood StudiosStanley Kubrick a mis en scène Full Metal Jacket. Anton Furst, décorateur du film de Kubrick, est engagé pour réaliser Gotham City. Burton désire s'éloigner un peu de la folie qui entoure ce projet. Malgré tout, il est sans cesse sous pression : son choix de prendre Michael Keaton pour interpréter le justicier masqué est contesté. Le costume en tissu bleu de la série devient noir, avec une fausse musculature. De plus, le cinéaste cherche à créer un univers visuel assez noir pour illustrer la part sombre du héros et le thème du double. Les décors se veulent assez proches de l'expressionnisme allemand et du cinéma de Fritz Lang. La Warner est inondée de plus de cinquante mille lettres de protestations. Mais le cinéaste, soutenu par ses principaux acteurs, ne veut rien lâcher. Il veut effectuer un retour aux sources qui prête à discussion, voire à polémique chez certains fans. Vincent Price, avec qui il est en contact depuis Vincent, lui écrit pour lui témoigner son soutien. Le film rapporte quatre cent millions de dollars à l'échelle mondiale, et l'Oscar de la meilleure direction artistique. Burton a désormais les coudées franches, mais le tournage l'a moralement vidé. Il souhaite revenir à un film plus intimiste. Ce sera Edward aux mains d'argent.

Le carré d'as

Boris Karloff, dans le rôle du monstre de Frankenstein. L'un des films préférés de Tim Burton

Burton sollicite le studio 20th Century Fox pour financer son film. Warner Bros. veut impérativement lui faire réaliser la suite des aventures de Batman, et ne manifeste aucun intérêt pour ce scénario narrant le parcours d'un homme avec des mains-ciseaux, naïf et attachant, qui casse sans le vouloir tout ce qu'il touche et qui se confronte à la cruauté des hommes normaux. Le cinéaste choisit la Floride pour mettre en scène ce film aux échos largement autobiographiques. C'est également la rencontre entre Burton et l'acteur Johnny Depp. Tant pour l'un que pour l'autre, l'alchimie est parfaite. Nouvelle rencontre cinématographique entre le fan et l'idole, Vincent Price tient le rôle de l'inventeur d'Edward, son dernier rôle à l'écran. Il donne une interprétation bouleversante, selon les propos de Burton[11]. Véritable plaidoyer pour la tolérance, porté par les excellentes interprétations de Johnny Depp et Winona Ryder, ainsi que par la partition envoûtante de Danny Elfman, ce quatrième long métrage se conçoit comme une fable noire qui mêle fantastique et merveilleux et confronte l'imaginaire du cinéaste à la représentation d'une banlieue américaine normative et dangereuse. Le film est salué par l'ensemble de la critique comme un chef-d'œuvre.

En 1992, il accepte de réaliser le deuxième volet des aventures de Batman. Cette fois-ci, le justicier masqué est confronté à Catwoman et au Pingouin, joués respectivement par Michelle Pfeiffer et Danny DeVito. Les dirigeants de la Warner, qui se sont mordus les doigts d'avoir refusé Edward aux mains d'argent, donnent donc une entière liberté artistique à Burton qui place le tournage à Burbank, sa ville natale. Le cinéaste délaisse alors le personnage de Batman, exploré dans le premier épisode, pour s'intéresser à la personnalité des méchants. Encore plus noir, macabre et torturé que le premier, ce nouvel opus qui prend des allures de conte gothique pose encore une fois problème, car la production reçoit de nouvelles lettres de protestations, non pas des fans mais des parents qui jugent le film trop effrayant pour leurs enfants. Néanmoins, le film triomphe au box-office. En outre, il traduit l'influence du cinéma expressionniste sur Burton, et plus particulièrement Friedrich Wilhelm Murnau et son Nosferatu. Marque indiscutable de cette parenté, Christopher Walken incarne un homme d'affaires véreux appelé Max Schreck, le nom de l'interprète du vampire dans le film de Murnau.

L'année suivante, un nouveau film de Burton arrive sur les écrans : L'Étrange Noël de monsieur Jack. Le scénario est basé sur un poème écrit par Burton à l'époque où il était chez Disney. Il rappelle le Grinch du Dr Seuss, l'un des poètes favoris du cinéaste. Il s'agit d'un film d'animation image par image, une technique artisanale pour laquelle Burton a une grande passion. La mise en scène va nécessiter trois ans. C'est Henry Selick qui est chargé de la réalisation, mais Burton l'a surveillé très étroitement. Le film est produit par Disney, propriétaire du poème. Le contrat que Burton a signé en intégrant le studio en 1979 comprend une clause spécifiant que toute activité créatrice d'un membre de Disney est la propriété de la « Police de la pensée » : en clair, ne serait-ce que pour réaliser un scénario à partir du poème, il faut négocier avec Disney. Mais le succès de leur ancien employé rend les dirigeants plus accommodants. Un budget de dix-huit millions de dollars est débloqué, soit le tiers du budget habituel d'un film Disney. Pour la troisième fois consécutive, l'action se déroule à l'époque de Noël. Tim Burton donne libre cours à sa passion pour la fête d'Halloween. Danny Elfman compose les mélodies, mais également des chansons qui transforment le poème en une comédie musicale. Burton et Elfman se disputent souvent car, si les chansons s'insèrent très bien dans l'histoire et ne la ralentissent pas, elles nécessitent des aménagements scénaristiques. Cela a pour effet que les deux amis se fâchent ; une brouille qui durera trois ans.

En 1994, Burton met en scène Ed Wood, récit de la vie farfelue d'Edward Davis Wood Junior, réalisateur affublé de façon posthume du titre de « plus mauvais réalisateur de tous les temps ». Il sollicite Johnny Depp pour incarner un nouvel Edward qui, comme le précédent, entretient de nombreuses connexions avec son univers et sa vie. Avec cependant une nuance de taille : Burton est adulé alors que Wood fut dénigré. La relation entre Lugosi et Wood est un miroir de celle entre Price et Burton. Le scénario se concentre sur la période « fastueuse » d'Edward Wood. On le voit mettre en scène, non sans mal, trois films dont le légendaire Plan 9 from Outer Space. Pour la circonstance, Ed Wood s'entoure de nombreux acteurs passés ou méprisés comme Bela Lugosi, la présentatrice de films d'horreurs Vampira et le lutteur Tor Johnson. Le film, tourné en noir et blanc, raconte les nombreuses péripéties de toute cette troupe dans leur parcours cinématographique digne d'un film hollywoodien, mais précisément l'inverse du « rêve américain » cher à Hollywood qui préfère les histoires à succès. Tous ces choix expliquent probablement l'échec commercial du film, malgré un important travail. En effet, Burton retourne certaines séquences, à l'identique, des films de Wood avec une précision d'orfèvre. De plus, il offre deux cadeaux à Ed Wood : la rencontre avec Orson Welles (qui n'eut jamais lieu), et une première triomphale pour Plan 9 from Outer Space. Howard Shore compose la musique en lieu et place d'Elfman. Le film remporte deux Oscars : Martin Landau décroche la statuette du meilleur second rôle pour son interprétation de Bela Lugosi et Rick Baker celui du maquillage, mais le film ne s'inscrit pas au box-office. Tim Burton connaît son premier échec commercial.

Fin de siècle en demi-teinte

Son nouveau projet est Mars Attacks!. Jonathan Gems, collaborateur de Burton depuis Batman, également scénariste et auteur de pièces de théâtre, rédige un scénario basé sur un jeu de cartes représentant des martiens et des dinosaures [12]. Burton donne volontairement à son film un aspect ringard, dans le style des films de science-fiction à petit budget des années 1950[13]. Très éloigné du style gothique, expressionniste ou même coloré (Pee-Wee Big Adventure, Beetlejuice) qu'on lui connaît, la griffe de Burton se reconnaît à son humour. Ce sont des enfants qui sauvent la planète des envahisseurs pendant que le président fait face à des journalistes qui se demandent si les martiens ont un sexe. C'est une version surprenante de La Guerre des mondes de H. G. Wells. Malgré une pléiade de stars, le film n'emballe ni la critique, ni le public qui lui préfère Independence Day, film traitant du même sujet mais sur un ton plus dramatique, et à grands coups d'effets spéciaux. Malgré tout, le film est un succès en France.

Néanmoins, ce deuxième échec commercial américain a un point positif : le retour de Danny Elfman à la musique. Burton a expliqué les raisons de cette brouille : « Danny, Henry Selick et moi nous disputions souvent sur le plateau de L'Étrange Noël de monsieur Jack, à cause des chansons de Danny. Caroline Thompson et moi devions sans arrêt réaménager le scénario pour les insérer. On s'est tous conduits comme des gamins. Mais de ne pas nous voir pendant un certain temps nous a fait du bien à tous les deux »[14]. Les deux artistes ne se quitteront plus. Burton a retrouvé son pendant musical. En 1997, il fait partie du jury du 50e Festival de Cannes, présidé par Isabelle Adjani[15].

Washington Irving, l'un des premiers auteurs fantastique de la littérature américaine.

On lui propose de réaliser un nouvel épisode de Superman, avec Nicolas Cage dans le rôle principal, plus axé sur la psyché du personnage. Burton accepte mais après un an de travail, le projet nommé Superman Lives est interrompu au printemps 1998. Sa seule consolation est la publication de La Triste Fin du petit enfant huître et autres histoires, son recueil de dessins et de poèmes[16]. Il se voit également proposer de nombreux projets parmi lesquels une nouvelle adaptation de la nouvelle d'Edgar Allan Poe, La Chute de la maison Usher, et Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street, la comédie musicale de Stephen Sondheim. Ce dernier projet va mettre dix ans à aboutir[16].

Il se retrouve pleinement dans le scénario de Sleepy Hollow : ambiance sombre et gothique, cadavres décapités en série, humour noir, démon sans tête… Kevin Yagher, responsable des effets spéciaux de la série Les Contes de la crypte, s'associe avec Andrew Kevin Walker, auteur du scénario de Seven, pour adapter la nouvelle éponyme de Washington Irving. Le tournage se fait en Angleterre, et plusieurs collaborateurs de Batman sont sollicités. Toujours peu enclin aux effets spéciaux numériques, qui sont limités au strict minimum pour un film de ce genre, Burton concentre toute l'attention de son équipe artistique sur les décors, allant jusqu'à réaliser lui-même certains arbres de la forêt. Appuyé par Johnny Depp, Christina Ricci, Michael Gough, Christopher Lee et Christopher Walken dans le rôle du cavalier sans tête, le cinéaste renoue avec le succès critique et commercial, malgré la classification R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d'un adulte) aux États-Unis. Il déclare à ce propos : « en tournant Sleepy Hollow, j'ai pensé à mes réactions de spectateur enfant : je détestais que l'on me ménage, je voulais être confronté aux images, si dures soient-elles. Je me souviens de mes cris lorsque j'ai vu Le Masque du démon de Mario Bava. Crier était pourtant une des manières les plus rassurantes d'avoir peur puisque le film était une fantaisie »[16]. Elfman compose pour l'occasion une musique sombre et torturée. Sorti en 1999, le film est un grand succès international récompensé par l'Oscar de la meilleure direction artistique. Il est un récapitulatif de l'œuvre de Burton : citrouille, humour noir, ambiance gothique, moulin en feu, légende médiévale démoniaque… Par ce film, Burton paye par ailleurs sa dette à Mario Bava, maître du giallo italien.

Nouveau millénaire et nouvelles obsessions

Le XXIe siècle s'ouvre de manière ambivalente pour Tim Burton. Le succès de Sleepy Hollow, cependant très loin de ses premiers films, lui permet de retrouver le final cut, autrement dit le montage final, perdu après Ed Wood. Néanmoins, Burton n'est toujours pas en position de force. En 2001, il accepte de réaliser un remake de La Planète des singes. Pendant le tournage, il se sépare de l'actrice Lisa Marie avec laquelle il s'était fiancé huit ans plus tôt, et rencontre Helena Bonham Carter qui va devenir son épouse. Il perd également son père. Le film obtient de bons résultats, atteignant les cent soixante-treize millions de dollars de bénéfices sur le sol américain. Deux ans plus tard, le studio Columbia le contacte pour mettre en scène Big Fish. Entre-temps, sa femme lui a donné un fils. Un homme qui va devenir père mais qui va également perdre le sien dans un scénario faisant l'éloge de l'imaginaire face à la platitude du monde réel ; Tim Burton ne peut que se retrouver dans cette histoire dont les événements sont très synchrones avec sa vie. Ewan McGregor tient le premier rôle. Le style du cinéaste change d'orientation, mais sa griffe est visible : sorcière, loup-garou, géant, nains…

Il concrétise en 2005 un projet vieux de plus de quinze ans : mettre en scène le chef-d'œuvre de Roald Dahl[17], Charlie et la Chocolaterie. Pour la quatrième fois, Johnny Depp est en tête de la distribution. Il campe un Willy Wonka complètement survolté, rappelant le démon Beetlejuice, et dont l'apparence ressemble, à certains égards, au personnage Alex d'Orange mécanique de Stanley Kubrick. Ce dernier est cité avec la scène de la barre chocolatée télévisuelle : le film dans lequel la barre est projetée est 2001, l'Odyssée de l'espace. Le cinéaste s'installe, pour la deuxième fois, aux Pinewood Studios dont il utilise presque tous les plateaux. À titre d'anecdote, cent vingt mille litres d'un mélange couleur chocolat sont fournis par Nestlé. Danny Elfman signe la musique et prête sa voix pour le chœur des Oompas-Loompas. Si l'esthétique gothique habituelle fait place à un univers plus coloré, il n'en reste pas moins que la poésie propre à Burton demeure : le plan final avec la maison des Bucket arrosée par des canons à neige.

Aux côtés de Pedro Almodovar, à Madrid

Quatre mois plus tard, Les Noces funèbres arrivent sur les écrans. Ce nouveau film d'animation a été tourné en parallèle de Charlie et la Chocolaterie. Pour la circonstance, Burton s'entoure de ses collaborateurs habituels : Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Christopher Lee, Albert Finney et Michael Gough notamment prêtent leurs voix aux marionnettes. Le scénario de Burton est basé sur un conte russe qu'un de ses collaborateurs lui a raconté, pendant le tournage de L'Étrange Noël de monsieur Jack. Mais, cette fois-ci, pas de dispute entre Elfman et Burton. Les deux artistes ont retenu la leçon. Le cinéaste en profite pour égratigner un peu la bourgeoisie, présentée comme terne, cynique et arriviste, et afficher sa préférence pour le monde des morts, nettement plus haut en couleur et animé. Le résultat final est saisissant, très proche des œuvres de Jean Cocteau et de Bertolt Brecht. Pour l'anecdote, Burton a avoué s'être étonné lui-même, car il a dessiné ses principaux personnages sans penser à Depp, Helena Bonham Carter, Christopher Lee. Malgré un accueil critique favorable, le film est un échec en salles.

De Vincent à Ed Wood, Tim Burton s'est fait le chantre des marginaux, des solitaires, des prétendus monstres renfermant des trésors de gentillesse. Avec Mars Attacks!, il passe à tout un groupe. Sleepy Hollow marque un nouveau cycle : celui de la famille. Big Fish, Charlie et la Chocolaterie et Les Noces funèbres poursuivent dans cette voie. L'enfant solitaire, prétendu anormal, a probablement réglé ses comptes et pense maintenant à fonder une famille.

Il retrouve la veine gothique et macabre de Sleepy Hollow avec Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street, sorti en janvier 2008 sur les écrans français. Il s'agit d'une adaptation de la comédie musicale de Stephen Sondheim, mise en scène en 1979, dans laquelle le barbier est présenté comme une victime de la société. Tim Burton sollicite Johnny Depp pour le rôle du barbier, et son épouse Helena Bonham Carter pour incarner Mrs Lovett, la vendeuse de tourtes à la viande. Alan Rickman, interprète de Severus Rogue dans les films de la saga Harry Potter, incarne le corrompu juge Turpin dont Sweeney Todd veut se venger. Tim Burton est épaulé par une équipe de techniciens d'expérience : Dariusz Wolski, directeur de la photographie de la trilogie des Pirates des Caraïbes ; Dante Ferretti, chef décorateur de nombreux films de Federico Fellini et Martin Scorsese et lauréat de l'Oscar 2004 des meilleurs décors pour Aviator ; Colleen Atwood, dessinatrice principale des costumes de Mémoires d’une geisha et Chicago qui lui ont valu tous deux un Oscar ; et Peter Owen, responsable du maquillage et de la coiffure sur la trilogie Le Seigneur des anneaux et oscarisé pour le premier volet[18]. Le film obtient un succès critique et public mitigé mais il vaut à Ferretti un deuxième Oscar pour sa direction artistique.

Son œuvre et son style

Ses réalisations

La Batmobile réalisée pour sa version de Batman

Tim Burton est un réalisateur, amoureux des images, jouant aussi bien avec le Technicolor kitsch des années 1950 qu'avec le noir et blanc du gothique ou de la nostalgie, mais aussi un amoureux des monstres attachants qui peuplent ses délires visuels, comme dans Pee-Wee Big Adventure, Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d'argent, Batman : Le Défi, L'Étrange Noël de monsieur Jack, Ed Wood, Mars Attacks!, Sleepy Hollow, La Planète des singes, Big Fish, Charlie et la Chocolaterie, Les Noces funèbres et Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street. Dans une interview, il dit : « … mon truc à moi ce sont les monstres. Déjà, môme, je les aimais. Je me sentais proche d'eux : en marge de la société et incompris, comme eux. De plus, j'ai toujours eu un faible pour les outsiders, ceux que l'on pense méchants alors que, en fait, ils ne le sont pas. Ce sont des personnages attachants, très intéressants à explorer. »

Il figure au palmarès des réalisateurs qui rapportent le plus au monde cinématographique en termes de bénéfices. Il est cependant l'un des rares réalisateurs américains à concilier de gros chiffres au box-office avec un univers et un style très personnels et une ambition artistique certaine, par ses histoires enchantées, dans lesquelles il travaille énormément les couleurs (décors et costumes). Il est aussi un des derniers grands réalisateurs à utiliser la méthode artisanale de l'animation comme dans L'Étrange Noël de Monsieur Jack - qu'il n'a pas réalisé, contrairement à une croyance commune bien ancrée, mais qu'il a étroitement supervisé - ou dans Les Noces funèbres.

L'œuvre de Burton est régulièrement analysée comme d'inspiration gothique[19]. En 2010, il retrouve le studio Disney et réalise une œuvre de commande : Alice au pays des merveilles, suite en prise de vue réelle du dessin animé des années 1950. Le film est mal accueilli par la critique mais est un succès public mondial, couronné par deux Oscars en 2011 : meilleurs décors pour Robert Stromberg et Karen O'Hara et meilleurs costumes pour Colleen Atwood.

Tim Burton et Edgar Allan Poe

Edgar Allan Poe, l'auteur préféré de Tim Burton

Edgar Allan Poe a fortement influencé Tim Burton. L’attrait que le cinéaste éprouve pour lui provient d’une part de la découverte de l’œuvre du poète maudit lorsque Burton a 10 ans et, d’autre part, des films que Roger Corman a réalisés d’après l’œuvre de Poe. Il convient de préciser que Vincent Price, son idole, était la vedette principale de ce cycle.

Le scénario de L'Étrange Noël de monsieur Jack a été rédigé à partir d'un poème de Poe. Cela renforce un peu plus le parallèle entre Burton et Poe, l'œuvre la plus célèbre de ce dernier étant un poème : Le Corbeau, dont Tim Burton s'inspire pour son court-métrage "Vincent". De plus, les poèmes de Poe et de Burton servent à chaque fois de base à l’élaboration des scénarios respectifs qui, certes respectent l’esprit des auteurs, mais entraînent l’histoire dans une nouvelle direction. Le poème original de Poe est transformé en un véritable feu d’artifice visuel et burlesque entre Price, Karloff et Lorre, tandis que celui de Burton devient une comédie musicale mélancolique et macabre.

Marques de fabrique

Tim Burton laisse sur chacune de ses œuvres plusieurs empreintes récurrentes, parmi lesquelles :

De nombreux éléments sont récurrents dans son univers :

  • Les chiens, souvent compagnons du héros (Frankenweenie, L'Étrange Noël de monsieur Jack, etc.).
  • Le cirque ou la fête foraine, représentant l'amour du cinéaste pour le grotesque et le bizarre. Le cirque est chez lui non seulement l'expression de la différence, mais aussi de la famille car les liens qui unissent ses membres sont généralement très forts. Dans Ed Wood, le réalisateur Edward Wood se constitue une bande d'amis dignes d'une fête foraine (voyant, catcheur, faux vampires, etc.).
  • La demeure du héros, isolée du reste de la ville. Souvent un manoir sur une colline (Batman, Beetlejuice), elle se distingue généralement du reste de son environnement : la maison d'Edward aux mains d'argent perchée sur une sinistre montagne détonne au milieu des habitations bariolées de la ville ; à l'inverse, l'intérieur coloré de la chocolaterie de Willy Wonka tranche avec le décor des rues noires et blanches.
  • Le pont, qui est un symbole de passage, souvent entre le monde des vivants et celui des morts (Beetlejuice, Les Noces funèbres) ; on peut également penser au pont sur lequel Ichabod Crane rencontre pour la première fois le cavalier sans tête dans Sleepy Hollow ou celui d'où le Pingouin est jeté à l'eau.
  • La forêt, lieu où le héros va faire une découverte (L'Étrange Noël de monsieur Jack, Big Fish, Sleepy Hollow, Les Noces funèbres, La Planète des singes, Charlie et la chocolaterie).
  • La cage, qu'il utilise comme représentation de l'enfermement, notamment dans Sleepy Hollow, où Ichabod Crane libère un cardinal (petit oiseau rouge) en sa possession. On peut également citer l'oiseau du Pingouin dans Batman : Le Défi ainsi que les oiseaux en cage à qui chante Johanna dans Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street. Ou encore le papillon sous la cloche en verre dans Les Noces funèbres, symbole d'emprisonnement.
  • Les fêtes d'Halloween et de Noël sont fréquemment mises en scène, notamment présence récurrente d'un plan en plongée où l'on voit des enfants déguisés sur le seuil d'une porte lançant le fameux « Trick or treat! » (L'Étrange Noël de monsieur Jack, Ed Wood, Charlie et la Chocolaterie, etc.).

Acteurs récurrents

Tim Burton a travaillé régulièrement (au moins à trois reprises) avec plusieurs acteurs, notamment Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Michael Gough, Deep Roy, Christopher Lee, Lisa Marie, Jeffrey Jones, Michael Keaton, Danny DeVito ou Paul Reubens.

Interprète Film Rôle(s)
Johnny Depp
Helena Bonham Carter
  • Ari
  • Jenny / la sorcière
  • Mme Bucket
  • Émilie, la défunte mariée
  • Mrs. Lovett
  • La Reine de Coeur
  • Dr. Julia Hoffman
Michael Gough
Christopher Lee
  • Le bourgmestre
  • Dr Wonka
  • Pastor Galswells
  • Le Jabberwocky (voix)
Lisa Marie
  • Vampira
  • La Femme Martienne
  • Lady Crane
  • Nova
Deep Roy
  • Gorilla Kid
  • Mr. Soggybottom
  • Oompa Loompa
  • General Bonesapart (Bonaparte)
Michael Keaton
Danny DeVito
Jeffrey Jones
  • Charles Deetz
  • Criswell
  • Révérend Steenwick
Paul Reubens
  • Pee-wee Herman
  • Tucker Cobblepot (le père du Pingouin)
  • Lock
Glenn Shadix
  • Otho
  • Maire de Halloweentown
  • le sénateur Nado
Jack Nicholson
  • le Joker
  • Le Président américain James Dale / Art Land
Christopher Walken
  • Max Shreck
  • Le cavalier sans tête
Winona Ryder
  • Lydia Deetz
  • Kim Boggs
  • Elsa
Catherine O'Hara
  • Delia Deetz
  • Sally
  • Edgar / la fille bizarre / la mère de Victor / la prof de gym
Martin Landau
  • Bela Lugosi
  • Peter Van Garrett
  • M. Rzykruski

Box-office américain

Divers

Filmographie

Réalisateur

Courts métrages

Longs métrages

Clips Videos

  • 2004 : Predictable : Good Charlotte
  • 2006 : The Killers : Bones

Scénariste

Producteur

Projets

Acteur

Directeur artistique

Animation et effets visuels

Bibliographie

Ouvrage écrit par Tim Burton

Ouvrages sur Tim Burton

Notes et références

  1. Tim Burton décoré de l'Ordre des Arts et des Lettres par Frédéric Mitterrand
  2. Le second prénom est indiqué comme Walter par le Museum of Modern Art sur la page du site web d'une exposition de 2009 et cette autobiographie publiée par le musée mais d'autres sites indiquent le prénom William dont Tim Burton Collective.
  3. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 15.
  4. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 19
  5. a, b et c (en) Dave Smith, Disney A to Z: The Updated Official Encyclopedia, p. 81
  6. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 21
  7. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 56
  8. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 85
  9. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 89
  10. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 90
  11. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 109
  12. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton pages 169
  13. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 170
  14. Marck Salisbury, Tim Burton par Tim Burton page 176
  15. (fr)Festival de Cannes : Tim Burton, président du jury 2010 sur www.paperblog.fr. Consulté le 2 juillet 2010.
  16. a, b et c Les grands cinéastes: Tim Burton de Aurélien Ferenczi. Page 72. Éditions Les Cahiers du cinéma. 2007.
  17. Antoine De Baecque, Tim Burton
  18. Sweeney Todd, sur le site de Warner Bros.
  19. Gavin Baddeley : Gothic : la culture des ténèbres (Éditions Denoël - 2004 - ISBN 978-2-207-25625-1)
  20. Fait évoqué dans la note critique du Cabinet du docteur Caligari in Le Dictionnaire des films, sous la direction de Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy, éditions Larousse, 1996, Paris, page 186.
  21. Fait évoqué dans les bonus du DVD "édition spéciale" de L'Étrange Noël de monsieur Jack, Touchstone Pictures et Buena Vista Home Entertainment, 2003.
  22. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n et o (en)Site :Box Office Mojo
  23. « Tim Burton Lion d’or pour son œuvre », dans Libération du 05-09-2007, [lire en ligne]
  24. « Cotillard piquée d’arts et lettres », sur le site de Libération le 13-03-2010, [lire en ligne]

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Tim Burton de Wikipédia en français (auteurs)

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