Shirk

Shirk

Shirk (arabe شرك associé) se réfère en islam au seul péché, s'il n'est pas suivi d'un repentir terrestre, impardonnable par Dieu. Il consiste à l'association d'autres dieux ou d'autres êtres à Dieu, en leur accordant l'honneur et l'adoration qui ne devraient être dus qu'à Dieu seul. Ce mot est généralement rendu par les termes « idolâtrie », « polythéisme » ou « association religieuse » en français. Ceux qui associent des créations au Créateur sont appelés mushrikun (مشركون). Le terme mushrikun a d'abord été utilisé — conjointement avec kuffār, signifiant « mécréants » — dans la tradition musulmane pour désigner les Arabes païens du Hedjaz aux débuts de l'islam. Cette expression est fréquemment utilisée dans le Coran pour désigner les opposants aux musulmans, qui sont accusés de pratiquer le shirk qui est considéré comme un pêché. Le shirk s'oppose au tawhid, la croyance en l'unicité de Dieu. L'utilisation du terme shirk sera ensuite étendue à d'autres communautés que les arabes païens de la période anté-islamique.

Sommaire

Émergence de l'islam et rejet de l'idolâtrie

D'après la tradition musulmane, l'islam apparait au cours du VIIe siècle dans le Hedjaz après une série de révélations de Dieu faites à Mahomet, considéré comme le dernier prophète. Le contexte dans lequel le prophète de l'islam vit et répand son message est connu sous le terme de jāhiliyya (« âge ou condition de l'ignorance »)[1]. La jāhiliyya est principalement caractérisée dans la tradition musulmane par une religion polythéiste et idolâtre, ainsi que par l'« immoralité » de la société préislamique en Arabie. Il convient ici de signaler que la tradition musulmane est la seule source d'informations sur la formation de l'islam.

Selon les croyances musulmanes, Mahomet est envoyé en tant que prophète par Dieu à un peuple considéré comme idolâtre et moralement dépravé. Ce peuple est assimilé aux Arabes de la tribu de Quraych, installés à la Mecque et dans ses environs. Dans la littérature islamique (vie du prophète ou commentaires du Coran), c'est ce peuple qui est le plus souvent désigné comme mushrikun et qui semble être le destinataire du message du Coran. Néanmoins, il faut préciser que cette association est faite à partir de l'exégèse du Coran, et que les arabes païens ne sont pas désignés explicitement dans le Coran[1]. L'accent mis sur l'exégèse du Coran permet alors de comprendre l'apparition de l'islam comme une attaque contre le polythéisme. Dans le Coran, il est mentionné que le prophète de l'islam est envoyé aussi à tous les peuples du monde y compris les juifs et les chrétiens (« gens du livre »). C'est la raison pour laquelle le prophète de l'islam a envoyé des lettres aux rois de son époque, les invitant à se convertir à l'islam, et à détruire toutes formes d'idolâtries (360 statues rien que dans l'enceinte de la Kaaba à la Mecque).

Typologie du Shirk

Le shirk majeur est considéré comme un péché mortel en islam, c'est-à-dire que celui qui le commet et meurt sans repentir est condamné à aller en Enfer et à y demeurer éternellement. Cependant, différentes catégories de shirk sont distinguées, permettant de nuancer la gravité de l'offense et la punition associée.

Des théologiens sunnites hiérarchisent le shirk en shirk Akbar ou majeur et shirk asghar ou mineur. Les deux catégories de shirk peuvent être apparentes ou visibles, dans ce cas on parle de shirk Dahir, pour le shirk caché on parle de shirk Khafi. Pratiquer le polythéisme, des sacrifices par exemple est un shirk majeur visible. Avoir peur du pouvoir d'un mort est un shirk majeur caché. Le shirk mineur n'est pas une violation ouverte du Tawhid. L'ostentation, la possession d'amulette sont considérées comme shirk mineur. Dans la littérature classique ce terme a tendance à être remplacé par le terme plus générique de Kafir.

La tradition sunnite reconnaît trois causes principales au shirk, toutes liées aux implications de la doctrine du Tawhid.

Typologie du polythéisme shirk (liste non-exhaustive)
Origine Catégorisation Exemple
Ruboobiyah (Seigneurerie) Affirmation partielle Chrétiens
totale Zoroastriens
Négation partielle Philosophes
totale Athéisme
Ulohiyyah (Adoration) Théorique Croyance dans le fait que les mushrikun iront au paradis
Pratique majeur Culte des ancêtres, culte des saints, sorcellerie
mineur Ostentation, possession d'amulettes
Asmaa was sifaat (Noms et attributs) Anthropomorphisme Donner à Dieu l'apparence de sa création
Métaphorisme complet Donner une signification abstraite aux attributs de Dieu
Déification Donner à la création les caractéristiques de Dieu
Source : (en) Little Book of Aqeedah sur abdurrahman.org

La ruboobiyah désigne la croyance dans le fait que seul Dieu est Seigneur. L'ulohiyyah désigne le fait que seul Dieu doit être adoré ; asmaa was siffat désigne la croyance dans les noms et les attributs de Dieu de façon neutre : sans métaphorisme, déification humaine ou anthropomorphisme.

Statut des religions et croyances vis-à-vis du Shirk

Au sein de l'islam

Article détaillé : Courants de l'islam.

L'accusation de shirk est généralement proférée de la part des branches les plus importantes vers les branches marginales. Si un musulman prête un quelconque pouvoir surnaturel à un simple mortel (ou à une chose), y compris à Mahomet comme certaines croyances populaires de région islamisées, il se retrouve dans la situation de shirk ou péché d'association.

Interprétations sunnites

Pour les sunnites, la religion et la politique ne peuvent être séparées, car tout est soumis à l'autorité de Dieu. En conséquence, ils considèrent que le nationalisme constitue un pêché d'association[2]. Pour les sunnites, qui ont fait du tawhid un principe central de leur croyance, toute prière ou lieu de prière qui n'est pas consacré à leur déité (présence de statues, de croix...) constitue également un shirk. Ce pêché est donc considéré particulièrement sérieusement par les sunnites, et des exemples historiques attestent de leur sévérité à le faire appliquer. Les lieux saints des chiites en Irak ont été détruits par les saoudiens au XIXe siècle ; les juifs et les chrétiens, traditionnellement considérés comme « gens du livre », se sont vu retirer leur protection en Arabie saoudite[3].

Le shirk est également utilisé pour qualifier certaines théories philosophiques et scientifiques jugées contraires à l'islam tels la philosophie de la rédemption, le communisme, la théorie de la relativité.

Christianisme

Le dogme trinitaire chrétien est associé au shirk[4]. En effet, selon les canons du concile de Nicée (325), Dieu consiste en une seule substance (ουσία) divine en trois relations subsistantes (ou hypostases) distinctes (le Père, le Fils et Le Saint-Esprit).

Cette position est attestée par plusieurs versets du Coran : dans la sourate « Les femmes »[5] ; dans la sourate dite de « la table servie »[6]; et dans la sourate « Le monothéisme pur »[7].


Annexes

Bibliographie

Notes et références

  1. a et b Hawting, The Idea of Idolatry and the Emergence of Islam : From Polemic to History
  2. (en) Michael Scott Doran, « Somebody's else civil war », Foreign Affairs, vol. 81, n°1, janvier-février 2002, p. 35
  3. (en) Andrew Coulson,« Education and Indoctrination in the Muslim World. Is There a Problem? What Can We Do about It? », Policy Analysis, n°511, 11 mars 2004, p.8
  4. (fr) Alain Besançon, L'Islam, Académie des sciences morales et politiques, p.9
  5. Le verset 171 fait explicitement référence à Jésus et à Marie
  6. les versets 116 et 117 font référence à la divinité de Jésus et de Marie
  7. particulièrement dans le verset 3 de cette sourate.

Pour aller plus loin

Articles connexes

Liens externes


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