Crise d’octobre

Crise d’octobre

Crise d'Octobre

La crise d'Octobre désigne une série d'événements sociaux et politiques qui ont eu lieu en octobre 1970 au Québec.

Initiée suite à l'enlèvement de l'attaché commercial de Grande-Bretagne James Richard Cross par une cellule armée du Front de libération du Québec (FLQ) le 5 octobre 1970[1], la crise d'Octobre fut marquée également par la lecture du Manifeste du FLQ à la télévision de Radio-Canada (8 octobre), par l'enlèvement du ministre provincial du Travail Pierre Laporte par une autre cellule felquiste (10 octobre), par la mise en place de la Loi des mesures de guerre canadiennes (15-16 octobre) et par la découverte du corps de Pierre Laporte le 17 octobre 1970 à Saint-Hubert dans le coffre d’une voiture.

À cette période, le gouvernement fédéral, par le biais de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a espionné illégalement à maintes reprises le mouvement souverainiste du Québec, notamment en s'introduisant par effraction dans les bureaux du Parti québécois et en y volant les listes des membres du parti[2].

La crise d'Octobre est la plus grande crise politique de l'histoire contemporaine que le Québec a connu[3][réf. insuffisante].

Sommaire

Contexte historique

Conjoncture économique

Le Québec, vers la fin des années 1960, n'est pas en bonne posture économique. Le taux de chômage atteint des sommets; le taux d'inflation est très élevé. L'économie du Québec est en récession dès 1966. Ces facteurs entretiennent un mouvement contestataire important qui finit par s'élargir en mécontentement général de la population.

Question nationale

Dans la foulée de la Révolution tranquille, des Québécois prennent conscience de leur existence et de leur valeur en tant que peuple. Dominés depuis plusieurs siècles par le clergé catholique et une minorité anglophone, ils ressentent l'appel au changement et la contestation s'étend. Un mouvement nationaliste se crée peu à peu et se rassemble sous l'égide du mouvement radical du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), dirigé par Pierre Bourgault. Le 14 octobre 1967, René Lévesque démissionne du Parti libéral du Québec à cause de ses convictions, jugées trop nationalistes, pour fonder le Parti québécois l'année suivante, le 12 octobre 1968. Aux élections d'avril 1970, le Parti québécois arrive deuxième au vote populaire, mais à cause du mode de scrutin majoritaire, il ne parvient qu'à récolter 7 sièges à l'assemblée nationale.

Octobre 1970

Jugeant que la situation politique est dans une impasse, un groupuscule indépendantiste à tendance révolutionnaire[4], le Front de libération du Québec, décide, le 5 octobre 1970, d'enlever le diplomate britannique James Richard Cross.

Le 8 octobre 1970, le lecteur de nouvelles Gaétan Montreuil effectue la lecture intégrale du Manifeste du FLQ à la télévision de Radio-Canada. Cette dernière précise au début et à la fin de la lecture du manifeste qu'elle s'exécute dans un but humanitaire visant à sauver James Cross[5].

Chronologie

  • 17 janvier 1970 :
  • 29 avril 1970 :
    • Élection de Robert Bourassa (72 sièges). L’Union nationale récolte 17 sièges, le Crédit social 12 sièges, tandis que le Parti québécois ne récolta que 7 sièges.
  • 6 octobre 1970 :
    • Mitchell Sharp, secrétaire d'État aux affaires extérieures du Canada, refuse de céder aux conditions du FLQ pour la libération du diplomate:
  • la libération de 23 prisonniers politiques (dont plusieurs militants du FLQ) ;
  • 500 000 $ en or ;
  • la diffusion et la publication du manifeste du FLQ ;
  • la publication des noms des informateurs de la police pour les activités terroristes ;
  • un avion pour amener les kidnappeurs vers Cuba ou l'Algérie ;
  • la cessation de toutes activités de recherche par la police ;
  • le réemploi de 400 ex-employés de l'entreprise Lapalme par Postes Canada à la suite de leur mise à pied.
« Je suis confiant que ces criminels seront appréhendés et que le diplomate sera relâché. C’est ce à quoi nous nous affairons. » (Mitchell Sharp)
  • 7 octobre 1970 :
    • Lecture du Manifeste du FLQ à la radio de CKAC, arrestation de 30 militants du FLQ, Le ministre de la Justice du Québec, Jérôme Choquette, affirme qu'il est prêt à négocier pour la libération de l'otage.
  • 10 octobre 1970 :
    • 18 h 00 : le ministre de la Justice, Jérôme Choquette, déclare en conférence de presse que le gouvernement refuse toute négociation avec le FLQ.
  • 11 octobre 1970 :
    • Pierre Laporte écrit une lettre à Robert Bourassa, son ami personnel, pour lui dire qu'il est bien traité et l'implorer de négocier sa libération.
    • L'avocat Robert Lemieux est arrêté et emprisonné sous motif d'entrave au travail des policiers
    • Robert Bourassa laisse entendre qu’il est prêt à négocier avec le FLQ.
  • Le 12 octobre :
    • À 7h, Pierre Laporte écrit une lettre à sa femme pour lui dire qu'il va bien et qu'il est bien traité.
    • Des soldats canadiens sont dépêchés à Ottawa pour assurer la protection de diverses personnalités politiques et d'édifices fédéraux.
    • Robert Demers, trésorier du PLQ, est nommé pour négocier au nom du gouvernement.
  • Le 13 octobre :
    • Robert Bourassa fait relâcher Robert Lemieux et le nomme négociateur du FLQ.
    • les négociations entre Robert Demers et Robert Lemieux échouent.
    • Interrogé par des journalistes sur les mouvements de l'armée, Pierre Elliott Trudeau prononce son fameux « just watch me ».
  • Le 14 octobre :
    • Une rencontre spécial du cabinet fédéral a lieu afin de discuter des mesures à prendre pour mettre fin à la crise.
    • Un groupe de seize personnalités publiques du Québec signent une déclaration enjoignant le gouvernement du Québec à négocier la libération des otages coûte que coûte, peu importe l'opinion du gouvernement fédéral.
  • Nuit du 15 au 16 octobre 1970 :
    • Le Gouvernement du Québec et l'administration municipale de Montréal demande l'application de certaines dispositions de la Loi sur les mesures de guerre[6]
  • 16 octobre 1970 :
    • État de siège : les droits civils sont suspendus, l’armée canadienne assure le contrôle du Québec et la Sûreté du Québec procède à au moins 457 arrestations de citoyens considérés suspects parce qu'indépendantistes (comédiens, chanteurs, poètes, écrivains, journalistes, syndicalistes, militants, etc.). L’armée canadienne occupe le Québec.
  • 17 octobre 1970 :
    • Découverte du cadavre du ministre Pierre Laporte. Les médias font écho au rapport d'autopsie qui conclue à la mort par étranglement. Une version alternative des événements évoque la mort accidentelle du ministre, suite à une tentative d'évasion.
  • Le 6 novembre :
    • Julien Giguère, lieutenant-détective de la Section anti-terroriste (SAT) de la police de Montréal, recrute Carole Devault, qui devient l'agente d'information : matricule SAT 945-171, nom de code « Poupette ».
  • Décembre 1970 :
    • Négociation entre le Gouvernement du Canada et les membres du FLQ pour la libération de James Richard Cross. Le gouvernement accepte d'exiler à Cuba, avec l'accord de Fidel Castro, les cinq terroristes ayant enlevé le diplomate.
    • Adoption de la Loi sur l'ordre public par le Parlement du Canada.
    • Carole Devault met sur pied un la cellule André Ouimet, une cellule fictive du FLQ.
    • Le 3 décembre, James Richard Cross est retrouvé et libéré par la police.
    • Le 28 décembre, les ravisseurs de Pierre Laporte sont arrêtés par la police.
  • 29 mars 1971 :
  • 11 mai 1971 :
    • Dépôt à la Chambre des communes d’une déclaration du premier ministre Pierre Elliott Trudeau à son homologue québécois Robert Bourassa, disant que le gouvernement fédéral n’hésiterait pas à promulguer de nouveau la loi des mesures de guerre, si nécessaire.

Impacts

Police politique

« Il n'y avait là que des mémérages. »

— René Lévesque[7]

Suite à la crise d'Octobre, le gouvernement de Robert Bourassa a formé le Centre d'analyse et de documentation (CAD) qui a, de 1971 à 1977, fiché environ 6 000 groupes et 30 000 personnes des milieux souverainistes, syndicaux et de la haute fonction publique[7].

Démantelé en 1977 suite à l'arrivée au pouvoir du gouvernement de René Lévesque, on a affirmé avoir détruit les archives du CAD. Cependant, en 1992, un rapport datant de 1974 et provenant du directeur du CAD Gilles Néron fait surface et démontre que le Centre entretenait des liens étroits avec tous les corps policiers[7][réf. insuffisante]. D'autres documents, détenus par les archives nationales, sont classés « restriction d'accès maximal »[7].

Notes et références

  1. Radio-Canada.ca, « Un diplomate britannique enlevé » sur archives.radio-canada.ca, 2009, Société Radio-Canada. Consulté le 13 septembre 2009.
  2. Louis Fournier. FLQ : Histoire d’un mouvement clandestin, Outremont : Lanctôt, 1998, p. 492
  3. Radio-Canada.ca, « La Crise d'Octobre » sur archives.radio-canada.ca, 2009, Société Radio-Canada. Consulté le 13 septembre 2009.
  4. Radio-Canada.ca, « La Crise d'Octobre : Le saviez-vous? » sur archives.radio-canada.ca, 2009, Société Radio-Canada. Consulté le 13 septembre 2009. « Les felquistes ont été entraînés et organisés par Georges Schoeters, un révolutionnaire belge itinérant dont la source d'inspiration était Che Guevara. Au moins deux des membres du FLQ ont reçu des entraînements de guérilla à l'assignat sélectif de commandos palestiniens. Le FLQ a développé des liens avec différents mouvements révolutionnaires à travers le monde, comme ceux de Cuba, d'Algérie et de la Palestine. »
  5. Front de libération du Québec, « Lecture du manifeste du FLQ à la télévision » sur archives.radio-canada.ca, 8 octobre 1970, Société Radio-Canada. Consulté le 14 septembre 2009.
  6. William Tetley, « Libre opinion: La situation était sérieuse le 15 octobre 1970 », dans Le Devoir, 24 octobre 2003 [texte intégral (page consultée le 11 mai 2009.)] 
  7. a , b , c  et d Antoine Robitaille, « Québec n'a pas tout détruit », dans Le Devoir, 8 septembre 2009 [texte intégral (page consultée le 13 septembre 2009.)] 

Voir aussi

Bibliographie

  • Louis Fournier, F.L.Q. Histoire d'un mouvement clandestin, Québec-Amérique, Montréal, 1982, 509 p.
  • Ron Haggart et Audrey Golden, Rumours of War, New Press, Toronto, 1971, 311 p. (1re éd.); Lorimer, Toronto, 1979, 320 p. (2e éd.). Adaptation française par Jean-V. Dufresne et al., Octobre 70 - Un an... après, Hurtubise/HMH, Montréal, 1971, 287 p.
  • Marc Laurendeau, Les Québécois violents, 2e éd. revue et augmentée, Boréal, Montréal, 1975, 239 p.

Articles connexes

Liens externes

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