Brégancon

Brégancon

Fort de Brégançon

43° 05′ 36″ N 6° 19′ 20″ E / 43.093384, 6.32216

Le fort de Brégançon vue depuis la plage à l'ouest.
Carte de la côte d'Azur avec en rouge la localisation du fort de Brégançon
Vue du fort de Brégançon depuis le cap Léoude, situé au nord-ouest de celui-ci. En arrière plan, à droite du fort, on aperçoit l'île du Levant et l'île de Port-Cros, deux des îles d'Hyères.
Détail d'une ancienne carte de 1707 par Jean Nicolas de Tralage montrant les îles et la baie d'Hyères et sur laquelle le fort est mentionné.

Le fort de Brégançon est un lieu officiel de villégiature (principalement estivale) du président de la République française. Il est situé au bord de la Méditerranée sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas (Var) sur les hauteurs d'un piton rocheux de 35 mètres d'altitude et à quelques mètres de la côte à laquelle il est relié par une jetée (à l'origine il en était séparé par un bras de mer).

Sommaire

Historique

Une forteresse existe sur cet îlot rocheux depuis l'arrivée des Ligures de la tribu des Bormani, en 118 av. J.-C. Le site s'appelle d'abord Pergantium, puis Briganconia[1], dérivé du celte Briga signifiant « hauteur »[2].

Au Moyen Âge, une seigneurie (ou châtellenie) de Brégançon est créée à la fin du IXe siècle, après l'expulsion des Sarrasins du Fraxinet en 972, au profit des vicomtes de Marseille, vassaux des comtes de Provence. En 1140, la seigneurie de Brégançon et d'autres fiefs, dont Hyères, sont concédés en apanage par le vicomte Geoffroi II de Marseille à l'un de ses fils, Pons, marquis de Fos. En 1216, Raimond-Geoffroi de Fos, co-seigneur d'Hyères avec son frère, vend ses biens, soit le château de Brégançon et un douzième de la seigneurie d'Hyères, à la communauté de Marseille. Il faut toutefois attendre 1223 pour que cette vente soit confirmée par les autres membres de la famille de Fos[3].

Le 6 juin 1257, les biens de la communauté de Marseille sont rachetés par le comte Charles d'Anjou, frère cadet du roi Saint Louis et comte de Provence suite à son mariage avec l'héritière du comté, Béatrice de Provence, en 1246. Celui-ci fait réaménager et rénover le château-fort de Brégançon, qui est originellement situé sur le continent et qu'il sépare donc de l'actuel site par un bras de mer. Il reste un mieu fréquenté par les membres de la maison d'Anjou, devenus rois de Sicile péninsulaire (Naples), lorsqu'ils sont de passage dans le comté de Provence : c'est le cas notamment de la reine Jeanne Ire qui y séjourne en janvier 1348 alors qu'elle fuit Naples, envahie par son cousin Louis Ier de Hongrie, pour se réfugier à Marseille ainsi que rencontrer le pape Clément VI à Avignon. Après le retrait de Naples de Louis de Hongrie, la reine rentre dans ses États en faisant à nouveau un passage à Brégançon qu'elle donne, par un acte du 31 juillet 1348, à l'armateur marseillais Jacques de Galbert, qu'elle fait vice-amiral de Provence, pour le remercier de l'avoir transporter sur l'un de ses navires alors qu'elle fuyait son royaume. Elle revient sur cette donation en 1366.

Plus tard, durant la guerre de succession du royaume de Naples qui oppose Charles de Durazzo puis son fils Ladislas à Louis Ier d'Anjou puis sa veuve Marie de Blois, la seigneurie et le fort de Brégançon sont donnés par cette dernière en 1387 au condottiere génois Balthazar Spinola, qui a trahi le camp de Charles de Durazzo pour celui des Angevins. Il se sert de sa nouvelle propriété pour piller les côtes toulonnaise et hyéroise. Brégançon retourne au comte Louis II d'Anjou en 1405, Balthazar Spinola le cédant pour 200 florins.

Brégançon devient une forteresse royale en même temps que le comté de Provence est légué au roi Louis XI par son dernier titulaire Charles III en 1481. Le roi charge alors Palamède de Forbin, nommé gouverneur de Provence, et le gouverneur de Bourgogne Jean de Baudricourt de prendre possession de ce nouveau territoire et de le sécuriser : c'est ainsi que Jean de Baudricourt fait réarmer le fort de Brégançon en 1483. Il est assiégé en 1524 par l'ancien connétable disgracié Charles III de Bourbon, passé au service de Charles Quint en 1523, et la forteresse ne résiste que quelques jours.

En 1531, Brégançon est inscrit dans le tout nouveau marquisat des Îles d'Or créé par François Ier au profit de son général des Galères Bernard d'Omaison, seigneur d'Astarac et baron de Saint-Blancard, également chargé du commandement du fort et chargé de protéger la côte toulonnaise face aux raids ottomans. Ce marquisat revient un temps à la couronne en 1349, puis immédiatement offert par Henri II à l'allemand Christophe de Rocquendorf, qui le cède à son tour en 1552 à Gabriel de Lutz, seigneur d'Aramon et ancien ambassadeur de François Ier auprès des Ottomans à Constantinople. Ce n'est qu'après la mort de ce dernier en 1560 que Brégançon revient à la couronne en 1561.

À l'exception de Charles IX qui s'y arrête quelques heures le 30 octobre 1564 avec la reine-mère Catherine de Médicis et sa cour durant le Grand tour, aucun souverain n'y séjourne, le laissant sous le commandement de capitaines provençaux. Plus tard, devenue un bastion protestant, elle est assiégée en 1578 par le chef des armées catholiques de Provence, le comte de Vins. Si le châtelain et la garnison se rendent seulement au bout de deux jours, ils sont tous massacrés.

En 1574, le frère de Charles IX, Henri III, à peine devenu roi, élève la seigneurie de Brégançon en marquisat, au profit d'Antoine Escalin des Aimars, baron de La Garde-Adhémar, seigneur de Pierrelatte et général des galères, décédé en 1578. En 1581, il est donné en adjudication à Boniface de La Môle, seigneur de Collobrières, tandis que la capitainerie de la forteresse est confiée en 1582 à Honoré-Melchior Gasqui, originaire de Manosque. Ce dernier devient finalement marquis de Brégançon en 1619, et cette terre reste dans la famille de Gasqui jusqu'en 1660, date à laquelle elle est rachetée par Louis de Cornis-Beaurecueil. Toutefois, si le marquisat reste en dehors du domaine de la Couronne jusqu'en 1666, il reste un point stratégique et une garnison royale y est installée en 1593, tandis que le duc Charles Ier de Guise, nommé gouverneur de Provence, s'y installe en 1624 pour organiser la lutte contre les pirates barbaresques.

C'est vers 1635, alors que la France s'engage dans la guerre de Trente Ans contre l'Espagne, que le cardinal de Richelieu décide de réorganiser la défense des côtes toulonnaises et hyéroises et des îles environnantes : c'est à cette époque que l'actuel fort de Brégançon est construit.

Revenu au domaine royal en 1666, le marquisat de Brégançon est racheté en 1714 par un sieur issu de la noblesse de robe, conseiller au Parlement d'Aix-en-Provence, Louis-Hercule de Ricard. Les de Ricard restent marquis de Brégançon jusqu'à la Révolution française. Le fort de Brégançon continue à accueillir une garnison royale et est séparé du marquisat en 1786, tandis que la presqu'île et les terrains alentours ne vont pas cesser de changer de main au cours du XVIIIe siècle : acquis par un certain Alexandre Pateron en 1775, ils sont rachetés en 1786 par le sieur Rouard, originaire de Carpentras, qui fait défricher la presqu'île, y plante des vignes et la reboise et y fait construire une maison d'habitation appelée « Château Rouard ».

Durant la Révolution française, la garnison du fort intervient d'abord en 1789 pour protéger les possessions de la marquise de Ricard qui sont attaquées par les paysans. Plus tard, en 1791, les armes de la garnison sont prises par le Club des Jacobins d'Hyères. Le fort attire à partir de 1793 l'attention de Bonaparte, nommé inspecteur des côtes après la prise de Toulon aux royalistes le 18 décembre 1793 (il y séjourne d'ailleurs durant l'hiver 1793-1794). Ainsi, une fois devenu premier consul en 1799, il le fait réparer et doter d'une importante artillerie, puis, après son sacre comme empereur, il fait renforcer sa garnison en 1805 par l'installation d'une compagnie de vétérans impériaux.

Il reste par la suite une forteresse militaire, le ministère de la Guerre entreprenant notamment des travaux après la guerre franco-allemande de 1870, sans toutefois toucher à l'aspect extérieur de l'édifice, afin d'y installer des pièces d'artillerie moderne et un magasin à poudre. Il est encore occupé par une petite garnison durant la Première guerre mondiale, avant d'être déclassé en 1919. Il est classé comme site pittoresque en décembre 1924. Resté propriété de l'État, il est néanmoins loué entre 1924 et 1963 à des particuliers, dont le dernier fut Robert Bellanger, ancien député, ancien sénateur d'Ille-et-Vilaine et ancien sous-secrétaire d'État à la Marine en 1930. À l'issue du bail de ce dernier, l'État récupére le bâtiment dans un état de délabrement important, celui-ci entreprend de le restaurer et de l'aménager tout en conservant son aspect extérieur primitif.

Finalement, le général de Gaulle y réside le 25 août 1964 lorsqu'il vient assister aux cérémonies commémorant le vingtième anniversaire du débarquement de Provence. S'il n'est pas séduit par le lieu, il est convaincu de l'utilité du fort par le député-maire de Saint-Raphaël René-Georges Laurin, et le fait réaménager, pour un coût de 3 millions de francs. Un arrêté du 5 janvier 1968 affecte Brégançon à titre définitif au ministère des Affaires culturelles afin qu'il serve de résidence officielle au président de la République française, notamment en lieu de villégiature. C'est Pierre-Jean Guth, architecte de la Marine nationale et lauréat du prix de Rome qui aménagea le fort en résidence tout en préservant ce qui restait de la forteresse originelle.


Résidence officielle de la présidence de la République

Visites officielles

Les présidents et Brégançon

  • Charles de Gaulle : le général est le premier président de la République française à avoir dormi au fort de Brégançon. Le 25 août 1964, il se rend à Toulon pour présider le 20e anniversaire du débarquement en Provence. Le fort n'était alors pas résidence de la République et dut être rapidement aménagé pour la circonstance. Pour des raisons de sécurité, le général doit dormir dans une petite forteresse militaire. Il passe une mauvaise nuit ; il jure qu'il n'y remettra plus jamais les pieds. Mais il a tout de même salué la noblesse de ce site accueillant.
  • Georges Pompidou et Claude Pompidou sont vraiment les premiers locataires du fort. Ils s'y installent dès l'élection du président et ils y séjournèrent à plusieurs reprises, en août 1969 et durant les étés 1970 et 1971 notamment. Pendant leurs séjours, ils sont très réservés. Claude Pompidou fait installer de nouvelles décorations dans le fort (fauteuils modernes en cuir blanc, tables en plexiglas, sculptures abstraites, bois africain et acier scandinave).
  • Valéry Giscard d'Estaing est, sans doute l'un des seuls présidents de la Cinquième République à s'être senti bien à Brégançon. Il y passe plusieurs jours par an avec son épouse à partir de 1976 : une semaine pendant l'été, deux jours à la Pentecôte et un week-end en hiver. Anne-Aymone Giscard d'Estaing y fait creuser une terrasse à même la roche et y installe des transats. Quand il descend de Paris pour se rendre au fort prendre des vacances, il s'y rend seul, avec son épouse sans chauffeur personnel. Il permet aux journalistes de le photographier. Il y donne également une interview télévisée le 26 février 1978 dans le cadre de la campagne des élections législatives.
  • François Mitterrand est le président à s'être le moins rendu au fort après de Gaulle, qui n'y a passé qu'une nuit. Quand Jacques Chirac est nommé Premier ministre, François Mitterrand se rend au fort, non pas pour y prendre des vacances, mais pour se cacher des manifestations. Quand les journalistes lui posent des questions sur ces manifestations, il y répond mais les invite aussi à prendre un verre dans la petite maison du fort. Il y organise également sa dernière conférence de presse en tant que président de la République en avril 1995. Toutefois François Mitterrand n'a jamais caché qu'il préférait sa maison des Landes à Brégançon.
  • Jacques Chirac, ne s'est jamais senti à l'aise à Brégançon. Il trouve qu'il n'y a pas « plus de liberté » que dans un hôtel. Mais il y viendra souvent, notamment avec son petit-fils, Martin Rey-Chirac, durant les vacances de Pâques et pendant l'été.
  • Nicolas Sarkozy s'est rendu à quatre reprises dans le fort, toujours avec son épouse Cécilia. Mais depuis quelque temps, il se rend dans la propriété familiale des Bruni Tedeschi, co-propriété de sa nouvelle épouse, Carla Bruni-Sarkozy, dans la commune voisine du Lavandou.

Organisation de la Résidence

Il s'agit donc d'un fort qui a conservé son aspect d'origine, du XVIIe siècle, composé de deux tours (le donjon et la tour ouest) et un corps de bâtiment, agrémenté d'un belvédère dominant la falaise du rocher et la plage privée de la résidence. Il comporte également une piscine, un héliport et un jardin.

La sécurité est assurée par deux pelotons de gendarmerie, deux équipes de la garde républicaine qui y séjournent en permanence, un patrouilleur et un autre navire de la Marine nationale lorsque le président y est.

Références

  1. Présentation du fort sur le site de la commune de Bormes-les-Mimosas
  2. D. Frémy, Quid des présidents de la République... et des candidats, éd. Robert Laffont, 1987.
  3. Chronologie des seigneurs de Fos

Voir aussi

Liens internes

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