Philippe Emmanuel de Mercœur

Philippe Emmanuel de Mercœur

Philippe-Emmanuel de Lorraine

Portrait extrait de l'Atrium heroicum Caesarum, 1600–1602

Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur et de Penthièvre, marquis de Nomeny, Baron d'Ancenis, gouverneur de Bretagne, né à Nomeny (Lorraine) le 9 septembre 1558, mort à Nuremberg le 19 février 1602, est le dernier ligueur rallié à Henri IV. Il est le fils du prince Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont, à l'époque régent des duchés de Lorraine et de Bar pour son neveu Charles III et de Jeanne de Savoie-Nemours.

Sommaire

Biographie

Philippe-Emmanuel de Lorraine, marquis de Nomeny, puis duc de Mercoeur et de Penthièvre, pair de France, prince du Saint-Empire et de Martigues, est issu du deuxième mariage (1551) de Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont, baron puis duc de Mercoeur (1524-1577) avec Jeanne de Savoie-Nemours (1532-1568), fille de Philippe de Savoie, duc de Nemours, et de Charlotte d'Orléans-Longueville.

Il est donc un membre de la Maison de Lorraine - "maison souveraine et d'illustre ascendance" qui se glorifie de ses aïeux, prétendus (Charlemagne, Godefroy de Bouillon) comme avérés (Henri de Lorraine, René Ier de Lorraine, René II de Lorraine...)- dont les Guise, sont une branche établie en France où il disposent, alors, d'un immense pouvoir .

Par sa mère, il appartient à la Maison de Savoie, dont une branche s'est établie en France, recevra le duché de Nemours et qui se prétendait issue de la Maison de Saxe.

Les origines de la faveur royale d'un fils cadet de la maison de Lorraine

L’élévation du jeune marquis de Nomeny à la cour de France a été soudaine : en 1575, il sort de l’ombre à l’occasion du mariage de sa sœur aînée, Louise de Vaudémont, avec Henri III ; celle-ci joue désormais un rôle d’intermédiaire entre le roi et la Maison de Lorraine.

Le 12 juillet 1576, le mariage du duc avec Marie de Luxembourg (1562 † 1623), duchesse d’Étampes et de Penthièvre, héritière de la vicomté de Martigues, lui procure un important patrimoine, notamment en Bretagne. En effet, il hérite, par sa femme, de prétentions sur le duché de Bretagne (pourtant définitivement rattaché à la Couronne de France en 1532) et devient à son tour chef de lignage.

Conseillé par son oncle maternel le duc de Nemours, il fait ses premières armes lors des sixième et septième guerres de religion (bataille de Dormans en octobre 1575, sièges d’Issoire en juin 1577, de Brouage en juin-août 1577, et de La Fère en août-septembre 1580).

Devenu duc de Mercoeur à la mort de son père (mars 1577), son appartenance à la belle-famille du roi facilite également son intégration à la cour.

Henri III se montre généreux à l’égard de son beau-frère : Mercœur est confirmé dans son titre de duc et pair en 1576, agrégé à la première promotion des chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit en 1579 et élevé au rang de prince de Martigues en 1580 ou 1582. Sa carrière atteint son apogée le 5 septembre 1582 lorsqu’il est nommé gouverneur de Bretagne par Henri III. Il y séjourne le plus souvent.

Sa faveur est alors jugée démesurée par ses détracteurs. Ses défaites et ses fuites dans les campagnes de 1585, 1587 et 1588 contre les protestants, ont parallèlement assis sa réputation de piètre guerrier (il est surnommé le « duc de Recule » par Brantôme).

La Ligue

Jusqu’en 1588, Philippe-Emmanuel de Lorraine adopte une attitude d’obéissance envers Henri III. Son adhésion à la Ligue est pourtant perceptible dès 1584. La crise de succession ouverte à la mort du duc d’Anjou, héritier du trône, le pousse à se créer une politique particulière en Bretagne, aux côtés de ses cousins les Guise.

Il profite largement des troubles ligueurs et des conditions du traité de Nemours (7 juillet 1585), sans toutefois s’aliéner ouvertement le roi. Le calcul politique et les ambitions personnelles (se maintenir dans la faveur du roi contre les Mignons) n’excluent pas pour autant la sincérité de sa Foi dans sa lutte contre les Réformés. Il envahit et ravage le Poitou en 1587.

Il assiste aux États généraux de Blois en 1588. Après l'assassinat du duc de Guise et de son frère, le cardinal de Guise en 1588, toute la famille est mis en état d'arrestation, mais, prévenu par sa sœur, la reine Louise, il s'échappe et se réfugie en Bretagne.

Lorsqu'Henri IV devient roi de France, le duc de Mercœur se met à la tête de la Ligue Bretonne, songeant même à rétablir la souveraineté de cet ancien duché, sa femme étant descendante de Jeanne de Penthièvre. Il se proclame également "Protecteur de l’Église catholique et romaine" dans cette province.

À la mort d’Henri III, invoquant les droits héréditaires de sa femme, « La belle Nantaise », sur la Bretagne, il établit un gouvernement indépendant à Nantes et titre son fils « prince et duc de Bretagne ». Il tient une véritable cour à l’hôtel de Briord et fait fortifier le quartier du Marchix. Les croix de Lorraine du château des Ducs ont été sculptées à son initiative.

Philippe II d'Espagne, qui soutient et finance la Ligue, lui envoie des troupes en Bretagne (qui occupent la presqu’île de Crozon ainsi que le Blavet) commandées par Don Juan d’Aguila. Les Espagnols battent à Craon (1592) le duc de Montpensier que Henri IV avait envoyé contre lui, mais les troupes royales, renforcées par des contingents anglais, récupérèrent l’avantage.

Le roi marche en personne contre le duc de Mercœur et reçoit sa soumission à Angers le 20 mars 1598 - après la défection de Philippe II qui a signé la Paix de Vervins - en échange des fiançailles de sa fille Françoise de Mercoeur (1592-1669) avec César de Bourbon, duc de Vendôme, bâtard que Henri IV a eu de Gabrielle d’Estrées.

Pour sceller cette reddition, Henri IV choisit Nantes pour signer le fameux Édit, le 13 avril 1598. Le roi accorde son pardon à Gabriel de Goulaine et aux principaux lieutenants du duc de Mercœur : Quinipilly, Aradon, Saint-Laurent et Carné. L’article 6 du traité de soumission donnait la possibilité aux gens de guerre de rejoindre l’armée royale.

Le duc de mercoeur mourut en 1602 à Nuremberg où il était aller combatttre les turcs, mais le mariage de sa fille n'eut lieu que le 7 juillet 1608. La duchesse-douairière de Mercœur s’y opposa longtemps, ne pouvant se résoudre à confondre « son noble sang avec celui d’un bâtard, fût-il de sang royal », mais les sommes payées par Henri IV pour la soumission (4 295 350 livres, évaluées par Sully) et l'absence de soutien qu'elle trouva parmi ses proches eurent sans doute raison de ses résistances

Guerre contre les Ottomans

« Ayant acquis pendant ses guerres force écus, il les alla employer pour la guerre d’Hongrie où il alla en personne avec de belles troupes, où il fit si bien qu’il en fut envié des Allemands, car il les surpassait tous en l’art de la guerre. » (Brantôme)

De sa propre initiative, il participa à une première campagne en 1599, où il défendit Strigonie (actuelle Ezstergom).

Avec son frère, le comte de Chaligny, le duc de Mercœur entra alors au service de l’empereur Rodolphe II, qui lui offrit, avec l’accord d’Henri IV, la charge de lieutenant-général des armées impériales en Hongrie pour combattre les Turcs. Il s’empare d’Albe-Royale (Alba-Regia, aujourd’hui Székesfehérvár, située entre Budapest et le lac Balaton) en 1601, ville où « autrefois les roys d’Hongrie estoient couronnez et ensepulturez. »

Inquiété par les succès du duc de Mercœur, Mehmed III avait entrepris en mars 1601 une démarche auprès de Henri IV pour le rappeler : « Le roi demanda à l’envoyé de Mahomet III pourquoi les Turcs craignaient tant ce duc : « C’est, dit-il, qu’entre les prophéties que les Turcs croient, il y en a une qui porte que l’épée des Français chassera les Turcs de l’Europe et renversera leur empire, et que, depuis que le duc de Mercœur combattait contre les Turcs, tous les bachas l’appréhendaient. Le roi lui dit alors que le duc de Mercœur était, à la vérité, son sujet, mais qu’il était prince de sang de la maison de Lorraine, qui n’appartient pas à la couronne de France, mais de Lorraine et qu’il ne fait la guerre que comme vassal de l’Empire, et qu’étant chrétien il ne peut point empêcher qu’il serve l’empereur » (Pierre de L'Estoile).

Le plus puissant soutien du duc de Mercœur dans sa guerre contre les Turcs fut le capucin saint Laurent de Brindisi (1559-1619), envoyé par le pape Clément VIII à l’empereur Rodolphe II qui le fit aumônier des troupes impériales :

« Il avoit tousjours en son armée des Peres capucins, lesquels portant une grande croix, non seulement animoient les soldats, mais aussi après la confession generale, que tous les catholiques faisoient en signe de contrition, ils leur donnoient la saincte benediction. »

Le duc de Mercœur mourut de fièvre maligne (ou « pourprée ») le 19 février 1602, à Nuremberg, à l’âge de 43 ans. Son corps fut ramené à Nancy et enterré,le 30 avril 1602 dans le chœur de l’église des Cordeliers, à côté de ceux de son père Nicolas et de son frère, le cardinal de Vaudémont et des ducs de Lorraine, ses ancêtres.

Le samedi précédent, 27 avril 1602, « fut fait le service du duc Mercœur, dans la grande église Notre-Dame, à Paris, avec les pompes et solennités accoutumées, où François de Sales, soit-disant évêque de Genève, prononça l’oraison funèbre avec un grand apparat, et le louangea hautement et magnifiquement » (L’Estoile).

Mariage et enfant

Il épouse à Paris en 1576 Marie de Luxembourg (1562 † 1623), duchesse de Penthièvre, fille de Sébastien de Luxembourg, duc de Penthièvre, et de Marie de Beaucaire, et eut :

Sources et bibliographie

Sources imprimées

  • Pierre Biré, Alliances généalogiques de la Maison de Lorraine, S.I, 1593, 2 parties en un vol., in-fol.
  • Pierre de L'Estoile, Mémoires-Journaux de Pierre de L’Estoile, eds. G. Brunet, A. Champollion, E. Halphen, P. Lacroix, C. Read, T. de Larroque et E. Tricotel, Paris, 1875-1896, 12 vol.
  • Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur, « Lettres inédites de Philippe-Emmanuel de Mercœur », dans Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine, 1862, p. 296-305.
  • Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur, Correspondance du duc de Mercœur et des Ligueurs bretons avec l’Espagne, éd. G. de Carné, Nantes, Société des Bibliophiles bretons, 1899, 2 vol.
  • Nicolas de Montreux, Heureuse et entière victoire obtenue sur les ennemis de Dieu à Cran, par le prince Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, Nantes, 1592.
  • Nicolas de Montreux, Histoire universelle des guerres du Turc, depuis l’an 1565 jusques à la trefve faicte en l’année 1606…avec les exploicts et hauts faicts d’armes de Philippe-Emanuel de Lorraine, duc de Mercœur, Paris, 1608.
  • Jean Moreau, Histoire de ce qui s’est passé en Bretagne durant les guerres de la Ligue, et particulièrement dans le diocèse de Cornouaille, éd. M. Le Bastard de Mesmeur, Brest, 1857.
  • Jean Moreau, Mémoires du chanoine Jean Moreau sur les guerres de la Ligue en Bretagne, éd. Henri Waquet, Quimper, Archives du Finistère, 1960.
  • François de Sales, Oraison funèbre de Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, Paris, éd. Rolin Thierry et Eustache Foucault, 1602, In-8°.
  • Pierre Thomas-Lacroix, « Lettres inédites du duc de Mercœur (1582-1589) », dans Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1981, t. 108, p. 37-48.

Bibliographie

  • Comte Baguenault de Puchesse, « Le Duc de Mercœur et Henri III », dans Bulletin historique et philologique 1909, Paris, 1910.
  • Jean-Chrysostome Bruslé de Montpleinchamp, L’Histoire de Philippe-Emanuel de Lorraine, Cologne, éd. Pierre Marteau, 1689, in-12.
  • Marc Fardet, « Nantes au temps de la Ligue. La lutte contre les protestants au sud de la Loire sous le gouvernement du duc de Mercœur (1582-1598) », dans Revue du Bas-Poitou, 1969, a. 80, n° 1, p. 31-51 ; n° 2, p. 117-28.
  • Antoine Favé, « Le Duc de Mercœur (Mémoire à consulter) », dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, S.I.n.d., in-8°, t. XVIII, p. 269-285.
  • Jean-Antoine Favé, Le dernier des Ligueurs. Essai critique sur Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, Brest, 1882.
  • Louis Grégoire, La Ligue en Bretagne, Paris, Nantes, 1856.
  • Jacques Hennequin, « L’héroïsation du duc de Mercœur dans l’Histoire de Filipe Emanuel de Mercœur de Bruslé de Montpleinchamp », dans Mémoires de l’Académie de Metz 1974 (1973), a. 154, sér. 6, t. 1, p. 109-127.
  • Jacques Hennequin, « Le duc de Mercœur d’après son oraison funèbre par François de Sales » dans Héroïsme et création littéraire sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII, Colloque de Strasbourg 1973, Paris, Klincksieck, 1974, p. 183-194.
  • Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne…enrichie d’une dissertation…et de notes…par Dom Morice…continuée par Dom Taillandier, Guingamp, 1835-1837, 20 vol. et un atlas.
  • Frédéric Joüon des Longrais, « Le duc de Mercœur, d’après des documents inédits », dans Mémoires de la section archéologique de l’Association bretonne, Saint-Brieuc, éd. R. Prud’homme, 1895, in-8°.
  • Claude Michaud, « D’une croisade à l’autre, ou de François de La Noue au duc de Mercœur », dans Le traité de Vervins, dir. Labourdette, Poussou, Catherine-Vigual, Presses universitaires de la Sorbonne, 2000, p. 457-472.
  • Claude de Rosnyvinen, marquis de Piré, Histoire particulière de la Ligue en Bretagne, Paris, 1739, 2 vol.
  • Barthélémy Pocquet, Histoire de Bretagne. La Bretagne province, 1515-1715, t.5, Mayenne, 1985.
  • Charles-Louis Taillandier, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, composée sur les auteurs et les titres originaux…enrichie d’une dissertation sur l’établissement des Bretons dans l’Armorique et de plusieurs notes critiques, Paris, 1750-1756, 2 vol. ; t. 1 « Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne…enrichie d’un catalogue des évêques de Bretagne et d’un nouveau supplément de preuves par Dom Charles Taillandier » ; t. 2.

Sources

  • François de Sales, Oraison funèbre de Philippe-Emmanuel, duc de Mercœur et de Penthièvre, introduction par Pierre-Olivier Combelles, éditions Saint-Rémi, Cadillac, 2006.
  • Georges Poull, La maison ducale de Lorraine, 1991 [détail des éditions]
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duc de Mercœur
1577-1602
Françoise
et César
Sébastien de Luxembourg
duc de Penthièvre
1576-1602
avec Marie de Luxembourg

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