Anna Akmatova

Anna Akmatova

Anna Akhmatova

Portrait d'Anna Akhmatova par Kouzma Petrov-Vodkine, 1922

Anna Akhmatova (en russe : Анна Ахматова ; 23 juin 18895 mars 1966) est le nom de plume d'Anna Andreïevna Gorenko (en russe : Анна Андреевна Горенко), une des plus importantes poétesses russes du XXe siècle. Égérie des acméistes, surnommée la « reine de la Neva » ou « l'Âme de l'Âge d'Argent », Anna Akhmatova demeure aujourd'hui encore l'une des plus grandes figures féminines de la littérature russe.

L'œuvre d'Akhmatova se compose aussi bien de petits poèmes lyriques, genre qu'elle contribue à renouveler, que de grandes compositions poétiques, comme Requiem, son sombre chef-d'œuvre sur la terreur stalinienne. Les thèmes récurrents de son œuvre sont le temps qui passe, les souvenirs, le destin de la femme créatrice et les difficultés pour vivre et pour écrire dans l'ombre du stalinisme.

Sommaire

Biographie

La jeunesse

Anna Akhmatova en 1914

Akhmatova est née à Bolchoï Fontan, près d'Odessa, troisième des six enfants d'un père ingénieur de marine. Dès 1890, la famille s'installe à Tsarskoïe Selo, où Anna reste jusqu'à l'âge de 16 ans. Elle grandit dans un milieu aisé, apprend très tôt le français à Tsarskoïe Selo. Elle écrit de la poésie dès l'âge de 11 ans, inspirée par ses poètes favoris : Evguéni Baratynski et Pouchkine. Son père craignant pour la réputation de son patronyme, elle prend le pseudonyme d'Akhmatova du nom d'origine tatare de sa grand-mère.

Dessin d'Anna Akhmatova par Modigliani, 1911

Après la séparation de ses parents en 1905, elle vit avec sa mère et ses frères et sœurs puis entreprend des études de droit dans une école pour filles de la bonne société à Kiev. Au cours de ses études, elle rencontre le poète Nikolaï Goumilev qu'elle finit par épouser en 1910, après qu'il lui a fait une cour assidue. Le couple passe son voyage de noces à Paris, après quoi Nicolaï délaisse sa jeune épouse pour voyager en Afrique. Pendant deux ans, Anna voyage dans le nord de l'Italie et à Paris, où elle rencontre entre autres Amedeo Modigliani - ses dessins de la poétesse sont depuis devenus célèbres - et assiste aux premiers succès de la tournée des Ballets russes en Europe occidentale. De ces voyages, elle restera profondément marquée par l'architecture de l'Italie. De son mariage avec Goumilev, elle aura un fils, Lev Goumilev qui deviendra un des plus importants historiens russes, initiateur du « néo-eurasisme ».

L'« Âge d'Argent »

Nikolaï Goumilev, Lev Goumilev et Anna Akhmatova en 1916

Akhmatova, Ossip Mandelstam et Goumilev, qui a créé le mouvement, deviennent les animateurs de l'acméisme, rompant avec le symbolisme, privilégiant la simplicité et la concision dans la langue et sont bientôt rejoints par d'autres auteurs. Contrairement aux réunions ésotériques des symbolistes, les réunions des acméïstes ressemblent davantage à des séminaires où éprouver, entre autres, de nouvelles techniques d'écriture. Outre chez Alexandre Pouchkine, Anna Akhmatova puise son inspiration chez Innokenti Annenski, un précurseur de l'acméisme, chez Paul Verlaine ou encore le jeune Vladimir Maïakovski.

Après avoir repris des études de littérature à Saint-Pétersbourg, elle publie son premier recueil intitulé Le Soir en 1912 qui connaît un grand succès. Avant que le recueil suivant, Le Rosaire, ne paraisse en 1914 des milliers de femmes s'étaient mises à composer des poèmes à la manière d'Anna Akhmatova. Ses premières œuvres décrivent habituellement un homme et une femme impliqués dans les moments les plus intenses et les plus ambigus de leurs rapports. De telles pièces ont été beaucoup imitées et plus tard parodiées par Vladimir Nabokov et d'autres. Cette réussite a poussé Akhmatova à s'exclamer : « J'ai appris à nos femmes comment parler mais ne sais pas comment les faire taire ».

Elle se lie d'amitié, parfois plus, avec de nombreux artistes de l'époque, tels Alexandre Blok, Boris Anrep, etc. Ses manières aristocratiques et sa rigueur artistique l'ont fait apprécier au sein du cercle des acméistes qui l'honorent des titres de « Reine de la Neva » et d'« Âme de l'Âge Argenté », nom sous lequel sera connue cette période dans l'histoire de la poésie russe. Plusieurs décennies plus tard, Anna se rappellera cette période bénie de sa vie dans le plus long de ses travaux, la Poésie sans héros (1940-65), inspiré par l'Eugène Onéguine de Pouchkine.

Les années noires

Le recueil suivant La Foule Blanche paraît en 1917 mais sa diffusion souffre des évènements de l'époque. En 1918, elle divorce de Goumilev pour se remarier avec l’assyriologue Vladimir Chileïko dont elle se séparera en 1921, puis avec l'historien et critique d'art Nikolaï Pounine. Elle refusera par la suite les propositions d'union de Boris Pasternak.

Les nouvelles autorités jugeant ses travaux « socialement trop peu pertinents », Akhmatova est condamnée comme élément bourgeois et sa poésie interdite de publication dès 1922 et pour plus de trente ans. Akhmatova gagne difficilement sa vie en traduisant Victor Hugo, Rabindranath Tagore ou Leopardi et en éditant des essais, y compris quelques essais brillants sur Pouchkine dans des revues spécialisées. Néanmoins, ses œuvres ne cesseront jamais de circuler sous le manteau.

Nikolaï Goumilev, qui n'avait jamais fait mystère de son anti-communisme, est arrêté par la Tcheka sous prétexte qu'il était monarchiste, dans ce qui constitue, pour beaucoup d'historiens, la première affaire montée de toutes pièces par les services secrets des soviets.[réf. nécessaire] Il sera fusillé en août 1921. Tous les amis et proches d'Akhmatova qui n'ont pas émigré sont réprimés, déportés ou exécutés. Nikolaï Pounine sera arrêté en 1935 et mourra dans les camps staliniens en 1953. Son fils sera, lui, arrêté pour la première fois et déporté en 1938. Akhmatova refusera toujours d'émigrer, considérant que ce serait une trahison envers sa langue et sa culture.

La Grande guerre patriotique permet de voir ses oeuvres à nouveau publiées : en 1940 elle devient membre de l’Union des écrivains soviétiques et ses poésies paraissent mensuellement dans la revue Zvezda. Elle témoigne du siège de Léningrad. Son poème Courage sera publié en 1942 à la une de la Pravda. Mais, dès la fin du conflit, victime du jdanovisme artistique, elle est radiée de l'Union des écrivains dès 1946 pour érotisme, mysticisme et indifférence politique et n'arrive plus à publier officiellement. À son sujet, Jdanov écrivait qu'elle était « une nonne ou une putain, ou plutôt à la fois une nonne et une putain qui marie l'indécence à la prière ».

Cependant, ses poésies ne cesseront jamais de se diffuser de manière clandestine par le bouche à oreille et dans les samizdats. Quelques poésies à la gloire de Staline paraissent dans l'hebdomadaire Ogonyok dans les années 1950, qui ont été composées pour gagner la libération de son fils, exilé en Sibérie. Lev, qui s'est battu dans l'armée de l'air durant la guerre, a en effet été de nouveau arrêté en 1949 et condamné à 15 ans de travail forcé. Il sera libéré en 1956.

La lente réhabilitation

Après la mort de Staline, Akhmatova sera lentement réhabilitée et réapparaîtra progressivement sur la scène littéraire soviétique. C'est alors qu'elle poursuit la composition de ses ouvrages les plus importants, Poèmes sans héros et Requiem, des œuvres en l'hommage des victimes de la terreur stalinienne. Une édition censurée de son travail est éditée, qui fait évidemment l'impasse sur Requiem.

Quand le poète Robert Frost la visite dans sa datcha en 1962, elle écrit : J'ai tout eu - la pauvreté, les voies vers les prisons, la peur, les poèmes seulement retenus par cœur, et les poèmes brûlés. Et l'humiliation, et la peine. Et vous ne savez rien à ce sujet et ne pourriez pas le comprendre si je vous le racontais.... En 1964, elle est autorisée à sortir d'URSS pour recevoir un prix de poésie de Taormina et elle est faite docteur honoris causa de l'université d'Oxford. Sa datcha de Komarovo est fréquentée par Joseph Brodsky et d'autres jeunes poètes.

Deux ans avant sa mort, à l'âge de 75 ans, elle est nommée à la présidence de l'Union des écrivains. Décédée à Domodedovo près de Moscou en 1966, elle ne verra pas la publication intégrale d'une œuvre parue en 1986 à Moscou.

Œuvre

L'ouvrage récent le plus complet en français est le numéro spécial de la Revue de Belles-Lettres "Anna Akhmatova", Genève, Éditions Zoé, 1996; 1-3. Le livre contient des traductions inédites de 70 poèmes, de deux études d'Akhmatova sur Pouchkine, des études sur Anna Akhmatova et ses contemporains (Pasternak, Ossip Mandelstam, Marina Tsvetaiéva), sur Akhmatova et Modigliani, Akhmatova et Isaiah Berlin, Akhmatova et le formalisme russe, etc. A paru un remarquable ensemble en 2007 dans la collection Poésie/Gallimard, grâce à Jean-Louis Backès.

Bibliographie

  • Une Anthologie, collection Orphée/éd. La Différence, 1995
  • En route par toute la terre, éd. Alidade, 1995
  • Œuvres choisies en 2 volumes, éd. Globe 1998
  • Poèmes (bilingue), éd. Globe 2000
  • Le vent de la guerre, La lune au Zénith, Mort , éd. Harpo, traduction Christian Mouze , 2003
  • Requiem (bilingue, trad. Paul Valet), Éd. de Minuit, 1987
  • Requiem, éd. Farrago, 2005
  • Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, présentation et traduction de Jean-Louis Backès, Poésie/Gallimard, 2007

Voir aussi

Anna Akhmatova vue par les peintres.

  • Anna Akhmatova par Nathan Altman de 1914, musée russe de Saint-Pétersbourg. [1]
  • Nus de Anna Akhmatova par Modigliani de 1911, encre sur papier; collection privée et musée Anna Akhmatova.[2]
  • Portrait par Nikolai Tyrsa de 1928, Musée russe de Saint-Pétersbourg.[3].
  • Portrait d'Anna Akhmatova par Kouzma Petrov-Vodkine de 1922, musée russe de Saint-Pétersbourg.[4].

Liens externes

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