Affaire des otages du Liban

Affaire des otages du Liban

L'affaire des otages au Liban commence en 1985, par l'enlèvement de deux diplomates français par le Hezbollah (voir aussi Liste des otages du Hezbollah au Liban) et se termine par leur libération en 1988. Selon la journaliste Dominique Lorentz, elle aurait été intimement liée au règlement du contentieux nucléaire franco-iranien autour du consortium Eurodif[1].

Sommaire

L'affaire

Il est dix heures et demie, ce jeudi 5 mai 1988, quand les trois derniers otages français du Liban, Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine, libérés la veille à Beyrouth après trois ans de captivité, arrivent à l’aéroport de Villacoublay où ils sont accueillis par Jacques Chirac et Charles Pasqua.

C’est la fin d’un cauchemar pour les trois hommes et leurs familles, et l’aboutissement d’une longue bataille à laquelle ont participé les autorités françaises de tous bords, mais aussi la presse et les Français qui ont été nombreux à manifester pour leur libération.

Marcel Fontaine et Marcel Carton, tous deux diplomates, ont été enlevés le 22 mars 1985 à Beyrouth, Jean Paul Kauffmann, journaliste, deux mois plus tard alors à son arrivée dans la même ville où il vient faire un reportage. Selon le journaliste Dominique Lorentz, ces enlèvements et la libération éventuelle des otages entraient dans le cadre du contentieux entre Paris et Téhéran concernant le consortium d'enrichissement d'uranium Eurodif[2],[1].

Il est, au moment de son enlèvement sur la route de l’aéroport en compagnie du chercheur Michel Seurat, enlevé avec lui et qui devait mourir en captivité en mars 1986. Tous ces enlèvements sont revendiqués par l’organisation intégriste libanaise du Djihad islamique qui exige la fin de l’aide française à l’Irak alors en guerre contre l’Iran.

D’autres enlèvements suivent en 1986 : en mars, c’est le tour d’une équipe d’Antenne 2 qui vient de filmer une manifestation du Hezbollah. Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa et Jean-Louis Normandin. Les deux premiers sont libérés en juin, Aurel Cornéa en décembre de la même année et Jean Louis Normandin le 27 novembre de l’année suivante, en même temps qu’un autre journaliste, Roger Auque, enlevé en janvier 1987. Entre-temps deux autres Français ont été enlevés et libérés à Beyrouth : Camille Sontag et Marcel Coudari.

Après la libération de Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine, restent encore aux mains de divers groupes terroristes les passagers d’un bateau de plaisance, le Silco, dont la Française Jacqueline Valente et ses filles, et quinze otages étrangers dont huit Américains.

En février 1989, à la veille d’une visite à Téhéran du ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, Anis Naccache, condamné à perpétuité pour la tentative d'assassinat de l'ancien premier ministre iranien Chapour Bakhtiar, demandait à Téhéran de « rappeler à la France ses engagements », reliant sa libération à celle des otages restant[3]. Il est libéré et expulsé aux côtés de quatre autres terroristes iraniens en juillet 1989[3].

Rebondissement

Le 13 janvier 2002, à quelques semaines de l’élection présidentielle, une note de la DST, mystérieusement rendue publique (après un article de L'Est républicain), indique que la libération des otages français au Liban (1985-1988) avait fait l'objet d'un paiement de rançon, ainsi que d'un système de "rétro-commissions" qui aurait profité à Jean-Charles Marchiani et Charles Pasqua.

Les dirigeants de l'époque ainsi que les otages libérés rétorquent qu'il n'y a pas eu de paiement de rançon. Cette réponse "officielle" est bien compréhensible, les pouvoirs politiques préférant éviter de susciter de nouvelles vocations de preneurs d'otage. Mais, les choses pourraient s'être passées différemment.

Cette note - qui est à l'origine d'une information judiciaire ouverte et confiée à la juge d'instruction Isabelle Prévost-Desprez - ne s'attarde pas réellement sur le paiement d'une hypothétique rançon, mais détaille plutôt un système de "rétro-commissions" qui y serait lié. Selon cette note, publiée par Le Monde, le circuit est le suivant : des versements en provenance d'un compte suisse, dont l'homme d'affaires libanais Iskandar Safa est le titulaire, étaient faits sur deux comptes français. Puis, les sommes étaient retirées par des proches de Safa et apportées à l'association France Orient, où elles étaient réceptionnées par Jean-Charles Marchianni ou sa secrétaire. Sur l'année 2000, les versements qui ont pu être retracés avoisineraient les 850 000 F !

Iskandar Safa, ainsi que son frère, avait à l'époque permis d'identifier et de mieux comprendre l'influence de certains dignitaires iraniens sur les ravisseurs libanais, et aurait été rémunéré pour ce travail. Il fait aujourd'hui l'objet d'un mandat d'arrêt international, et dans un entretien accordé au Monde, il confirme la position « officielle » selon laquelle il n'y aurait pas eu de versement de rançon. Cette défense est assez intelligente, car c'est l'État français lui-même qui lui fournit son alibi, en assurant qu'il n'y a eu à aucun moment paiement d'une rançon.

Dernier élément non négligeable et pourtant souvent « oublié par la presse ». Dans leur ouvrage intitulé Révélation$, Denis Robert et Ernest Backes expliquent comment le gouvernement de Ronald Reagan avait versé en 1981 une rançon pour la libération des otages américains en Iran. Celle-ci a été de 7 millions de dollars, sous la forme de valeurs mobilières (5 à prélever sur un compte de la Chase Manhattan Bank et 2 sur un compte de la Citibank) et a été versée à la Banque nationale d'Algérie, qui centralisait la rançon pour la reverser ensuite à une banque iranienne à Téhéran. Selon les auteurs, « des petits malins, autour de Reagan, avaient imaginé une liste de valeurs diverses pour égarer tout fouineur hypothétique. Ils avaient composé la rançon sur des avoirs éparpillés à travers le monde » dans des paradis fiscaux, c'était sans compter sur le système de clearing de la société Cedel, dans laquelle Ernest Backes travaillait, et qui centralisait les flux vers la banque algérienne. Un article de The Observer retrace d'ailleurs cette affaire, où là aussi, l’élection présidentielle constituaient le principal enjeu.

Les similitudes avec l'affaire des otages français du Liban sont troublantes. Si un juge décidait de demander officiellement à Clearstream (ex-Cedel) ou à son concurrent Euroclear les documents relatifs aux mouvements d'argents on pourrait hypothétiquement retrouver la trace du versement de cette rançon.

A qui profite le crime ?

La droite crie au scandale et affirme que c'est Jacques Chirac que l'on cherche à atteindre au travers de son ministre de l'Intérieur de l'époque. Charles Pasqua accuse même Lionel Jospin d'avoir créé un "cabinet noir", voué à déstabiliser la droite. Le Canard enchaîné « verrait bien l'intérêt de Jean-Pierre Chevènement, ou Philippe de Villiers, qui chassent sur les mêmes terres que Charles Pasqua », avant de conclure que « ni l'un ni l'autre ne disposaient des moyens nécessaires pour lancer pareil missile ».

Références

Bibliographie

  • Dominique Lorentz, Secret atomique, La bombe iranienne ou la véritable histoire des otages français au Liban, Les Arènes, 2002 (relie notamment cette affaire à celle du règlement du contentieux Eurodif, un consortium nucléaire duquel l'Iran était (et demeure) membre).

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Affaire des otages du Liban de Wikipédia en français (auteurs)

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