Balian d'Ibelin (mort en 1193)

Balian d'Ibelin (mort en 1193)
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Dessin du sceau de Balian d'Ibelin[1].

Balian d'Ibelin est né vers 1142-3[2] et mort en 1193[2].

Balian d'Ibelin est un noble influent du royaume de Jérusalem, membre de la maison d'Ibelin. Le nom de Balian vient d'une déformation du nom de Barisan par la prononciation en français du XIIe siècle. Balian d'Ibelin est parfois mentionné sous les noms de

  • Balian le jeune (du vivant de son père),
  • Balian de Rama, mais ce sont ses frères, puis l'un de ses neveux qui sont seigneurs de Ramla.
  • Balian de Naplouse[3].

Balian d'Ibelin est connu pour avoir assuré la défense de Jérusalem en 1187 et a participé à la Troisième croisade.

Sommaire

Biographie

Sa jeunesse

Armoiries de la maison d'Ibelin.

Balian d'Ibelin est le troisième fils de Balian le vieux d'Ibelin, seigneur d'Ibelin et de Rama, connétable du comté de Jaffa et d'Helvis (ou Alvis) de Rama.

En latin son nom est écrit Balian, Barisan, Barisanus, Balianus, Balisan, et Balisanus. Les sources arabes l'appellent : Balian ibn Barzan, qui se traduit par Balian fils de Barzan, ou Barisan. La date précise de sa naissance est inconnue, mais il est majeur en 1158, donc a 15 ans, alors que dans la première charte qui parle de lui en 1155, il ne l'est pas[2].

La seigneurie d'Ibelin (Yebna en arabe, Yavneh en hebreu) est un des arrières-fiefs du royaume de Jérusalem. Ses frères aînés sont Hugues et Baudouin. Leur sœur Ermengarde se marie avec Elinard de Bures, prince de Galilée et de Tibérias. Son père, Balian ou Barisan, à l'origine connétable d'Hugues II du Puiset, comte de Jaffa, avait refusé de suivre ce dernier dans sa révolte contre le roi et en a été récompensé par la main de Helvis, héritière de Rama, et la concession du château d’Ibelin.

À la mort de Hugues, le frère aîné de Balian, en 1170, Rama passe à Baudouin, qui lui donne Ibelin.

Seigneur d'Ibelin

Baudouin et Balian soutiennent Raymond III de Tripoli contre Miles de Plancy pour la régence pendant la minorité de Baudouin IV. Alors que Raymond III et une armée croisée attaquent des possessions de l'émir d'Alep, Saladin attaque le royaume de Jérusalem depuis le sud. Baudouin IV, accompagné de plusieurs seigneurs dont Renaud de Châtillon, seigneur d'Outre-Jourdain, Baudouin et Balian d'Ibelin, Renaud de Grenier, comte de Sidon, et Josselin III de Courtenay, l’oncle du roi, se précipite avec son armée à Ascalon pour la défendre; Saladin, constatant qu'il n'y a plus d'armée entre lui et Jérusalem, envahit et fait piller le pays. Rejoint par les Templiers d'Eudes de Saint-Amand, maître de l'Ordre du Temple, Baudouin IV en profite pour faire effectuer à son armée de cinq cents chevaliers et de quelques milliers de soldats un mouvement tournant et attaque par le flanc l'armée de Saladin, désorganisée par le pillage, et lui inflige une sévère défaite[4].

Au cours de cette même année, Balian épouse Marie Comnène, veuve du roi Amaury Ier, et reçoit la seigneurie de Naplouse, qui est le douaire de la reine Marie[5].

En 1183, il soutient Raymond III de Tripoli contre Guy de Lusignan, époux de Sibylle de Jérusalem, pour la régence durant la maladie de Baudouin IV le lépreux. Il est parmi les barons qui conseillent le couronnement de Baudouin V du vivant de Baudouin IV, afin d'empêcher que Guy de Lusignan (1159-1194) ne succède au roi. C’est Balian qui porte le fils de Sibylle, encore bébé, pendant la cérémonie. « Quand ils eurent ainsi arrangé leur affaire, le roi commande que l'on couronne l'enfant, on le mène au sépulcre et on le couronne. Il le fait porter dans les bras d'un chevalier jusqu'au temple du Seigneur, parce que l'enfant est petit, et que le roi ne veut pas qu'il soit au-dessous des autres. Le chevalier est grand et de belle taille, il a nom Balian d'Ibelin, et est un des barons du pays »[6].

Baudouin V devient roi en 1185, mais meurt l'année suivante, et Raymond choisit comme successeur Onfroy IV de Toron, qui refuse la couronne en faveur de Guy. Balian prête hommage à Guy de Lusignan à contrecœur, tandis que son frère Baudouin refuse de le faire. Ce dernier sait bien que s'il ne lui fait pas hommage, Guy saisira sa terre. « Quand Baudouin apprend qu'il lui faut faire hommage au roi Guy de Lusignan, il en est très meurtri, il vient devant le roi, mais ne le salue pas, et dit : Roi Gui, je vous fais hommage comme un homme qui ne veut pas tenir de terres de vous. C'est ainsi que Baudouin de Ramla fait son hommage au roi, mais il ne le baise pas. Il fait ensuite investir son fils de la terre, et lui fait faire son hommage, puis il s'en va et laisse à son frère Balian d'Ibelin, son fils à garder, ainsi que toute sa terre, puis prend congé et s'en va, ce qui est grand dommage pour le pays; mais les Sarrasins en sont fort joyeux, car ils le redoutaient, lui et son frère Balian, plus qu'aucun des barons du pays. Ses chevaliers lui font escorte jusqu'à ce qu'il soit hors du pouvoir du roi. Il prend congé de Balian son frère et des autres chevaliers, et s'en va au prince d'Antioche qui le reçoit très bien et est fort joyeux de sa venue, et lui donne autant de terres qu'il en avait laissées »[7].

La bataille de Hattin (1187)

Saladin sort de Tibériade, et vient offrir le combat à l'armée chrétienne. C'est la bataille de Hattin en 1187 L'important pour celle-ci est de traverser le défilé et de se rapprocher du lac, où l'on trouvera de l'eau, avec de la place pour combattre à l'épée. Quand tous les corps sont rangés en bataille, les fantassins, au lieu de soutenir les cavaliers, se retirent sur une colline, disant qu'ils sont accablés par la soif et n'ont plus la force de combattre. Les frères du Temple et de l'Hôpital, et tous ceux de l'arrière-garde se battent vigoureusement ; mais, accablés par la multitude des Sarrasins, qui croit d'heure en heure, ils appellent le roi à leur secours. Mais le roi, voyant que les gens de pied ne veulent pas revenir, et que lui-même, par là, reste sans défense contre les archers turcs, fait de nouveau déployer les tentes pour arrêter, s'il se peut, les charges impétueuses de l'ennemi. Les bataillons quittent leurs rangs et reviennent autour de la Vraie Croix, confondus et mêlés ensemble. Lorsque Raymond III de Tripoli s'aperçoit que le roi, les Templiers, les Hospitaliers et toute l'armée chrétienne ne présentent plus qu'une multitude confuse ; lorsqu'il reconnaît qu'une nuée de barbares se portent de tous les côtés et qu'il se trouvait séparé des autres corps, il s'ouvre un chemin à travers les rangs ennemis, et se retire avec son avant-garde. De moment en moment il arrive des milliers de Sarrasins qui accablent les chrétiens avec leurs flèches. L'évêque d'Acre, qui porte la Vraie Croix, reçoit une blessure mortelle, et laisse le bois sacré à l'évêque de Lydda. Alors les gens de pied, qui ont fui sur la colline, voient s'avancer contre eux les Sarrasins, et sont tous tués ou faits prisonniers. Balian d'Ibelin et ceux qui peuvent échapper à la mort passent, pour s'enfuir, sur un pont de cadavres. Toute l'armée des Turcs accourt au lieu où se trouvaient le bois de la Vraie Croix et le roi de Jérusalem. La Vraie Croix est prise avec l'évêque de Lydda et tous ceux qui la défendant ; le roi, son frère Geoffroi de Lusignan, Conrad de Montferrat tombent entre les mains de l'ennemi ; tous les Templiers et Hospitaliers sont tués ou faits prisonniers[8].

Jérusalem

Balian d'Ibelin rendant Jérusalem à Saladin.

Les Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir nous disent qu'un des caractères distinctifs de la maison d'Ibelin est que ses membres, guerriers intrépides, sont en même temps remarquables comme hommes de conseil ; estimés de leurs ennemis à cause de la franchise et de la loyauté de leur caractère, ils deviennent les négociateurs obligés des circonstances difficiles. Balian a tous ces mérites et se montre digne de la haute fortune à laquelle sa famille est parvenue[5].

Lorsque Balian s'échappe après la défaite de Hattin, il obtient de Saladin un sauf-conduit qui l'autorise à se rendre à Jérusalem afin d'emmener sa femme et ses enfants vers Tripoli, mais à la condition de ne pas rester plus d'une nuit dans la ville. Mais les habitants de Jérusalem, effrayé par la nouvelle de la défaite, le supplient de rester pour assurer la défense. Le patriarche Héraclius le relève de son engagement vis-à-vis de Saladin, mais Balian s'excuse auprès de Saladin de ne pas avoir tenu sa parole. Nullement rancunier, Saladin accepte ses excuses, autorise sa femme et ses enfants à se rendre à l'abri à Tripoli et leur assigne même une escorte[9],[10]. Avec le patriarche, il organise la défense de Jérusalem, que Saladin assiège deux mois plus tard. Il ne peut cependant défendre la ville, par manque d'hommes, de vivres et de matériels. Dans toute la ville il ne peut trouver que deux chevaliers et il doit adouber soixante fils de bourgeois, c'est-à-dire de Latins non nobles.

Les chrétiens évacuant Jérusalem sous le regard de Saladin par Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville.

Après une défense énergique, les chefs Chrétiens de Jérusalem sont d'avis de capituler. On députe à Saladin les principaux habitants qui obtiennent pour toute réponse : J'en userai avec vous comme les Chrétiens en usèrent avec les Musulmans quand ils prirent la ville sainte, c'est-à-dire je passerai les hommes au fil de l'épée et je réduirai le reste en servitude; en un mot je rendrai le mal pour mal[9].

Balian d'Ibelin se rend alors auprès de Saladin et, après l'avoir supplié, le trouvant inexorable, il ne garde plus de ménagement. Sachez, ô sultan! lui dit-il, que nous sommes en nombre infini et que Dieu seul peut se faire une idée de notre nombre. Les habitants répugnent à se battre parce qu'ils s'attendent à une capitulation, ainsi que vous l'avez accordée à tant d'autres, ils redoutent la mort et tiennent à la vie, mais si une fois la mort est inévitable, j'en jure par le Dieu qui nous entend, nous tuerons nos femmes et nos enfants, nous brûlerons nos richesses, nous ne vous laisserons pas un écu ; vous ne trouverez plus de femmes à réduire en esclavage, d'hommes à mettre dans les fers ; nous détruirons la chapelle de la Sacra et la mosquée Alacsa avec tous les lieux saints; nous égorgerons tous les Musulmans au nombre de cinq mille qui sont captifs dans nos murs, nous ne laisserons pas une seule bête de somme en vie; nous sortirons contre vous, nous nous battrons en gens qui défendent leur vie ; pour un de nous qui périra il en tombera plusieurs des vôtres ; nous mourons libres ou nous triompherons avec gloire[9].

Balian d'Ibelin obtient de Saladin la vie sauve des habitants en échange d'une rançon de dix pièces d'or par homme, cinq par femmes et deux par enfant. Ceux qui ne peuvent pas payer deviennent esclaves des conquérants musulmans[11].

Selon les chroniqueurs anglais, Balian d'Ibelin et Renaud de Grenier, comte de Sidon, en allant à Jérusalem traiter des conditions de la paix avec Saladin, se couvrent d'infamie[12]. Ibelin, Naplouse, Rama et toutes les autres terres de Balian sont conquises par Saladin Après la paix qui suit la troisième croisade, Saladin accorde en compensation à Balian la petite seigneurie de Caymont, au sud d'Acre[13].

Après la mort de Sibylle de Jérusalem, Balian d'Ibelin commence par soutenir Guy de Lusignan dans sa lutte contre Conrad de Montferrat pour le royaume, puis négocie, avec Marie, le mariage de sa belle-fille Isabelle de Jérusalem avec Conrad, lui apportant une légitimité dans ses prétentions au trône. Saint-Jean-d'Acre, assiégé par les croisés se rend le 12 juillet 1191, et la querelle entre Guy de Lusignan, soutenu par Richard Cœur de Lion, et Conrad de Montferrat, soutenu par Philippe Auguste et la plupart des barons de Terre Sainte, est ravivée. Les 27 et 28 juillet 1191, les plus grands barons de Terre sainte, toujours hostiles au roi Guy, Marie Comnène, la reine veuve d’ d'Amaury Ier de Jérusalem elle-même, Balian d'Ibelin, son nouvel époux ; le légat apostolique, archevêque de Pise, le corps entier des Pisans, enfin les Français et tous ceux qui, par raison ou par calcul, demandent un nouveau roi, un roi influent et respecté, désignent le marquis de Montferrat, Conrad de Montferrat, l'héroïque défenseur de Tyr, comme seul capable de sauver le royaume, et veulent qu'il reçoive la couronne avec la main de la fille d'Amaury et Marie Comnène, Isabelle de Jérusalem[14]. Devant la volonté des barons, Richard Cœur de Lion finit par accepter Conrad comme roi et vend Chypre à Guy de Lusignan qui en devient le roi. Après la mort de Conrad et le remariage d'Isabelle avec Henri II de Champagne, Balian devient un des conseillers du nouveau roi.

Balian d'Ibelin meurt en 1193[2].

Mariage et descendance

Balian d'Ibelin épouse en 1177 Marie Comnène (1154-1217), nièce de l'empereur byzantin Manuel Ier Comnène[15], veuve d'Amaury Ier, roi de Jérusalem, et a[16] :

  • une fille qui, selon le chroniqueur musulman El Afdahl aurait été envoyée comme esclave au calife de Bagdad après la prise de Jérusalem[16], mais quand on sait que Saladin a accordé un sauf-conduit et une escorte à Marie Comnène[17], on peut mettre en doute cette affirmation.


Précédé par Balian d'Ibelin Suivi par
Baudouin d'Ibelin
seigneur d'Ibelin
1170-1187
conquis par Saladin
Marie Comnène
seigneur de Naplouse
1177-1187
avec Marie Comnène
cédé par Saladin
seigneur de Caymont
1191-1193
????

Adaptation cinématographique

Une partie de sa vie est mise en scène dans le Film de Ridley Scott Kingdom of Heaven sorti en 2005. Balian y est joué par l'acteur Orlando Bloom. Mais la réalité historique concernant Balian diffère sensiblement du scénario du film :

  • Le Balian historique est fils légitime de Barisan d'Ibelin, et non pas fils bâtard de Godefroy d'Ibelin (lequel n'a jamais existé et est une figure composite du père de Balian et de Godefroy de Bouillon).
  • Il a vécu sa jeunesse en Terre Sainte, et non pas dans le nord de la France.
  • Il a participé à la bataille de Hattin et n'est pas arrivé après le massacre comme dans le film, mais a réussi à s'en échapper en compagnie de Renaud de Grenier.
  • Il a épousé Marie Comnène, la veuve d'Amaury Ier, et non pas Sibylle, fille de ce roi et sœur de Baudouin IV "le lépreux". (En revanche, il semblerait que cette dernière ait été fiancée à un frère de Balian).
  • Il a vraiment adoubé soixante ou cent bourgeois pour qu'ils participent à la défense de la ville.
  • Après la prise de Jérusalem, Balian est resté en Terre Sainte.

Notes et références

  1. T. A. Archer and Charles Lethbridge Kingsford, The Crusades: The Story of the Latin Kingdom of Jerusalem, London & New-York, 1894) .
  2. a, b, c et d Foundation for Medieval Genealogy
  3. Joseph Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre Sainte et Chypre. (1100-1310), Adamant Media Corporation, p. 98 .
  4. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - II. 1131-1187 L'équilibre, Paris, Perrin, 1935 (réimpr. 2006), 1013 p., p. 627-630 .
  5. a et b Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, vol. 4, La Société, 1867, p. 112 .
  6. François de Guizot et J. L. Brière, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France depuis la fondation de la monarchie française jusqu'au 13e siècle: avec une introduction, des suppléments, des notices et des notes, 1824, p. 13 .
  7. François de Guizot et J. L. Brière, op. cit., p. 47.
  8. René François Rohrbacher, Histoire universelle de l'église catholique, vol. 16, Gaume frères, 1844, p. 437 et 438 .
  9. a, b et c Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, vol. 4, La Société, 1867, p. 113 .
  10. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - II. 1131-1187 L'équilibre, Paris, Perrin, 1935 (réimpr. 2006), 1013 p., p. 757, 764 et 951 
  11. Béatrice Leroy, Le monde méditerranéen du VIIe au XIIIe siècle: du VIIe au XIIIe siècle, Éditions Ophrys, 2000, p. 132 .
  12. Louis de Mas Latrie, Histoire de l'Île de Chypre sous le règne des princes de la Maison de Lusignan, Paris, Imprimerie Impériale, 1852-1861 [lire en ligne], p. 35  (OCLC 156109086)
  13. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - III. 1188-1291 L'anarchie franque, Paris, Perrin, 1936 (réimpr. 2006), 902 p., p. 158 .
  14. Louis de Mas Latrie, op. cit., p. 25.
  15. Bulletin de la Société de l'histoire de France, vol. 157, 1871, p. 44 .
  16. a et b Foundation for Medieval Genealogy
  17. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - II. 1131-1187 L'équilibre, Paris, Perrin, 1935 (réimpr. 2006), 1013 p., p. 764 .

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