Philippe V d'Espagne

Philippe V d'Espagne
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Philippe V
Felipe V de España.jpg
Philippe V d'Espagne

Titre
Roi d'Espagne
15 novembre 170014 janvier 1724
Prédécesseur Charles II
Successeur Louis Ier
6 septembre 17249 juillet 1746
Prédécesseur Louis Ier
Successeur Ferdinand VI
Roi des Deux-Siciles
17001713
Prédécesseur Charles II
Successeur Victor-Amédée II de Savoie (Sicile)
Charles VI du Saint-Empire (Naples)
Souverain des Pays-Bas
17001710
Prédécesseur Charles II
Successeur Charles VI du Saint-Empire
Biographie
Dynastie Maison de Bourbon
Date de naissance 19 septembre 1683
Lieu de naissance Royal Standard of the Kingdom of France.svg Château de Versailles (France)
Date de décès 9 juillet 1746 (à 62 ans)
Lieu de décès Bandera de España 1701-1760.svg Madrid (Espagne)
Père Louis de France,
dauphin de France
Mère Marie Anne Christine de Bavière
Conjoint Marie-Louise de Savoie
(1701–1714)
Élisabeth Farnèse
(1714–1746)
Enfants Louis Ier Red crown.png
Ferdinand VI Red crown.png
Charles III Red crown.png
Marie-Anne de Bourbon
Philippe de Bourbon,
duc de Parme
Marie-Thérèse de Bourbon
Louis Antoine de Bourbon,
comte de Chinchón
Marie-Antoinette de Bourbon
Héritier Charles de France
(1701-1707)
Louis de Bourbon
(1707-1724)
Ferdinand de Bourbon
(1724-1746)

Full Ornamented Royal Coat of Arms of Spain (1700-1761).svg
Monarques d'Espagne

Philippe V, dit el Animoso, c'est-à-dire « le Brave » en espagnol, (Versailles, 19 décembre 1683Madrid, 9 juillet 1746), roi des Espagnes et des Indes (17001746) à la mort de Charles II d'Espagne.

Deuxième fils de Louis de France, dit le Grand Dauphin, et petit-fils du roi Louis XIV, Philippe de France est titré duc d'Anjou. Il succède à son grand-oncle Charles II, dernier roi d'Espagne de la dynastie des Habsbourg, et il devient lui-même roi d'Espagne, premier de la dynastie des Bourbon : il prend alors le nom de Felipe de Borbón. Son règne, de 45 ans et 21 jours, est le plus long de la monarchie espagnole.

Sommaire

Biographie

Enfance française et enjeux successoraux espagnols

Philippe, duc d'Anjou, adolescent. Miniature sur cuivre, musée Condé de Chantilly

Il nait dans le château de son grand-père, Louis XIV, à Versailles. Il est baptisé en 1687 et reçoit en 1689 le duc de Saint-Aignan comme gouverneur. En 1690, il perd sa mère, la dauphine, Marie Anne Christine de Bavière.

À la fin des années 1690 se pose le problème de la succession d'Espagne : Charles II d'Espagne, surnommé el Hechizado (« l'ensorcelé »), est malingre et contrefait, de santé très délicate et sans postérité. Avant même sa mort, les grandes puissances européennes tentent de s'entendre pour partager son royaume, ne pouvant se satisfaire que soit conservée l'intégrité de l'héritage espagnol[1].

Arbre généalogique de Philippe de France, duc d'Anjou, puis roi d'Espagne (17001746)

Quoique arrière-petit-fils d'Anne d'Autriche et petit-fils de Marie-Thérèse, infantes d'Espagne[2], le problème de sa participation à la succession espagnole ne se pose tout d'abord pas, car Marie-Thérèse avait renoncé à ses droits sur la couronne espagnole en épousant Louis XIV. D'ailleurs, ce dernier et les autres monarques européens s'étaient accordés pour déclarer que l'héritier du trône d'Espagne serait, dans le cas de la mort sans héritier de Charles II, Joseph-Ferdinand de Bavière. Ce premier traité de Partition, confirmé à La Haye en 1698, accordait à Joseph-Ferdinand les royaumes de la péninsule espagnole (sauf le Guipuscoa), la Sardaigne, les Pays-Bas espagnols et les territoires américains ; à la France revenait le Guipuscoa, Naples et la Sicile ; à l'Autriche, le Milanais. À la mort de Joseph-Ferdinand, en 1699, fut conclu un nouveau traité de Partition, à Londres, en 1700, sans l'accord de l'Espagne. La France, la Hollande et l'Angleterre reconnaissaient comme roi l'archiduc Charles d'Autriche, à qui étaient dévolus les royaumes de la péninsule, les Pays-Bas et les Indes occidentales ; Léopold, duc de Lorraine, recevait le Milanais à condition de céder la Lorraine et le Barrois au Dauphin, qui recevait par ailleurs Naples, la Sicile et la Toscane. Mais l'archiduc Charles protesta, réclamant la totalité de l'héritage espagnol.

Cependant, pressé par son principal conseiller le cardinal Portocarrero et après avoir demandé l'avis du pape Innocent XII, Charles II choisit la solution française. Le 2 octobre 1700, il fait du jeune duc d'Anjou, 17 ans, le second petit-fils de Louis XIV, son légataire universel[3]. L'espoir de Charles II était que Louis XIV saurait éviter l'éclatement de l'empire espagnol pour son propre petit-fils. Il meurt peu de temps après, le 1er novembre 1700.

L'arrivée en Espagne

Philippe de France proclamé roi d'Espagne

La nouvelle de la mort de Charles II parvient le 9 novembre à Versailles. Le 16 novembre 1700, Louis XIV annonce à la cour qu'il accepte le testament de son « cousin, beau-frère et neveu[4] ». Il présente alors son petit-fils[5], âgé de dix-sept ans, à la cour, par ces mots : « Messieurs, voici le roi d'Espagne ». Puis il déclare à son petit-fils : « Soyez bon Espagnol, c'est présentement votre premier devoir ; mais souvenez-vous que vous êtes né Français pour entretenir l'union entre nos deux nations ; c'est le moyen de les rendre heureuses et de conserver la paix de l'Europe. ». Le marquis de Castel dos Rios, ambassadeur d'Espagne, aurait ajouté qu'« il n'y a plus de Pyrénées ».

À la suite de l'événement, toutes les monarchies européennes, sauf l'Empire, reconnaissent le nouveau roi. Celui-ci quitte Versailles le 4 décembre, pourvu d'Instructions en 33 articles, écrites par Louis XIV et résumant sa conception du pouvoir. Il arrive à Madrid le 22 janvier 1701. Mais au bout de quelques mois, les erreurs politiques s'accumulent :

  • le 1er février 1701, le Parlement de Paris conserve par lettres patentes les droits de Philippe V à la couronne de France[6] ;
  • toujours en février, Louis XIV, à la demande du conseil de régence espagnol, envoie des troupes occuper des garnisons hollandaises sur la frontière des Pays-Bas espagnols, garnisons installées en vertu d'un traité bilatéral signé en 1698 ;
  • des Français s'installent aux postes importants à Madrid et orientent de façon nouvelle la politique espagnole.

Dernière maladresse, Louis XIV pousse Philippe V à épouser en 1701 Marie-Louise Gabrielle de Savoie, son frère le duc de Bourgogne ayant déjà épousé la sœur de Marie-Louise. Les deux sœurs ayant épousé les deux frères, cela devait dans l'esprit des politiques lier non seulement les deux familles, mais aussi les deux États et leur faire mener conjointement une politique anti-impériale. Louis XIV donne également pour camarera mayor au nouveau couple une amie de madame de Maintenon, la princesse des Ursins.

Dès lors, même si le risque de réunion des couronnes française et espagnole semble minime[7], les monarchies européennes craignent de voir l'Espagne devenir un protectorat français. L'Angleterre et la Hollande (tous deux sous domination de Guillaume d'Orange), l'Autriche, puis le Portugal déclarent la guerre à la France et à l'Espagne.

La guerre de Succession d'Espagne

Portrait de Philippe V la tête en bas, pour se « venger » de la destruction de ville de Xàtiva (Musée de l'Almodí, Xàtiva).

La guerre de Succession est non seulement un conflit international entre puissances européennes mais également une grave guerre civile :

Les combats sont finalement, en Espagne, favorables au troupes « philippistes », parfois au prix de massacres et de destructions, comme à Xàtiva, incendiée en 1707. Philippe V sauve son trône grâce aux victoires d'Almansa par le maréchal de Berwick en 1707, et de Villaviciosa et Brihuega par le maréchal de Vendôme en 1710.

En 1713, les puissances européennes sont épuisées par la guerre et, alors que l'archiduc Charles vient d'être nommé empereur, craignent que les Habsbourg obtiennent un pouvoir trop important, retirent leurs troupes et font la paix à Utrecht. Philippe V est confirmé dans ses droits à la couronne de France, tout en étant contraint à y renoncer solennellement, pour lui et ses descendants. La couronne d'Espagne lui reste et il est reconnu comme roi légitime par tous les pays[8]. Mais cette reconnaissance se fait au prix de pertes territoriales, notamment Gibraltar, Minorque et des territoires en Italie. L'Espagne reste sous influence française, par l'intermédiaire de Jean Orry, chargé des finances, qui mène une politique de centralisation administrative à la française.

Une politique extérieure mouvementée (1715-1746)

Statue équestre de Philippe V, par Robert Michel (Académie des Belles-Lettres de San Fernando, Madrid).

La reconquête de l'Italie

La politique extérieure espagnole est, jusqu'en 1736, principalement le retour de son influence dans la péninsule italienne. Sous l'influence de sa nouvelle épouse Élisabeth Farnèse et de son premier ministre Giulio Alberoni, Philippe V développe une ambitieuse politique, qui se concrétise par l'invasion de la Sardaigne autrichienne en 1717, puis de la Sicile des Savoie en 1718. En réaction, la Quadruple-Alliance[9], à laquelle se joint le duché de Savoie, rentre en guerre contre l'Espagne. Cette dernière est vaincue : par le traité de La Haye de 1720, Philippe V doit éloigner Alberoni, mais il obtient cependant la reconnaissance des droits dynastiques sur les duchés italiens pour son second fils, l'infant Charles.

L'Espagne se rapproche alors de la France par une politique de triple mariages, conclus par un traité de fiançailles signé à Paris le 22 novembre 1722 : le roi de France Louis XV, onze ans, est promis à l'infante Marie-Anne-Victoire, sa cousine de trois ans ; l'héritier du trône espagnol Louis et l'héritier des duchés italiens Charles sont promis à deux filles du régent Philippe d'Orléans, respectivement Louise Élisabeth et Philippine Élisabeth. Le prince Louis épouse effectivement Louise-Élisabeth en 1722, et deux ans après Philippe V abdique en sa faveur, mais le nouveau roi d'Espagne meurt de la variole, après seulement sept mois de règne, contraignant son père à reprendre la couronne[10].

Le 9 mars 1725, les Français rompent les fiançailles de Louis XV avec l'infante Marie-Anne-Victoire[11], et en représailles la reine Louise-Élisabeth, veuve de Louis Ier d'Espagne, et Philippine Élisabeth, la fiancée de Charles, sont renvoyées en France. Élisabeth Farnèse décide alors de traiter avec l'Autriche qui est le principal obstacle à l'expansion espagnole dans la péninsule. Elle propose de fiancer ses fils aux filles de l'empereur Charles VI : l'infant Charles avec l'archiduchesse Marie-Thérèse et Philippe, son second fils, avec l'archiduchesse Marie-Anne. L'alliance entre les deux puissances est confirmée par le traité de Vienne du 30 avril 1725, qui prévoit la renonciation définitive de Charles VI au trône d'Espagne au profit de Philippe V et son soutien à une tentative pour libérer Gibraltar de l'occupation britannique. Mais la guerre anglo-espagnole (1727-1729) se conclut par le maintien de la souveraineté britannique sur le rocher et, au cours des négociations de paix, Charles VI abandonne le principe du mariage de ses filles avec les infants espagnols.

L'Infant Charles à l'âge de 11 ans (tableau de Jean Ranc, 1727, musée du Prado, Madrid).

Par conséquent, Philippe V rompt l'alliance avec l'Autriche et conclut avec la Grande-Bretagne et la France, le 9 novembre 1729, le traité de Séville qui garantit à son fils Charles le droit d'occuper Parme, Plaisance et la Toscane, au besoin par la force. Justement, le duc Antoine Farnèse meurt le 20 janvier 1731, mais il a nommé comme successeur le « ventre enceint » de son épouse Enrichetta d'Este, ce qui écarte Élisabeth Farnèse de la succession. La duchesse est examinée par un groupe de médecins et de sages-femmes qui la déclarent enceinte de six mois, mais la reine d'Espagne fait constater qu'il s'agit d'une mise en scène. En adhérant, le 22 juillet, au deuxième traité de Vienne, elle obtient de l'empereur, qui a fait occuper le duché par le comte Carlo Stampa, son lieutenant en Italie, la cession de Parme et Plaisance au jeune infant[12]. Le 29 décembre, le gouvernement du duché est confié à Dorothée Sophie de Neubourg, grand-mère maternelle et tutrice de l'infant Charles.

Les rivalités avec la Grande-Bretagne

Le règne de Philippe V est également marqué par la rivalité maritime avec la Grande-Bretagne. L'Espagne se bat contre les avantages acquis par les Anglais au traité d'Utrecht, et le règne de Philippe V est émaillé d'incidents maritimes, comme en 1739-1748, lors de la guerre de l'oreille de Jenkins. Au cours du règne, l'Espagne redevient une grande puissance maritime. La marine tient la Méditerranée occidentale, bien que les Anglais occupent toujours Gibraltar et Minorque.

Les Pactes de famille

La France et l'Espagne passent plusieurs accords d'alliance, appelés communément « Pactes de famille », dont le but principalement l'opposition à l'Autriche ou à la Grande-Bretagne :

Politique intérieure

Portrait de Philippe V

La politique du règne de Philippe V est marquée par le modèle louis-quatorzien de l'État absolutiste et centralisateur. Les réformes engagées représentèrent un changement radical par rapport au système précédemment mis en place par la Maison d'Autriche. Ils marquent un étape fondamentale dans l'élaboration d'un esprit national, notamment par l'imposition du castillan comme langue exclusive dans l'administration et le gouvernement, et la modernisation de l'appareil d'État espagnol.

Mais il faut remarquer que, si Philippe V tenta de se comporter en monarque absolu, il ne se comporta jamais vraiment comme tel. Il était sujet, depuis l'adolescence, à des crises de dépression, de neurasthénie et de mélancolie - que sa femme Élisabeth Farnèse prétendit soigner en faisant venir le chanteur castrat Farinelli. Philippe V ne put, à plusieurs reprises, assumer personnellement la charge du pouvoir, et il fut à plusieurs reprises le jouet de ses ministres ou de courtisans, comme la princesse des Ursins). Le 24 décembre 1714 à Guadalajara, il épouse grâce à l'entremise de l'abbé Giulio Alberoni la nièce du duc de Parme, Élisabeth Farnèse, qui fait renvoyer prestement la princesse des Ursins. Philippe V passe alors sous la coupe de son épouse et de d'Alberoni, nommé ministre.

Réforme administrative

Le gouvernement fut recomposé de secrétaires d'Etat, dont les charges étaient occupées par des fonctionnaires nommés par le roi.

Décret de Nueva Planta

Mais l'exemple le plus éclatant de réforme centralisatrice et autoritaire sont les décrets de Nueva Planta, pris entre 1707 et 1716 (décret de 1707 pour l'Aragon et Valence, de 1715 pour Majorque et de 1716 pour la Catalogne), qui sont une série d'ordonnances royales (reales cédulas) établissant la « nouvelle base » (« nueva planta ») des audiences royales contrôlant les territoires des deux couronnes. Les décrets furent précédés de l'abolition des institutions propres à chaque région : abolition des fors des royaumes de la couronne d'Aragon qui avaient pris parti contre lui lors de la guerre, dissolution de l'organisation territoriale des royaumes de la couronne de Castille et annulation des privilèges en vigueur dans ses municipalités. Ces décrets imposaient ensuite un modèle juridique, politique et administratif communs à toutes les provinces d'Espagne[13].

L'Etat fut organisé en provinces, gouvernées par un Capitaine général (Capitán General) et une Cour de justice, chargés de l'administration et devant répondre directement au gouvernement de Madrid. Pour l'administration économique et financière furent établies, sur le modèle français, les Intendances provinciales (Intendencias provinciales). Les Conseils des territoires disparus ou perdus par la Couronne, c'est-à-dire d'Aragon, de Flandre et d'Italie, furent abolis, et concentrés dans le seul Conseil de Castille ; seuls restèrent les Conseils de Navarre et des Indes. Progressivement, les Cortes de Castille intégrèrent les représentants des anciens territoires aragonais ; le pouvoir des Cortes en tant que tel, vu comme un frein au pouvoir royal, diminua.

Réformes économiques

Philippe V fut confronté à la situation économique et financière d'un Etat ruiné. Il lutta contre la corruption. Dans le domaine fiscal, il s'efforça de ne pas établir de nouveaux impôts afin de rendre plus équitable la charge fiscale.

Dans le domaine économique, il opta pour des positions mercantilistes :

  • il favorisa l'agriculture, et interdit l'exportation des grains ;
  • il interdit l'importation de produits textiles et créa des manufactures royales ;
  • il s'efforça de réorganiser le commerce colonial par la création de compagnies de commerce dotées de privilèges, sur les modèles anglais et néerlandais.

Réforme de l'armée

Comme conséquence des nécessités de la guerre et suivant le modèle français, Philippe V réalisa une profonde réorganisation de l'armée. Il substitua aux anciens tercios un nouvelle organisation militaire en brigades, régiments, bataillons, compagnies et escadrons. On introduit plusieurs nouveautés, comme les uniformes ou les fusils à baïonnette.

Philippe V s'attaqua également à la reconstruction de la marine espagnole. Il fit construire de nouveaux navires modernes et mieux équipés. Il regroupa également les différentes flottes dans l'Armada Española en 1717. Dans cette œuvre, il s'appuya particulièrement sur l'action de son intendant général de la Marine, José Patiño Rosales.

Politique artistique et culturelle

Palais royal de la Granja de San Ildefonso
Première édition des statuts de la Real Academia Española (1715).

Suivant l'exemple de Louis XIV, qui considérait la culture et les arts comme un moyen de montrer la grandeur royale, Philippe V s'efforça de développer les arts. Il ordonna ainsi la construction du Palais royal de la Granja de San Ildefonso, inspiré par le style classique français. Pour décorer la Granja, Philippe V fit l'acquisition de la collection de sculptures de Christine de Suède. Il s'occupa aussi de la reconstruction du Palais royal de Madrid, après l'incendie de l'Alcazar, et du palais d'Aranjuez. L'influence italienne fut cependant prépondérante à la cour espagnole, sous l'influence d'Élisabeth Farnèse. Le règne de Philippe V correspond également à l'introduction du style rococo.

Philippe V s'occupa enfin de la fondation d'institutions culturelles chargées d'établir un contrôle sur l'évolution des sciences et des arts, comme l'Académie royale espagnole, approuvée en 1714, dont la tâche consiste à normaliser la langue espagnole, dans l'intention de « fixer les sons et les mots de la langue castillane dans leur plus grande propriété, élégance et pureté »[14], ou encore l'Académie royale d'histoire, chargée d’étudier l’histoire « antique et moderne, politique, civile, ecclésiastique, militaire, de la science, des lettres et des arts, c’est-à-dire, des diverses branches de la vie, de la civilisation et de la culture du peuple espagnol », fondée en 1735. Il faut remarquer que ces fondations se font sur le modèle français[15].

L'intermède de Louis Ier (1724)

Tombeau de Philippe V

Le 10 janvier 1724, Philippe V confirma par décret qu'il abdiquait en faveur de son fils Louis Ier. Le prince reçut les documents le 15 et les fit publier le lendemain. Les motifs de cette abdication ne sont pas véritablement éclaircis. Certains historiens ont pu avancer qu'il désirait monter sur le trône de France, profitant de la mort attendue de Louis XV ; d'autres qu'il était conscient de son incapacité à gouverner à cause de sa maladie. Mais Louis Ier étant trop jeune et insouciant, ce sont ses parents qui continuèrent à s'occuper du gouvernement.

Louis Ier ne régna que sept mois. A sa mort, Philippe V redevint roi, malgré les droits de son deuxième fils, Ferdinand, qui était alors prince des Asturies.

Mort

Philippe V meurt le 9 juillet 1746. Son fils Ferdinand VI d'Espagne lui succède.

Il est notable qu'en 1713, Philippe V avait instauré, par la Pragmatique Sanction, la loi salique en Espagne, contrairement à la tradition espagnole qui permettait qu'une fille de roi devienne reine - comme le fut d'ailleurs Isabelle la Catholique, reine de Castille et León de 1474 à 1504. Ce décret fut, bien plus tard au XIXe siècle, responsable des trois guerres civiles carlistes entre les partisans d'Isabelle II et les carlistes, partisans de Don Carlos de 1833 à 1840, 1846 à 1849 et 1872 à 1876.

Lignage

Ascendance

Mariage et enfants

La famille de Philippe V d'Espagne. Tableau de Louis Michel van Loo, peint en 1743, représentant l'infante Marie-Anne-Victoire ; Marie-Barbara de Portugal, « princesse des Asturies » ; Ferdinand, « prince des Asturies » ; Philippe V ; Louis Antoine d'Espagne, comte de Chinchón ; l'infant Philippe ; Élisabeth de France ; l'infante Marie-Thérèse ; l'infante Marie Antoinette ; Marie-Amélie de Saxe, « reine de Naples et de Sicile » ; Charles, « roi de Naples et de Sicile » ; les deux enfants sont Marie Isabelle « de Naples et Sicile », fille de Charles, et Marie-Isabelle.

Philippe V épouse le 3 novembre 1701 à Figueras (à la frontière franco-espagnole, en Catalogne) Marie-Louise de Savoie. De cette union naissent quatre fils : les trois premiers reçoivent des prénoms d'origine française inusités à la cour d'Espagne, le quatrième un prénom remontant à l'époque d'avant les Habsbourgs, en hommage au premier prince espagnol canonisé par l'Église[16] :

  • Louis Ier (Madrid, 25 août 1707 - Madrid, 31 août 1724), roi des Espagnes et des Indes (1724) ;
  • Philippe-Louis (2 septembre 1709 - 8 septembre 1709) ;
  • Philippe Pierre Gabriel (7 juin 1712 - 29 décembre 1719) ;
  • Ferdinand VI (Madrid, 23 septembre 1713 – Villaviciosa de Odón, 10 août 1759), roi des Espagnes et des Indes (1746–1759).

Philippe V se remarie le 24 décembre 1714 à Guadalajara avec Élisabeth Farnèse, nièce du duc de Parme. De cette union naissent :

Notes et références

  1. L'enjeu est effectivement important : si l'Espagne allait aux Bourbons, cela augmenterait l'influence déjà immense de Louis XIV, fils de Anne d'Autriche (elle-même fille ainée de Philippe III d'Espagne) et époux de Marie-Thérèse d'Autriche (elle-même fille de Philippe IV d'Espagne). Si l'Espagne allait à la maison de Habsbourg d'Autriche, (dont le roi d'Espagne est membre) l'empire de Charles Quint serait reconstitué et la France, de nouveau encerclée (cette théorie de l'encerclement connue son essor à la fin du XIXe siècle lorsque la question de la succession d'Espagne se posa en 1870, et que la famille des Hohenzollern de Prusse proposa son candidat).
  2. Marie-Thérèse est la fille de Philippe IV, d'un premier mariage avec Élisabeth de France ; elle est donc la demi-sœur du roi Charles II, né d'un second mariage de Philippe IV avec Marie-Anne d'Autriche.
  3. En cas de mort sans descendance légitime ou d'accession au trône de France du duc d'Anjou, la couronne espagnole devait revenir à son frère cadet, le duc de Berry, puis à l'archiduc Charles, et à défaut au duc de Savoie.
  4. Charles II et Louis XIV étaient cousins car la mère de Louis XIV, Anne d'Autriche, et le père de Charles II, Philippe IV, étaient frère et sœur. Charles II était le beau-frère de Louis XIV, car sa sœur Marie-Thérèse avait épousé le roi français. Enfin, Charles II était neveu de Louis XIV pour avoir épousé en premières noces la nièce de ce dernier, Marie Louise d'Orléans, fille de Philippe Ier d'Orléans, frère du roi.
  5. On peut remarquer que, par ailleurs, Philippe ne parlait pas un mot d'espagnol.
  6. En droit français de l'époque, la couronne n'appartient pas à la personne du roi, elle est au-dessus de la personne royale ; en conséquence de quoi Philippe V n'avait pas le droit de renoncer à la couronne si celle-ci devait lui échoir, et il était en théorie obligé de l'accepter. En pratique il y renonce en raison des problèmes politiques que cela aurait induits. La renonciation de Philippe V, discutable d'un point de vue juridique mais enregistrée légalement en France et en Espagne, est l'une des pierres d'achoppement dans la querelle entre orléanisme et légitimisme.
  7. Le Grand Dauphin est en âge de régner et en parfaite santé, et son fils Louis, grand-frère de Philippe V, est lui aussi marié et en âge de régner.
  8. Excepté l'Autriche, qui maintient ses réclamations jusqu'en 1725.
  9. Appelée ainsi en raison de la coalition anti-espagnole composée de la France, de la Grande-Bretagne, des Provinces-Unies et du Saint-Empire romain germanique
  10. Voir infra, « L'intermède de Louis Ier (1724) »
  11. Âgée de sept ans, l'« infante-reine » Marie-Anne-Victoire est trop jeune pour être mère, alors que la France a rapidement besoin d'un dauphin.
  12. En contrepartie, elle reconnait la Pragmatique sanction, document qui permet à l'archiduchesse Marie-Thérèse de succéder à son père sur le trône des Habsbourgs. La Pragmatique sanction devait être reconnue par toutes les puissances européennes pour prendre effet. C'est pourquoi Charles VI, déterminé à assurer l'avenir de sa dynastie, fut amené à faire des compromis en vue d'obtenir une approbation générale du document.
  13. Seules les provinces basques, navarraises et aranaise, qui avaient démontré leur fidélité durant la guerre, purent conserver leurs institutions forales anciennes.
  14. Présentation historique sur le site officiel de la RAE Orígenes y fines de la RAE
  15. L'Académie royale espagnole est clairement fondée sur le modèle de l'Académie française.
  16. Voir également le tableau de la Famille de Philippe V d'Espagne, peint par Jean Ranc en 1723, représentant l'infant Ferdinand ; Philippe V ; l'infant Louis, « prince des Asturies » ; l'infante Marie-Anne-Victoire ; la reine Élisabeth Farnèse ; un portrait de la reine défunte Marie-Louise de Savoie ; l'infant Charles. [1]

Voir aussi



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