Condamnation religieuse

Condamnation religieuse

Excommunication

L'excommunication est, chez les catholiques et les orthodoxes, la plus grave des peines canoniques. Elle empêche la réception des sacrements et l'exercice de certains actes ecclésiastiques. L'excommunication frappe entre autres les schismatiques et les hérétiques.

Le mot vient du latin ecclésiastique ex-communicare, « mettre hors de la communauté ». C'est la peine canonique la plus ancienne dans le christianisme. Chez les premiers chrétiens, elle consiste en une exclusion de l'assemblée eucharistique : c'est la reprise de la pratique juive de l'exclusion de la synagogue, à laquelle le Nouveau Testament fait allusion en différents passages[1]. La conception chrétienne s'en écarte cependant par la suite : l'Église des chrétiens n'est pas conçue seulement comme une communauté de fidèles, comme la synagogue juive, mais aussi comme étant le corps du Christ.

Sommaire

Chez les catholiques

Dans l'Église catholique, l'excommunication concerne uniquement les baptisés catholiques. Selon la définition du Code de droit canonique de 1917, elle consiste en « l'exclusion de la communion des fidèles » (canon 2257 §1). L'excommunié n'est pas exclu de l'Église catholique, mais de la communion in sacris (ou pleine communion), c'est-à-dire de la participation aux différents sacrements. Une peine d'excommunication a toujours pour objectif le repentir du coupable et le retour éventuel à l'unité[2]. L'Église peut lever une peine d'excommunication si elle juge que celle-ci devient au contraire un obstacle à la réconciliation.

Au terme du Code de droit canonique de 1983, sont frappés d'excommunication :

  • l'apostat, le schismatique et l'hérétique (can. 1364-1) ;
  • celui qui commet un acte de violence physique contre le pape (can. 1370-1) ;
  • le prêtre qui absout « le complice d'un péché contre le sixième commandement du Décalogue » (c'est-à-dire le complice d'un acte sexuel) ;
  • celui qui profane, jette ou recèle « à une fin sacrilège » des matières (pain ou vin) consacrées (can. 1367) ;
  • l'évêque qui ordonne un évêque sans mandat du pape, ainsi que celui qui a été ordonné (can. 1382). Pour une illustration récente de ce cas, cf. la Fraternité Saint-Pie-X ;
  • le prêtre qui viole le secret de la confession, ainsi que l'interprète le cas échéant (can. 1388);
  • celui qui pratique ou se fait complice actif d'un avortement qui réussit (can. 1398).

Le droit canonique distingue deux types d'excommunication (can. 1314):

  • ferendæ sententiæ : excommunication qui ne frappe pas le coupable tant qu'elle n'a pas été intimée par une décision judiciaire ou administrative ;
  • latæ sententiæ : excommunication encourue du fait même de la commission du délit (le droit canonique doit prévoir expressément ces cas). Sauf cas exceptionnel, elle ne fait pas l'objet d'une déclaration à l'auteur du délit (can. 1318).

Can. 1323 - N'est punissable d'aucune peine la personne qui, lorsqu'elle a violé une loi ou un précepte :

  1. n'avait pas encore seize ans accomplis ;
  2. ignorait, sans faute de sa part, qu'elle violait une loi ou un précepte ; toutefois, l'inadvertance et l'erreur sont équiparées à l'ignorance;
  3. a agi sous la contrainte d'une violence physique ou à la suite d'une circonstance fortuite qu'elle n'a pas pu prévoir, ou bien, si elle l'a prévue, à laquelle elle n'a pas pu s'opposer;
  4. a agi forcée par une crainte grave, même si elle ne l'était que relativement [...] ;
  5. a agi en état de légitime défense contre un agresseur qui l'attaquait injustement [...] ;
  6. était privé de l'usage de la raison [...]
  7. a cru, sans faute de sa part, que se présentait une des circonstances prévues aux nn. 4 ou 5. (Code de droit canonique)

L'excommunié ne peut plus :

  • s'il est prêtre : célébrer la messe ou une autre cérémonie religieuse, a fortiori célébrer un sacrement ou un sacramental, être enterré religieusement;
  • pour tous les baptisés catholiques : recevoir des sacrements, obtenir un office, une dignité ou une charge dans l'Église, recevoir une sépulture religieuse.

La levée d'une excommunication ferendæ sententiæ se fait par l'autorité l'ayant prononcée (can. 1355-1). L'excommunication latæ sententiæ peut être levée par l'évêque pour les fidèles de son diocèse, ou par tout évêque dans la confession (can. 1355-2). Ce pouvoir est parfois délégué aux prêtres pour certaines offenses. En cas de danger de mort, tout prêtre (même ceux dépourvu de la faculté d'entendre les confessions) peut cependant absoudre de tout péché et de toute excommunication [3].

Contrairement à une opinion commune, un catholique divorcé vivant en union libre ou remarié civilement n'est pas excommunié. En revanche, du fait qu'il vit en état de péché grave puisque du point de vue de l'Église il est en état de péché d'adultère, il ne peut recevoir l'Eucharistie (les catholiques sont supposés ne communier qu'absous-- par le sacrement du pardon-- de tout péché grave (en "état de grâce"), et le divorcé remarié ou vivant en union libre ne peut être absous, car l'absolution requiert un repentir sincère et une ferme intention de s'amender, condition qui ne peut être remplie tant que le second mariage civil ou l'union existe).

La peine d'excommunication n'est en aucun cas un jugement sur la destinée éternelle (enfer, paradis) de la personne excommuniée.

L'excommunication dans le Moyen Âge occidental

On distinguait deux types d'excommunication :

  • L'excommunication mineure privait, de façon temporaire, le fidèle des sacrements, et surtout celui de l'Eucharistie.
  • L'excommunication majeure ou anathème privait la personne de sépulture en terre bénie et de tout contact avec les autres catholiques.

Elle était perpétuelle et plus sévère.

L'excommunication pouvait être prononcée par le pape, un concile ou un évêque. La personne excommuniée avait une chance de réintégrer l'Église, à condition qu'elle aille jusqu'au bout de sa pénitence.

À l'époque carolingienne, le roi contrôle les excommunications et en fait une arme politique redoutable. Après l'an 1000, avec la réforme grégorienne, l'Église reprend le contrôle de l'excommunication pour imposer la paix de Dieu. Pendant la durée de l'excommunication d'un seigneur, le vassal est délivré de son serment de fidélité envers lui. Le IIe concile du Latran (1139) punit d'excommunication tous ceux qui attaquent les clercs. Au XVIe siècle, Luther critique l'excommunication et en fait le symbole de la tyrannie de l'Église catholique.

Quelques excommuniés célèbres du Moyen Âge :

Voir aussi : Liste des excommuniés célèbres

Fondements bibliques

Outre les textes qui font référence à la pratique juive de l'exclusion ci-haut mentionnée (cg. Esdras 10,8 ; Luc 6,22), il existe plusieurs passages qui parlent d'une forme d'exclusion que l'Église chrétienne peut mettre en pratique dans certains cas.

  • Matthieu 18,15-17 : "Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain."
  • Matthieu 18,18 : " Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel."
  • 1 Corinthiens 5,1-5 : "On entend dire généralement qu'il y a parmi vous de l'impudicité, et une impudicité telle qu'elle ne se rencontre pas même chez les païens; c'est au point que l'un de vous a la femme de son père. Et vous êtes enflés d'orgueil! Et vous n'avez pas été plutôt dans l'affliction, afin que celui qui a commis cet acte fût ôté du milieu de vous! Pour moi, absent de corps, mais présent d'esprit, j'ai déjà jugé, comme si j'étais présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu'un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus."
  • 1 Timothée 1,18-20 : "Le commandement que je t'adresse, Timothée, mon enfant, selon les prophéties faites précédemment à ton sujet, c'est que, d'après elles, tu combattes le bon combat, en gardant la foi et une bonne conscience. Cette conscience, quelques-uns l'ont perdue, et ils ont fait naufrage par rapport à la foi. De ce nombre son Hyménée et Alexandre, que j'ai livrés à Satan, afin qu'ils apprennent à ne pas blasphémer."

(Extraits de la traduction de Louis Segond, 1910)

Notes

  1. Par exemple, dans l'évangile selon Jean, 9:22 (« les Juifs étaient déjà convenus que, si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue »), 12:42 (« ils n'en faisaient pas l'aveu, dans la crainte d'être exclus de la synagogue ») et 16:2 (« Ils vous excluront des synagogues ». Extraits de la traduction de Louis Segond, 1910.
  2. Cf. Benoît XVI, "Au sujet de la levée de l'excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre" [1]
  3. Catéchisme de l'Église Catholique, n. 1463

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean Gaudemet, « Note sur les formes anciennes de l'excommunication », Revue des sciences religieuses, 23 (1949), p. 64–77 ;
  • Françoise Monfrin,Philippe Levillain et , Dictionnaire historique de la papauté, Fayard, Paris, 2003 (ISBN 2-213-618577)  ;
  • Patrick Valdrini, Jean-Paul Durand, Olivier Échappé et Jacques Vernay, Droit canonique, Dalloz, coll. « Précis — Droit privé », 1999 (2e édition) (ISBN 2-24-703155-2).
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