Theologie de la liberation

Theologie de la liberation

Théologie de la libération

La théologie de la libération désigne un mouvement social, religieux et théologique, issu de l'Église Catholique et en particulier des dominicains. Il est apparu en Amérique latine, à la fin des années 1950, lorsque des catholiques progressistes s'éloignent d'un catholicisme conservateur, au profit d'une voie dans laquelle l’action politique apparaît comme une exigence de l'engagement religieux dans la lutte contre la pauvreté. Théorisé à partir de 1972 par Gustavo Gutiérrez, ce courant théologique, qui établissait parfois des ponts avec le marxisme, prône la libération des peuples et entend ainsi renouer avec la tradition chrétienne de solidarité. Ses représentants les plus célèbres sont les archevêques Hélder Câmara et Oscar Romero.

Sommaire

Principes

Dans la tradition chrétienne, les pauvres ont tenu depuis les origines une place particulière : ils sont à la fois des modèles (« Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous » Lc 6, 20) et des sujets de compassion et de charité. La théologie de la libération dépasse ce point de vue, et propose non seulement de libérer les pauvres de leur pauvreté, mais en plus d'en faire les acteurs de leur propre libération. Elle dénonce dans le capitalisme la cause de l'aliénation à la pauvreté de millions d'individus.

Aujourd'hui, les thèses soutenues par les théologiens de la libération font de moins en moins appel au marxisme, et rejoignent les mouvements altermondialistes dans leurs actions contre la mise en place d'un ordre néolibéral mondial.

Cette conception de la religion, dont le rôle est central dans beaucoup de pays du Tiers-monde ayant adopté les religions autrefois imposées par les pays colonisateurs, est à l'opposé des conceptions, notamment marxistes, condamnant la religion comme instrument univoque d'aliénation.

Histoire

En Amérique latine

Le mouvement a été théorisé en 1972 par le théologien péruvien Gustavo Gutiérrez, un dominicain, dans son essai Théologie de la libération. Il trouve notamment sa source dans l'ouvrage de Paul Gauthier Les Pauvres, Jésus et l'Église publié en 1963, résultat des travaux préliminaires au Concile Vatican II et qui est considéré comme un précurseur du mouvement.

Le mouvement, voix du peuple opprimé, eut immédiatement une grande popularité en Amérique latine pour cause d'innombrables injustices perpétrées par les groupes militaires au pouvoir. En août 1975 se tient le congrès théologique de Mexico, auquel participent plus de 700 personnes sur le thème Libération et captivité.

Il est lié à l'apparition de militants politiques des pays du Tiers-monde dont l'action partage un fondement politique et religieux : politiquement, proche du socialisme, qui insuffle à la religion chrétienne une valeur intrinsèque de mission libératrice du peuple de leur point de vue.

Ce courant théologique est devenu influent surtout au Brésil, au Pérou, au Chili et en Amérique centrale autour des figures de Gustavo Gutiérrez, Leonardo Boff et Jon Sobrino. En 1976, le théologien Boff publie Teologia do Cativeiro e da Libertação. La théologie de la libération influence aussi le protestant brésilien Rubem Alves [1].

En 1979 lors de la IIIe conférence générale de l'épiscopat Sud-américain,(Conférence de Puebla), les évêques définissent le concept d'« option préférentielle pour les pauvres ».

Dans le monde

En France, ce courant théologique a été représenté par les mouvements ouvriers d'Action catholique, en particulier la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). Il influence aussi le protestantisme, notamment Georges Casalis [2], président de la Commission générale d'évangélisation (CGE) de 1974 à 1983 [3], et qui mourra au Nicaragua.

Pendant la même période, le père dominicain Georges-Henri Lévesque prêchait une « émancipation des Canadiens français ». Il avait appuyé la grève de l'amiante en 1949. Cette forme de populisme clérical a été l'une des causes de la Révolution tranquille.

Une « théologie noire de la libération »

La théologie de la libération influença aussi la Black theology (« Théologie noire ») qui prônait, notamment aux États-Unis et en Afrique du Sud, l'émancipation des Noirs et une lecture parfois afrocentriste de la Bible. Ainsi, James Cone, membre de l'Eglise épiscopale africaine méthodiste, publie en 1970 A Black theology of Liberation (« Une théologie noire de la libération »). Aux États-Unis, la théologie de la libération se posait notamment en adversaire de l'aile conservatrice de l'église protestante la plus influente dans le Sud, la Southern Baptist Convention (SBC), qui justifiait l'esclavage à l'aide de la Bible. Bien que les membres progressistes de la SBC ont soutenu le mouvement des droits civiques après 1964, la hiérarchie n'a fait une « déclaration de repentance » qu'en 1995 [4].

Sous l'apartheid, la théologie de la libération et la Black theology ont été des sources influentes du Black Consciousness Movement (Mouvement de Conscience noire). Ainsi, Desmond Tutu, le futur Prix Nobel de la paix, qui prêcha lors des funérailles de Steve Biko en 1977, figure historique du Black Consciousness Movement, était et demeure proche de ces théologies [5]. Il a d'ailleurs soutenu le pasteur Jeremiah Wright [5], de la Trinity United Church, qui est devenu célèbre en 2008 pour ses prêches en faveur du candidat à la présidentielle Barack Obama, qui a lui-même rejeté son soutien.

Critiques

Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ainsi que l'Opus Dei se sont montrés défavorables à ce mouvement, lui reprochant l'usage de concepts marxistes comme la lutte des classes. La théologie de la libération est ressentie par eux comme une menace pour l'unicité et l'impact public de l'Église catholique.

Lors d'un voyage à Mexico en janvier 1979, Jean-Paul II déclare que « cette conception du Christ comme une figure politique, un révolutionnaire (...) est incompatible avec les enseignements de l'Église »[réf. nécessaire].

La théologie de la libération a fait l'objet de condamnations ambigües du Vatican en 1984 et 1986. Tout en reconnaissant la légitimité d'un combat contre la misère, la Congrégation pour la doctrine de la foi condamnait les emprunts faits à la philosophie marxiste et tentait de recadrer les aspirations des peuples sud-américains dans la doctrine sociale de l'Église. Toutefois Jean-Paul II a également admis que la théologie de la libération pouvait être « bonne, utile et même nécessaire », dans une lettre à la Conférence des évêques du Brésil[6]. Par ailleurs, dans le document Interprétation de la Bible dans l'Église de la Commission Biblique Pontificale 1993, qui a été présenté à Jean-Paul II par le cardinal Ratzinger, la théologie de la libération est reconnue comme une approche possible (paragraphe 1.E.1).

Lorsqu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger avait mené une offensive implacable contre la théologie de la libération[7] : "Certains sont tentés devant l'urgence du partage du pain, de mettre entre parenthèses et de remettre à demain l'évangélisation : d'abord le pain, la parole plus tard. [8]". Devenu pape, les critiques du Vatican se précisent lorsqu'en mars 2007, en prélude à un voyage pontifical au Brésil, la Congrégation pour la doctrine de la foi fait état de « notables divergences avec la doctrine de l'Église »[9] à propos des écrits du jésuite Jon Sobrino, un proche de l'archevêque Oscar Romero, faisant notamment remarquer que le théologien accorde une place trop importante à l'aspect humain de Jésus, au détriment de son aspect divin. Le théologien est alors interdit d'enseignement et de publication par l'archevêque de San Salvador, Fernando Saenz Lacalle, membre de l'Opus Dei. Cette prise de position romaine suscite de nombreuses réactions consternées dans le monde catholique[10]. Le père Jose Vera, porte-parole du Conseil général des Jésuites, annonce que l'Ordre ne prendra pas de sanctions contre Jean Sobrino[11]. Les positions du clergé sud-américain à l'égard de la théologie de la libération demeurent ainsi contrastées[12].

Figures de la théologie de la libération

Notes et références

13 Théologie de la Libération par Bruno Leroy Éducateur-Écrivain http://edukaction.club.fr/theologie.htm

Annexes

Bibliographie

Livres

  • Gustavo Gutiérrez Merino, Réinventer le visage de l'Église, Analyse théologique de l'évolution des pastorales, éd. Cerf, 1971 (épuisé).
  • Gustavo Gutiérrez Merino, La libération par la foi, boire à son propre puits ou L'itinéraire spirituel d'un peuple, éd. Cerf, 1985.
  • Gustavo Gutiérrez Merino, La force historique des pauvres, éd. Cerf, 1982.
  • Ignacio Madera Vargas, Une expérience colombienne de la fatalité - une parole habitée par le destin interpelle une théologie de la liberté, 1995, in Destin, prédestination, destinée sous la direction d'Adolphe Gesché, Cerf ISBN 2-204051098
  • Paul Gauthier, Les Pauvres, Jésus et l'Église, 1963, Editions Universitaires, Chrétienté Nouvelle, 141p, ISBN B0000DV4DF
  • Yves Carrier, Le discours homilétique de Mgr Oscar Romero, Québec, Éditions l’Harmattan, 2003, 324 p.
  • Richard Marin, Dom Helder Câmara, les puissants et les pauvres - Contribution à une histoire de l’ "Église des pauvres" dans le Nordeste brésilien, Paris, Éditions de l’ Atelier, coll. Eglises/sociétés, 1995 ISBN 2708230794

Articles

  • Joao Batista Libanio, « La théologie de la libération. Nouvelles figures », Études, 2005/5 - Tome 402, p. 645-655. [lire en ligne]
  • Michael Löwy, Le Marxisme de la Théologie de la Libération, in Revista Espaço Acadêmico n°17, octobre 2002
  • José-Maria Mayrink, « Retour annoncé de la théologie de la libération », in le Courrier international, 2005, n° 754, p. 15.

Positions du Vatican

Articles connexes

Liens externes

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