Juron québecois

Juron québecois

Sacre québécois

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Les sacres (synonyme de jurons au Québec) font partie intégrante du vocabulaire du français québécois parlé. De véritables témoignages de l'héritage religieux du Québec, ils sont pour la plupart tirés de termes ayant trait à la religion catholique. En effet, l'Église catholique a joui jusqu'à la Révolution tranquille d'une influence considérable dans la société québécoise. D'aucuns estiment d'ailleurs que les sacres ont constitué, en partie du moins, un exutoire vis-à-vis du contrôle exercé dans toutes les sphères de la société québécoise par l'élite ecclésiastique de l'époque.

La plupart du temps, les sacres sont utilisés comme interjections pour souligner l'intensité d'une émotion, généralement la colère ou la stupéfaction. Certains les utilisent également pour faire état d'une grande diversité d'émotions comme la peur, l'envie ou même la reconnaissance. Un ouvrier qui s'assène accidentellement un coup de marteau sur un doigt ou un programmeur qui efface par inadvertance une journée de travail d'un simple clic termineront généralement l'expression orale de leur douleur par un juron bien senti, du genre : « hostie de calice ! »

Toutefois, le sacre n'est pas seulement composé d'interjections dans la langue populaire québécoise. Le sacre se fait aussi substantif (« p'tit crisse, le tabarnac »), qualificatif (« crisse que je t'aime »; « Une viarge de belle fille »; « une calvaire de grosse montagne»; « un câlisse de bon vin »), verbe (« j'ai crissé ma job là ») (« j'vais t'en crisser une ») ou même adverbe (« christ que c'est beau! »). La nature polymorphique du sacre permet en outre de générer des suites de sacres qui ont un sens grammatical et syntaxique, comme on bâtirait une phrase normale.

On considère généralement les sacres comme une expression vulgaire de la langue, voire un défaut de langage. Pour atténuer leur impact, on a parfois recours à des euphémismes, comme par exemple "tabarouette" en lieu et place de « tabarnak ». Les sacres sont aussi utilisés dans le français acadien, mais plus rarement et avec des variantes régionales.

Concrètement, plusieurs de ces jurons font référence à la profanation d'hosties, de tabernacles et de calices.

Prononcer un juron avait autrefois la valeur symbolique de déclarer son apostasie en rejetant l'Église. Toutefois, il s'est répandu dans toutes les couches de la population, même les classes plus instruites et parfois même dans le clergé.

Sommaire

Les sacres les plus courants

Pour simplifier, voici une liste de sacres les plus couramment entendus dans la société québécoise. Le lecteur désireux d'approfondir sa connaissance des sacres et de leurs variantes langagières et régionales se référera, entre autres, à l'auteur Jean-Pierre Pichette.

Baptême

Dérivé de "baptême", cérémonie religieuse par laquelle on témoigne être chrétien. Variante douce: Batinsse.

  • "Baptême, sont où mes clés ?"

Bâtard

Dérivé de "bâtard", enfant de naissance plus ou moins honteuse. Variante douce: Batèche!

  • "Hey, bâtard que je suis stressé..." amplifie la phrase

Câlice

Provient de calice. Souvent écrit "câlisse". Variante douce : câlique, câline, câline-de-bine, câlibine, calvasse, câliboire, colaye, câlache, caltar et colasse.

  • "Pas encore, câlice..."
  • "Câlice moé patience avec ça" (Demande à quelqu'un qu'il nous foute la paix)
  • "J'm'en câlice" (je m'en fous)
  • "Câlice de char!" (putain de voiture)

Calvaire

Provient de calvaire. Variantes: calvince, calvâsse, calvette, calvinus, calvinisse.

  • « Y'était en beau calvaire. » (il était fâché)
  • « Quel calvaire... Calvaire ! » (Parole de chanson de Plume Latraverse)
  • « J'ai d'la misère, ô Calvaire ! » (Parole d'une chanson de la Chicane)
  • « Une calvaire de belle montagne! » (Marc Laurendeau *in* «*** Le cours de sacre ***», Les Cyniques)

Crisse

Provient de Christ. Variante douce : Christophe, crime, criffe, cristi, crime-pof.

  • "Crisse de cave !" (espèce d'imbécile)
  • "Ça fait mal en criss" (ça fait très mal)
  • "Toé, mon p'tit crisse!" (toi, mon petit garnement)

Maudit

Provient de la malédiction en général. Variantes douces : Maudine, mautadine, mautadi.

  • "Toé mon p'tit maudit!"
  • "Maudit niaiseux!"
  • "Y en a en maudit" (il y en a beaucoup)

Aussi usité en France.

Mausus

Provient de Moïse prononcé à l'anglaise (Moses)

  • "Mon petit mausus, reviens icitte tu'suite (tout de suite)!"

Ostie

Provient de hostie, le pain béni. Formes raccourcies (variantes) : sti, esti, asti, hostifi. Formes adoucies : estique, estin, ostin, esprit.

  • "Ostie qu'y fait chaud !"
  • "Ostie qu'c'est plate !"
  • "Ostie, mon char veut pas partir"
  • "Tu ferais bien de m'écouter, mon ostie"

Sacrament

Provient de sacrement. Il désigne en particulier l'Eucharistie. Variantes: sacristi, sacrafayeïce, saint-sacrement.

  • "Sacrament, y va-tu continuer longtemps ?"
  • "Sacrament, tu me tombes sur les nerfs !"

Sacrant

Provient du mot sacre. Forme adoucie : sacripant

  • "Fais-moi ça au plus sacrant" - Fais ceci dans les plus brefs délais.

Saint-crême

Provient de l'huile sainte utilisé lors des sacrements du baptême, de la confirmation et de l'ordination.

  • « Saint-crême! T'aurais pas dû faire ça! »

Simonaque

Provient peut-être de "simoniaque"; commerce d'objets religieux. À vérifier et confirmer.

Ciboire / Cibouère

Voir ciboire. "Cibouère" indique la prononciation traditionnelle (en deux syllabes). Variantes : cibon, cibole, ciboulot, ciboulon.

  • "Une Cibouère de contravention."

Peut aussi être dit Saint-Ciboire

  • "Saint-Ciboire quessé tu fous là? (que fais-tu là?)"

Tabarnak

Provient de tabernacle, aussi écrit tabarnac. Variantes adoucies : tabarnouche, tabernik, tabarouette, tabaslak, barnak, tabeurn (à l'anglaise), tabarnache, tabarslak, tabeurslak (à l'anglaise), tabarnane et tabouère.

  • "Tabarnak! Encore une défaite !"
  • "Viens t'en donc, mon tabarnak!"

Torrieux

Provient de Tort à dieu.

  • "Torrieux, j'comprends rien!"
  • "Hey mon torrieux!"

Viarge

Provient de vierge. Forme adoucie : viande.

  • "Viarge qu'est belle !"

Degré des sacres

En raison de l'héritage religieux québécois et des traditions religieuses d'avant la laïcisation, certains sacres sont considérés comme de réels blasphèmes alors que d'autres sont simplement considérés comme des jurons.

Ainsi, les termes « hostie », « câlice », « criss », « sacrament » et « tabarnak  » sont mal perçus et sont réellement considérés comme des blasphèmes. Par contre, l'utilisation de « maudit », « mausus », « viarge », « st-chrême » et « calvaire » est plus courant et ces termes sont davantage considérés comme des jurons ou étant d'un bas niveau de langage.

Les déformations

Noms

Les sacres peuvent aussi être utilisés à titre de noms.

  • Le p'tit tabarnak a volé mon portefeuille.

Verbes

Il existe plusieurs formes de verbes dérivés des sacres, chacun peut avoir de multiples significations selon la situation, et il est même possible dans certaines situations d'utiliser un sacre sous forme de verbe pour remplacer presque tous les autres verbes. Par exemple : « M'a' toute câlicer ça là avant que ça décrisse toute pis qu'on se tabarnaque une débarque pis qu'on crisse le camp dans l'clos. » Les verbes mettre, laisser ou donner sont les verbes les plus facilement remplaçables par un sacre.

Les sacres-verbes les plus connus sont:

Crisser et décrisser

  • Crisser une volée : donner une raclée.
  • Crisse-moé la paix : laisse-moi tranquille.
  • Crisser du ketchup dans la poutine : mettre sur, ajouter à.
  • Crisser la moppe dans la chaudière : mettre la serpillère dans le seau.
  • Y m'a crissé dans marde : il m'a fait des misères, m'a créé des ennuis.
  • Y m'a crissé dans bouette : il m'a poussé dans la boue.
  • Crisser l'feu à cabane : mettre le feu à la maison (mettre de l'ambiance).
  • 'A m'a crissé là : elle m'a quitté.
  • Tout(e) crisser ça là : tout abandonner.
  • Je m'en [contre-]crisse : je m'en fous complètement, cela m'importe nullement.
  • Décrisser : s'en aller, partir.
  • Décrisser quelque chose : démolir.
  • Crisser dehors : se faire mettre à la porte d'un endroit.
  • J'crisse mon camp d'icitte : je m'en vais de (lieux)
  • J'm'en crisse : ça m'est égal

Calicer et décalicer

  • Calicer une volée : donner une raclée.
  • Calicer une tuque dans la valise du char : mettre un bonnet dans le coffre d'une voiture.
  • Calicer son camp : s'en aller.
  • Tout(e) calicer ça là : tout abandonner.
  • J'm'en [contre-]calice : je m'en fous.
  • S'en faire calicer toute une : se faire battre à plates coutures (dans un sport).
  • Décalicer : s'en aller.
  • Décalicer quelque chose : démolir.
  • Tout décalicé : brisé, être amoché.
  • J'va' te calicer une mornifle solide dans face : je vais te frapper au visage.
  • Calicer ça en bas des marches : lancer en bas de l'escalier.
  • Calicer patience : foutre la paix.
  • Se faire calicer dehors : foutre à la porte.
  • Toute décâlicé d'la vie : déprimé

Tabarnaquer

  • On s'en tabarnaque : on s'en fout.

Adverbes

Plusieurs sacres se transforment en adverbes, utilisés pour amplifier un adjectif.

Crissement

  • "C'est crissement bon comme film"

Câlicement

  • "C'est câlicement beau !"

Mauditement

  • "C'est mauditement beau !"

Tabarnaquement

Très rare, voire inexistant dans certaines régions.

  • "C'est tabarnaquement bon!" La tournure plus populaire serait : "C'est bon en tabarnak!"

L'orthographe

Il importe de remarquer que les sacres apparaissent sous diverses formes écrites. Sur Internet, ou est le mieux représenté le langage écrit-parlé, l'on peut trouver également "tabarnak", "tabarnaque" et "tabarnac". Il en est ainsi pour tous les sacres.


Effet intensifiant

Utiliser un sacre a pour effet d'amplifier le sens de la phrase ou du mot. Dire : « Tu m'énarves, tabarnak » marque un niveau d'émotion plus important que : « Tu m'énerves ». « Il fait frette câlice » marque un énervement par rapport au froid plus grand que : « Il fait froid ». Un crisse de gros rat est plus gros qu'un gros rat. Un hostie de cave est plus idiot qu'un cave. Un câlice de bon film est meilleur qu'un bon film. Dans cet esprit, Un « crisse de tabarnak de saint-ciboire de saint-sacrament de câlice d'ostie de colon » marque un très très fort niveau d'énervement par rapport à l'auteur d'une idiotie perçue ou avérée.

Combinaisons de sacres

Utiliser plusieurs sacres les uns avec les autres peut amplifier leur effet, ou leur faire prendre un nouveau sens. Exemple : "Câlisse de crisse ou saint-ciboire de tabarnak !" ou "Hostie de câlice de saint-sacrament !" ou, plus défoulant et avec plus d'impact: "Câlice d'esti de calvaire de tabarnak d'asti d'ciboire de sainte-viarge !" Il en existe encore beaucoup d'autres, par exemple, des plus courts tel que : "Câlice de crisse de tabarnak" et "Hostie de câlice de tabarnak" (qui est très fréquent). Les combinaisons de sacres peuvent aussi contenir des insultes et des grossiéretés.

Combiner les sacres est un art, et, à moins d'avoir passé beaucoup de temps en compagnie de Québécois et de bien connaître la culture québécoise, il n'est pas conseillé pour un nouvel arrivant d'utiliser ces termes; il ne faut pas oublier qu'il s'agit de jurons. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il y a des combinaisons qui ne sont pas utilisables et qui sont risibles aux oreilles des locaux. Une mauvaise utilisation des sacres ou une combinaison boiteuse peut rapidement faire perdre toute crédibilité au locuteur. Par exemple, un « tabarnak de sacrament » ne se dit jamais, ni un « con de sacrament ». Un « tabarnak d'hostie », non (à moins qu'on parle de l'objet, ce qui est plus que rare), un « tabarnak d'hostie de con », oui, un « con de tabarnak », seulement avec un très fort accent tonique et syllabique sur la finale. Les sacres sont davantages réservés aux discussions familières, amicales ou grossières lors de circonstances privées, dans certains milieux de travail ou lors de colères. Ils peuvent créer un fort sentiment chez certaines personnes, ce sont des mots chargés fortement, à réserver aux personnes familières ou aux situations de colère.

Les jurons québécois dans la culture populaire

Faisant partie intégrante du langage québécois, les sacres et jurons apparaissent régulièrement dans les oeuvres littéraires (pièces de théâtre de Michel Tremblay), télévisuelles ou cinématographiques réalisées au Québec. Une scène typique apparaît dans le film de comédie Bon cop bad cop, où un personnage francophone québécois interprété par Patrick Huard explique les subtilités des déclinaisons des sacres au Québec en noms, verbes et adjectifs à un personnage anglo-ontarien interprété par Colm Feore. [1]

Notes et références

  1. Augendre, Michaël, Il ne faut jurer de rien, Canoë diverstissement, consulté le 19 juin 2007.

Voir aussi

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Voir « Sacres québécois » sur le Wiktionnaire.

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