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Syndrome d'enfermement

Le Syndrome d'enfermement (Appellation anglophone : Locked-in syndrome), est un état neurologique rare qui pose un problème médical, économique, mais surtout humain. Le patient est éveillé et totalement conscient, il voit tout, il entend tout mais ne peut plus ni bouger ni parler en raison d'une paralysie complète exceptée le mouvement des paupières. Les facultés cognitives du sujet sont intactes d'où le nom de syndrome d'enfermement. Le syndrome d'enfermement est consécutif majoritairement à un accident vasculaire cérébral (AVC appelé aussi « attaque cérébrale »), plus rarement à un traumatisme, détruisant le tronc cérébral, partie du système nerveux central située à l'intérieur du crâne qui sert de passage aux nerfs qui vont vers le cerveau et à ceux qui en partent, véritable noyau de la sensibilité et de la motricité.

Les causes du syndrome d'enfermement sont communes aux facteurs de risques de tous les accidents vasculaires cérébraux : cholestérol, hypertension, diabète… parfois aucun facteur n’est décelé.

Les patients atteints de ce syndrome sont pleinement conscients de leur corps et de leur environnement. Bien que n'ayant pas ou peu de contrôle sur leurs membres, ils peuvent les situer avec exactitude dans l'espace, et contrairement aux patients paralysés suite à une atteinte de la moelle épinière, ressentent encore le toucher et la douleur.

Le syndrome d'enfermement possède aussi les dénominations suivantes : syndrome protubéranciel ventral, état de désafférentation motrice supranucléaire ou encore déconnexion cérébro-médullaire spinale pseudo coma[1],[2].

Sommaire

Historique

Premières apparitions du syndrome d'enfermement dans la littérature

Les premières descriptions d'état apparenté au syndrome d'enfermement semblent provenir de la littérature. En 1844, Alexandre Dumas décrit dans son roman Le comte de Monte Cristo un état ressemblant à ce syndrome sous les termes : « un cadavre avec des yeux vivants ». Son personnage, Monsieur Noirtier de Villefort, victime d'une attaque, survit et apprend à communiquer à l'aide de clignement de paupières et de mouvements verticaux.

Quelques années plus tard, en 1867, Zola évoque dans Thérèse Raquin une femme « frappée de mutisme et d'immobilité ». Son visage est décrit « comme le masque dissous d'une morte au milieu duquel on aurait mis des yeux vivants. Ses yeux seuls bougeaient, roulant rapidement dans leur orbite ».

La reconnaissance médicale et la médiatisation du syndrome d'enfermement

Il faut attendre 1941 pour que la littérature médicale évoque ce syndrome[3]. En 1947, un premier cas de locked-in syndrome était diagnostiqué par un neurologue et un neuro-chirurgien. En 1966, avec Plum et Posner [4], le terme de locked-in syndrome était introduit. Ce terme signifie en traduction littérale « bloqué à l'intérieur ». En 1997, le grand public découvre le syndrome d'enfermement dans Le Scaphandre et le Papillon. Jean-Dominique Bauby y décrit sa nouvelle condition d'emmuré vivant suite à un accident vasculaire cérébral. Ce livre a été dicté par le clignement de sa paupière gauche, lettre par lettre, à un tiers locuteur.

Causes

Le syndrome d'enfermement est la conséquence d'une lésion étendue du tronc cérébral, le plus souvent au niveau de la protubérance. La plupart du temps causée par un AVC, et dans les autres cas d'origine traumatique, cette lésion intéresse les voies longues traversant le tronc cérébral, ainsi que les centres vitaux et les noyaux de certains nerfs crâniens de la 3e et 12e paire [5],[6]. La formation réticulaire est généralement préservée. Cliniquement, l'atteinte intéresse le pied du tronc cérébral, avec extension variable de la calotte, d'où le déficit moteur associant une tétraplégie par interruption bilatérale des voies cortico-spinales.

Symptômes

La majorité des patients sont victimes d'une rigidité de décérébration (extension des membres supérieurs ou inférieurs) spontanée ou provoquée par un stimulus douloureux. Lors de la phase initiale, ces patients présentent en outre des troubles de la respiration majeurs, avec insuffisance respiratoire associée. Le déficit des dernières paires crâniennes se traduit par une diplégie faciale et labio-glosso-pharyngée avec anarthrie. Les troubles de la déglutition et de la phonation sont importants. Les troubles de l'oculomotricité dépendent essentiellement de l'extérieur de la lésion protubérantielle et de son caractère uni ou bilatéral. Le trouble oculomoteur le plus habituel est la paralysie bilatérale de la latéralité sans atteinte de la verticalité, du fait de la préservation de la partie supérieure du toit du mésencéphale. Dans la majorité des cas, les seules activités musculaires volontaires et spontanées des patients sont :

  • l'ouverture et la fermeture des paupières ;
  • les mouvements conjugués verticaux des yeux.

Ces mouvements sont possibles grâce à la préservation partielle du nerf 11 et de la substance réticulée mésencéphalique. Les pupilles sont généralement petites mais réactives à la lumière. La convergence est souvent normale mais peut être atteinte.

La ventilation pulmonaire est réduite. La toux est déficitaire ce qui entraîne un encombrement trachéobronchique. Dans ce cas, la mesure de la capacité vitale est un temps important de l'examen. L'association au déficit de la toux d'un trouble de la déglutition fait courir le risque d'inondation trachéobronchique. Il faut retenir l'existence d'une isolation automatico-volontaire de la commande respiratoire. La conservation du contrôle automatique bulbaire peut contraster avec l'impossibilité de modifier volontairement le rythme et l'amplitude respiratoire, ce qui traduit l'interruption bilatérale des voies par lesquelles s'exerce le contrôle cortical.

Diagnostic

Le diagnostic du syndrome d'enfermement doit être clinique. Il est souvent retardé après une période où l'on considère le malade dans le coma. Plum et Posner insistent sur la confusion faite parfois entre le syndrome d'enfermement et le mutisme akinétique. C'est pourtant un état différent : Le mutisme akinétique correspond à une altération subaigue ou chronique de la conscience avec des cycles de veille-sommeil. Les patients ont un aspect vigile, ne parlent pas, ne bougent pas, sans que cela puisse s'expliquer par une atteinte des voies motrices, comme c'est le cas pour le syndrome d'enfermement. L'akinésie se manifeste par l'absence de mouvements spontanés, de mouvements sur ordre, même lors de stimulations douloureuses, l'absence de parole et de motilité au niveau des membres contraste avec la présence de certains signes d'éveil. Les sujets ouvrent les yeux spontanément ou après stimulation. Ils ont des mouvements conjugués des yeux, parfois semblent suivre un stimulus visuel (clignement à la menace). Le mutisme akinétique intéresse à des degrés variables les lobes frontaux et la formation réticulaire. D'après Plum et Posner, il faut distinguer un esprit encombré d'un corps qu'il n'a plus le pouvoir de contraindre à l'obéissance, d'un mutisme akinétique typique dans lequel la conscience est altérée.

Prise en charge

La prise en charge s'appuie d'une part sur des mesures de réanimation spécifiques, d'autre part dans certains cas, sur des traitements spécifiques de l'étiologie. Le traitement symptomatique s'impose dans tous les cas et a pour but d'assurer le maintien des fonctions vitales. En particulier la ventilation, avec au besoin une assistance respiratoire par intubation puis par trachéotomie, une aspiration bronchique répétée. Une kinésithérapie respiratoire régulière est indispensable.

La communication

Le patient communiquera en exploitant les seuls mouvements volontaires restants tels que :

  • l'ouverture des yeux (assurés par le releveur de la paupière supérieure) ;
  • les clignements de paupières ;
  • les mouvements oculaires verticaux.

La méthode de communication habituellement utilisée est la suivante. Après un commun accord entre la personne parlante et la personne atteinte du syndrome d'enfermement (communément appelée LIS, abréviation du nom anglophone de la pathologie), sur les signes oui et non qui seront utilisées par ce dernier (par exemple un clignement de paupière pour le oui, deux pour le non), la personne parlante commence à dicter les lettres de l'alphabet dans un ordre défini auparavant. Le LIS arrête alors par le signe oui la personne sur la bonne lettre. Jean-Dominique Bauby a ainsi écrit son livre en utilisant l'ordonnancement ESARINTULOMDPCFBVHGJQZYXKW respectant la fréquence d'apparition des caractères dans un texte français.

Depuis l'époque de la rédaction du Scaphandre et le papillon, des techniques spécifiques ont été développées pour les patients et de multiples aides technologiques ont vu le jour[7]. On notera l'accessibilité de plus en plus grande à l'informatique, notamment grâce à certains logiciels nommés « claviers virtuels » qui font apparaître un clavier à l'écran dont les touches sont sélectionnées tour à tour par défilement. Le LIS choisit la lettre par l'actionnement d'un contacteur qui remplace le clic de la souris.

Références

  1. Patterson J.R., GRABOIS M. Locked-In Syndrome: a review of the 139 cases stroke. July-August, 1986, vol. 17, 4, 758-764
  2. CAMBIER J., MASSON M., DEHEN H. Neurologie. Masson, Paris, 1995, 8e édition, 559 pp.
  3. CAIRNS H., OLDFIELD R.C., PENNYBACKER J.B., WHITTERIDGE D. Akinetic mutism with an epidermoid eyst of the 3rd ventricle. Brain. 1941-64 : 273-280.
  4. PLUM F., POSNER J.B. Diagnostic de la stupeur et des comas. Masson, Paris, 2è édition, 1982, 424 pp.
  5. GOUAZE A. Neuroatonomie clinique. Expansion scientifique française. 1994, 4e édition, 400 pp.
  6. CORNU Ph., LANDAU J., GAZENGEL J. Le coma en milieu chirurgical. Neuropsychiatrie, février 1991, vol. 6, 2, 637-645.
  7. Communiquer sans la parole

Bibliographie

Liens externes


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