Hospitalisation sans consentement (France)

Hospitalisation sans consentement (France)

Hospitalisation sans consentement en France

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L'hospitalisation sans consentement en France est une mesure qui s'applique aux personnes qui souffrent de problèmes psychiatriques. C'est à la fois une mesure de privation de liberté, qui peut être prise pour des raisons d'ordre public, et une mesure d'obligation de soins, les concernés pouvant dénier leur état pathologique. Il y a deux régimes d'hospitalisation sans consentement: celle effectuée à la demande d'un tiers, et celle ordonnée par les autorités (hospitalisation d'office).

Ces deux régimes ne concernent pas les personnes inconscientes, dont l'hospitalisation relevè alors de l'urgence. Dans la plupart des démocraties, l'hospitalisation sans consentement est une mesure d'exception, puisque le patient doit normalement être associé à la démarche thérapeutique et exclure toute possibilité d'internement arbitraire.

Le cas typique d'hospitalisation sans consentement est un trouble mental empêchant la personne de se prendre en charge, ou induisant un comportement dangereux pour elle-même ou son entourage. Dans certains cas, concernant les mineurs, l'hospitalisation sans consentement peut être ordonnée si les parents s'opposent aux soins de leur enfant par conviction religieuse ou philosophique alors que la vie de ce mineur est menacée par cette décision.

Sommaire

Anciens textes

  • Décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire: « Les objets de police confiés à la vigilance et à l’autorité des corps municipaux sont:[...] Le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés ou les furieux laissés en liberté, et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces »
  • La loi du 30 juin 1838 définit les modalités du placement volontaire et du placement d'office. Antérieurement à ce texte, le Code civil donnait en la matière compétence à l'autorité judiciaire (l'internement résultant d'une procédure d'interdiction), mais dans la pratique c'étaient surtout la police et les familles qui prenaient la décision [1]. La circulaire du ministre de l'intérieur du 17 septembre 1804 « sur la réclusion des insensés » met en garde contre les arrestations abusives par les préfets et rappelle que la détention nécessite un jugement provoqué par la famille.

Le Code de la santé publique actuel

En France, l'hospitalisation sans consentement est régie par la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 (modifiée par la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades), qui a remplacé la loi de 1838. Ces textes sont repris dans les articles L3212-1[2] et suivants et L3213-1[3] et suivants du Code de la santé publique.

Outre l'hospitalisation libre (HL), ces textes définissent de façon restrictive le champ d'application des mesures d'hospitalisation sans consentement qui comporte deux modalités :

  • L'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT, ancien "placement volontaire")
  • L'hospitalisation d'office (HO, ancien "placement d'office").

La circulaire « Veil » n° 48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993 rappelle que: « La loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux (art. L 326-2 du code de la Santé Publique) donne à ces patients hospitalisés librement les mêmes droits que ceux qui sont reconnus aux malades hospitalisés pour une autre cause. Parmi ces droits figure celui d’aller et venir librement à l’intérieur de l’établissement où ils sont soignés ; cette liberté fondamentale ne peut donc pas être remise en cause s’agissant de personnes qui ont elles-mêmes consenti à recevoir des soins psychiatriques. Certes les règlements intérieurs peuvent prévoir des modalités particulières de fonctionnement d’un service, mais ces modalités, dont le malade doit être informé, ne sauraient remettre en cause ce principe. » Le Dr Bantman cite des cas de restriction à la liberté d'aller et venir, à l'hôpital Esquirol, pour des patients en HL ou en HSC: risque de sortie sans autorisation de patients hospitalisés sous contrainte, risque d' « intrusion » de personnes étrangères au service dans un but surtout de trafic de stupéfiants ou d'alcool, démence avec déambulation chez des patients désorientés, risque de fugue d'une patiente autiste, menace de suicide.

D'après le Conseil d'État (arrêt Brousse, 18 octobre 1989, N° 75096), « une personne majeure présentant des signes de maladie mentale, ne peut être retenue contre son gré dans un établissement d'hospitalisation que pendant le temps strictement nécessaire à la mise en oeuvre des mesures d'internement d'office ou de placement volontaire, prévues par le Code de la santé publique ».

Une dérogation au principe général du consentement nécessaire du malade

La loi du 4 mars 2002 rappelle que le consentement aux soins par le patient reste le principe indispensable à toute prise en charge thérapeutique. Le recours à l'hospitalisation sous contrainte doit donc rester une exception qui est fortement encadrée. Il existe un certain flou sur le lien entre l'hospitalisation sans consentement et la possibilité d'imposer un traitement médical, le rapport Strohl [réf. nécessaire] insistant ainsi sur le fait que:

« le statut d'hospitalisé sans consentement ne devrait pas entraîner de facto une présomption de consentement aux autres actes effectués pendant cette période.
Certes la loi de 1990 est peu explicite quant à la liaison entre traitements et hospitalisation sans consentement, elle les amalgame quand elle définit l'HDT, comme répondant à un besoin de soins immédiats et d'une surveillance constante. On imagine effectivement que tout est compris dans ces termes : neuroleptiques, électrochocs, enfermement en unité fermée voire en chambre d'isolement.[...]
En ce sens il faut réaffirmer que le consentement au traitement doit être la règle, et l'hospitalisation comme le traitement sans l'accord du malade une exception dûment encadrée par des raisons médicales devant permettre aux médecins et aux malades de mieux gérer ensemble la pathologie mentale.  »

Une commission administrative, la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDHP), et les tribunaux civils et administratifs sont chargés de veiller au caractère légal du maintien à l'hôpital du patient et du respect de ses droits. Chaque CDHP se compose [4]:

  • De deux psychiatres, l'un désigné par le procureur général près la cour d'appel, l'autre par le représentant de l'État dans le département ;
  • D'un magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel ;
  • De deux représentants d'associations agréées respectivement de personnes malades et de familles de personnes atteintes de troubles mentaux, désignés par le représentant de l'État dans le département ;
  • D'un médecin généraliste désigné par le représentant de l'État dans le département.
  • En cas d'impossibilité de désigner un ou plusieurs membres de la commission mentionnée dans le présent article, des personnalités des autres départements de la région ou des départements limitrophes peuvent être nommées.

Hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT)

L'HDT s'effectue à la demande d'un tiers, c'est-à-dire d'un membre de la famille ou d'une personne qui lui porte de l'intérêt. Ce tiers doit justifier de relations antérieures à la demande d'HDT, ce qui interdit l'intervention de « faux tiers » tels que des assistantes sociales agissant à la demande d'un médecin ou de l'administration. Le cas échéant, le juge peut prononcer l'annulation [5] et la suspension de l'hospitalisation [6]. Selon le Code de la santé publique [2][3], l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) répond à trois conditions préalables:

  • la présence de troubles mentaux ;
  • l'impossibilité, par le patient, à consentir à son hospitalisation ;
  • la nécessité de soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.

Pour l'HDT d'urgence, les textes introduisent la notion de « péril imminent », c'est-à-dire de risque de dégradation grave de l'état de la personne en l'absence d'hospitalisation.

Modalités d'application de l'HDT

  • Le tiers est défini comme toute personne susceptible d'agir dans l'intérêt du patient, c'est-à-dire :
    • un membre de sa famille ou de son entourage ;
    • une autre personne pouvant justifier de l'existence de relations antérieures à la demande d'hospitalisation, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil.
  • Formulation de la demande du tiers :
    • La demande doit être manuscrite, sur papier libre et signée par la personne demandeuse. La loi précise que si cette personne ne sait pas écrire, la demande peut être reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l'établissement qui en donne acte. Cette demande doit comporter les noms, prénoms, profession, âge et domicile de la personne demandeuse comme de la personne dont on demande l'hospitalisation. La demande doit préciser la nature des relations entre la personne demandeuse et celle qui fait l'objet de la demande et, éventuellement, leur degré de parenté.
  • Certificats médicaux :
    • Il est nécessaire que deux certificats médicaux de moins de 15 jours soient joints à la demande d'HDT.
    • Les médecins qui établissent les certificats ne doivent être ni parents ni alliés entre eux, ni avec le directeur de l'établissement habilité à recevoir les patients hospitalisés sans leur consentement, ni avec le tiers demandeur ni avec le patient.
    • Le premier certificat ne peut être établi par un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil du patient. Le deuxième certificat n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du premier.
    • Les certificats médicaux doivent être rédigés en langue française, comporter les nom, prénom, fonction du médecin rédacteur. Ils doivent être rédigés en termes simples en évitant les termes techniques et les hypothèses diagnostiques car ces certificats ne sont pas couverts par le secret médical.
    • Chaque médecin doit examiner et constater lui-même les troubles mentaux présentés, l'entretien avec le patient est donc obligatoire. Lorsque le patient ne peut être approché ou abordé (cas exceptionnels) le médecin doit le préciser.
    • Les certificats doivent être adressés au directeur de l'établissement d'accueil.
  • En cas de péril imminent, et uniquement dans ce cas, le directeur de l'établissement peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin de l'établissement d'accueil mais dans ce cas le certificat doit faire apparaître l'immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient. La demande d'un tiers reste alors indispensable.

L'exigence de deux certificats constitue en principe une garantie importante, mais elle serait contournée (par exemple en cas d'impossibilité de trouver un deuxième médecin):

  • par un recours abusif à la procédure de péril imminent (laquelle exige un seul certificat)
  • par la rédaction tardive (après l'admission) de l'un des deux certificats
  • par un esprit de confiance réciproque entre les médecins, qui les inciterait, lorsqu'ils sont censés établir le deuxième certificat, à confirmer automatiquement les conclusions du premier médecin (ou à recopier textuellement son certificat).

La circulaire DGS/6 C n° 2000-564 du 20 novembre 2000 relative au rapport d'activité de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques pour l'année 1999 fait état d'une « banalisation abusive » de la procédure de péril imminent, qui serait due aux raisons suivantes:

« - meilleure appréhension des problèmes de santé mentale par les médecins généralistes et les familles ainsi qu'une meilleure connaissance du dispositif de soins en psychiatrie ;
- difficulté pour les familles d'obtenir un second certificat médical ;
- modification du profil des personnes concernées : personnes suicidantes ou dépendantes aux produits toxiques ;
troubles de comportement violent ;
- augmentation des HDT d'urgence initiées par les services d'urgence des CHG »

Cas des mineurs

Ils ne font pas l'objet d'une HDT, mais les détenteurs de l'autorité parentale peuvent les hospitaliser contre leur gré.

Hospitalisation d'office (HO)

L'hospitalisation d'office (HO), régie par les articles L 3212-1 et suivants et L 3213-1 et suivants du Code de la santé publique est définie selon deux modalités :

  • En dehors de l'urgence :
    • L'HO est prononcée par arrêté du préfet de police à Paris, ou par le préfet dans les autres départements, au vu d'un certificat médical circonstancié.
    • Les modalités de la rédaction de ce certificat sont les mêmes que celles demandées pour les certificats médicaux nécessaires à l'HDT. Il doit préciser que les troubles mentaux du patient nécessitent des soins immédiats et compromettent de façon grave la sécurité des personnes et l'ordre public.
    • Ce certificat ne peut être rédigé par un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil du patient.
  • En situation d'urgence :
    • Dans le cas d'un danger immédiat pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire ou, à Paris, le commissaire de police, peuvent ordonner en urgence des mesures provisoires (qui ne constituent pas une HO d'après TA Paris, 30 octobre 2002, n° 006413, Groupe Information Asiles, AJDA 2003, IR p. 254). À Paris, dans ce cas, la détention a lieu à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (anciennement « infirmerie spéciale du dépôt » ou « infirmerie spéciale près la préfecture de police »), située à l'hôpital Sainte-Anne.
    • Dans ce cas la loi n'impose pas un certificat médical mais un simple avis. Un médecin peut être mandaté par le maire ou un commissaire de police pour le rédiger dès que la situation le permet. Ce certificat doit mentionner que le patient, par son comportement, constitue un danger imminent pour la sûreté des personnes ou l'ordre public.

L'HO doit être motivée en droit et en fait, la motivation pouvant être contenue dans l'arrêté lui-même ou dans le certificat médical qui justifie l'HO (CE, 9 novembre 2001, Deslandes, n° 235247; Circulaire DGS/SD 6 C n° 2001-603 du 10 décembre 2001 relative à la motivation des arrêtés préfectoraux d'hospitalisation d'office).

Ordonnance de placement provisoire du juge des enfants dans le cadre de l'assistance éducative

L'article 375-3 du Code civil dispose: « S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le confier : [...] A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé »

L'article 375-9 du Code civil dispose: « La décision confiant le mineur, sur le fondement du 3º de l'article 375-3, à un établissement recevant des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, est ordonnée après avis médical circonstancié d'un médecin extérieur à l'établissement, pour une durée ne pouvant excéder quinze jours.
La mesure peut être renouvelée, après avis médical conforme d'un psychiatre de l'établissement d'accueil, pour une durée d'un mois renouvelable. »

Transport du patient

L'article L3222-1-1 CSP, tel qu'il résulte de la loi nº 2004-806 du 9 août 2004, dispose que les personnes en HDT ou en HO peuvent être transportées à l'établissement de santé d'accueil sans leur consentement et lorsque cela est strictement nécessaire, par des moyens adaptés à leur état, le transport étant assuré par un transporteur sanitaire agréé dans les conditions prévues aux articles L. 6312-1 à L. 6312-5. Dans le cas d'une HDT, le transport ne peut avoir lieu qu'après l'établissement d'au moins un certificat médical et la rédaction de la demande d'admission prévus aux articles L. 3212-1 et L. 3212-3.

Recours du patient et surveillance de son état

Les lacunes dans l'information du patient

  • D'après Cécile Prieur, « Le plus souvent, les patients ignorent d'ailleurs leur droit à recourir au contrôle du juge administratif ou judiciaire ».
  • D'après Assia Boumaza et Thierry Fossier, les usagers mécontents ne croient pas ce que leur dit l'administration, le livret d'accueil est négligé par tous, la charte du malade hospitalisé est affichée mais non lue, et la CDHP est incapable de fournir une information complète.

Recours juridictionnels

Le patient peut contester la nécessité son hospitalisation devant le juge des libertés et de la détention (depuis la loi Guigou de 2000; auparavant, c'était le président du tribunal de grande instance qui était compétent). Le juge des libertés et de la détention peut maintenir l'hospitalisation sans consentement, ou ordonner la sortie. Le patient peut aussi contester la légalité de l'HSC devant le tribunal administratif au moyen d'un recours pour excès de pouvoir. En principe, le JLD juge la nécessité de l'HSC, tandis que le juge administratif examine sa régularité formelle (par exemple, la compétence de l'autorité qui a pris la décision et le respect de la procédure); les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour toute demande d'indemnisation y compris celles qui sont fondées sur une irrégularité formelle constatée par le juge administratif. La question de la répartition exacte des compétences entre les deux ordres de juridiction a donné lieu à une jurisprudence assez importante (voir par exemple CE, 1er avril 2005, Mme L., n°264627, AJDA n°22/2005, chroniques pp. 1231-1234).

Pour le groupe d'évaluation de la loi de 1990 (commission Strohl), « en principe il est vrai qu'un juge, du siège, serait mieux désigné pour prendre une décision privative de liberté pour un malade, en toute indépendance, par rapport à l'opinion, aux administrés, à la famille et au système de soins », mais il y aurait deux inconvénients:

  • la difficulté de statuer à bref délai, avec le risque que, sans examen approfondi du dossier, le juge se contente de valider l'avis d'un médecin ou de l'administration
  • il n'y aurait plus de séparation entre l'autorité qui prendrait la décision initiale et celle qui examine le recours contre cette décision (il serait difficile pour un juge de déclarer abusif un internement ordonné par un autre juge, et même si le deuxième juge était totalement indépendant du premier, il ne serait pas forcément considéré comme tel par le patient)

Alvaro Gil-Robles, commissaire aux Droits de l'homme du Conseil de l'Europe, estime que, comme toute privation de liberté, l'HDT ou l'HO ne peut être établie que par un juge et non par la seule autorité administrative, sauf en ce qui concerne les décisions provisoires prises dans une situation d’urgence (rapport au Comité des Ministres et à l'Assemblée Parlementaire sur sa visite en France du 5 au 21 septembre 2005).

Visites des établissements

Le préfet ou son représentant, le juge du tribunal d'instance, le président du tribunal de grande instance ou son délégué, le maire de la commune ou son représentant, et le procureur de la République ont l'obligation légale de visiter régulièrement les services de psychiatrie accueillant des patients hospitalisés sous contrainte (art. L333-2 CSP). Cependant, il arrive que cette règle ne soit pas respectée:

Surveillance du patient et certificats établis au cours de l'hospitalisation

Le médecin qui suit le patient doit établir des certificats de 24h, de quinzaine… Quand cela est jugé nécessaire par le médecin, des mesures de chambres fermées ou d'isolement peuvent être prescrites. Cette mesure implique une fiche de surveillance infirmière qui doit être remplie plusieurs fois par jour. Le patient doit être vu chaque jour par le médecin.

Le Comité européen de prévention de la torture notait dans son rapport sur sa visite en France du 27 octobre au 8 novembre 1991, au sujet d'une UMD: « Dans les dossiers, les certificats de situation et les rapports périodiques obligatoires sont le plus souvent réduits à quelques formules stéréotypées, sans véritable examen renouvelé du malade. La dotation particulièrement faible en personnel médical, compte tenu de la sévérité des cas pris en charge, est manifestement à l'origine de cette situation, à quoi s'ajoute la faiblesse des secrétariats médicaux. »

D'après la circulaire DGS/SP 3 n° 99-300 du 25 mai 1999: " les " CDHP " dans leur ensemble constatent qu'une des plus importantes difficultés rencontrées concerne les certificats mensuels justifiant le maintien d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte : ceux-ci sont souvent trop répétitifs et peu circonstanciés dans le temps surtout lorsqu'il s'agit d'hospitalisations sans consentement de longue durée. Se pose ainsi la question de la légitimité du maintien des mesures d'hospitalisation sous contrainte concernées. "

Les conséquences de l'hospitalisation

Les faits ayant donné lieu à l'hospitalisation sans consentement, si l'auteur est considéré par la justice comme « attein[t], au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes », ne font pas l'objet de sanctions pénales (art. 122-1 du Code pénal), bien qu'ils puissent donner lieu à une indemnisation de la victime par leur auteur (article 489-2 du Code civil). Ces mesures médicales et administratives ne figurent pas dans le casier judiciaire (mais les personnes hospitalisées sans leur consentement peuvent être inscrites au fichier HOPSY, ce qui permet à l'administration de leur accorder une attention particulière dans le cadre de certaines procédures, telles que l'instruction des demandes de port d'arme). D'autre part, les personnes hospitalisées d'office doivent être examinées par un psychiatre agréé avant d'obtenir leur permis de conduire; cependant, en règle générale, « À sa sortie de l'établissement, toute personne hospitalisée en raison de troubles mentaux conserve la totalité de ses droits et devoirs de citoyen, sous réserve des dispositions des articles 492 et 508 du code civil, sans que ses antécédents psychiatriques puissent lui être opposés » (Art. L3211-5 CSP).

Les changements de modes d'hospitalisation

Suivant l'état du patient, les modes d'hospitalisations peuvent être modifiés :

  • Dans certaines situations difficiles où les conditions d'hospitalisation ne sont plus adaptées, une personne en hospitalisation libre peut être mise sous HDT voire en HO. De même une personne en HDT peut être mise en HO si les circonstances le nécessitent (par exemple, demande par un tiers de lever de l'HDT contre l'avis du médecin, ou évasion du patient nécessitant le passage en HO pour déclencher des recherches).
    • l'art. L3212-9 CSP dispose: « A l'égard des personnes relevant d'une hospitalisation sur demande d'un tiers, et dans le cas où leur état mental nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public, le représentant de l'État dans le département peut prendre un arrêté provisoire d'hospitalisation d'office. À défaut de confirmation, cette mesure est caduque au terme d'une durée de quinze jours. ».
    • l'art. L3212-9 CSP permet, en cas d'opposition du médecin à la fin, demandée par un tiers, de l'HDT, le prononcé par le préfet d'un sursis provisoire (valable quinze jours au maximum), éventuellement suivi d'une HO, qui permet de maintenir le patient dans l'hôpital.
  • Pour les personnes en HO, un transfert en UMD (unité pour malades difficiles) peut être réalisé en cas de dangerosité particulière.
  • Par contre, dès que son état le permet une personne en HDT peut revenir au régime de l'hospitalisation libre à la suite d'une simple décision médicale, alors que le passage d'un placement de HO en service libre peut nécessiter une autorisation administrative en plus de l'avis médical.

Données épidémiologiques

Un rapport de la Commission européenne (Central Institute of Mental Health - cf bibliographie pour les références et la critique) analysant les législations comparées des différents pays de la Communauté européenne concernant l'hospitalisation sans consentement montre la grande variabilité de cette mesure selon les pays. La variabilité des législations rend la comparaison difficile mais à partir des données recueillies (entre 1997 et 2000 selon les pays) il apparaît que l'on obtient les taux suivants :

  • Au Portugal 6 hospitalisations sans consentement pour 100 000 habitants soit 3,2% des hospitalisations psychiatriques ;
  • En France 11 hospitalisations sans consentement pour 100 000 habitants, ce qui représente 12,5% des hospitalisations psychiatriques (ou environ 100 HSC pour 100 000 habitants d'après Bernardet et Barbato, pour qui Salize a commis une erreur de calcul);
  • En Finlande 218 hospitalisations sans consentement pour 100 000 habitants ce qui représente 21,6 % des hospitalisations psychiatriques;
  • En Suède ce taux d'hospitalisation sans consentement atteint 30% des hospitalisations psychiatriques.

Ce même rapport constate qu'en France il existe, depuis 1992, une tendance à l'augmentation du nombre de mesures d'hospitalisations sans consentement.

La Direction générale de la santé (circulaire DGS/6C n) 2004/237 du 24 mai 2004) qui tente d'analyser cette situation émet plusieurs hypothèses qui pourraient expliquer cette situation :

  • Un recours plus fréquent aux soins psychiatriques qui se constate par la croissance de la file active des secteurs en psychiatrie ;
  • Le fait que les données disponibles rendent compte des mesures prises et non des patients eux-mêmes ; une personne pouvant être hospitalisées plusieurs fois de suite cette augmentation des hospitalisations sans consentement montrerait surtout que l'hospitalisation de certains patients est trop courtes et qu'ils sortent avant d'être suffisamment stabilisés :
  • La précarisation sociale d'un certain nombres de patients qui influe sur leur état psychique ;
  • La possibilité que certains médecins aient recours à une HDT pour s'assurer que leur patient obtienne bien une place dans des services qui manquent de place ;
  • Le rôle des services d'accueil des urgences (SAU) dans l'établissement des certificats d'HDT.

De plus, on parle d'une « psychiatrisation de la société » consistant par exemple à hospitaliser des personnes en situation de grande marginalité qui ont besoin d'un hébergement plutôt que de soins, ou encore à considérer comme malades des auteurs d'infractions sexuelles (rapport Strohl, § 7.1). Mais on note aussi une tendance inverse, consistant à considérer les malades mentaux comme des délinquants ou des criminels: « "Nous sommes revenus deux siècles en arrière, dans des temps où on mélangeait délinquants et malades mentaux", estime Cyrille Canetti, psychiatre à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis » (cité par C.Prieur, « Les prisons débordées par l'afflux de malades mentaux », Le Monde). Betty Brahmy, psychiatre au SMPR de Fleury-Mérogis, estime (Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, 28 juin 2000) que :

  • lorsqu'un accusé souffre de troubles mentaux (dont l'intensité ne justifie pas qu'il soit considéré comme irresponsable en application de l'article 122-1 du Code pénal), les jurés d'assises sont « effarés par le tableau clinique qui leur est présenté » et peuvent en conséquence prononcer une peine lourde;
  • il est difficile pour les psychiatres de SMPR de placer leurs patients dans un hôpital psychiatrique, en raison d'une part du manque de moyen des hôpitaux, d'autre part des problèmes de sécurité et des possibilités d'évasion;
  • si un expert conclut en faveur de l'irresponsabilité pénale, il risque de retrouver la personne poursuivie comme patient dans l'hôpital où il exerce, ce qu'il ne souhaite pas forcément.

La Cour des comptes, dans son rapport pour l'année 2000, estime que « L’augmentation des hospitalisations sur la demande d’un tiers - + 45 % en 7 ans -, mériterait de faire l’objet d’investigations approfondies, afin de déterminer si le système prévu par la loi de 1990 est adapté, sous réserve que les règles soient appliquées, et s’il ne permet pas des dérives préjudiciables aux droits des personnes. »

Le député Georges Hage a déposé le 25 février 2004 une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la progression du nombre d'internements psychiatriques en France (et à l'« exploration des pistes pour la mise en place d'un système de santé mentale garantissant qualité des soins, sûreté publique et liberté individuelle »); elle a été rejetée le 12 mai 2004 par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales qui a considéré que l'augmentation des HSC était surestimée et que la multiplicité des intervenants dans la procédure constituait une garantie contre les abus.

Cas des détenus

Aux termes de l'article D398 du Code de procédure pénale :

« Les détenus atteints des troubles mentaux visés à l'article L. 342 du code de la santé publique ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire.
Au vu d'un certificat médical circonstancié et conformément à la législation en vigueur, il appartient à l'autorité préfectorale de faire procéder, dans les meilleurs délais, à leur hospitalisation d'office dans un établissement de santé habilité au titre de l'article L. 331 du code de la santé publique.
Il n'est pas fait application, à leur égard, de la règle posée au second alinéa de l'article D. 394 concernant leur garde par un personnel de police ou de gendarmerie pendant leur hospitalisation. »

Propositions de réforme

Cet auteur est en faveur de la « judiciarisation», c'est-à-dire de la désignation du juge judiciaire, au lieu de l'administration, comme autorité compétente pour ordonner une HSC. La judiciarisation présenterait les avantages suivants:

  • « l'intervention préalable du juge judiciaire à toute hospitalisation sans consentement pour s'assurer a priori du bien-fondé de la mesure au moyen d'une expertise psychiatrique »
  • « l'organisation d'un débat contradictoire avec accès au dossier personnel et à la motivation de la mesure »
  • l'assistance obligatoire d'un conseil
  • la faculté de solliciter une contre-expertise
  • la conformité du droit français:
    • à l'article 38 de la Constitution, qui désigne l'autorité judiciaire comme « gardienne de la liberté individuelle »
    • à la théorie du bloc de compétence
    • à des recommandations du Conseil de l'Europe:
      • recommandation n° 1235, relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme, 1994
      • recommandation R(83) 2 sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, 22 février 1983

Conclusion

Même imparfaites, ces dispositions très strictes encadrant les hospitalisations sans consentement accordent certaines garanties aux patients et doivent prévenir les internements arbitraires ou abusifs. C'est dans Cet esprit que la loi prévoit qu'à chaque hospitalisation, un livret explicitant les principaux termes définissant son statut administratif soit remis au patient et à sa famille. Ce livret présente également les voies de recours qui sont accessibles.

En général, les familles ne sont évidemment pas préparées à affronter la restriction de liberté que représente pour le patient et ses proches une première hospitalisation sous contrainte. C'est pour cette raison que la loi prévoit dans le livret d'accueil une présentation des droits du patient et les voies de recours existantes. Certains patients et professionnels pensent que ces dispositions textuelles offrent, en pratique, peu de garanties (par exemple, pour Clément, les soignants ont tendance à ne pas donner suite aux demandes des patients de contacter un avocat, et peuvent même rire de cette demande, alors que ce droit est explicitement prévu par la loi de 1990).

Il existe également des associations de défense des patients qui demandent d'autres évolutions de l'hospitalisation sans consentement. Comme toujours, en démocratie, la loi doit arbitrer entre plusieurs points de vue parfois contradictoires :

  • la liberté individuelle du patient qui est compromise, d'une part par la mesure de privation de liberté, d'autre part par les troubles mentaux qui l'affectent ;
  • le souci de la famille du patient ou de ses proches de le protéger de l'arbitraire ou, au contraire, de se protéger eux-mêmes ;
  • la nécessité de protéger l'ordre public;
  • le point de vue des professionnels de la psychiatrie qui ont parfois une autre appréciation de la situation du patient que lui-même ou sa famille.

Références

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes

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