Externalité

Externalité
L'exemple le plus célèbre d'externalité est celui de l'apiculteur et de l'arboriculteur développé par James Meade[1]. (voir infra)

L’externalité ou effet externe désigne une situation dans laquelle l'action d'un agent économique influe, sans que cela soit le but de l'agent, sur la situation d'autres agents, alors même qu'ils n'en sont pas partie prenante : ils n'ont pas été consultés et n'ont reçu (si l'influence est négative) ni versé (si elle est positive) aucune compensation.

Sommaire

Types d'externalités

Typologie selon les effets économiques :

  1. Les externalités positives (ou économies externes) désignent les situations où un acteur est favorisé par l'action de tiers sans qu'il ait à payer.
  2. Les externalités négatives (ou déséconomies externes) désignent les situations où un acteur est défavorisé par l'action de tiers sans qu'il en soit compensé.
Externalité positive Externalité négative
Acteur N'est pas compensé N'a pas à le supporter
Tiers N'a pas à payer N'est pas compensé

Typologie selon l'acte économique :

  1. Les externalités de production désignent l’amélioration ou la détérioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisée, suite à une production de l’agent A.
  2. Les externalités de consommation désignent l’amélioration ou la détérioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisée, suite à une consommation de l’agent A.

Externalités techniques

On parle d'externalité technique dans la production lorsque la fonction de production d'un acteur est modifiée par l'action d'un tiers.

Un exemple célèbre est celui de l'apiculteur et de l'arboriculteur développé par James Meade (1952). L'apiculteur profite de la proximité de l'arboriculteur et obtient un miel de meilleure qualité qu'il pourra vendre à meilleur prix sans avoir à surmonter de coût supplémentaire. L'arboriculteur ne sera pas payé pour le service indirect qu'il a rendu à l'apiculteur. Il s'agit dans ce cadre d’une externalité positive. Mais l’arboriculteur profite aussi gratuitement de la pollinisation de ses arbres, ce qui améliore son rendement sans faire recours à de couteuses méthodes manuelles, et la pollinisation aléatoire des abeilles enrichit aussi la diversité génétique qui permet aux plantations de mieux résister à d'autres affections ou maladies. L’externalité est positive dans les deux sens.

Les externalités techniques peuvent être vues (Weber 1997[2]) comme la conjonction de production jointe et de non-exclusion possible du bien. Par production jointe on entend le fait que le processus de production d'un bien entraîne la production d'autres biens, ou sous-produits. Tandis que le premier bien est le produit visé et commercialisé, le second, le sous-produit, ne l'est pas, ce qui implique que l'on parle d'externalité. La non-exclusion réfère au fait qu'il n'est pas possible d'empêcher la consommation ou la production du bien en question.

Externalités pécuniaires

Il y a externalité pécuniaire lorsque les coûts d'achat ou de vente d'un acteur sont modifiés par l'action d'un tiers. En ce qui concerne la production, on dira qu'une externalité pécuniaire modifie non pas la fonction de production, mais la fonction de coûts (Scitovsky 1954)[3]

Ce type d'externalités est très courant et peut être illustré par les investissements dans un secteur, par exemple l'acier, qui ont pour effet de diminuer le prix du bien produit et donc de diminuer les coûts d'un autre secteur, par exemple les constructeurs de chemin de fer, ce qui peut en retour augmenter sa demande d'acier qui amènera de nouveaux investissements et ainsi de suite. Les économistes du développement industriel se sont beaucoup interrogés sur ce type de dynamique dans le choix des investissements dans les pays en développement. Hirschmann notamment a développé toute une analyse de l'industrie en se basant sur l'étude des liens amonts ou avals entre secteurs.

Externalité technologiques

Proches des externalités techniques, les externalités technologiques ont pour effet de modifier la productivité totale des facteurs et donc de modifier potentiellement la fonction de production individuelle de chaque firme (Antonelli 1995[4]).

Les apports du progrès scientifique global sont des externalités censées profiter à tous sans qu'ils en aient à subir directement les frais.

Le logiciel libre est aussi une externalité positive (S. Weber 2006) [5]

Externalité de position

On parle d'externalité de position lorsque l'utilité que l'acteur tire d'un bien dépend de l'utilité que les autres consommateurs tirent du même bien, et surtout de la position de l'acteur par rapport aux autres dans la possession du bien.

L'exemple des externalités de position le plus classique est celui des biens de luxe, pour lesquels la satisfaction tirée de la possession dépend en grande partie du fait que les autres possèdent ou non le même bien, le fait d'être le seul augmentant le plaisir retiré.

Frank (1985 [6], 1991[7], 2003[8]) est un des auteurs qui se sont le plus penchés sur la question, tandis que Mason (2000) [9] propose une revue du sujet.

Externalité d'adoption

Article détaillé : Effet de réseau.

Il y a externalité d'adoption, ou effet de réseau, quand le fait que d'autres personnes font la même action accroît l'utilité/valeur de l'action, autrement dit, la valeur du produit dépend de son nombre d'utilisateurs.

Un bon exemple d'externalités de réseau réside dans l'adoption d'un standard informatique, par exemple un système d'exploitation. Plus il y a d'utilisateurs d'un système d'exploitation, plus il y a de programmes et de documentation faits pour ce système, ce qui amène d'autres utilisateurs, et ainsi de suite. On a là une logique de cercle vertueux.

Le phénomène d'externalité d'adoption permet d'expliquer le fait que le produit le plus utilisé sur un marché ne soit pas le plus utilisé parce qu'il est le meilleur en comparaison de ses concurrents, mais simplement parce qu'il regroupe plus d'utilisateurs. La persistance des claviers classiques de type AZERTY, dont l'agencement est basé sur l'utilisation des anciennes machines à écrire, face au clavier DVORAK, qui est basé sur la fréquence d'utilisation des touches, est un des exemples cités. Bien que meilleur, car il permet d'écrire bien plus vite, le clavier DVORAK n'a pu supplanter son moins bon concurrent AZERTY, car l'AZERTY était utilisé partout.

Arthur (1990[10]) relève que dans une situation pareille le marché ne conduit pas forcément à la meilleure solution, et que dès lors l'intervention de l'État peut être légitime.

Externalités et théorie économique

La présence d'externalité est considérée dans la théorie néoclassique comme conduisant à une défaillance du marché, car le prix de marché ne reflète plus l'ensemble des coûts/bénéfices engendrés, et que l'équilibre auquel le marché conduit n'est plus un optimum de Pareto, du fait de la différence entre coûts ou bénéfices des participants au marché et de la société en général. Les externalités amèneront ainsi à :

  • Si l'action (consommation/production) génère des externalités négatives, les coûts globaux sont sous-estimés, les bénéfices sur-estimés, et l'action indument stimulée (et les externalités négatives avec !).
  • Si l'action génère des externalités positives, les coûts globaux sont sur-estimés, les bénéfices sous-estimés, et l'action est découragée.

De telles situations peuvent être assez graves pour motiver des interventions, lorsque les externalités négatives prennent trop d'importance (exemple typique : la pollution), ou lorsque une action risque de disparaitre faute de rentabilité propre alors qu'elle génère des externalités positives importantes.

Les solutions en présence d'externalités

Le concept d'externalités a trouvé un intérêt accru aux yeux des économistes de l'environnement, parce qu'il permet de formaliser le problème de pollution. Cette section discute des solutions proposées en présence d'externalités négatives principalement, en prenant le cas de deux entreprises, A et B. Si A est une usine de produits chimiques et que B est un agriculteur riverain, les émanations des cheminées de A sont susceptibles de rendre les cultures de B impropres à la consommation.

Le laissez-faire

La solution du laissez-faire peut paraître triviale et inopérante, mais il ne faut pas s'arrêter à cette première impression.

Si on examine par exemple le cas des habitants de régions situées en dessous de couloirs aériens, qui subissent les désagréments des passages d’avions, on peut faire deux observations sur cette externalité négative :

  • pour l'ensemble de la société, et même pour spécifiquement la population concernée, la somme des externalités peut-être jugée positive quand même, en dépit de l'élément négatif du survol (bonne santé économique de la région, etc.)
  • on peut arguer que les externalités, positives comme négatives, sont internalisées par le marché sous forme du prix des logements et terrains dans la région. Seuls, les habitants avant l'installation de l'aéroport sont fondés à se plaindre, pas ceux qui se sont installés après et donc en toute connaissance de cause.

La fusion

C’est une solution simple : L’usine de produits chimiques rachète le champ de B. L’externalité est internalisée par A. A, restant seul, maximisera son profit global : il sera alors obligé de tenir compte de l’effet néfaste de sa production chimique sur sa production agricole. De manière naturelle, il sera conduit à trouver l’optimum de production (voir ci-après).

La négociation

Si A et B parviennent à un accord, il n’est nul besoin d’une intervention extérieure, et ce quelle que soit la répartition des droits de propriété, selon le théorème de Coase. Ronald Coase (1960[11] ) a montré que les conditions pour qu’un tel accord soit possible sont assez restrictives. Il faut en effet que:

  • Les droits de propriété soient parfaitement définis (c’est le cas dans notre exemple entre A et B)
  • Les coûts de transaction entre pollueurs et pollués soient inférieurs aux bénéfices de l’entente
  • La transaction soit plus favorable, à A comme à B, que l'entente.

Lorsque les droits de propriété ne sont pas bien définis, cette solution ne fonctionne pas. Par exemple, une centrale électrique (thermique ou nucléaire) réchauffe l'eau d'un cours d'eau, ce qui modifie le biotope et la faune piscicole, mais en l'absence de propriétaire pour négocier cette externalité avec l'exploitant de la centrale aucun accord n'est possible. Inversement, si le fleuve appartient par exemple aux pêcheurs, la centrale devra arrêter de polluer (car en le faisant, elle porte atteinte à une propriété privée) ou, seulement si ceux-ci acceptent, dédommager les pêcheurs (ce qui revient pour eux à louer leur fleuve à des fins de pollution). Dans ce dernier cas, la centrale acceptera de payer jusqu’à ce que le bénéfice marginal d’un hectolitre d’eau chaude rejetée supplémentaire égalise le coût de l’externalité que les pêcheurs lui demanderont de payer pour ce faire (ce coût est supposé croissant avec les quantités d’eau chaude rejetées). La solution optimale sera une fois de plus atteinte (à condition que la centrale dispose des fonds nécessaires, évidemment).

Les coûts de transaction recouvrent les coûts de prospection (qui pollue ?), de négociation (trouver les termes d’une éventuelle entente), et d’exécution (veiller à l’application de l’accord). Il est à remarquer que si le fleuve appartient à la centrale, elle n’a pas à se soucier de l’avis des pêcheurs pour polluer ce qui est sa propriété privée.

Remarque : Si les coûts de transaction sont nuls et si les droits de propriété sont parfaitement définis, un accord remplissant les conditions de Coase sera toujours possible. Il n'est alors pas nécessaire de recourir à la justice ou à un réglementeur. Ce résultat théorique fut appelé « Théorème de Coase » par George Stigler en 1966. Néanmoins, l’hypothèse de coûts de transaction nuls ou faibles est extrêmement peu probable.

Intervention des pouvoirs publics

Il existe de multiples situations où les solutions précédentes ne sont pas suffisantes (ou ne sont pas considérées comme admissibles) ; par exemple, en l'absence de droits de propriété (cas du réchauffement d'une rivière par exemple), ou lorsque l'externalité est diffuse, avec un montant faible par agent mais touchant un très grand nombre d'agents (ce qui rend impossible tant la fusion que la négociation).

Une intervention des pouvoirs publics est alors possible, sous certaines conditions, avec deux outils de base :

  1. la norme ;
  2. la taxe ou, inversement (pour une externalité positive), la subvention ;

Ils peuvent être combinés, ce qui permet de produire des solutions plus sophistiquées, telle par exemple l’attribution payante de droits (combinaison de norme et de taxe) échangeables sur un marché, ou encore des systèmes à étages (taxe de niveau variable selon le niveau de l'indicateur de l'externalité : gratuite jusqu'à un premier palier, payante jusqu'à un second palier qu'il est interdit de franchir).

Dans certains cas on peut juger utile d'appliquer une norme ou une taxe différenciée : elle dépend de différentes caractéristiques de l'agent concerné, mais sans rapport direct avec l'externalité. On pourra par exemple être plus exigeant avec un agent plus prospère ... ou moins influent. Le risque (ou l'objectif !) est d'introduire des privilèges ou des discriminations, que le système légal du pays tolère plus ou moins.

La taxe ou la subvention

La notion de taxe visant à mener les pollueurs à internaliser les externalités est due à l’économiste britannique Arthur Cecil Pigou, d’où son nom de taxe pigouvienne. Il s’agit de mesurer le niveau de production du pollueur si celui-ci prenait en compte le coût de l’externalité :

Coût marginal privé + Coût marginal de l’externalité = Coût marginal social ; ou :
Coût moyen privé + Coût moyen de l’externalité = Coût moyen social.

La valeur du Coût de l’externalité correspondant à l’optimum social (c’est-à-dire au niveau Q*) fournit la valeur de la taxe pigouvienne à appliquer (ou, si l'externalité est positive, de la subvention à accorder), afin que la production corresponde à l’optimum social.

L'inconvénient de la taxe (respectivement : de la subvention) est que la production de l'externalité n'est pas limitée de façon absolue : il est possible que la cible ne soit pas atteinte (i.e. l'externalité reste supérieure au plafond visé, ou bien inférieure au plancher), ou inversement qu'elle soit franchement dépassée (avec divers effets pervers, dont l'effet d'aubaine : si la subvention est versée pour une action qui aurait de toute façon eu lieu, cette dépense est en réalité sans effet). En revanche de l'autre côté, vu des agents, la récompense des efforts de réduction (resp. : d'augmentation) de la production de l'externalité est connue à l'avance des agents (sous forme de subvention ou de taxe évitée), ce qui leur permet d'arbitrer en toute connaissance entre leur effort sur la production et leur effort financier : l'investissement est précisément calibré au besoin.

Une taxe croissante est un moyen de passer progressivement d'une situation autorisée à une situation interdite : à partir d'un niveau de taxe suffisant la production est en pratique interdite.

La norme

Le principe consiste à fixer un plafond (pour une externalité négative) ou un plancher (pour une externalité positive) sur une variable représentative de l'externalité.

On fixera par exemple des limites à des niveaux de pollution, en volume (exemple : quantité maximale de SO2 produite par une industrie dans l'année) ou en proportion (exemple : limite de CO2 par km pour un véhicule). Ou, inversement, on exigera un minimum de production (par exemple, une quantité d'œuvres d'origine nationale sur un média).

La norme peut être individuelle (applicable séparément à chaque agent) ou collective (applicable à un ensemble d'agents solidairement responsables) ; dans ce dernier cas, on trouve fréquemment des systèmes de quotas, et parfois des systèmes de punition collective sous forme de taxation (ou de réduction de subventions).

La norme produit de forts effets de seuil : inopérante en deçà, très contraignante au-delà. Cela la rend relativement simple et peut faciliter son acceptation (tant que la proportion d'agents pour lesquels elle ne change rien ou ne réclame que peu d'efforts est importante), mais présente aussi des inconvénients : elle peut être très contraignante et excessivement coûteuse, donc difficile à à faire adopter (si trop d'agents influents trouvent qu'ils auraient trop d'efforts à faire).

Lorsque la norme est traduite par des quotas échangeables (sur un marché de droit à polluer), leur prix est très variable :

  • tant que globalement le plafond n'est pas dépassé, il ne sert à rien de se procurer des autorisations et on peut les céder sans inconvénients ; il n'y a peu ou pas d'acheteurs, qui offre des sommes faibles ; le prix des autorisations est quasi-nul.
  • Quand le plafond est dépassé, tout agent a intérêt à acheter des droits tant qu'il coutent moins cher que l'effort d'évitement qu'il peut envisager ; le prix des autorisations monte au niveau du coût d'évitement marginal de l'agent qui manque d'autorisations pour lequel l'évitement est le plus coûteux.
  • Entre les deux, quand on s'approche du plafond, le niveau de prix fluctue fortement et présente les plus fortes variations, amplifiée par l'incertitude et les enchères pour se constituer un stock d'autorisation à hauteur du besoin (ou s'en débarrasser au meilleur prix).

L'incertitude et la volatilité sur les prix se traduit pour les agents par une incertitude sur les efforts à faire, qui peuvent alors être mal calibrés par les agents (en plus ou en moins) ; en revanche les pouvoirs publics ont une meilleure chance d'obtenir la réalisation d'une cible fixée à l'avance.

Le marché des droits à polluer

Cette solution fut proposée pour la première fois par John Dales en 1968[réf. nécessaire]. Dans ce cadre, l’État fixe, en fonction des contraintes qu’il s’est choisies (traités internationaux, comme ceux du type du protocole de Kyoto par exemple), la quantité maximale de polluants qu’il souhaite émettre. Puis, il distribue ou vend des « droits à polluer » de façon « équitable » aux pollueurs. Les entreprises polluant moins que prévu par l’État (ou ayant dépollué) sont alors gagnantes : elles peuvent revendre ou louer leurs droits à polluer inutilisés à d’autres entreprises qui polluent plus que prévu, et perçoivent donc une récompense pour leur « civisme ». Symétriquement, les entreprises polluant plus sont perdantes, ce qui satisfait au principe pollueur-payeur.

La pollution devient d’autant plus chère que les pollueurs souhaitent polluer (par mécanisme de l’offre et de la demande de droits à polluer), tout en limitant la quantité effectivement émise à un niveau déterminé par l’État, correspondant au montant des droits émis. Cette solution a l’avantage d’être moins coûteuse à l’État qui laisse au marché le soin de déterminer la répartition inter-entreprises de la pollution ; la méthode n'est cependant efficace que dans la mesure où d'une part les quotas sont effectivement une contrainte, d'autre part le prix à payer pour ajuster la production est en rapport avec le prix d'une unité de quota (pour qu'il existe effectivement des acheteurs, qui préfèrent acheter des quota plutôt qu'ajuster leur production, et des vendeurs, qui préfèrent ajuster leur production).

Difficultés de l'intervention des pouvoirs publics

Les résultats concernant la façon dont la science économique appréhende les problèmes d’externalités appellent plusieurs commentaires :

  • l'action publique a un coût, elle aussi. De même que des coûts de transactions trop élevés peuvent empêcher la compensation d'externalité, des coûts d'intervention trop élevés peuvent ruiner le bénéfice de l'intervention publique.
  • le préjudice que fait supporter une externalité négative est souvent difficile à évaluer : par exemple, comment évaluer le préjudice que constitue la pollution des mers ? Qui se trouve lésé ? Lorsque la partie lésée est bien identifiée et ses droits bien définis, il lui appartient légitimement de déterminer le dédommagement qu'elle souhaite pour tolérer l'externalité négative dans le cadre d'une négociation ; en revanche, en l'absence de propriétaire, il est difficile de trouver une instance à la légitimité suffisante pour fixer ce prix. Dans ces conditions, si on choisit par exemple d'appliquer une taxe, il y a bien des chances pour que son niveau soit plus déterminé par des considérations politico-fiscale (Combien les agents peuvent-ils tolérer ? Combien faut-il que ça rapporte ?) que par des considérations techniques (Quelle est la valeur de l'externalité ?).

Ce problème renvoie à la définition de la valeur d’échange : contrairement à la valeur de la récolte d’un champ, ou à la valeur d’un poisson pêché dans un fleuve, la valeur de la Mer Méditerranée est difficilement appréciable. En plus de sa valeur d’usage (se baigner, pêcher des poissons, faire du bateau, etc.), elle possède une valeur d’option (anticipation de la valeur qu’elle pourrait avoir lors d'une utilisation future) mais également une valeur intrinsèque qui ne dépend pas de l’homme, laquelle est constituée d’une valeur de legs (utilité de transmettre ce bien aux générations futures), d’une valeur écologique (elle contribue à maintenir l’écosystème dont nous faisons partie en bonne santé) et enfin, d’une valeur d’existence qu’il nous est impossible d’apprécier. Ces deux dernières valeurs, plus que toutes les autres, échappent à la science économique. Il est donc impensable de juger du coût de l’externalité que représente une pollution de la Mer Méditerranée.

Sauf à introduire un système de décision ne prenant pas en compte le seul critère économique. On peut par exemple demander aux populations dans quelle mesure elles préféreraient bénéficier des avantages de l’implantation de telle ou telle entreprise ou de pouvoir toujours se baigner… L’autre solution est d’introduire graduellement un système de taxation ou d’incitation fiscale (au départ faible puis ajusté avec le temps en fonction d’objectifs mesurables à atteindre, ce qui nécessite la mise en place d’instruments de mesure et des réévaluations des méthodes avec le temps) destiné à compenser le prix des efforts de préservation ou de remise en valeur du milieu, qui pourra ensuite profiter à la fois aux populations et aux différents acteurs économiques forcés ainsi à collaborer dans des termes acceptables par chaque partie.

L'entreprise face à ses externalités

De nombreux travaux de recherche et dispositifs pratiques ont émergé ces dix dernières années pour comprendre comment les entreprises pouvaient faire face aux externalités négatives que la production et/ou consommation de leurs biens et/ou services pouvaient générer. Généralement regroupées sous le label de responsabilité sociale d'entreprise et de développement durable, ces démarches visent à trouver une vision alternative à l'intervention des pouvoirs publics et au laissez faire du marché pour traiter les externalités négatives.

Les externalités liés à l'activité de certaines entreprises multinationales sont abordées dans le film documentaire The Corporation.

Notes et références

  1. Meade J. E., (1952) "External Economies and Diseconomies in a Competitive Situation", The Economic Journal, Vol. 62, No. 245 pp. 54-67
  2. Weber Luc, (1997), L'état, acteur économique, 3 éd, Economica, Paris
  3. Scitovsky T, (1954), Two concepts of external economies, Journal of Political Economy, Vol. 62, No 2
  4. Antonelli C. (1995), Economie des réseaux: variété et complémentarité, in Economie industrielle et économie spatiale, Economica, Paris
  5. (en) The success of open source Steven Weber, 2006 Harvard University Press. ISBN 0-674-01292-5
  6. Frank, Robert. (1985). “The Demand for Unobservable and Other Nonpositional Goods”. The American Economic Review 75
  7. Frank, Robert. (1991). “Positional Externalities,” in Richard Zeckhauser, ed., Strategy and Choice: Essays in Honor of Thomas C. Schelling. Réimprimé en 1993. MIT Press, Cambridge, MA, p. 25-47.
  8. Frank, Robert, (2003). “Are Positional Externalities Different from Other Externalities?,” Brookings Institution Conference on ‘Why Inequality Matters: Lessons for Policy from the Economics of Happiness'. Un article qui sera publié dans The Journal of Public Economics
  9. Mason , Roger (2000), “Conspicuous consumption and the positional economy: policy and prescription since 1970”. Managerial and Decision Economics 21
  10. Arthur B., (1990), Positive Feedbacks in the Economy, Scientific American, 262, 92-99, disponible sur http://www.santafe.edu/arthur/Papers/Pdf_files/SciAm_Article.pdf
  11. Coase, R. (1960)The problem of social cost, Journal of law and economics, Vol. 3, pp. 1-44 [1]

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie



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