Expédition coloniale Madagascar-Tonkin

Expédition coloniale Madagascar-Tonkin

Expédition coloniale Madagascar-Tonkin

L'expédition coloniale Madagascar-Tonkin est une suite d'interventions qui ont conduit à la colonisation de Madagascar et du Tonkin par la France.

Sommaire

La France sur la scène internationale

Durant ces années la France est isolée face à la politique de Bismarck, soucieux de lui barrer toute possibilité de revanche. La politique du chancelier de la nouvelle Allemagne est donc l'une des causes qui poussent la France à rechercher des « aventures » outre-mer, comme au Tonkin et à Madagascar.

Les expéditions coloniales sont principalement l’œuvre des républicains arrivés au pouvoir durant les années 1880, avec la dissolution du parti monarchiste. Les expéditions coloniales sont, pour la France, un moyen de rétablir sa place dans le monde, après la perte de l’Alsace-Lorraine lors de la défaite de 1870. Cette politique est surtout encouragée par les milieux d’affaires et les militaires. Les premiers cherchent de nouveaux débouchés suite à la crise économique qui frappe l’Europe. Les seconds veulent redorer leur blason et s'illustrer. Les parlementaires sont souvent pris de court face aux événements et aux initiatives des militaires.

Statut de Madagascar

Avant l’intervention française de 1881-1882, l’île ne subit que peu d'influences européennes. Sous les règnes des reines Ranavalona II (1808-1883) et Ranavalona III (1883-1895), du royaume Mérina, alors hégémonique sur l’île, le Premier ministre Rainilaiavironi tente d’utiliser les tensions entre Européens pour protéger l’indépendance du pays et de le moderniser avec des cadres occidentaux. On retiendra le rôle de Jean Laborde, un naufragé devenu esclave à la cour de Tananarive, la capitale du royaume Merinas, et qui créa des manufactures de bougies, de savon, de verre, de fusils, et de canons.

La France est frustrée par l’influence britannique, dont les missionnaires protestants ont obtenu la conversion de la reine en 1869. Paris ne peut donc que repousser les demandes des élites de La Réunion qui réclament une intervention.

Première expédition

En 1881-1882, s’ouvre une première crise avec le royaume Merinas à la suite d’une démonstration de force anglaise devant Madagascar déclenchant un avertissement de la France sur Tananarive. Paris négocie, malgré les demandes de fermeté de La Réunion. Tananarive se montre ferme, espérant qu'une délégation en Europe obtiendra le soutien de l'une ou l'autre puissance, et refuse à la France et la succession de Laborde (dont la France réclamait les usines), les îles au nord-est de Madagascar, considérées comme propriété de la reine.

Avec la chute du cabinet Leclerc, remplacé par le cabinet Fallières qui dure de janvier à février 1883, le ministère de la Marine est confié à François de Mahy, un Réunionnais. Il adresse au royaume Merina un ultimatum qui demande la satisfaction des demandes françaises et un protectorat sur l’île. Cet ultimatum ayant été rejeté, l’amiral Pierre fait occuper Majunga (16 mai) et Tamatave (10 juin). Mais, ses forces étant simultanément engagées au Tonkin, la France ne peut aller plus loin et occuper Tananarive. L’amiral Galibier prend possession de Fort-Dauphin, Vohémar et Mouroundava.

Les protestations britanniques croissent face à ces empiétements. En décembre 1885 est signé un compromis : la France reconnaît l’état malgache contre une lourde indemnité et le port de Diego Suarez (Antsiranana), tandis que le royaume merina accepte que la France « préside aux relations extérieures de Madagascar », à défaut du titre de protectorat. Le texte est flou et prête à interprétation des deux côtés. On parle d'un « protectorat fantôme ».

Seconde expédition

L’affaire de Madagascar revient sur le devant de la scène, avec la signature d’une convention franco-britannique le 5 août 1890. Contre la reconnaissance par la France du protectorat britannique sur Zanzibar, le Royaume-Uni fait de même pour le protectorat français sur Madagascar. En novembre, l’Allemagne rejoint l’accord contre la reconnaissance de ses droits sur l’Afrique orientale allemande. Les Malgaches sont désemparés, des troubles éclatent qui voient l’assassinat de plusieurs Européens.

En 1892, le parti colonial demande l’application du protectorat sur l’île. Les Réunionnais, par la voix de leur député Mahy, demandent une annexion pure et simple. Le 22 janvier 1894, le gouvernement Casimir Périer, répond favorablement à ces demandes et se dit prêt à prendre des mesures graves. Les parlementaires votent à l’unanimité un chèque en blanc au gouvernement pour « maintenir notre situation et nos droits, rétablir l’ordre, protéger nos nationaux, faire respecter le drapeau ».

Cependant, le gouvernement qui hésite encore ne fait que renforcer les garnisons des comptoirs français et envoie une escadre navale, tentant une dernière démarche diplomatique pour établir un véritable protectorat. Après le refus de la reine le 22 octobre, la France procède à l’évacuation de ses ressortissants le 25 ; la guerre est déclarée.

Le gouvernement envoie une expédition de 15 000 hommes qui est présentée comme une grande affaire nationale à l’opinion publique française. Le 12 décembre, l’escadre de l’amiral Bienaimé occupe Tamatave et débarque à Majunga. Le corps expéditionnaire est dirigé par Duchesne, ancien du Tonkin et d’Algérie.

L’expédition souffre terriblement de son manque de préparation. Les hommes manquent de quinine contre le paludisme. Alors que le corps n’a perdu que 25 hommes au combat, 5 756 meurent de maladie. L'expédition, qui est la plus meurtrière de toutes, perd près de 40 % de ses effectifs.

L'absence de résistance organisée des Malgaches ainsi que la prise de Tananarive le 30 septembre 1895, permettent d’un protectorat la signature le 1er octobre mais au prix de la naissance d'un fort mouvement anticolonial. Ce protectorat ne convient pas aux Réunionnais et au parti colonial, qui réclamaient l’annexion. Par décision unilatérale, par décret du 11 décembre 1895 et la loi du 6 août 1896, Madagascar est annexé et rattaché au ministère des colonies. L’ile s’embrase alors dès septembre 1896 et Paris envoie le général Gallieni investi de tous les pouvoirs civils et militaires afin de rétablir l’ordre. Il devient gouverneur général. Grâce à sa tactique de la "tache d’huile", il pacifie la région et, début 1897, l’insurrection est considérée comme vaincue.

Le Tonkin

À la naissance de la troisième république, la France possède déjà en Indochine, par le traité de 1862 avec l’empereur Tu Duc, de trois provinces du sud du Viêt Nam qui forment la Cochinchine, et bénéficie de l’ouverture de trois ports d’Annam au commerce français. Les aspirations de la république dans la région sont poussées par les marchands qui cherchent des débouchés en extrême-orient, et des anglophobes qui rêvent de créer un empire concurrent à l’Inde, grâce au Mékong qui ouvrirait le Laos, la Birmanie, la Chine au commerce français. Les aspirations françaises sur le Mékong, déçues par l’exploration du fleuve de 1866-1868, se reportent sur le Fleuve Rouge au Tonkin, qui ouvre un débouché commercial sur la Chine.

Première expédition

C’est par cette voie qu’un négociant français, Jean Dupuis, avait entrepris d’acheminer des armes pour un général chinois combattant une révolte au Yunnan (fin 1872-début 1873).

Ce commerce au milieu du désordre remet en cause l’autorité de l’Empereur Tu-Duc sur la région. Celui-ci fait donc appel à l’amiral Dupré, gouverneur de Cochinchine, pour mettre fin à ces agissements, tandis que Dupuis demande la protection de son pays dans ses affaires. Dupré envoie Francis Garnier, en principe pour enquêter et arbitrer mais il a en fait carte blanche dans l’affaire.

Peu après son arrivée sur place, Garnier envoie un ultimatum au représentant de l’empereur et attaque la citadelle d’Hanoi le 20 novembre 1873, avec 200 soldats, puis il prend d’autre places du delta, remplaçant les représentants de l’empereur par des indigènes convertis au catholicisme pour la plupart. Mais les Annamites renforcés par les pavillons noirs chinois encerclent Hanoï où Garnier est tué le 21 décembre 1873.

Le gouverneur de Cochinchine désavoue l’opération et envoie le lieutenant de vaisseau Louis Philastre en tant que négociateur à Hué. Celui-ci fait évacuer le Tonkin malgré les engagements pris envers les chrétiens, alors livrés aux représailles. La convention signée par Dupré le 15 mars 1874, reconnaît l’indépendance de l’Annam et promet une aide financière, militaire et économique. L’empereur Tu-Duc doit quant à lui se conformer à la politique étrangère française, sans que cela remette en cause ses relations actuelles, ce qui laisse un flou sur la vassalité de l’Annam envers la Chine, et laisser les ports et le Fleuve Rouge ouverts au commerce français.

Seconde expédition

Les opérations reprirent en juillet 1881, sous le gouvernement Ferry, qui obtint 2,5 millions pour une opération pour lutter contre le brigandage sur la vallée du fleuve Rouge. Comme en 1873, l’officier chargé de la mission, le capitaine de frégate Rivière, outrepasse sa mission, et le 25 avril 1882 prend la citadelle d’Hanoi à la tête de 500 hommes. Il est tué un an plus tard comme Garnier sous les coups des pavillons noirs (19 mai 1883).

Le retour de Ferry en février 1883 relance les opérations coloniales dans la région, faisant passer le corps expéditionnaire à 4000 puis à 9000 hommes. En août 1883, la cour de Hué est obligée d’accepter un traité de protectorat qui lui impose la présence d’un résident français, et démembre l’empire. Le Tonkin est soumis à une complète occupation française ; l’Annam ne désignera plus que la province centrale du Viêt-nam.

Par la convention de Tien Tsin, la Chine reconnaît les conquêtes françaises et promet d’évacuer ses troupes au Tonkin. Mais un incident relance le conflit, l’amiral Courbet reprenant sa campagne contre les côtes chinoises. La paix ne reviendra que le 9 juin 1885.

Malgré la chute de Ferry avec l’évacuation du poste frontière de Lang Son, le 30 mars 1885, la politique Tonkinoise continua, la chambre continuant de voter les crédits nécessaires malgré une plus faible majorité, pour la pacification du Tonkin qui ne fut véritablement effective qu’en 1891 grâce à la politique de la tache d’huile de Gallieni.

Sources et références

  • Jacques Thobie et Gilbert Meynier, Histoire de la France coloniale, tome II : L'Apogée : 1871-1931, Paris, Pocket, 1996, 629 p.
  • Denise Bouche, Histoire de la colonisation Française, tome 2 : Flux et reflux, Paris, Fayard, 1991, 607 p.
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