Controleur general des lieux de privation de liberte

Controleur general des lieux de privation de liberte

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dit communément contrôleur général des prisons est une autorité administrative indépendante française chargée de « s'assurer que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté sont respectés et de contrôler les conditions de leur prise en charge ».

Le premier contrôleur général des prisons est Jean-Marie Delarue, conseiller d'État, nommé le 11 juin 2008[1].

L'inspiration de ce contrôleur général des lieux de privation de liberté proviendrait du Protocole facultatif à la Convention de l'ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le rapport du député socialiste Jacques Floch, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 juin 2000[2], faisait déjà la préconisation d'un contrôleur général des prisons, associé à un dispositif de médiation.

Cette fonction est institutionnellement complémentaire de celle du médiateur de la République à qui, initialement, Pascal Clément, alors Ministre de la Justice, avait confié la charge. La France, signataire du protocole le 16 septembre 2005 s'est engagée à ratifier le texte au premier semestre 2008. Le gouvernement, par la voix de la garde des Sceaux Rachida Dati, a déposé le 9 juillet 2007, devant le Sénat, un projet de loi créant la fonction de contrôleur général des prisons. Le texte a été examiné et voté le 31 juillet 2007 selon la procédure d'urgence (qui ne prévoit qu'une seule lecture par assemblée), l'Assemblée nationale ayant, pour sa part, examiné et voté le texte le 25 septembre 2007. Revenu ensuite au Sénat en 2e lecture, celui-ci l'a adopté définitivement le 18 octobre 2007.

Sommaire

Vote de la loi

Lors de l'examen devant le Sénat, 26 amendements ont été adoptés, modifiant substantiellement[3] le projet de loi initial[4]. Les députés de l'Assemblée nationale ont à leur tour voté pour l'adoption de la loi le 25 septembre 2007 (vote favorable des groupes parlementaires de la majorité UMP et du nouveau centre ; abstention des groupes parlementaire socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) et de la gauche démocrate et républicaine)[5]. Le texte est adopté par 199 voix pour et aucune voix contre.

Définition

Selon les termes du projet de loi adopté par le Sénat le 31 juillet 2007, cette nouvelle autorité indépendante sera chargée, « sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux. »

Au terme du Protocole facultatif à la Convention de l'ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, « Chaque État Partie met en place, désigne ou administre, à l’échelon national, un ou plusieurs organes de visite chargés de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Le contrôleur est habilité à effectuer des visites « dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite (ci-après dénommé lieu de détention). Ces visites sont effectuées afin de renforcer, s’il y a lieu, la protection desdites personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Le texte prévoit de lui attribuer un champ d'action très large, couvrant les quelque 5 500 lieux d'enfermement (ou lieux de privation de liberté) de France. Il pourra s'autosaisir, ou être saisi par le gouvernement et les parlementaires, ainsi que par "toute personne physique ou morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux".

Le contrôleur ne pourra former que des recommandations et n'aura aucun pouvoir d'injonction. Il pourra recevoir "toute information ou pièces utiles", mais leur caractère secret pourra lui être opposé "si leur divulgation porte atteinte à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel entre l'avocat et son client".

Nomination

Le mode de nomination par simple décret, tel qu'initialement envisagé par la chancellerie, ne présentant pas, selon les experts, une garantie suffisante pour son indépendance, le Sénat a adopté un amendement prévoyant une nomination par décret du Président de la République « après avis de la commission compétente de chaque assemblée »[6]. Le texte prévoit que le contrôleur soit nommé pour un mandat de six ans non renouvelable.

Titulaires

Mise en œuvre

Le contrôleur général supervisera les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue, les dépôts de tribunaux, les centres éducatifs fermés, les zones d'attente, les centres de rétention administrative, les secteurs psychiatriques des centres hospitaliers et les locaux d'arrêt des armées, soit près de 5 500 locaux.

Le contrôleur général aura pour tâche de gérer ses prérogatives grâce à une vingtaine de contrôleurs à plein temps et de faire appel aux compétences d'autres magistrats, médecins ou d'autres personnels dans l'exercice de sa mission.

Il a la possibilité de saisine directe du médiateur de la République.

Le Contrôleur général des prisons devrait bénéficier de l'aide de 18 contrôleurs délégués et pourrait faire appel aux compétences d'autres magistrats, médecins ou d'autres personnels dans l'exercice de sa mission. La tâche paraît immense par comparaison avec l'Inspecteur en chef des prisons d'Angleterre (il y en a un autre en Écosse) qui dispose d'une équipe de quarante personnes pour visiter 149 établissements seulement.

Le budget du Contrôleur général devrait bénéficier de 2,5 millions d'euros de crédits.

Le Protocole facultatif de l'Organisation des Nations unies prévoit la nomination de « personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de l’administration de la justice, en particulier en matière de droit pénal et d’administration pénitentiaire ou policière ».

Polémiques

Insuffisances et dépenses publiques

Le projet de texte est critiqué pour ses insuffisances. Jean-René Lecerf, sénateur UMP membre de la commission des lois, a ainsi évoqué un projet a minima. Cinq parlementaires de l'UMP ont ainsi constaté que cette fonction devait être confiée au Médiateur de la République. Ils ont retiré leur proposition d'amendement dans ce sens la veille du vote[7]. La surenchère dans la création d'autorités indépendantes concernant des lieux privatisés de privation de liberté et des services antérieurement publics devenus privés ou semi-privés, financées par des fonds publics est pointée par la chambre professionnelle des médiateurs[8]

Par amendement, le Sénat a adopté plusieurs amendements consistant à augmenter ses pouvoirs d'investigation, sa saisine et ses facultés.

Plusieurs parlementaires de gauche (telle Alima Boumediene-Thiery, sénatrice verte) ont dénoncé un projet « en trompe l'oeil », puisque le préavis de visite reviendrait, pour eux, à donner aux chefs d'établissements « la possibilité de camoufler leurs propres carences et leurs propres négligences ». Certains élus de l'opposition dénonçaient également le fait que ce texte intervient alors que le Parlement avait adopté, en juillet 2007, une loi instaurant des peines minimales obligatoires en cas de récidive.

Éliane Assassi, sénatrice communiste, considérait que cette loi était un « texte a minima (...) en-deçà des recommandations de la commission Canivet [...]. Malgré quelques améliorations, les pouvoirs du Contrôleur général restent très limités ». Pour cette dernière, « l'efficacité, la crédibilité et la légitimité du Contrôleur général en seront affectées d'autant que les moyens humains et matériels qui lui sont attribués ne permettront pas de garantir son indépendance ».

Le délégué national de l'Observatoire international des prisons Patrick Marest, s'il « salue la démarche du gouvernement qui a fait un pas en la matière », dénonce le manque de moyens : « 18 emplois pour 6000 établissements à contrôler » contre, en Angleterre, « 41 postes pour 190 prisons » ; il conclut : « Nous tombons dans le ridicule (...) C'est un reniement des engagements pris par le candidat Sarkozy auprès des états généraux de la condition pénitentiaire.»[9]

La réforme des institutions

Le projet de révision constitutionnelle, en examen au Parlement en juin 2008, prévoit la création d'un « défenseur des droits des citoyens » qui devrait regrouper les fonctions de plusieurs autorités existantes, dont le Médiateur de la République et le contrôleur général des prisons[10]. La fonction de ce dernier pourrait donc être supprimée peu après sa prise de fonction si la révision constitutionnelle était adoptée.

Visites et recommandations

Le contrôleur a épinglé le commissariat de Boulogne-Billancourt, visité en octobre 2008, pour conditions d'hygiène » « indignes pour les personnes placées en garde à vue et celles placées en dégrisement » et le non-respect des procédures de traçabilité de la garde à vue prévues à l'art. 65 du Code de procédure pénale. [11]

Notes et références

  1. Jean-Marie Delarue nommé Contrôleur général des prisons, AFP, 11 juin 2008.
  2. rapport du député Jacques Floch, du 28 juin 2000
  3. Texte adopté par le Sénat le 31 juillet 2007 [1]
  4. Projet de loi initial tel que déposé par la ministre de la Justice[2]
  5. Les députés votent le texte sur le controleur des prisons, Boursier/Reuters 25 septembre 2007
  6. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, avait préconisé en 2000 de le nommer en conseil des ministres sur proposition conjointe de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes, assisté d'experts soustraits à toute hiérarchie. Dans le projet Canivet, inspiré de l'inspecteur en chef des prisons anglaises, le contrôleur pouvait exiger d'être entendu par un juge d'instruction ou un procureur
  7. retrait de l'amendement de cinq députés UMP proposant de confier la fonction de contrôleur général des lieux de privation de liberté au Médiateur de la République
  8. source Agoravox, article du 20 décembre 2007.
  9. Contrôleur des prisons? Des engagements reniés. Marianne, 4 au 10 août 2007. Page 39.
  10. Voir le dossier relatif à la révision des institutions sur le site du Sénat.
  11. Recommandations du 11 mai 2009 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au commissariat central de police de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), JORF du 3 juin 2009.

Sources

  • Décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 relatif au Contrôleur général des lieux de privation de liberté
  • « Le contrôleur général des prisons aura des pouvoirs limités », Le Monde, 30 juillet 2007.
  • Marianne Moliner-Dubost, « Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, commentaire de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 », AJDA 2008, p. 84
  • Jean-Paul Céré, « L'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007: remarques sur un accouchement difficile», AJ Pénal 2007, p. 525

Voir aussi

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