Coenred de Mercie

Coenred de Mercie

Cenred de Mercie

Cenred ou Coenred (fl. 675-709) fut roi de Mercie de 704 à 709. Il était le fils du roi Wulfhere de Mercie. À sa mort, en 675, son frère Ethelred lui succéda. Ethelred abdiqua en 704 en faveur de Cenred pour se faire moine.

Le règne de Cenred est mal connu. Une source contemporaine indique qu'il dut faire face à des offensives galloises. On ne lui connaît ni femmes ni enfants, même si des chroniques ultérieures font de lui l'ancêtre du roi Wigstan de Mercie (mort en 849). En 709, Cenred abdiqua et partit en pélerinage à Rome, où il mourut à une date inconnue. Ceolred, fils d'Ethelred, lui succéda sur le trône de Mercie.

Sommaire

La Mercie au VIIe siècle

La Grande-Bretagne au VIIe siècle

L'Angleterre du VIIe siècle était presque entièrement divisée en royaumes gouvernés par les Anglo-Saxons, arrivés en Angleterre deux siècles auparavant. Le royaume de Mercie occupait les actuels Midlands[1]. Les voisins de la Mercie étaient la Northumbrie au nord, l'Est-Anglie à l'est et le Wessex, le royaume des Saxons de l'Ouest, au sud. L'Essex, royaume des Saxons de l'Est, inclut Londres ; il se trouve entre l'Est-Anglie et le Kent[2]. Le premier roi mercien pour lequel existent des éléments historiques sûrs est Penda, le grand-père paternel de Cenred[3].

La principale source pour cette période est l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède le Vénérable, achevée vers 731. Elle traite principalement de l'histoire de l'Église, mais fournit également de précieuses informations sur les royaumes anglo-saxons. Bède disposait d'informateurs qui lui fournirent des détails sur l'histoire ecclésiastique du Wessex et du Kent, mais il ne semble avoir eu aucun contact de ce genre en Mercie[4]. Les chartes, documents enregistrant les donations royales de terres à des individus ou à des établissements religieux, fournissent des informations supplémentaires sur le règne de Cenred[5],[6], de même que la Chronique anglo-saxonne, compilée au Wessex à la fin du IXe siècle. Le scribe anonyme de la Chronique semble avoir incoporé une grande quantité d'informations enregistrées durant les siècles précédents[7]. Cenred est également mentionné dans deux hagiographies du VIIIe siècle, celles de saint Wilfrid et saint Guthlac[8].

Ascendance et règne

Arbre généalogique de Cenred

En 658, Wulfhere, le père de Cenred, monta sur le trône de Mercie suite à une révolte, mettant un terme à trois années de domination northumbrienne[9]. À sa mort, en 675, son frère Ethelred, l'oncle de Cenred, lui succéda[10], peut-être parce que Cenred était alors trop jeune pour régner[11]. La puissance de la Northumbrie fut réduite par la victoire d'Ethelred à la bataille du Trent en 679, puis par la destruction de l'armée northumbrienne à Nechtansmere en 685. La Mercie était également active dans le sud-est de l'Angleterre : Ethelred envahit le Kent en 676, et des chartes subsistent où il confirme des donations faites par les rois du Kent Oswine et Swæfheard. Une autre charte d'Ethelred, datant d'entre 693 et 704, concède des terres à Waldhere, évêque de Londres[12],[13],[14]. Ethelred ne semble cependant pas avoir poursuivi plus avant son expansion vers le sud[15] ; l'ascension du Wessex, sous les rois Cædwalla et Ina, aurait limité les opportunités merciennes dans cette direction[16].

La Chronique anglo-saxonne indique qu'en 702, Cenred devint souverain du royaume des Southumbriens, et qu'en 704, il devint roi de Mercie. Étant donné que les « Southumbriens » étaient les hommes vivant au sud de l'Humber, la frontière septentrionale de la Mercie, la signification de ces deux annales est obscure. Il est possible que Cenred et Ethelred aient régné conjointement pendant deux ans avant l'abdication d'Ethelred[17], à moins que les chroniqueurs aient enregistré en double le même événement, à partir d'une source décalée de deux ans[18]. D'après la Vie de Guthlac, rédigée au VIIIe siècle, Ethelred désigna Cenred comme héritier, alors qu'il avait au moins un fils, Ceolred[19]. Ethelred semble avoir conservé de l'influence sous le règne de son neveu : la Vie de Wilfrid raconte comment il convoqua Cenred et lui fit jurer de soutenir Wilfrid dans son conflit avec la hiérarchie ecclésiastique[11],[20],[21].

Le règne mal connu de Cenred est mentionné dans la Vie de Guthlac. L'auteur, Félix, rapporte des conflits avec les Bretons : « à l'époque de Coenred roi des Merciens [...] les Bretons, implacables ennemis de la race saxonne, troublaient les Anglais avec leurs attaques, leurs pillages, et leurs dévastations[22]. On estimait à une époque que pour contrer ces attaques, le roi Ethelbald, qui monta sur le trône de Mercie en 716, avait édifié Wat's Dyke, une fortification en terre, dans le nord du Pays de Galles[23], mais cette hypothèse est mise en doute : en 1997, des fouilles dans la Dyke ont mis au jour un charbon provenant d'un foyer, qui a été daté au carbone 14 d'entre 411 et 561[24].

Certaines chartes du règne de Cenred le présentent comme le suzerain des rois d'Essex. Le roi Offa fit une donation dans le territoire des Hwicce (auxquels il était peut-être apparenté par un mariage de son père Sigehere), qui fut par la suite confirmée par Cenred, qui appelle Offa « sous-roi » dans la charte. Cenred et son successeur confirmèrent également des donations faites à Waldhere, évêque de Londres, preuve que la ville était sous tutelle mercienne[25]. Par la suite, les rois de Mercie considérèrent Londres comme une possession directe, non comme partie d'un royaume vassal, mais Cenred n'alla pas aussi loin[26],[27]. Une donation dans l'Herefordshire à une nonne du nom de Feleburg subsiste, ainsi que des faux portant le nom de Cenred et conférant des privilèges à la cathédrale Saint-Paul et à l'abbaye d'Evesham[11],[28].

L'influence mercienne dans le Kent resta limitée sous le règne de Cenred[25]. Dans une lettre écrite en 704 ou 705, l'évêque de Londres Waldhere écrivit à Berhtwald, archevêque de Cantorbéry, que Cenred l'avait invité à un concile qui devait se tenir « au sujet de la réconciliation d'Ælfthryth ». Waldhere refusa l'invitation, ne connaissant pas l'opinion de Berhtwald à ce sujet, qui était de toute évidence importante, même si aucune autre référence à cette affaire ne subsiste[11]. La lettre décrit un concile devant se tenir à Brentford, pour arbitrer une querelle entre les rois d'Essex et de Wessex. D'après l'historien Frank Stenton, cette lettre éclaire les « relations confuses des Anglais du sud à une époque où ils n'avaient pas de suzerain commun[29]. Le prestige diminué de Cenred et de son successeur Ceolred suscita peut-être une certaine agitation au sein de la noblesse mercienne : Ethelbald était en exil sous le règne de Ceolred, et l'existence d'un portrait hostile de Ceolred indique peut-être une insatisfaction générale à l'égard de la lignée royale[30].

Abdication et succession

Cenred semble avoir été un roi profondément religieux. Bède relate l'histoire d'un compagnon de Cenred dont les péchés le conduisirent à la damnation, malgré les suppliques de cenred qu'il devait se repentir et changer. En 709, Cenred abdiqua en faveur de son cousin Ceolred, le fils d'Ethelred, afin de se faire moine à Rome ; le chroniqueur médiéval Guillaume de Malmesbury indique l'histoire de Bède comme étant la raison de la décision de Cenred, mais il ne s'agit probablement que d'une conjecture[11]. Durant son voyage, Cenred fut accompagné par le roi Offa d'Essex, et une fois à Rome, il fut fait moine par le pape Constantin[31]. Le Liber Pontificalis, un ensemble de vies des papes, relate leur arrivée : « en son temps, deux rois des Saxons vinrent avec de nombreux autres pour prier les apôtres ; comme ils l'espéraient, leurs vies ne tardèrent pas à s'achever[32] ». Une source ultérieure, la Vita Ecgwini, rédigée au XIe siècle, affirme que Cenred et Offa étaient accompagnés d'Ecgwine, mais les historiens considèrent cette idée avec scepticisme[33]. Les historiens acceptent généralement le récit fait par Bède de l'abdication de Cenred et Offa, mais Barbara Yorke a suggéré que leur abandon du pouvoir ne fut peut-être pas volontaire. Il existe des exemples de rois dont l'abdication fut forcée, et qu'on contraignit à entrer dans les ordres pour se prémunir contre leur retour ; parmi ceux-ci, Osred II de Northumbrie, qui fut cloîtré dans un monastère[31]. En revanche, si Cenred partit de son plein gré, comme l'affirme Bède, alors les rapports apparemment amicaux entre Offa et son suzerain Cenred montrent clairement que la relation entre un suzerain et son vassal n'était pas sytématiquement hostile[34]

Cenred resta à Rome jusqu'à sa mort, dont on ignore la date[35]. On ne lui connaît ni femmes ni enfants. Toutefois, des chroniques conservées à l'abbaye d'Evesham font de lui un ancêtre de Wigstan, sans préciser si c'était par son père Wigmund, fils de Wiglaf, ou bien par sa mère Ælfflæd, fille de Ceolwulf Ier[36].

Notes

  1. Yorke, « The Origins of Mercia », dans Brown & Farr, Mercia, p. 15-16
  2. Yorke, Kings and Kingdoms
  3. Yorke, « The Origins of Mercia », dans Brown & Farr, Mercia, p. 18-19
  4. Yorke, Kings and Kingdoms, p. 100
  5. Hunter Blair, Roman Britain, p. 14-15.
  6. Campbell, The Anglo-Saxons, p. 95-98.
  7. Simon Keynes, « Anglo-Saxon Chronicle », dans Blackwell Encyclopedia, p. 35.
  8. PASE Index of Persons sur King's College London. Consulté le 18 février 2009
  9. Yorke, Kings and Kingdoms, p. 96.
  10. Yorke, Kings and Kingdoms, p. 105.
  11. a , b , c , d  et e Kelly, « Coenred »
  12. Kirby, Earliest English Kings, p. 123
  13. Charters of St. Paul's: 2 sur Trinity College, Cambridge. Consulté le 18 février 2009
  14. Anglo-Saxons.net: S 65, Sean Miller. Consulté le 18 février 2009
  15. Kirby, Earliest English Kings, p. 126-127
  16. Yorke, Kings and Kingdoms, p. 105
  17. Swanton, Anglo-Saxon Chronicle, p. 41
  18. Whitelock, The Anglo-Saxon Chronicle, p. 25, note 5
  19. Kirby, Earliest English Kings, p. 173.
  20. Kirby, Earliest English Kings, p. 127
  21. Eddius Stephanus, Life of Wilfrid, dans Age of Bede, p. 169-170
  22. Contigit itaque in diebus Coenredi Merciorum regis, cum Brittones, infesti hostes Saxonici generis, bellis, praedis, publicisque vastationibus Anglorum gentem deturbarent [...]. Felix, Vita Sancti Guthlaci, chapitre 34, éd. et tr. B. Colgrave, p. 108-109
  23. Stenton, Anglo-Saxon England, p. 203 (note 1), 213-214 (note 1)
  24. Feryok, « Offa's Dyke », p. 165
  25. a  et b Kirby, Earliest English Kings, p. 123-124
  26. Stenton, Anglo-Saxon England, p. 203-205
  27. Wormald, « The Age of Bede and Æthelbald », p. 95
  28. Chartes S 1801, S 1786, S 78, S 79 et S 80 ; voir la liste sous « Confirmation of land / privileges » et « Grant » dans la section « Events » de PASE Index of Persons sur King's College London. Consulté le 18 février 2009
  29. Stenton, Anglo-Saxon England, p. 142-143
  30. Yorke, Kings and Kingdoms, p. 112
  31. a  et b Yorke, Kings and Kingdoms, p. 174
  32. Liber Pontificalis § 90, tr. Davis, p. 94. Huius temporibus duo reges Saxonum ad orationem apostolorum cum aliis pluribus venientes sub velocitate suam vitam, ut obtabant, finierunt (éd. Mommsen, p. 225).
  33. Sims-Williams, « Cuthswith », p. 15, note 6
  34. Kirby, Earliest English Kings, p. 128
  35. Bede, HE, V, 19, p. 299-300
  36. Kirby, Earliest English Kings, p. 191.

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Coenred of Mercia ».
Sources primaires
  • Bède le Vénérable (trad. Leo Sherley-Price, rév. R.E. Latham, éd. D. H. Farmer), Ecclesiastical History of the English People, Penguin, Londres, 1991 (ISBN 0-14-044565-X)
  • The Age of Bede (trad. J. F. Webb, éd. D. H. Farmer), Penguin, Londres, 1988 (ISBN 0-14-044437-8)
  • Félix (éd. Bertram Colgrave), Felix's Life of Saint Guthlac, Cambridge University Press, Cambridge, 1956
  • The Anglo-Saxon Chronicle (trad. Michael Swanton), Routledge, New York, 1996 (ISBN 0-415-92129-5)
  • The Anglo-Saxon Chronicle (trad. Dorothy Whitelock), Eyre and Spottiswoode, Londres, 1961 (OCLC 844917)
Sources secondaires
  • Michelle P. Brown, Carole A. Farr, Mercia: An Anglo-Saxon kingdom in Europe, Continuum, 2001 (ISBN 0-8264-7765-8)
  • James Campbell, Eric John, Patrick Wormald, The Anglo-Saxons, Penguin Books, Londres, 1991 (ISBN 0-14-014395-5)
  • Marge Feryok, « Offa's Dyke », dans Sarah Zaluckyj, Mercia: The Anglo-Saxon Kingdom of Central England, Logaston Press, Logaston, 2001 (ISBN 1-873827-8)
  • Peter Hunter Blair, Roman Britain and Early England: 55 B.C. – A.D. 871, W.W. Norton & Company, New York, 1966 (ISBN 0-393-00361-2)
  • S. E. Kelly, « Coenred (d. after 709) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004 (consulté le 23 décembre 2008)
  • D. P. Kirby, The Earliest English Kings, Routledge, Londres, 1992 (ISBN 0-415-09086-5)
  • Cenred 2 sur Prosopography of Anglo-Saxon England, King's College London. Consulté le 18 février 2009
  • Michael Lapidge, The Blackwell Encyclopedia of Anglo-Saxon England, Blackwell Publishing, Oxford, 1999 (ISBN 0-631-22492-0)
  • Patrick Sims-Williams, « Cuthswith, seventh-century abbess of Inkberrow, near Worcester, and the Würzburg manuscript of Jerome on Ecclesiastes », dans Peter Clemoes, Anglo-Saxon England 5, Cambridge University Press, 1976 (ISBN 0-521-03862-6)
  • Frank M. Stenton, Anglo-Saxon England, Clarendon Press, Oxford, 1971 (ISBN 0-19-821716-1)
  • Patrick Wormald, « The Age of Bede and Æthelbald, dans John Campbell, Eric John, Patrick Wormald, The Anglo-Saxons, op. cit.
  • Barbara Yorke, Kings and Kingdom in Early Anglo-Saxon England, Seaby, Londres, 1990 (ISBN 1-85264-027-8)
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