Bertrade de Montfort

Bertrade de Montfort
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Bertrade de Monfort, représentée sur une miniature du XIIème siècle, anonyme.

Bertrade de Montfort (née v. 1070 - morte fin 1115 ou 1116[1]) est successivement, par ses différents mariages, comtesse d'Anjou et reine de France. Elle était fille de Simon Ier, seigneur de Montfort, et d’Agnès d’Évreux.

Sommaire

Comtesse d'Anjou

Ayant perdu sa mère, puis son père en 1087, la jeune Bertrade est confiée à la garde de son oncle Guillaume, comte d'Évreux[2]. D'une grande beauté, sa main est demandée par Foulque IV le Réchin (1042 † 1109) comte d’Anjou, de trente ans plus âgé. Il ne l'obtient qu'à la suite d'un marchandage et après avoir répudié sa précédente épouse au motif d'une consanguinité[3].

En effet, les nobles du Maine révoltés contre leur suzerain, Robert Courteheuse, duc de Normandie devaient être mâtés. Robert demande une aide ponctuelle au comte d'Anjou, Foulque Réchin qui exige en retour la main de Bertrade. Guillaume d'Évreux, tuteur sollicité pour donner son accord au mariage, n'accepte qu'en échange d'une compensation personnelle, qui prit la forme des terres ayant appartenu à Raoul de Gacé[note 1]. Le mariage de Berthe et de Foulques eut lieu en 1089, après que le comte d'Anjou eut réprimé la révolte des Manceaux.

Bertrade donne naissance[4] à :

Ivan Gobry parle aussi d'une fille, Berthe, mariée à Conan, duc de Bretagne, mais Conan III de Bretagne, le seul qui peut correspondre chronologiquement, est déjà petit-fils de Foulque le Réchin (sa mère Ermengarde d'Anjou est fille de Foulque et d'Hildegarde de Baugency). On n'est donc pas assuré de cette existence.

Reine de France

Philippe Ier (né en 1052 - mort en 1108), roi de France, lassé de sa première épouse Berthe de Frise et de l'éternelle tutelle de la maison de Flandre, décide de l'enfermer dans un monastère du château de Montreuil, qui constitue l'essentiel de son douaire, dans le but de la répudier pour se remarier.

Ayant obtenu des garanties de plusieurs évêques[note 2], il envisage d'épouser Emma, fille du comte Roger Ier de Sicile. Il consulte aussi ses principaux vassaux, personnages politiques bien plus puissants que lui, tant par la guerre que la richesse. Foulque Réchin est aussi consulté et lui présente des partis possibles. Des historiens ont prétendu que Bertrade fait parvenir au roi un message lui disant que son mariage avec Foulque était nul, puisque la précédente épouse était encore vivante, et qu'elle est disposée à épouser Philippe. Ce dernier, séduit par sa beauté, accepte et envoie un détachement d'officiers dévoués pour l'amener à Paris. En tous cas, la chronique de 1092 mentionne laconique « l'an où Philippe a pris femme Bertrade, femme de Foulque comte d'Anjou ».

Yves, évêque de Chartres, est le premier à s'opposer au projet de mariage. Il proteste vigoureusement contre ce double adultère, engage les évêques de France à ne pas assister aux noces et en réfère au pape Urbain II. Trois prélats que les chroniqueurs traitent de flatteurs, l'archevêque de Senlis, les évêques de Troyes et de Meaux ne voient aucun inconvénient à ce mariage, et l'archevêque de Reims y assiste. Invité, Yves de Chartres se dérobe à la cérémonie et poursuit, croît-il au péril de sa vie, le combat de la bonne morale. La population d'Île de France ne trouve pas l'union contraire aux bonnes mœurs. Elle connaît les protagonistes et semble accorder au couple formé un droit de s'unir légalement.

Philippe Ier ordonne à Hugues Ier du Puiset, vicomte de Chartres, de jeter l'évêque de Chartres en prison. Hugues, archevêque de Lyon, légat du Saint-Siège en Gaule, adresse un rapport, tandis que les maîtres es politique, Robert le Frison sorti de convalescence, comte de Flandre et beau-père de Berthe de Hollande, et Foulque le Réchin, premier mari de Bertrade, prennent les armes.

Le couple est excommunié

Fort du soutien papal, Raynald, archevêque de Reims, tourne casaque et menace Hugues de Puiset qui relâche l'évêque Yves, mais s'adresse mollement au roi pour l'inciter à renoncer à Bertrade. C'est alors que la recluse Berthe de Hollande meurt à Montreuil[note 3]. Philippe en profite pour annoncer que si Dieu l'avait ainsi libéré des liens du mariage, les évêques peuvent le faire pour Bertrade et leur demande d'annuler son premier mariage avec le vieux Foulque et de reconnaître le mariage royal. Le pape refuse, exige d'abord la soumission et la pénitence du roi. Son légat, l'archevêque Hugues de Lyon, réunit un concile à Autun qui prononce l’excommunication de Philippe et de Bertrade.

Pour gagner du temps, Philippe en appelle au pape, qui convoque un concile à Plaisance en mars 1095. Prétextant des empêchements imprévus, le roi demande un délai, et un nouveau concile est réuni le 18 novembre 1095 à Clermont. Ce concile décide de la croisade, mais Urbain II, voyant que le roi ne s'y est pas présenté, confirme l'excommunication. Les historiens voient à ce refus des chevaliers du roi de France une prise de véritable liberté. L'émergence politique de Philippe, à vrai dire fort tardive, est observable. Plus faible que ses rivaux politiques, il joue la carte de la proximité, par exemple les Montfort et leurs alliés possèdent château et biens qui ouvrent la voie d'Orléans, tout en préservant son rayonnement au loin.

Cette excommunication est mal acceptée par le peuple qui pourtant ne bouge pas contre Philippe. Ajouté à l'Interdit que le pape jette sur la France, le roi Philippe choisit de céder, car il perd la protection religieuse sur ses sujets, et feint de se séparer de Bertrade en 1096.

Mais Philippe qui vit maritalement avec Bertrade ne s'avoue pas vaincu et tente ensuite de brouiller les deux partisans du pape, Yves de Chartres et Hugues de Lyon. Il en profite pour reprendre officiellement Bertrade, mais le pape réconcilie Yves et Hugues. Il excommunie à nouveau Philippe, mais meurt peu après, le 29 juillet 1099. Le nouveau pape, Pascal II, bien qu'occupé par la lutte contre le Saint-Empire, maintient l'excommunication et convoque un concile à Valence, puis à Poitiers, en novembre 1100. Ce second concile est dispersé par Guillaume IX de Poitiers, qui déteste les Angevins tout en confirmant l'excommunication du couple royal.

À la cour, Bertrade s'oppose à son beau-fils, le prince Louis, fils de Philippe et de Berthe de Hollande. Elle aurait même tenté de l'écarter en essayant de l'empoisonner pour qu'un de ses fils monte sur le trône[5]. Ce serait pour le protéger que Philippe l'aurait envoyer étudier à l'abbaye de Saint-Denis, où il se lie d'amitié avec Suger. Mais Louis VI, qui semble n'avoir ni détesté ni aimé la nouvelle femme de son père, comte de Vexin depuis 1092, est sacré roi et associé à la couronne entre 1098 et 1100[6].

La situation devient intenable, selon les chroniqueurs religieux, pour Philippe et Bertrade : chaque fois qu'ils se rendent dans une ville du royaume, les offices sont suspendus, les églises se ferment, et le couple royal considéré comme des pestiférés par les religieux. Mais les gens du commun et les guerriers prompts à la révolte ne leur cherchent étonnamment aucune noise. Aucun texte ne montre des révoltes, mais l'excommunication royale est surtout une raison de ponctionner ou réserver des parts royales dans les grandes abbayes. Elle semble donc lucrative pour le clergé qui a choisi Rome et le camp d'Yves de Chartres. À terme, le prestige royal, essentiellement religieux, est égratigné et l'issue de façade ne fait guère de doute. Seul le sacre de Louis VI permet le maintien d'une relation entre le royaume et la papauté.

Rien n'évolue jusqu'en 1104, quand le roi et la reine acceptent de se présenter à un nouveau concile, convoqué à Beaugency. Philippe cherche encore à gagner du temps en acceptant de se soumettre et de faire pénitence en échange des dispenses permettant le mariage avec Bertrade. L'un des participants du concile, Robert d'Arbrissel, prononce alors un discours qui, contre toute attente, bouleverse Bertrade. Elle aurait demandé à s'entretenir avec lui, et décidé ensuite de renoncer à son mariage et à ses privilèges. Voilà l'issue religieuse par excellence, le retour à Dieu de la créature et l'amendement définitif.

Il semble que la montée en puissance de la royauté après l'éviction des fougueux chevaliers des autres camps permet de réinvestir dans le religieux, en particulier le monastique et d'authentiques hommes de Dieu comme Robert d'Abrissel. Le minuscule royaume de France est déjà sur le chemin de la puissance retrouvée et Louis VI, Philippe Auguste permettent cette remontée semée d'embûches.

Il semble, avec preuve historique à l'appui comme celle de Georges Duby dans son opus Féodalité, que Philippe et Bertrade ne se soient quittés qu'à la mort du premier et plus vieux d'entre eux.[citation nécessaire]

De sa seconde union calme et heureuse avec Philippe, Bertrade a donné naissance à[7] :

Moniale à Fontevrault

Rentrée à Paris après sa conversion par Robert d'Arbrissel, Bertrade nouvelle élue de Dieu signifie à Philippe qu'elle se soumet à l'Église, quitte la cour et se rend aux confins de l'Anjou et de la Touraine, dans un village de huttes autour d'une source nommée la fontaine d'Evrault. Ce village, fondé par Robert d'Arbrissel pour accueillir des pénitents, gagne sa popularité avec l'aide de son fils et d'une fille de son premier mari, Ermengarde d'Anjou, et devient par la suite l'abbaye de Fontevraud.

La sentence d'excommunication est levée le 1er décembre 1104. Bertrade s’éteint vers 1117[note 4] après avoir fondé le prieuré des Hautes-Bruyères, sur des terres que son frère Amaury III lui avait cédé à Saint-Rémy-l'Honoré[note 5].

Notes et références

Notes

  1. Raoul de Gacé était un oncle de Guillaume d'Évreux. À la mort du fils de Raoul, Guillaume le Conquérant avait réuni ses terres au domaine ducal, au mépris des droits de Guillaume d'Évreux.
  2. Ursion, évêque de Senlis, Philippe, archevêque de Rouen, Philippe, évêque de Troyes et Gautier, évêque de Meaux.
  3. on parle, sans preuve, de poison.
  4. Certains prétendent qu'à la mort de Philippe Ier, elle tente de faire monter son fils Philippe sur le trône. Bien que Philippe se révolte effectivement dans ce but contre son frère Louis VI, il ne semble pas que la mère y prit part.
  5. Les seigneurs de Montfort se feront ensuite enterrer à Hautes-Bruyères.

Références

Annexes

Le mariage dans la société féodale

Au-delà de la filiation maternelle, seule évidente, le mariage est une clef de voûte de l'édifice social et patrimonial. Il officialise, socialise la procréation instaurant une filiation paternelle. De la maison il y aura des héritiers licites, reconnus et en dehors ou hors contrôle, d'autres rejetons illicites.

Il ouvre un champ à la compétition masculine, servir et se battre pour obtenir une jouvencelle bien dotée, canalisée et orchestrée par les maîtres de la politique. Philippe a perdu sa première bataille face à Robert le Frison pour restaurer un vassal dans son bon droit, on lui a imposé Berthe de Frise. En politique, on ne peut plus mal commencer.

Les historiens connaissent surtout par les archives le monde des dominants, maisons politiques, chefs et groupes religieux et hommes du service guerrier. Deux conceptions du mariage qui remontent à des temps immémoriaux y ont cours :

  • une légalisation d'union familiale, en premier lieu ritualisée par l'église et la famille qui s'en arrogent le monopole, souvent au détriment des partenaires du couple.
  • un vivre ensemble.

Souvent, dès 1100, les couples paysans demandent aux prêtres de bénir cette seconde forme d'union qui a porté des fruits. L'origine du mariage actuel est probablement dans cette cérémonie fort informelle, mais replacée avant la première procréation. Par contre, le mariage noble s'est longtemps préservé par ses unions royales d'adolescents de 11 à 13 ans, qui ressemblent aux pratiques des mondes orientaux les plus primitifs, en tout cas les moins respectueuses de la femme tant pour sa physiologie que pour son épanouissement intime.[réf. souhaitée]

Bibliographie

Voir aussi

Liens externes

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Reine de France
1092-1104
Adèle de Savoie

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