Date de naissance de Jésus

Date de naissance de Jésus

La date de naissance de Jésus est une question sur laquelle existent peu de données, la difficulté principale venant de ce que les sources dont nous disposons semblent inconciliables.

Pour commencer, les récits de l'enfance issus des évangiles canoniques contiennent des indications chronologiques bien difficiles à harmoniser. Les historiens les abordent donc avec beaucoup de prudence, car selon eux ils ne contiennent que très peu de données historiques. Par calcul, cela donne une date de naissance elle-aussi inconciliable avec les autres.

Adoration des bergers par Gerard van Honthorst, 1622

La plupart des historiens admettent que la date de naissance de Jésus est inconnue.

Cependant, elle détermine en principe le début de l'ère commune, sur la base des calculs de Denys le petit au VIe siècle pour déterminer l'Anno Domini; c'est une des raisons pour laquelle la question est demeurée largement débattue.

Une majorité d'auteurs, souvent théologiens, essayent néanmoins d'harmoniser les éléments contradictoires, et situent généralement la naissance de Jésus dans les dernières années du règne d'Hérode Ier le Grand, mort en 4 av. J.-C..

Sommaire

Sources

Il ne reste de la première de ces sources que le résultat du calcul de Denys le Petit. En l'an 525, il fonda l'usage de compter les années à partir de l'incarnation (25 mars) et de la naissance (25 décembre) de Jésus-Christ, qu'il plaça à l’année 753 de Rome[1] (c'est-à-dire l'année -1 du calendrier actuel). C'est sur ce calcul que se fondent aujourd'hui les calendriers de l'ère chrétienne, devenue ère commune. Les auteurs qui veulent harmoniser les indications en notre possession estiment souvent que Denys le Petit s'est contenté de soustraire les 30 ans supposés de Jésus un an après le début de la prédication de Jean le Baptiste et en resta là. Toutefois, on ne connaît rien de la méthode qu'il a effectivement utilisée et Denys étant un érudit qui avait été choisi par le pape pour résoudre des problèmes complexes, il serait étonnant qu'il n'ait pas tenté de se référer aux sources, notamment en arménien, mais bien sûr aussi en grec et en latin qui étaient encore disponibles à l'époque.

Les évangiles de l'enfance

Viennent ensuite les récits de l'enfance de Jésus, qui ont été ajoutés au début des évangiles de Matthieu et Luc, qui «  posent de nombreux problèmes littéraires et historiques, tant leur écriture apparaît tardive, relevant plutôt du merveilleux à la manière des récits d'enfance du monde judéo-hellénistique. »[2], et qui donnent des indications chronologiques imprécises et contradictoires.

Ces évangiles de l'enfance sont écrits environ une génération après l'écriture des évangiles dont la rédaction s'étale d'environ 65-70 jusqu'à 115. Avec l'évangile appelé Nativité de Marie, mais rebaptisé protévangile de Jacques il y a trois évangiles de l'enfance, tous trois ont été écrits de façon indépendante[3], probablement par des judéo-chrétiens dans le même but principal, essayer de réfuter les arguments de leurs détracteurs juifs, pour qui des éléments de la naissance de Jésus rendaient impossible qu'il soit le Messie annoncé. Si l'on excepte les apparitions de Jésus après sa résurection, notamment pour l'évangile selon Marc, les récits de l'enfance constituent la part la plus tardive des évangiles canoniques[3]. Ils sont construits sur le modèle d'autres traditions (celle de la naissance de Moïse pour Matthieu, celles de la naissance de Jean le Baptiste et de l'enfance de Samuel dans l'ancien Testament pour Luc). Néanmoins pour le théologien J. A. Fitzmeyer, ils semblent utiliser certains détails remontant à des traditions chrétiennes antérieures, et certains de ces détails sont communs aux deux évangiles[3]. Ce sont dans ces détails communs que certains auteurs recherchent des éléments historiques, sur la base du critère d'historicité d'attestation multiple dans des sources littérairement indépendantes[3]. En revanche, des historiens spécialiste de l'histoire des religions comme François Blanchetière émettent les plus sérieux doutes sur la possibilité de parvenir à trouver des éléments historiques dans ces récits[4].

Depuis longtemps les critiques ont noté les contradictions et les invrisemblances des deux récits de la naissance de Jésus des évangiles canoniques. Ceux-ci sont non seulemnt différents mais inconciliables. Tous deux situent cette naissance à Bethlèem (pour que la prophétie du prophète Mickey soit accomplie)[5].

Évangile selon Jean

On trouve la même indication dans l'évangile selon Jean[6].

L'évangile selon Jean appartient donc à la génération précédant la rédaction des évangiles de l'enfance. Il est réputé respecter beaucoup plus fidélement la chronologie et les localisations géographiques que les trois autres évangiles canoniques dit synoptiques. Bien que comme les autres évangiles canoniques, il ait l'apparence d'une biographie, il ne faut surtout pas le prendre pour une biographie[7]. Néanmoins, les exégètes estiment qu'il contient des références historiques à la vie de Jésus évoquées symboliquement. Dans l'échange où Jésus est donné pour approcher la cinquantaine, aucune interprétation symbolique n'a sérieusement été émise.

L'évangile selon Luc

L'évangile selon Luc fournit une indication sur l'âge de Jésus au début de sa prédication et sur le moment où celle-ci commence.

Les éléments

Il existe deux grandes catégories d'auteurs, la plus importante est constituée par ceux qui se fondant essentiellement sur les évangiles de l'enfance choisissent une date pour la naissance de Jésus et qu'ils placent traditionnellemnt à la fin du régne d'Hérode le Grand, c'est-à-dire quelques années avant -4.

La seconde catégorie constate que l'ensemble que les éléments fournis sont incompatibles et qu'il n'y a aucun critère qui permettet d'en éliminer pour arriver à une solution. Ces auteurs en concluent qu'il n'est pas possible de donner une date de naissance pour Jésus, ni même une fourchette suffisamment étroite pour qu'elle soit intéressante.

Rapidement, voici les éléments en leur possession et ceux qui sont retenus par chacun des deux groupes.

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Denys le Petit

La datation de Denys le Petit (-1) est rejetée par le premier groupe, en disant qu'il s'est trompé, elle est presque d'aucune utilité au second, car se trouvant dans la partie centrale de la fourchette de datation.

Les évangiles de l'enfance

Les évangiles de l'enfance sont retenus par les deux groupes. Les évangiles de l'enfance contenus dans les évangiles canoniques sont en général les seuls éléments retenus par le groupe qui se prononce pour une datation précise (avant -4).

Celui de l'évangile de Matthieu

L'évangile de Matthieu présente Jésus comme étant né « au temps du roi Hérode », sans plus de précision, c'est-à-dire avant 4 av. J.-C..

Celui de l'évangile de Luc

L'évangile selon Luc, quant à lui, présente les parents de Jésus se faisant recenser par les autorités impériales au moment de sa naissance. Le texte précise « Ce recensement, le premier, eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie[8] » Ce recensement est parfaitement connu et a dû laisser une empreinte dans les mémoires, en effet c'est à l'occasion de ce recensement que s'est déclenchée une grande révolte dirigée par Juda le Galiléen. Ce mouvement Galiléen donnera d'ailleurs par la suite naissance au mouvement Zélote. C'est le premier recensement, car avant 6 ap. J.-C., la Judée n'était pas une province romaine.

Évangile selon Jean

À ces données déjà contradictoires vient s'ajouter une indication sur l'âge minimum atteint par Jésus. Eusèbe de Césarée indique à deux reprises que Jésus était encore vivant, alors qu'il avait ou approchait la cinquantaine. Il écrit ainsi que Jésus « avait plus de cinquante ans, lorsqu'il enseignait » et que « il est mort proche de la cinquantaine, touchant à la vieillesse ». Bien que la formulation de ces deux phrases puissent sembler légèrement contradictoire, on peut en tout cas en déduire que Jésus a, au minimum, approché de la cinquantaine.

C'est le même type d'indication que l'on trouve dans l'évangile selon Jean, où Jésus dit avoir connu Abraham, ce qui provoque chez ses contradicteurs la réflexion « tu n'as pas encore cinquante ans et tu as connu Abraham »[9],[6]. Si l'on retient l'année 30 comme date de sa mort, qui est la date la plus fréquemment mentionnée Jésus serait alors né vers 20 av. J.-C..

Cette information est ignorée par le groupe qui parvient à donner une date de naissance de naissance pour Jésus. Elle est naturellemnt prise en compte par l'autre groupe.

L'évangile selon Luc

L'évangile selon Luc fournit une indication supplémentaire, Jésus entame sa prédication à peu près ou juste avant l'arrestation de Jean le Baptiste, alors que celui-ci avait commencé sa prédication en « l'an quinze de Tibère César », ce qui correspond à l'an 28-29 (Luc 2,3)[6]. À ce moment là, Jésus d'après l'évangile de Luc est âgé d'« environ trente ans » (Luc 3,1)[7]. Cette indication flou est compatible avec certaines dates, mais incompatible par exemple avec le fait qu'il aurait pu vivre jusqu'à 50 ans, s'il meurt sous Ponce Pilate, qui est renvoyé « pour s'expliquer auprès de l'empereur » après la grosse faute qu'il a commise à la fin 36 ou plutôt au début 37.

Cette indication n'est pas vraiment utilisée par le groupe qui parvient à dater la naissance de Jésus, mais ellle n'est pas explicitement rejetée non-plus. Elle est bien-sûr utilisée par l'autre groupe.

Le partage du royaume d'Hérode Ier le Grand (4 av. J.-C.):
     Territoires sous l'autorité d'Hérode Antipas     Territoires sous l'autorité d'Hérode Philippe     Salomé Ire (villes de Javneh, Azotas, Phaesalis)     Territoires sous l'autorité d'Hérode Archélaos, puis à partir de l'an 6, province romaine de Judée     Province romaine de Syrie     Citées autonomes (Decapolis)

Contexte politique de la région Palestine

Vu l'ampleur de l'écartement de la fourchette qui ressort des éléments fournis par les sources (-20) - (6 - 7 ap. J.-C.), il n'est pas possible de couvrir la totalité de la période. Ce qui suit ne présente donc la situation que depuis la fin du règne d'Hérode le Grand, jusqu'au recensement de Quirinius et la révolte de Juda le Galiléen (env. 6) - 7 ap. J.-C.). C'est de toute façon dans cette période -7 - +7 que convergent la plupart des indications chronologiques concernant la date de naissance de Jésus. La dernière indication, découlant de l'âge de 50 ans qu'aurait atteint Jésus s'expliquant peut-être par une autre cause qu'une naissance vers -20.

Le partage du royaume d'Hérode

À la mort d'Hérode le Grand, le territoire de son royaume a été partagé par Auguste entre trois des fils d'Hérode ainsi qu'une de ses parentes. Hérode Philippe a obtenu pour sa part « la Batanée, avec la Trachonitide et l’Auranitide, une partie de ce qu’on appela le domaine de Zénodore[10] ». Une partie de ces territoires sont frontaliers de la Nabathée, un royaume lui aussi d'une certaine puissance et disposant surtout d'alliés auprès de tout un ensemble de petits royaumes administrés eux aussi par des Nabathéens.

La position la plus courante

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Un grand nombre d'auteurs qui accordent implicitement plus d'importance aux évangiles qu'aux autres sources, essayent de les harmoniser sur cette question. Matthieu et Luc différent radicalement dans leurs structures narratives et dans leurs récits, et il est généralement considéré qu'ils ont été rédigés de façon indépendante[3]. S'ils sont construits sur le modèle d'autres traditions (celle de la naissance de Moïse pour Matthieu, celles de la naissance de Jean le Baptiste et de l'enfance de Samuel dans l'ancien Testament pour Luc), ils semblent utiliser certains détails remontant à des traditions chrétiennes antérieures, et certains de ces détails sont communs aux deux évangiles[3]. Ce sont dans ces détails communs que ces auteurs peuvent rechercher des éléments historiques, sur la base du critère d'historicité d'attestation multiple dans des sources littérairement indépendantes[3].

Ces auteurs abandonnent les données fournies par l'évangile selon Jean, et prétendent que Denys le Petit se serait trompé. Cette démarche relève d'une volonté d'harmonisation des évangiles canoniques qui n'est pas spécifique aux données des évangiles de l'enfance, et qui s'applique aussi aux autres différences ou contradictions contenues dans les quatre évangiles du Nouveau Testament.

Cette méthode conduit ceux qui la retiennent à proposer un intervalle plus ou moins resséré de dates allant de 9 av. J.-C. à la mort d'Hérode le Grand, voire jusqu'à 2 av. J.-C.. Une préférence se dégage vers -7 - -5. Ce point de vue est conforme au point de vue ecclésiastique, qui place cette naissance vers la fin du règne d'Hérode.

Sous le règne d'Hérode

Si Matthieu indique clairement que Jésus est « né au temps du roi Hérode[11] »[12], Luc indique que c'est la naissance de Jean le Baptiste qui eu lieu « aux jours d'Hérode, roi de Judée[13] ». Toutefois, les auteurs qui recherchent une harmonisation des deux textes, notent que dans cet évangile Jésus naît seulement six mois après le Baptiste. Ils considèrent cette donnée suffisamment solide pour en conclure que Jésus est lui aussi né au temps d'Hérode.

Dans Matthieu, cette référence à Hérode se place dans le récit de la venue des rois mages, du massacre des innocents, et de la fuite en Égypte. Chez Luc il se place dans le cadre d'un parallélisme entre les annonces miraculeuses, à six mois d'intervalle, des naissances de Jean le Baptiste et de Jésus. Hérode a régné sur la Judée de -37 à sa mort en -4[14].

Reste que l'évangile de Luc parle explicitement du recensement de Quirinius, qui est un événement dont la datation en 6 - 7 ap. J.-C. est très solide.

Deux fois Légat de Syrie et deux recensements

Les partisans de l'harmonisation des données de ces deux évangiles émettent en général l'hypothèse que Quirinius aurait pu être deux fois légat de Syrie et aurait effectué les deux fois un recensement qui aurait aussi touché la Palestine. Ainsi, Daniel Rops remarque qu'une inscription trouvée à Ankara parle de trois recensements ayant eu lieu en -28, le suivant en -8 et le troisième en 14 ap. J.-C. En supposant que Quirinius fut deux fois Légat de Syrie, Daniel Rops se pose la question de savoir si Quirinus a pu procéder au recensement de -8. Toutefois, comme on dispose à cette date de la liste des légats de Syrie, et que Quirinus n'y figure pas, il suppose alors que celui-ci aurait pû être nommé une première fois Légat dans la période 4 - 1 av. J.-C., « moment où la liste des Légats en syrie que nous possédons a une interruption. Mais comme il le dit lui-même « -4 ce n'est pas -8 »[15]. ». Il suppose donc qu'il y eu encore un autre recensement situé entre -4 et -1, mais que celui-ci n'aurait pas été inscrit sur le marbre d'Ancyre[15]. Personne ne peut prouver qu'une telle chose est impossible. Néanmoins, force est de constater qu'il n'y a pas le moindre élément historique qui vient appuyer au moins une de ces suppositions.

Un autre problème demeure, c'est qu'à cette date c'est Hérode le Grand qui régne sur la Judée et la Galilée, et normalement l'empire romain n'a aucun pouvoir sur ces territoires pour y effectuer un recensement.

Le recensement n'est là que pour justifier le voyage à Bethléem

D'autres considèrent que le recensement de Quirinus n'est qu'un motif littéraire permettant de justifier la naissance de Jésus à Bethléem, ville de David. C'est le cas de Michael Grant (« Sa date de naissance devrait être réassignée entre 6 et 4 av. J.-C., bien que certains préfèreraient 11 ou 7 »)[16].

La datation qui résulte de ces suppositions est reprise par un très grand nombre d'auteurs, qui sont souvent théologiens. Ainsi pour John Paul Meier : « Jésus (Hébr. Yeshua‘) est né vers la fin du règne d’Hérode le Grand (dans les années 7 à 4 avant notre ère). Sa mère s’appelait Marie (Hébr. Miryam) et Joseph (Hébr. Yôseph) était le nom de son père. Il est peut-être né à Bethléem en Judée, la ville de David (Lc 2,4), mais plus vraisemblablement à Nazareth en Galilée, un bourg de campagne ignoré et isolé (Jn 1,46). Quel qu’ait été le lieu exact de sa naissance, c’est à Nazareth qu’il a grandi. »[17], Michel Quesnel : « on peut émettre l'hypothèse raisonnable qu'il naquit autour de 5 ou 6 avant notre ère »[12], Pierre Geoltrain : « ce qu'on peut avancer comme faits jalonnant la vie de Jésus se réduit à peu de choses. Juif de Palestine, né en 6 ou 7 avant notre ère, il a une trentaine d'année lorsqu'il apparaît dans le cercle des disciples de Jean Baptiste »[18].

Jésus est né à une date inconnue

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Un certain nombre d'historiens estiment qu'il n'est pas possible de faire coïncider les données des évangiles de l'enfance, sans faire de nombreuses suppositions. Pour des auteurs comme Jacques Giri, qui ont fait le point sur les connaissances actuelles sur Jésus : au sujet de « la date de naissance, Matthieu et Luc sont incompatibles. En effet, Matthieu fait naître Jésus sous le règne du roi Hérode qui est mort en l'an -4, alors que, selon Luc, Jésus serait né au temps du recensement de Quirinius, lequel a eu lieu en 6 ou en 7[19]. ».

Pour ces auteurs, s'il fallait éliminer des données, ce serait justement celles fournies par les évangiles de l'enfance, car ceux-ci ont été écrits dans un tout autre but que de respecter l'histoire. En effet, les spécialistes s'accordent pour dire que les trois évangiles de l'enfance ont été écrits principalement pour répondre aux détracteurs juifs des nazôréens (les chrétiens d'origine juive). Ainsi,

  • la naissance miraculeuse est là pour écarter l'accusation formulée contre Jésus d'une naissance hors des liens du marriage ;
  • les scénarios, différents dans chacun des trois évangiles de l'enfance, avaient pour but de démontrer que Jésus était bien né à Bethléem.

Il s'agissait donc de répondre aux deux objections principales qui, pour les détracteurs juifs des nazôréens, prouvaient que Jésus ne pouvait pas être le Messie.

Pour ces auteurs, comme par exemple François Blanchetière « les récits relatifs à l'enfance de Jésus dont les fondements historiques sont loin d'être assurés doivent être abordés avec beaucoup d'acribie[4]. ».

Si donc on abandonne les récits de l'enfance, il reste entre autre :

  • l'indication que Jésus a vécu jusqu'à plus de 50 ans, et donc qu'il serait né au plus tôt vers -15 ;
  • qu'il avait à peu près 30 ans lorsque Jean Batiste a été arrêté.

Ces deux données seules sont déjà incompatibles. Plutôt que de multiplier des chaînes de supposition, il vaut donc mieux considérer que la date de naissance de Jésus est inconnue.

Solution atypique

Quelques auteurs qui estiment que Jésus était toujours vivant après la crucifixion de Ponce Pilate n'ont aucun mal à faire coïncider toutes ces données. Ils se contentent de considérer que l'écart de six mois entre les naissances de Jean le Baptiste et Jésus mentionné dans le seul évangile selon Luc n'est que théologique. En effet, les spécialistes s'accordent à considérer que cette mention pourrait n'avoir rien d'historique.

Ils estiment que le texte de l'évangile de Luc, dont l'écriture est tardive, reflète la préoccupation des chrétiens du moment. Le mouvement baptiste a déjà été supplanté par le mouvement de Jésus, donc il est nécessaire que Jean le Baptiste reste le précurseur (c'est sa fonction théologique), mais parce que Jésus est beaucoup plus important aux yeux des chrétiens que Jean, il faut que celui-ci ne le précéde que de la plus petite durée possible, d'où cet écart de 6 mois[20] qui permet même à Jean Baptiste de rendre hommage à Jésus, alors qu'il est encore dans le ventre de sa mère, comme le raconte l'évangile selon Luc[21]. Si on supprime cet écart de 6 mois:

  • Jean Baptiste naît effectivement au temps d'Hérode, comme c'est écrit dans les trois évangiles de l'enfance;
  • Jésus naît bien au moment du recensement de Quirinius, une coïncidence qui ne pouvait être oublié vu l'ampleur de la révolte de Juda le Galiléen
  • Jean Baptiste commence bien sa prédication en 28-29, comme cela est indiqué dans l'évangile de Luc;
  • Jésus commence bien sa prédication à 30 ans en 36, juste avant que Jean soit exécuté;
  • Hérode Antipas est bien battu à plate couture par Arétas IV « en juste vengeance de la mort de Jean surnommé Baptiste » en 36
  • Jésus peut effectivement être crucifié à l'approche de la Pâque 37, ce qui provoque le renvoi de Ponce Pilate à Rome « pour qu'il s'explique auprès de l'empereur », comme cela est marqué dans tous les textes chrétiens jusqu'au VIIe siècle;
  • Jésus réssuscite ou n'est pas mort, il n'a donc aucune difficulté à atteindre les 50 ans mentionnés dans l'évangile de Jean ou chez Eusèbe de Césarée. Il peut aussi envoyer Juda Thaddée à Edesse au roi Abgar V, aller évangéliser l'Inde avec Thomas,... Il peut faire tout ce qui est présenté comme des légendes, dans de si nombreux textes.

Ainsi la prophétie qui disait que le Messie (Shilo) viendrait lorsque le sceptre de Juda serait tombé, correspondait bien à Jésus. Celui-ci naît en effet en 6, lorsque Archelaus, ethnarque de Judée est démis de son trône et que la Judée devient une province romaine.

Histoire de la recherche

Les objections qui soulignent les incompatibilités entre les différentes données fournies par les sources à notre disposition étaient présentes quasiment telles quelles il y a déjà un siècle. Depuis, des centaines et probablemnt même des milliers d'auteurs, souvent des théologiens ou des ecclésiastiques, ont tentés de les réfuter. Elles ont pourtant résisté à toutes ces tentatives de gens très érudits, et pour qui cette réfutation était souvent beaucoup plus qu'un simple exercice intellectuel. Quelques découvertes ont été faites durant cette période, dont par exemple la célèbre inscription d'Auguste à Ankara. Cela à permis à de nombreux auteurs d'échaffauder de très nombreuses hypothèses, toutes plus astucieuses les unes que les autres. Toutefois, les objections que l'on trouve par exemple dans le livre qu'Emile Littré a écrit avec David Friedrich Strauss en 1901[22], résistent toujours vaillamment à cette critique pourtant massive et très érudite.

Selon Jacques Giri, « l'opinion la plus répandue parmi les chercheurs, y compris les chercheurs chrétiens, est que nous ne savons pratiquement rien de la naissance de Jésus[23]. ». Il n'est donc pas étonnant que nous ne connaissions pas sa date de naissance. En effet, nous ne connaissons pas la date de naissance de nombreux rois de l'époque, dont on peut pourtant écrire une biographie détaillée. Il n'est donc pas étonnant que la date de naissance d'un obscur charpentier né dans une province obscure de l'empire romain[7] soit inconnue. Cela n'a d'ailleurs strictement aucunne conséquence sur le personnage Jésus, même s'il semble que pour nombre d'auteurs chrétiens cette inconnue ne soit pas envisageable.

25 décembre

Le jour de Noël (le 25 décembre) où des populations de toute la terre fête la naissance de Jésus résulte d'une simple tradition. Au IIIe siècle Clément d'Alexandrie tenait pour que la naissance de Jésus soit fêtée le 19 avril; on proposait aussi le 29 mai, ainsi que le 28 mars[24]. En Orient, pendant longtemps on admit le 6 janvier[24], ce qui a donné naissance à la fête de l'Epiphanie, appelée « fête des rois » pour marquer l'avénement du roi d'Israël qu'était Jésus pour les premiers chrétiens. Pendant longtemps en Orient l'Epiphanie était à la fois la fête de l'avénement de Jésus (ou de sa naissance) et de son baptême par Jean Baptiste. En effet, seul le baptême, assimilé à l'onction (christos) du nouveau roi, était considérée comme la naissance du Christ. Rappelons d'ailleurs que les évangiles commençaient tous initialement par ce Baptème, avant qu'on adjoigne des évangiles de l'enfance au début de deux d'entre-eux. L'Epiphanie, cette fête du nouveau roi d'Israël est fêté largement au delà des seuls chrétiens. C'est seulement vers 350 que notre date traditionnelle de Noël parut établie, mais elle fut institutionalisée encore plus tard[24].

Selon Alexandre Najjar, la fête de Noël pour la date de naissance de Jésus, la date du 24 juin pour fêter celle de Jean Baptiste ont été institutionalisées au Ve siècle[25]. Les deux naissances sont ainsi placées à six mois d'écart, trois jours après chaque solstice, moment où avec un moyen d'observation rudimentaire, on peut voir que la durée des jours commence à augmenter (25 décembre), ou à diminuer (24 juin). On retrouve ainsi l'écart symbolique fixée entre les naissances de Jean Baptiste et Jésus, qui a été placé dans l'évangile de l'enfance ajouté à l'évangile selon Luc. Pour l'Eglise catholique parvenue récemment au pouvoir, il s'agit à la fois de « recouvrir » deux fêtes païennes par des fêtes devenues chrétiennes, mais aussi d'illustrer la phrase qu'aurait prononcé le Baptiste en parlant de Jésus: « Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse[26]. » Pour Alexandre Najjar, « l'église a ainsi christianisé le vieux rite païen qui célébrait l'astre du jour: le soleil qui commence sa descente à partir du 21 juin symbolise Jean-Baptiste; quand il recommence sa montée à partir du 22 décembre, il représente Jésus[25]. »

Notes et Références

  1. Daniel Rops parle de l'année 754 de Rome.
  2. Charles Perrot, « Les récits de l'enfance de Jésus », Les Dossiers d'archéologie, 1999 - 2000, n° 249, pp. 100-105
  3. a, b, c, d, e, f et g J. A. Fitzmeyer « The virginal conception of Jesus in the new testament », Theological Studies 34 (1973), pp. 561-562
  4. a et b François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 118.
  5. Jacques Giri, Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme: enquête sur les recherches récentes, éd. Karthala, 2007, p. 133.
  6. a, b et c Jérôme Prieur, Gérard Mordillat, Jésus contre Jésus, Éd. du Seuil, 2008.
  7. a, b et c Encyclopædia Universalis,Joseph Doré, Pierre Geoltrain, Jean-Claude Marcadé, Article « Jésus ou Jésus Christ ».
  8. Nouveau Testament, Evangile selon Luc, 2, 2.
  9. Nouveau Testament, Evangile selon Jean, 8, 57.
  10. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVII, XI, 4.
  11. Mt 2. 1
  12. a et b Michel Quesnel, « Jésus et le témoignage des Évangiles », in Aux origines du christianisme, éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2000, p.200-201
  13. Lc 1. 5
  14. Timothy David Barnes, « The Date of Herod’s Death »,Journal of Theological Studies ns 19 (1968), 204–19 ; P. M. Bernegger, « Affirmation of Herod's death in 4 B.C. » , J. Theo.l Studies (1983) 34(2): 526-531 pdf
  15. a et b Daniel Rops, Jésus en son temps, pp. 114-115.
  16. Michael Grant, Jesus: An Historian's Review of the Gospels, Scribner's, 1977, p.71.
  17. Meier 2004, p. 151
  18. Pierre Geoltrain, « Les origines du Christianisme : comment en écrire l'histoire », in Aux origines du christianisme, éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2000, p. XVII
  19. Jacques Giri, Les Nouvelles Hypotheses sur les Origines du Christianisme, éd. Kerala, p. 136.
  20. Afin de réduire encore cet écart, certaines traditions chrétiennes diront que Maryam avait accouché avant terme au bout de sept mois à peine. « Le précurseur » n'avait alors précédé Jésus que de quatre mois.
  21. « Et il advint, dès qu'Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l'enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth fut remplie d'Esprit Saint. Alors elle poussa un grand cri et dit : " Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! Et comment m'est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? Car, vois-tu, dès l'instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse en mon sein. » Nouveau Testament, évangile selon Luc, 1, 41-44, traduction Bible de Jérusalem, éd Cerf.
  22. David Friedrich Strauss, Emile Littré, Vie de Jesus, Volume 1, § IV, pp. 232-242.
  23. Jacques Giri, Les Nouvelles Hypotheses sur les Origines du Christianisme, éd. Kerala, p. 133.
  24. a, b et c Daniel Rops, Jésus en son temps, pp. 115.
  25. a et b Alexandre Najjar, Saint Jean-Baptiste, Pygmalion, Coll. Chemins d'éternité, p. 123.
  26. Evangile attribué à Jean, 3, 30, Traduction de la Bible de Jérusalem, édition du Cerf.

Bibliographie

Liens internes


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