Tchang (musique)

Tchang (musique)

Yangqin

Sommaire

Le yangqin (chinois simplifié : 扬琴 ; chinois traditionnel : 揚琴 ; pinyin : yángqín), yang quin ou yang ch'in est un instrument de musique chinois à cordes frappées, faisant partie de la famille des cithares sur table. Le terme yangqin vient de la contraction de yang (étranger) et de qin (instrument à corde)[1].

Il s'agit certainement d'un descendant du santûr ou du salterio. Il est possible qu'il ait été discrètement introduit par la route de la soie et le Turkestan par les Ouïghours, tout comme il est possible que les missionnaires (Matteo Ricci en 1581 ?) l'aient apporté en Chine par mer au XVIe siècle, à la fin de la dynastie Ming, à Canton, d'où il s'est propagé très vite. On peut aussi penser qu'il est arrivé par la Russie, en partant d'Europe de l'Est.

Comme ses ancêtres occidentaux, le yangqin est une cithare à la caisse de résonance trapézoïdale avec ses chevilles d'accord sur le dessus, dont les centaines de cordes (jusqu'à 242) sont frappées manuellement au moyen de marteaux.

Il est très similaire à ses voisins directs (sans doute dérivés de lui) : yochin de Mongolie, yanggum de Corée, khim de Thaïlande et Laos, khom du Cambodge, dan tam thâp luc du Viêt Nam et tchang d'Ouzbékistan.

Le yangqin est similaire au cymbalum ou au hackbrett par sa taille, sa variété de chevalets (joués des deux côtés) et la position des fixations des cordes et des chevilles, mais il en diffère par sa caisse bombée, stylisée, laquée, et ses baguettes en bambou.

Tous ces instruments sont toutefois fort différents des autres cithares orientales (guzheng ou koto) qui ont toutes des chevalets amovibles très hauts et des cordes simples, en soie, peu tendues afin de pouvoir exercer une pression sur elles.

Yangqin moderne

Le yangqin chinois

Il est aujourd'hui présent dans toute la Chine continentale, mais aussi à Taïwan et au Tibet, où il se nomme rgyud-mang[2] et au Bhoutan.

Lutherie

Toujours en bois, il en existe deux formes chromatiques principales en évolution, à la table d'harmonie bombée et laquée, et aux chevilles réparties des deux côtés supérieurs de celle-ci :

  • l'ancienne, petite, avec une caisse de résonance (70 cm x 40 cm) ornée de grosses ouïes décorées de rosaces en relief, arrondie aux angles, en forme d'ailes de papillon. Elle n'a que deux rangs de chevalets inamovibles en os ou ivoire, et des chœurs de trois cordes métalliques atteignant trois octaves. Un couvercle peut entièrement recouvrir l'instrument dont la caisse de résonance forme alors le bas d'une « valise » de transport ;
  • la moderne, grande, à la caisse de résonance (120 cm x 70 cm) aux angles marqués, sans ouïe, mais avec deux cache-chevilles et un socle en bois décoré. Elle a cinq ou six rangs de chevalets inamovibles et des chœurs de quatre ou cinq cordes métalliques atteignant quatre à six octaves (tempérés). Cet instrument a la particularité d'avoir des perles ou des rails permettant un accord fin, précis et rapide, sans avoir à manipuler la clé d'accord, à la manière du qanûn, toutefois ce dispositif est limité car s'il permet une légère modulation, le fait d'avoir une baguette en main rend ces variations délicates.
Détail des chevalets

Les mailloches (quqin) sont faites de bambou très flexible, et mesurent environ 23 cm ; elles sont tenues entre le pouce et l’index, et n'ont pas d'anneau de préhension. Elles ont en outre deux faces : l'une en bambou, au son cristallin, l'autre recouverte de caoutchouc, au son étouffé.

Le yangqin est un instrument à l’organologie fixée par la production industrielle dans la deuxième moitié du XXe siècle.

Jeu On en joue assis sur une chaise, l'instrument posé sur son socle ou une table, dans plusieurs formes de théâtres musicaux mais aussi en soliste ou dans les ensembles de « bambou et soie ».

Dans la Chine communiste il connaît un développement politique particulier : « L’instrument accompagnait les chanteurs dans le Shadong Qinshu (chant narratif du Shadong) et dans le Yulin Xiaoqu (chant narratif du Yulin). […] Les conservatoires enseignaient à la fois l’instrument occidental et chinois. […] La Chine de Mao considérait les musiciens comme des soldats dans l’affrontement politique. Les joueurs de yangqin, jouant principalement des accompagnements, développèrent de plus en plus des pièces solistes d’une grande virtuosité. Selon Edward Ho, pendant la Grande Révolution culturelle, l’un des moyens pour les lycéens diplômés d’éviter les travaux manuels dans les zones rurales était de jouer les « pièces modèles » dans les groupes de propagande »[3]

Son enseignement est dispensé dans les conservatoires. Il devient un emblème patriotique. Le yangqin symbolise durant cette période les valeurs économiques et morales de la révolution marxiste.


Le yochin mongol

Détail du système d'accordage

Le yochin (ёoчин) ou yooch'in[4], est très similaire au yangqin moderne et a été directement importé de Chine.

Lutherie

Il a une caisse de résonance trapézoïdale de 95 cm x 41 cm x 7 cm, et la table d'harmonie bombée. Les 21 chœurs de triples cordes métalliques (66 en tout) sont fixés sur la table elle-même, à gauche, et ils sont accordés à droite. Ils couvrent trois octaves et passent sur deux séries de chevalets amovibles (ils ne sont pas ronds et ressemblent en plus petit à ceux du qin ou du koto) placés au 2/3 de la longueur de corde.

Il y a 12 petites ouïes placées pour moitié le long des chevilles et pour l'autre, le long des clous de fixation.

Les marteaux (tsoxiur) sont en bambou flexible de 25 cm de long, sans anneau de préhension, avec un côté recouvert de peau de chèvre pour les étouffés.

Jeu

Le jeu est similaire, et il est utilisé soit pour l'accompagnement vocal, soit en solo, soit dans des orchestres.


Le yanggum coréen

Le yanggum (양금) fut importé pendant la dynastie Chosŏn lors du règne de Yeongjo (1731-1783).

Lutherie

Il a 72 cordes réparties sur deux séries de neuf chevalets (t'ul) inamovibles comportant quatre cordes de métal. On retrouve en lui des caractéristiques du santûr, mais avec la forme et les chevilles du yangqin moderne.

Jeu

Il semble qu'on n'en joue que d'une main avec une baguette (ch'ae) semblable à celle du yangqin, mais aussi avec un petit archet utilisé en percussion. Il se joue dans l'ensemble « seak » accompagné par le tanso.


Le tchang ouzbek et ouïghour

Le tchang ou chang est très similaire au yangqin moderne. Les Ouïghours du Turkestan chinois utilisent aussi cette version.

Lutherie

Il existe en deux versions très proches :

  • l'une aux chevalets amovibles
  • l'autre aux chevalets inamovibles et une ou deux grandes ouïes munies de rosaces

Jeu

Il se jouait posé sur un support, le musicien assis sur les genoux, mais avec la soviétisation, il se joue désormais assis sur une chaise, l'instrument ayant un trépied qui s'insère sous la caisse de résonance. Il se joue exclusivement en formation orchestrale, n'étant qu'un instrument d'accompagnement incapable de reproduire les variations microtonales, du fait de sa gamme limitée.


Ancien yanqin et khim

Le khim thaï et lao ; le khom khmer

Le khim fut certainement apporté en Thaïlande au siècle dernier par des marchands chinois. On l'appelle aussi butterfly harp (harpe papillon).

Lutherie

Il reprend la forme papillon, avec une caisse de résonance en bois de jacquier ou de teak, mesurant 70 cm x 25 cm x 5 cm. Il a deux séries de quinze chevalets inamovibles comportant des chœurs de trois cordes métalliques, soit 90 en tout.

Le khom n'a que deux séries de sept chevalets et s'il garde la forme papillon, il ressemble au santûr de par ses dimensions.

Les marteaux sont aussi en bambou, longs et flexibles, avec un côté recouvert de caoutchouc.

Jeu

On en joue assis par terre, l'instrument reposant sur un petit socle. On le joue en solo ou en ensemble.


Le dan tam thâp luc viêt

Il est similaire au yochin mongol. Son nom signifie « 36 cordes » et désigne sans doute le nombre originel de cordes garnissant cet instrument qui les a triplées ou doublées désormais.

Lutherie

La caisse de résonance trapézoïdale a les angles marqués. Il y a deux rangs de 18 chevalets inamovibles placés à la distance proportionnelle de 2/3 des cordes. Les cordes sont métalliques. Il y a dix grosses ouïes réparties le long des clous de fixation et des chevilles, placés sur le dessus de la table, mais en dépression.

Les baguettes sont en bambou flexible, avec un côté couvert de cuir.

Jeu

On en joue à genoux, l'instrument posé sur un petit support.

Avec son registre de plus de deux octaves chromatiques, il est utilisé dans la musique d'opéra cheo et cai luong, avec une grande variété de techniques (vibrato, tremolo, étouffé, glissando). Il peut aussi être joué en solo, accompagner des chanteurs ou intégrer des orchestres traditionnels.

Notes et références

  1. "In the oriental languages, the dulcimers are often known as ‘foreign stringed instruments’ having been relatively recentely imported", in David Kettlewell, The hammered dulcimer, 1976. [Dans les langues orientales, les dulcimers sont souvent connus sont le nom d’instruments à cordes étrangers ayant été relativement récemment importés]
  2. Zlos-Gar Performing Traditions of Tibet
  3. "The instrument accompanied singers in Shandong Qinshu (narrative singing of Shandong) and Yulin Xiaoqu (narrative singing of Yulin). […] The conservatories taught both Western and Chinese instruments. […] Mao’s China regarded musicians as soldiers in the political struggle. Yangqin players, through mostly playing accompaniment, developed more and more solo pieces of great virtuosity. According to Edward Ho, during the Great Proletarian Cultural Revolution (1966-1979) one of the few ways middle school graduates might avoid manual labor in the rural areas was to perform the ‘Model Plays’ in propaganda troupes.", in Paul Gifford, Hammered dulcimer: a history, 2001.
  4. Tran Quang Hai, Musical Voices of Asia/Asian Traditional Performing Arts 1978: Burma, India, Iran, Mongolia, Japan, Yearbook for Traditional Music, Vol. 13, 1981 (1981), p. 131

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