Sport et géopolitique

Sport et géopolitique

Sport et géopolitique

Cet article a pour but de montrer toutes les implications réciproques entre le sport et la géopolitique. Car si le sport s'assimile à un loisir, la géopolitique, elle, correspond à l'étude des rapports de forces, des rivalités, des tensions qui caractérisent notre monde, dès lors on pourrait penser que la géopolitique n'a que faire du sport et vice versa, cet article montrera qu'il n'en est rien, s'efforçant d'en souligner les liens étroits des deux domaines.

Sommaire

Le sport, reflet d'un contexte géopolitique

Le reflet de la hiérarchie des puissances et de son évolution

Le sport a été et reste encore un incroyable marqueur de la hiérarchie des puissances à l’échelle mondiale :

Les JO en sont certainement un bel exemple (d’ailleurs dès 1913 la presse allemande dit: L’idée olympique de l’ère moderne […] donne à ceux qui savent lire les statistiques sportives un aperçu suffisant de la hiérarchie des nations) :

  • D’une part dans les performances :
  1. Avant 1945, moins d’une dizaine pays se partagent toutes les médailles : se sont des pays européens (Royaume-Uni, Suède, France…), les États-Unis et le Canada (on voit pointer l’Australie ainsi que l'Afrique du Sud)
  2. Ensuite, dès 1952 (première participation soviétique aux Jeux Olympiques d'Helsinki), c’est le chassé-croisé américano-soviétique : les deux pays vont jusqu’à truster plus de 50% des médailles.
  3. À l’heure actuelle, le fait marquant est l’émergence chinoise (à l’image de la victoire de Liu Xiang en 110 m haies en 2004). Rappelons qu'aux jeux Olympiques d’Athènes en 2004, la Chine a totalisé 63 médailles dont 32 en or, ce qui l'a placée en deuxième position dans le tableau des médailles.
  • Mais aussi dans l’organisation : le choix de Berlin pour les jeux Olympiques de 1936 illustrera ainsi son retour sur la scène mondiale. Il faut attendre 1964 pour voir un pays hors Europe, hors USA et Australie organiser les JO : le Japon, ce qui incarne d’ailleurs une vitrine du « miracle japonais », puis la Corée du Sud (1988), et bien sur la Chine en 2008.
  • Toujours dans cette idée de hiérarchie, le sport illustre clairement les rapports de dépendance et de domination entre les pays :
  1. Ainsi, le baseball est devenu un sport très populaire au japon dans les années 1950 sous l’influence américaine (bien qu’il ait vu le jour sous l’ère Meiji).
  2. C’est aussi l’exemple du football en Afrique, importée par le colonisateurs, cette influence se faisant toujours sentir : ainsi Henri Michel (un français) entraîne la Côte d’ivoire, Roger Lemerre entraîne la Tunisie, Claude Leroy le Ghana, Bruno Metsu ancien entraîneur du Sénégal
  3. De même l’importance du cricket ou du rugby dans les anciens pays anglo-saxons est marquantes (pays du golfe notamment).

Le soft power est donc bel est bien présent à travers le sport.

Le sport reflet des tensions inter-étatiques et intra-étatiques .

Tout sport, par essence, est un affrontement entre plusieurs personnes qui représentent chacun une équipe, un club ou un pays. Ainsi le sport est propice à cristalliser les tensions qui caractérisent un contexte géopolitique.

  • D’abord les tensions interétatiques :
  1. Soit à travers la compétition en elle même. Une fois de plus, les JO ont incarné cette compétition effrénée qu’on pu se livrer USA et URSS : ainsi dès sa deuxième participation, en 1956, l’URSS passe devant les États-Unis avec 37 médailles d’or contre 32. Supériorité confirmée en 1960 (43 contre 34). En 1964, les Etats-Unis reprennent le dessus (36 à 30), puis en 1968 (45 à 29). À Munich, il y a une double victoire des pays communistes, l’URSS remporte 50 médailles d’or, les États-Unis 33, la RDA 20 et la RFA 13, supériorité confirmée en 1976. En 1952, les athlètes russes ne résideront pas au village olympique pour éviter les contacts avec l’« ennemi » et les défections. Un second village sera d’ailleurs construit pour l’ensemble des athlètes des pays de l’Est).

C’est affrontement est aussi incarné par le fameux Rocky IV (1985) : archétype même du combat Est-Ouest qui voit s’opposer Rocky à un russe "sur-doppé" .

  1. Soit à travers les boycott nombreux qui illustrèrent ces tensions inter-étatiques : en 1956, l’Égypte, l’Irak et le Liban ont boycotté les Jeux de Melbourne pour protester contre l’occupation franco-anglo-israélienne du canal de Suez, tandis que l’Espagne de Franco et la Suisse faisaient de même pour dénoncer l’intervention soviétique en Hongrie.

L’édition de 1976 se fit sans la participation des nations africaines, mécontentes de n’avoir pu obtenir l’exclusion de la Nouvelle-Zélande, qui s’était rendue coupable d’avoir envoyé une équipe de rugby dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. On se souvient aussi de la mobilisation orchestrée par les États-Unis (non suivie par la France) contre les Jeux de Moscou en 1980, pour protester contre l’invasion de l’Afghanistan, et qui a privé l’Union soviétique de la reconnaissance internationale à laquelle elle aspirait. Moscou se consolera en faisant le plein de médailles. En revanche, le régime soviétique, qui tenta de prendre sa revanche en organisant le boycottage des Jeux de Los Angeles en 1984, ne sera suivi que par douze pays communistes, ce qui constitua un échec.

  • Ensuite les tensions intra étatiques on pu être mises en valeur lors de grands événements sportifs : on pense bien sur aux Jeux de 1968 où à la finale du 200 mètres, les deux américains Tommie Smith et John Carlos, respectivement 1er et 3e, sur le podium, lève le poing et détourne leur regard du drapeau américain en contestation du sort réservé aux noirs aux Etats-Unis.

Le sport : reflet d'une conception du monde

Enfin, le sport traduit aussi une vision du monde spécifique à chaque pays : ainsi, si la structuration des événements sportifs à l’échelle européenne n’est plus à démontrer (comme l'illustrent la ligue des champions en foot, euroligue en basket…), ce qui est marquant pour les États-Unis c’est leur isolationnisme et leurs sports nationaux assez méconnus ailleurs : football américain, base-ball. On peut aussi noter la professionnalisation à l'extrème dans les sports américains, les clubs étant administrés comme de véritables entreprises, ce qui se retrouve peu à peu en Eruope dans les clubs de foot par exemple. On retrouve de plus la mondialisation, avec des clubs menés par des étrangers: Abramovitch, un russe, à Chelsea, club de la banlieue londonienne...

Ainsi, la géopolitique conditionne le sport, il en devient un reflet. Cependant, à son tour, il peut conditionner cette dernière…

Le sport : catalyseur d’évolutions géopolitiques

Le sport, levier des nationalismes

Tout d’abord les événements sportifs, en tant qu’il représente des équipes s’affrontant les unes les autres, représentent aussi des nations, des identités qui s’entrechoquent. Ceci en fait levier des nationalismes, les exacerbant de manière extraordinaire bien souvent, pour le meilleur comme pour le pire...

  • Des nationalismes « doux » tout d'abord : ainsi lors du Tournoi des six nations, le Royaume-Uni devient Ecosse, Angleterre, Pays de Galles et l'Irlande du sud et du nord se réunifient. Au football aussi, les clubs basques (en fait surtout l’Athletic Bilbao) ne font jouer que des joueurs basques ; d’ailleurs , en Espagne, certains joueur refuse de représenter l’équipe nationale du fait de leur attachement à leur nation. C’est ainsi que le défenseur catalan du FC Barcelone, Oleguer Presas refuse systématiquement la sélection en équipe nationale !
  • Le sport peut aussi être catalyseur de tension plus forte : ainsi en 2004 suite à la finale Chine-Japon de la coupe d’Asie, des émeutes antijaponaises ont éclaté de manières violentes ne faisant qu’ajouter de l’incompréhension au malaise ambiant entre les deux états. De même la Guerre du football en 1969 entre le Honduras et le Salvador a été déclenché par des éliminatoires de la Coupe du Monde.

Entre union et désunion

Le sport est donc finalement un formidable vecteur de nationalismes, il peut donc être un véritable vecteur d’union nationale et, au moins symboliquement d’union internationale :

  • D’abord nationalement : les événements sportifs sont les plus suivies médiatiquement, ainsi une finale de coupe du monde rassemble plus de 20 millions de téléspectateurs en France, et lorsque c’est la victoire, elle montre une véritable unité patriotique qui fait dire à Jamel Debbouze « Zidane a permis à la France de ne plus être raciste pendant un jour ».

Toujours sur le football, la qualification en coupe du monde de l'Iran en 1998 et 2006 (après un but à la dernière minute face à l’Australie) a donné lieu à de véritables scènes de liesse populaires. Le match de coupe du monde Iran-États-Unis en 1998 a également été symbole de réconciliation. Que dire des JO où l’on se passionne tous pour des sports marginaux (lancer du marteau, lutte gréco-romaine…) juste pour le plaisir de suivre nos représentants.

  • Ensuite internationalement. Les sociologues Norbert Elias et Eric Dunning l’ont remarqué (Sport et civilisation, la violence maîtrisée): « Au niveau international, des manifestations sportives comme les jeux Olympiques ou la Coupe du monde de football constituent, de manière visible et régulière, la seule occasion d’union pour les États en temps de paix ». Mais outre ce constat évident, il y a de magnifiques symboles : ainsi l’Irlande du Nord et du Sud ne forment qu’une équipe en rugby ; en 2000 aux JO de Sydney, Corée du Sud et Corée du Nord défilent sous le même drapeau ; un sport qui devient emblème de paix et de réconciliation, un peu comme lorsque durant la 1re Guerre mondiale, la veille de Noël, des militaires allemands et français communièrent autour d’un match de foot (comme l'illustre le film Joyeux Noël). Enfin, pour un exemple plus récent, on peut évoquer le footballeur ivoirien Didier Drogba qui vint en Côte d’Ivoire pour célébrer la réconciliation nationale et rendit visite aux deux factions rivales tout en présentant à la foule son trophée de meilleur joueur africain.

Le sport conditionne la géopolitique locale

Enfin, la géopolitique, rappelons le, a plusieurs échelles, allant du local au mondial, et il apparaît clair que le sport devient de plus en plus un surdéterminant de la géopolitique locale :

  • il y a d'un part les luttes fratricides entre les clubs rivaux, on pense bien sur là aux fameux Paris-Marseille, ou Barcelone-Madrid, un derby d'ailleurs fort en symbole car Madrid a longtemps incarné le franquisme contre le FC Barcelone, siège d'une catalanité clamé haut et fort par ses responsables. D'ailleurs, en réaction à la création du FC Barcelone, de jeunes étudiants franquistes créèrent l'espagnol de Barcelone, le club rival, ou quand le sport motive un contexte géopolitique.
  • il y a aussi toute l'économie du sport et des infrastructures qui génèrent des luttes de pouvoir.
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