Société du caveau

Société du caveau

Société du Caveau

La société du Caveau est le nom que prirent successivement plusieurs sociétés littéraires, sorte d’Académie, qui exista sous diverses formes aux XVIIIe et XIXe siècles, où le but était de cultiver la chanson.

Sommaire

Première société du Caveau (1729-1739)

La société fut fondée en 1729 à l'initiative du chansonnier et épicier Antoine Gallet qui, le premier dimanche de chaque mois, invitait ses amis chansonniers à des dîners chantants.

Les premiers convives étaient Piron, Charles Collé et Charles-François Pannard. Ils se réunirent d'abord chez Gallet, puis au cabaret du traiteur Landelle, situé carrefour de Buci, et connu sous le nom de Caveau, qui donna son nom à la société. C'était à table et, suivant leur expression, en fêtant Bacchus, qu'ils donnaient libre carrière aux saillies de leur esprit et chantaient à tour de rôle de joyeux couplets.

Bientôt de nouveaux convives, sur l'invitation des quatre amis, vinrent grossir la troupe : Fuzelier, Crébillon fils, Sallé, Saurin, furent appelés les premiers ; Crébillon père, le sombre tragique, qui avait débuté par des chansons burlesques, prit aussi place à ces réunions dont s'accommodait sa franche bonhomie.

Les convives se constituèrent en société et décidèrent de se réunir régulièrement une fois par mois. Cette constitution du Caveau date de 1729. Celui qui en était plus que tout autre le créateur, Gallet, ne tarda pas à en être banni lorsqu’on s’aperçut qu’il faisait l’usure ; on le pria, par lettre, de dîner partout ailleurs qu’au carrefour Buci. Il finit par faire banqueroute et alla se réfugier au Temple, où le poursuivirent les mémoires de ses créanciers, en sorte qu’il put dire : « Je loge au Temple des Mémoires. » Son départ fut largement compensé par de nouvelles recrues comme Duclos, Moncrif, Gentil-Bernard, Helvétius, l’auteur du Mercure galant Labruère, La Noue, le musicien Rameau, le peintre Boucher, etc.

Quelques amateurs soigneusement choisis étant admis aux séances, le Caveau devint ainsi l’académie de la chanson. L’auteur d’une bonne épigramme avait droit à un verre de vin et sa victime à un verre d’eau mais, si l’épigramme était mauvaise, c’était l’inverse. Le Caveau avait une apparence des plus frivoles, et semblait n’être, par la recherche des raffinements de la table, qu’une association gastronomique, mais, au fond, sous la forme du badinage ou de la raillerie, il s’y donnait des conseils judicieux et une critique délicate s’y exerçait. La dispersion d’une partie des membres, la tiédeur de plusieurs autres, les désagréments qu’amena la morgue de quelques grands seigneurs introduits dans les réunions, causèrent la dissolution, en 1739, de la Société qui avait été active pendant dix ans.

Deuxième société du Caveau (1759-1789)

La société du Caveau fut reconstituée en 1759 par le fermier général Pelletier. Celui-ci organisait, tous les mercredis, de joyeuses agapes où se retrouvaient divers membres du premier Caveau comme Crébillon fils, Collé, Gentil-Bernard, Helvétius, Lanoue et des nouveaux comme Jean-François Marmontel ou Jean Baptiste Antoine Suard, Boissy, Laujon.

Le lieu des réunions était au Palais-Royal. On lit, à ce sujet, dans la Correspondance secrète de Métra (t. VIII, 15 mai 1779) : « Le Caveau est le nom qu’on donne à un café fort à la mode, placé dans un petit souterrain arrangé avec goût dans le jardin du Palais-Royal. Il est tenu par un nommé Dubuisson… Quelques gens de lettres y vont faire leur digestion plus ou moins laborieuse. C’est un tribunal duquel on peut appeler à celui du bon sens, mais dont les décisions font toujours une impression momentanée. »

Le second Caveau cessa d’exister en 1789 avec le commencement de la Révolution.

Le Caveau moderne (1806-1817)

En décembre 1805, fut fondée une nouvelle société chantante, dirigé par le comédien Armand Gouffé et le libraire Capelle qui prit le nom de « Caveau moderne ». Le 20 de chaque mois, des dîners musicaux étaient organisés au Rocher de Cancale, rue Montorgueil (à l’angle de la rue Mandar).

Présidés par Pierre Laujon puis par Désaugiers qui composa la plupart de ses chansons pour les dîners de cette société, ces dîners rassemblaient Béranger (reçu membre en 1813) qui y chanta son Roi d’Yvetot, en 1812, Brazier, Philippon de La Madelaine, Emmanuel Dupaty, Grimod de La Reynière, Gouffé Laujon, Théaulon, de Piis, Jouy, Cadet-Gassicourt, Ducray-Duminil… À partir de 1815, la société eut pour secrétaire général le chansonnier Jacques-André Jacquelin.

Dans ses refrains, le Caveau moderne ne toucha presque jamais à la politique et s’en tint le plus souvent aux chansons bachiques. La société publiait également un mensuel sous le titre Journal des gourmands et des belles et laissa un recueil composé de 11 volumes in-18. le Caveau moderne exista jusqu’en 1817, date à laquelle il fut dissout en raison de divergences politiques.

Quatrième société du Caveau

Un quatrième Caveau se fonda, avec la prétention de se rattacher, du moins par la tradition, au Caveau moderne. Quoiqu’il ne repoussât ni la gaudriole, ni même les plaisanteries les plus risquées, les membres, par arrêt du règlement, y portèrent l’habit noir ; par une autre disposition du même règlement, ils se tutoyaient tous, malgré les différences d’âge, mais ce tutoiement était moins l’effet du laisser-aller que d’une convention et d’une discipline. D’une grande sobriété, le repas ne rappelait, ni pour la gaieté ni pour les libations, ce qu’on a rapporté des anciens Caveaux.

Toutefois on voyait, à la droite et à la gauche du président, des objets faits pour rappeler la tradition : d’un côté, un grelot qui représente les grelots de la folie, de l’autre, le verre de Panard précieusement enfermé dans un étui. Mais c’étaient là de purs emblèmes. Tout se fit académiquement et avec une règle précise ; il y eut un moment pour chanter les choses que toutes les oreilles peuvent entendre, puis un autre pour les chansons scabreuses ; celles-ci ne commençaient qu’après un avertissement et un entracte qui permettent aux personnes timorées d’abandonner la séance. Ajoutons que souvent les poètes de ce Caveau tournèrent à la romance et à la fadeur sentimentale. Chaque année, il se publia un volume in-18 des œuvres de la Société.

Le Caveau fut reconstitué à plusieurs reprises, mais avec moins de succès, dans des lieux à chaque fois différents, notamment au café Coroza au Palais-Royal en 1865.

Pendant les séances, chaque spectateur était invité à écrire un mot sur un morceau de papier. Les morceaux de papier étaient mis dans un chapeau. Le chansonnier en tirait plusieurs et devait improviser une chanson avec ces mots.

On rattache ordinairement au Caveau deux réunions qui n'en eurent pas le nom, à savoir les Dîners du Vaudeville et les Soupers de Momus.

Les Dîners du Vaudeville (1796-1802)

Composée surtout de vaudevillistes, la société des « Dîners du Vaudeville », née en 1796 sous l’impulsion de Barré, compta parmi ses membres Radet, Desfontaines-Lavallée et de Piis, Laujon, Dupaty, Ségur, Gouffé, etc. Son recueil se composa de 9 vol. in-18.

Les Soupers de Momus (1813-1828)

Fondée en 1813, la société des Soupers de Momus, dura jusqu’en 1828. Carmouche, Frédéric de Courcy, d’Artois, Dusaulchoy, Martainville, etc., furent au nombre de ses membres. Elle a publié 15 vol. in-18.

Il a existé encore plusieurs sociétés du même genre, mais d’une importance bien moindre, parmi lesquelles la Lice chansonnière, dont Émile Debraux fut le principal poète, et où se fit aussi entendre Pierre Dupont à ses débuts.

Références

  • Charles Coligny, La Chanson française. Histoire de la chanson et du Caveau : contenant l'historique des principales sociétés chantantes et des biographies de chansonniers, Paris, Michel Lévy frères, 1876
  • Antonin Lugnier, Histoire de la Société lyrique les Enfants du Caveau, Paris, H. Daragon, 1913
  • Charles Vincent et Édouard Henri Justin Dentu, Chansons, mois & toasts, précédés d'un Historique du Caveau, Paris, E. Dentu, 1882
  • Arthur Dinaux, Gustave Brunet, Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes, leur histoire et leurs travaux, Paris, Bachelin-Deflorenne, 1867
  • Nicolas Brazier, « les Sociétés chantantes », dans le Livre des Cent et un, t. VII, Paris, Ladvocat, 1831-1834

Bibliographie

  • Paris et ses quartiers, Chansons par les membres du caveau, Paris, Dentu, 1883
  • Le Caveau moderne, ou le Rocher de Cancale, chansonnier de table, Paris, Au bureau du journal de l'Épicurien français, chez Capelle et Renand, 1807-1827

Source

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 398-9
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