Responsabilite du fait des choses

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La responsabilité du fait des choses est la situation dans laquelle un individu engage sa propre responsabilité délictuelle à la suite d'un préjudice qu'il aurait causé à autrui par le biais d'une de ses choses personnelles. Ce type de responsabilité est régi aux articles 1385 (responsabilité du fait des animaux), 1386 (responsabilité du fait des bâtiments) et 1384 du Code civil, et notamment en son premier alinéa qui dispose que :

« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »

Outre la loi, la jurisprudence a également rendu des arrêts définissant des règles concernant la responsabilité du fait des choses, et notamment avec l'arrêt Teffaine dit l'arrêt du remorqueur (Cass. Civ., 16 juin 1896). En l'espèce, la chaudière d'une remorque explosa, tuant un ouvrier. La responsabilité du propriétaire de la chaudière fut invoquée au visa de l'article 1384, alinéa 1er. La chose devient source de responsabilité si elle est manipulée par la main de l'homme et si elle présente un caractère dangereux. C'est surtout avec l'arrêt Jand'heur (Cass., Ch. Réunies, 13 février 1930) que la Cour de cassation a pu structurer un système cohérent de responsabilité avec deux règles majeures :

  • l'article 1384, alinéa 1er, attache la responsabilité à la garde de la chose et non à la chose elle-même.
  • l'article 1384, alinéa 1er, pose à l'encontre du gardien une présomption de responsabilité. Dès lors celui-ci ne peut plus s'exonérer en prouvant qu'il n'a pas commis de faute personnelle et seule la cause étrangère peut l'en exonérer.

Sommaire

Le régime général de la responsabilité du fait des choses

Les conditions de mise en jeu de la responsabilité du fait des choses

Il faut une chose

Ici, la chose s'entend de façon très large : mobilière ou immobilière, dangereuse ou pas, vicié ou non, matérielle ou non (ex: ondes, vapeur). Le corps humain n'est pas considéré comme une chose, sauf s'il constitue un tout avec la chose (ex: choc entre deux cyclistes). Il existe des choses sans maître telles que l'eau, l'air, etc. Ces choses ne peuvent faire l'objet d'une responsabilité en principe.

Le fait de la chose

La chose doit avoir eu un rôle causal, actif, dans la survenance du dommage sauf si l'usage de cette chose a été sciemment détourné par la victime (Civ. 2e, 24 février 2005). On dit que la chose est l'instrument du dommage. Elle revêt quatre positions anormales différentes pouvant expliquer l'avènement du dommage :

  • La chose est inerte

Une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage si la preuve n'est pas rapportée qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état (Civ. 2e, 11 janvier 1995). C'est ici à la victime de prouver le rôle actif de la chose.

La jurisprudence a décelé plusieurs cas particulier parfois contestés :

- Le cas particulier des vitres.

Dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond qu'une porte vitrée, qui s'était brisée, était fragile, la chose, en raison de son anormalité, a été l'instrument du dommage (Civ. 2e, 24 février 2005. ex: Civ. 2e, 15 juin 2000). Toutefois, lorsque la vitrine était suffisamment signalée pour se manifester à une personne attentive, on considère qu'elle n'a pas été l'instrument du dommage (Civ. 2e, 28 mai 1986). De plus, lorsque la paroi de verre a concouru à la réalisation du dommage de la victime, mais que celle-ci a commis une faute d'attention, car elle connaissait les lieux, la responsabilité du gardien de la chose ne se soit engagée que pour les deux tiers seulement (Civ. 2e, 19 février 2004).

- Le cas particulier des boîtes aux lettres.

Malgré la preuve qu'une boîte aux lettres ayant causé un dommage ne revêt pas une position anormale ou n'est pas en mauvais état, le rôle instrumental de la chose est bel et bien actif et la responsabilité de son gardien se voit engagée (ex: Civ. 2e, 15 juin 2000).

  • la chose est en mouvement et est entrée en contact avec la victime

Lorsque ces deux conditions sont remplis, la jurisprudence présume le rôle actif de la chose.

  • la chose est en mouvement mais n'est pas entrée en contact avec la victime

L'article 1384, alinéa 1er, en posant comme condition à son application que le dommage ait été causé par le fait de la chose incriminée, n'exige pas pour autant la matérialité d'un contact. L'absence de contact entre la chose et la personne ou l'objet qui ont subi le dommage n'est pas nécessairement exclusive du lien de causalité (2 arrêts Civ. 22 janvier 1940). Il n'y a donc pas de présomption de rôle actif, c'est à la victime de le prouver.

  • Le fait de plusieurs choses

Le dommage est survenu par la collision de plusieurs choses.

La garde de la chose

Définition

C'est la condition centrale de ce système de responsabilité. L'arrêt Franck (Cass. Ch. Réunies, 2 décembre 1941) a défini la garde de la chose comme l'usage, la direction et le contrôle de la chose. Ainsi la garde est définie sous un angle matériel : pouvoir de fait sur la chose. Ce pouvoir est objectif, c'est-à-dire qu'un dément ou un infans peut être gardien de la chose étant donné que le discernement n'est pas une condition pour garder la chose (Civ. 2e, 30 juin 1966).

La garde doit présenter un caractère volontaire, c'est-à-dire que l'auteur du dommage doit avoir la volonté de se présenter comme gardien de la chose. Cette condition n'est pas expressément exigée par la jurisprudence mais elle est sous jacente

La détermination du gardien
  • La présomption de garde

Le plus souvent, c'est le propriétaire qui est désigné comme gardien. C'est un arrêt du 18 décembre 1958 (Cass. Civ. 2e) qui a révélé la présomption de garde du propriétaire. Celle-ci peut être renversée à sa charge s'il prouve que quelqu'un d'autre a l'usage, le contrôle et la direction de la chose. De plus, lorsque la détermination du propriétaire est impossible, cette présomption de garde pèse sur l'utilisateur de la chose (Civ. 2e, 28 novembre 2002).

  • Le transfert de la garde

Par principe il est possible d’établir un transfert de la garde chaque fois que l’on démontre qu’une personne, autre que le propriétaire, s’est emparé de l’usage, de la direction et du contrôle de la chose. Le transfert peut être également établi par un contrat, comme le contrat de prêt.

Concernant le transfert de la garde et le lien de préposition, on considère que c'est le commettant qui a la direction et le contrôle de la chose. Il serait donc gardien de la chose à la place de son préposé. Toutefois, la doctrine s'interroge par rapport à d'autres formes d'outils dont jouisse le préposé (ex. : le matériel chirurgical).

La distinction "garde de la structure" / "garde du comportement"

Avant cette distinction se posait la problématique du vice inhérent à la chose et non à sa gardien. La jurisprudence a donc éclairci ce point avec l'arrêt Oxygène liquide (Cass. 5 janvier 1956) en distinguant deux cas :

  1. Lorsque les dommages sont dus au comportement de la chose, c’est-à-dire à la manière dont elle a été utilisée, c’est le possesseur de la chose qui sera réputé le gardien.
  2. Si le dommage est dû à la structure même de la chose, c’est-à-dire à la manière dont elle est constituée ce sera son fabricant ou son propriétaire qui sera considéré comme le gardien.

Cette distinction n'est utilisée que lorsqu'on est face à un dommage causé par une chose mue par un dynamisme propre et dangereux.

La problématique de la garde collective

Une chose peut être sous la maîtrise de plusieurs personnes à la fois, on parlera alors de garde collective. Chacune des personnes, gardiens collectifs, pourra être tenu du dommage. Cela a pour intérêt de trouver des responsables lorsqu'il est impossible de désigner un responsable propre. Dans l'hypothèse où la victime fait partie du groupe de gardiens collectifs, les responsabilités des autres gardiens seront alors écartées.

Les conditions d'exonération

La responsabilité du fait des choses est une responsabilité objective dite aussi de plein droit. Les seules conditions d’exonération sont donc celles de la cause étrangère :

Il ne faut pas que le dommage ait été crée par un vice interne de la chose. Si l’événement était normalement prévisible, alors la force majeure ne pourra être retenu. L’irrésistibilité de l’événement est apprécié in abstracto. La force majeure est exonératoire si et seulement si elle a causé le dommage dans sa totalité.

  • le fait du tiers

Si le dommage est causé par le fait d’un tiers, il peut être exonératoire si ce fait revêt tous les caractères de la force majeure.

  • le comportement de la victime

Ce comportement peut éventuellement exonérer le gardien de sa responsabilité notamment si la victime a accepté les risques. Un arrêt daté du 6 avril 1987 précise que l'exonération sera partielle si le fait de la victime a concouru à la survenance du dommage. Un autre arrêt daté du 8 mars 1995 précise que les risques doivent être normaux et prévisibles pour qu'il y ait exonération.

Les régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses

L'indemnisation des accidents de la circulation

Article détaillé : Loi Badinter.

Un très fameux arrêt va créer la polémique concernant l'indemnisation des accidents de la circulation, il s'agit de l'arrêt Desmares (Cass. Civ. 2e, 21 juillet 1982). Avec cet arrêt, la Cour de cassation va volontairement créer une situation de droit inacceptable afin de provoquer une réaction de la part du législateur. Elle va affirmer qu’en matière de responsabilité, seule la faute de la victime qui a complètement causé le dommage peut exonérer le gardien de la chose. Dès lors, le législateur va réagir en édictant la loi Badinter le 5 juillet 1985. Il ne s'agit pas d'une loi de responsabilité à proprement dit, mais d'une loi d’indemnisation des victimes d’accident de la circulation.

Le champ d'application de la loi

C’est une loi d’ordre public qui a vocation à s’appliquer aussi bien dans le domaine contractuel que délictuel.

  • Il faut un accident de circulation

Cet accident doit être causé par un véhicule qui a vocation à circuler.

  • Il faut que cela implique un véhicule terrestre à moteur.
  • Il faut que ce véhicule soit impliqué dans l’accident, c'est-à-dire qu'il doit en avoir été l’une des composantes.

Le droit à indemnisation

La notion d’implication, condition du droit à indemnisation

La loi dit que la victime a droit à indemnisation si un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans l’accident. Un arrêt daté du 16 mars 1996 précise qu'il suffit de prouver que le véhicule ait pu jouer un rôle causal dans le dommage sans que l’effectivité de ce rôle causal soit à établir : Jean-Luc Aubert parle d’un rapport d’éventualité. Le contact entre le véhicule et le siège du dommage présuppose une présomption d'implication.

Dès lors qu'on prouve qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation, il y a indemnisation de la victime par le gardien ou le conducteur de ce véhicule.

Le débiteur de l’indemnité

Il s'agit du conducteur ou du gardien du véhicule, mais en réalité, c’est surtout son assurance. Toute action contre une autre personne ne pourra se faire que sur le droit commun. Le débiteur s'identifie par rapport à deux situations :

  • lorsqu'un seul véhicule est impliqué, la victime pourra agir contre le conducteur qui a la maîtrise effective de ce véhicule mais également contre le gardien de ce véhicule. Il est possible d'agir contre les deux simultanément.
  • lorsque plusieurs véhicules sont impliqués, les victimes non-conductrices pourront agir contre tous les conducteurs et tous les gardiens des véhicules impliqués. Les victimes conductrices pourront quant à elles agir les unes contre les autres.

La responsabilité du fait des produits défectueux

Voir aussi

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