Position de l'Église catholique sur la théorie de l'évolution

Position de l'Église catholique sur la théorie de l'évolution

La position de l'Église catholique sur la théorie de l'évolution a été très longue à admettre une certaine évolution[1], car elle maintient l'inerrance de la Bible tout en estimant nécessaire, "en même temps, de satisfaire pleinement aux conclusions certaines des sciences profanes[2]".

En créant l'homme et la femme, Dieu leur avait donné une participation spéciale à sa vie divine, dans la sainteté et la justice. Dans le projet de Dieu, l'homme n'aurait dû ni souffrir ni mourir. En outre, il régnait une harmonie parfaite de l'homme en lui-même, entre la créature et le Créateur, entre l'homme et la femme, comme aussi entre le premier couple humain et toute la création. (CEC 374-379)

L’Écriture montre les conséquences dramatiques de cette première désobéissance. Adam et Ève perdent immédiatement la grâce de la sainteté originelle (cf. Rm 3, 23). Ils ont peur de ce Dieu (cf. Gn 3, 9-10) dont ils ont conçu une fausse image, celle d’un Dieu jaloux de ses prérogatives (cf. Gn 3, 5).

Sommaire

Léon XIII

Dans un premier temps, l'Église catholique romaine quoique nettement défavorable au transformisme ne le condamne cependant pas directement, mais précise en 1893 dans l'encyclique Providentissimus Deus ce qu'il faut entendre par la vérité de l'inspiration par l'Esprit Saint de la Bible :

« Les livres de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, tels qu'ils ont été reconnus par le Concile de Trente doivent être reconnus comme sacrés et canoniques, non pas en ce sens que, composés par le génie humain, ils ont ensuite reçu son approbation, ni seulement qu'ils contiennent la révélation sans aucune erreur, mais parce qu'ils ont été écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit et ont ainsi Dieu pour auteur. »

— Le pape Léon XIII, Providentissimus Deus

Pie X

L'opposition de l'Église catholique à la théorie de l'évolution proposée par Charles Darwin entre dans le cadre d'une méfiance plus globale face au scientisme et au socialisme cherchant respectivement à comprendre le monde d'une façon strictement matérielle et à résoudre les problèmes. Pendant longtemps, en France, on connaîtra un affrontement entre les révolutionnaires positivistes et les catholiques de la restauration monarchique. Au Canada français, le même type d'affrontements mènera à la querelle ultra-montaine. Derrière toutes ces querelles, se dresse une méfiance face aux idées libérales ressortant de l'esprit du siècle des Lumières, et d'un point de vue religieux au relativisme du Modernisme.

Le motu proprio Sacrorum Antistitum (1910) instaurant son Serment anti-moderniste rejette l'évolution des dogmes et le recours à la raison seule. Jusqu'à l'abandon de celui-ci en 1961, c'est-à-dire à la veille du concile Vatican II, les catholiques restent en grande partie créationnistes, comme en témoignent encore les manuels d'apologétique investis de l'imprimatur et du nihil obstat. Elle interdit par exemple au jésuite paléontologue Pierre Teilhard de Chardin de continuer à publier ses travaux dans leur état du moment, bien que ne contestant pas son droit à les poursuivre sans inconvénient, et à les communiquer en interne.

L'Église n'énonça pas de condamnation directe, et l’évolution rentra dans l’éducation chrétienne avec les progrès de la scolarité au XXe siècle. Et on remarque que ni la diffusion ni la popularité du jésuite Pierre Teilhard de Chardin ne furent vraiment entamées.

Il faut dire aussi que tout en maintenant le principe de l'Inerrance biblique, la pensée catholique en détermine alors mieux les contours, et intègre la critique de ses sources bibliques. L’exégèse ne considère pas la Genèse comme devant être lue au pied de la lettre, poursuivant une tradition de lecture polysémique très ancienne (les Quatre sens de l'Écriture) puisque ce fut celle des penseurs de l’école de Chartres du XIIe siècle ou même de Pères de l'Église comme Saint Augustin ou Origène.

Pour autant, il est insuffisant pour un catholique de parler seulement de « style poétique » pour rendre compte de ces récits de la Genèse (sous entendu : ce n'est que mythe ou légende). Sans pour autant prétendre être une description scientifique au sens moderne du terme, la Bible contient bien certaines vérités historiques révélées. A la question « Quelles sont les vérités fondamentales que nous révèle l’Ecriture Sainte ? » sont alors précisés[3]:

  1. Au commencement c’est Dieu qui a opéré toute la Création.
  2. Le premier homme a été l’objet d’une création particulière de la part de Dieu.
  3. La femme a été formée consubstantielle à l’homme (« tirée de son côté »).
  4. Unité du genre humain (Dieu n’a pas créé plusieurs couples).
  5. Nos premiers parents avaient été créés dans l’état de Justice, d’intégrité et d’immortalité (= félicité originelle).
  6. Dieu avait donné à l’homme un précepte formel ( / « fruit » dangereux défendu).
  7. Mais l’homme, sous l’instigation du démon l’a transgressé.
  8. D’où sa déchéance par rapport à l’état primitif originel.

Mais Dieu n’abandonne pas sa créature, et promet un rédempteur futur.

Pie XII

Dans l'encyclique Humani generis, Pie XII reconnaît explicitement que les théologiens et les scientifiques peuvent débattre de l'origine du corps humain en tant qu'il vient d'une matière vivante pré-existante, l'âme elle-même étant directement créée par Dieu. Il condamne officiellement la thèse du polygénisme, jugée incompatible avec la doctrine du péché originel.

Paul VI

En 1966, lors d’un Symposium de théologie[4] sur « le Péché originel et les sciences naturelles modernes », le Pape Paul VI a condamné sévèrement les théologiens qui « partant du préjugé du polygénisme, nient, plus ou moins clairement, que le péché duquel proviennent tant de maux pour l’humanité, ait été avant tout la désobéissance d’Adam, le premier homme ».

Jean-Paul II

Après Vatican II, l'Église catholique reste discrète sur cette doctrine jusqu'au 23 octobre 1996 lors d'une intervention devant l'Académie pontificale des sciences du pape Jean-Paul II

Il y déclare que « près d’un demi-siècle après la parution de l’Encyclique (Humani generis), de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse », nuançant en précisant qu'il faut parler davantage pour ces variations de théories de l'évolution.

Par ailleurs, il affirme que certaines d'entre elles « qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière, sont incompatibles avec la vérité de l’homme »[5].

L'archevêque de Vienne Christoph von Schönborn publia le 7 juillet 2005 dans le New York Times une tribune affirmant que l'on ne pouvait interpréter les discours de Jean-Paul II comme étant une reconnaissance de l'évolutionnisme. Et dans son argumentaire, Christoph von Schönborn reprend des arguments qui penchent davantage vers un «créationnisme doux», dans le genre de l'Intelligent design (le Dessein intelligent).

L'Église accepte la neutralité de la science, mais craint des extrapolations philosophiques déviantes. Le terme évolutions n'est pas neutre, comme le serait celui de "variations", mais lourd de présupposés philosophiques (orienté vers quoi ?). On pourrait dire que le fait que Dieu ait pris un australopithèque ou un singe pour lui insuffler une âme spirituelle est admissible du point de vue catholique, car cet esprit fait alors de l'homme un être substantiellement différent, et voulu comme tel par Dieu ; la « glaise » du récit de la Genèse étant bien une matière préexistante à l'homme, créé elle aussi par Dieu, et dont il se sert pour fabriquer le corps humain.

Dans l'encyclique Fides et Ratio (1988) est rappelé que la distinction entre science et religion n'entraîne pas leur opposition.

Les chrétiens croient toujours « en Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre, de l'univers visibles et invisibles » Symbole de Nicée (325) mais les catholiques admettent que cet univers puisse évoluer selon les lois voulues par Dieu, et que la science doit continue de découvrir.

Benoît XVI

Le pape Benoît XVI, successeur de Jean-Paul II, a précisé le point de vue de l'Église catholique en avril 2007 : le christianisme a fait «l'option de la priorité de la raison créatrice au début de tout et principe de tout». Il a ainsi rejeté la seconde option possible, celle de «la priorité de l'irrationnel selon laquelle tout ce qui fonctionne sur la terre et dans nos vies serait seulement occasionnel et un produit de l'irrationnel et affirme que «chacun de nous est le fruit d'une pensée de Dieu». Cette prise de position ne contredit pas la théorie de l'évolution[6], mais refuse que cette théorie dicte la vision que l'on doit avoir de la personne humaine[7].

Notes et références

  1. http://www.hominides.com/html/theories/jean_paul_evolution.php
  2. http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/pcb_documents/rc_con_cfaith_doc_19480116_fonti-pentateuco_fr.html
  3. Réponse de la Commission biblique, 30 juin 1909, sur le caractère historique des premiers chapitres de la Genèse(cf. Denzinger 2123/ = DS 3514)
  4. l'Eglise catholique ne reconnaît pour dogme que ce qui est issu d'une constitution dogmatique produite par un concile, soit ce qui est le produit de l'infaillibilité pontificale depuis 1864.
  5. Intervention du Pape Jean-Paul II devant l'Académie Pontificale des Sciences le 22 octobre 1996.
  6. Voir discussion par exemple sur la micro ou macro évolution en 2010 sur Radio Courtoisie
  7. Le Figaro – Actualité en direct et informations en continu.

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