Marianne Dashwood

Marianne Dashwood
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Marianne Dashwood
Personnage de fiction apparaissant dans
Sand-brock-09.jpg
Marianne Dashwood, vue par C. E. Brock (1908)
Naissance vers la fin du XVIII e siècle
Origine Norland, dans le Sussex
Genre Féminin
Activité(s) Chant, piano-forte, lectures
Caractéristique(s) intelligente mais romanesque
Âge 17 ans
Famille Mrs Dashwood (mère)
Elinor et Margaret (sœurs)
Entourage Sir et Lady Middleton, Willoughby, Brandon
Créé par Jane Austen
Roman(s) Raison et Sentiments

Marianne Dashwood est un personnage fictif du roman Raison et sentiments ( Sense & Sensibility) de la femme de lettres britannique Jane Austen. Elle partage avec sa sœur aînée, Elinor, la fonction de protagoniste principal, puisque le roman raconte les aventures sentimentales parallèles[1] des deux sœurs. Marianne, pleine de vie, passionnée et imprudente, veut vivre comme une héroïne de ces romans qu'elle adore et, à 16 ans et demi, tombe follement amoureuse du beau Willougby et manque de mourir de chagrin en découvrant sa trahison. Mais, parce qu'elle est généreuse et intelligente, elle comprend qu'elle a mieux à faire que mourir d'amour à cause d'un homme qui l'a trahie. Et parce qu'« elle ne peut rien faire à moitié », elle trouvera, à 19 ans, le bonheur auprès du sage colonel Brandon et de ceux qui l'aiment et qu'elle aime.

Sommaire

Biographie

Article principal : Sense and Sensibility.

Portrait

Jane Austen présente Marianne dès le premier chapitre, en comparant ses qualités intellectuelles avec celles de sa sœur Elinor : elles ont des aptitudes égales, mais, comme sa mère et Margaret, la plus jeune, elle a un tempérament romanesque et une sensibilité excessive, qui inquiètent Elinor.

Le portrait physique n'est fait qu'au chapitre X, lorsque Willougby vient prendre de ses nouvelles, et là encore, Marianne est comparée à Elinor : elle est encore plus jolie, plus grande, son visage est charmant, ses traits réguliers, son sourire doux et captivant. Elle a la peau un peu trop brune pour les canons de beauté de l'époque, mais diaphane, et des yeux très sombres et pleins de feu. Lorsqu'elle apprend la trahison de Willougby elle devient indifférente à tout, et tellement apathique que John Dashwood, son demi-frère, considère qu'elle n'a plus aucune chance de trouver un mari. Après sa maladie, elle met longtemps à retrouver ses couleurs et son enthousiasme.

Une jeune fille romanesque

Jane Austen fait naître la seconde fille d'Henry Dashwood, vers la fin du XVIIIe siècle (entre 1778 et 1781). Elle la présente comme une fille sensée et intelligente (sensible and clever) mais passionnée et refusant de se plier aux règles contraignantes du savoir vivre et de la politesse, qu'elle juge hypocrites. Mais elle est aussi généreuse, aimable et intéressante, et forme avec sa sœur Elinor un couple qui n'est pas sans rappeler celui que Jane Austen formait avec sa sœur aînée Cassandra. Quoiqu'elle soit persuadée que « nous savons toujours quand nous agissons mal »[2] elle a cependant une conduite très imprudente avec Willougby, qui laisse croire à l'entourage qu'ils se sont fiancés : elle danse avec lui seul, lui laisse prendre une mèche de cheveux et lui écrit, ce qui, à l'époque, est un signe absolu d'engagement. L'adolescente de 17 ans est totalement spontanée et se montre incapable de modérer ses joies ou ses chagrins.

Adieux émus à Norland (Chris Hammond, 1899)

Le départ de la propriété familiale la plonge dans des abîmes de mélancolie et, nourrie de poésie élégiaque, elle salue la demeure de son enfance et les arbres du parc qui perdent leurs feuilles roussies par l'automne, comme on pleure la mort d'êtres chers. C'est sur le même ton passionné qu'elle décrit la vallée autour de Brandon Cottage ; en parfaite préromantique, elle en admire l'irrégularité, l'aspect sauvage, le sublime, alors que le pragmatique Edward y voit un beau domaine rationnellement exploité[3].

Marianne vit dans le monde fantastique de ses poèmes et de sa musique et finit bientôt par confondre la réalité avec la fiction. C'est ainsi que, pleine de préjugés sur ce que doit être un homme aimable, elle porte un jugement sans appel sur le mélancolique et fortuné colonel Brandon, qu'elle trouve, à 35 ans, trop vieux pour éprouver des sentiments amoureux et se marier. Elle n'a, pour le qualifier, que des mots négatifs et exagérés : il est assez vieux pour être son père, il est ridicule et il porte des gilets de flanelle[4]. Le jeune et romantique John Willoughby qu'elle a rencontré dans des circonstances si romanesques cadre mieux, selon elle, à l'image du prince charmant. Guidée par ses sentiments, Marianne rejette tout avertissement de prudence de la part de sa sœur aînée, la raisonnable Elinor, et se laisse, comme sa mère et Margaret, totalement envoûter par le charme incontestable du séducteur. Sous son influence, elle ne tarde pas à se transformer en une jeune fille très égoïste, totalement centrée sur le couple fusionnel qu'ils forment, à ce qu'elle croit.

Le départ brutal de Willougby afflige Marianne (Chris Hammond, 1899)

Un drame romantique

Cependant, le départ inexplicable de Willoughby la laisse désemparée. Et la proposition de Mrs Jennings d'inviter les demoiselles Dashwood à l'accompagner à Londres est la bienvenue. Elle n'a qu'une idée fixe, retrouver Willougby, mais la découverte de sa trahison, lors d'un bal donné à Londres où il se montre si froidement protocolaire, l'anéantit et la rend injuste envers sa sœur qu'elle accuse de froideur et de manque de cœur, ignorant qu'Elinor vit presque la même chose qu'elle. Découvrant que son prince charmant va épouser Miss Grey, la jeune femme qu'elle a vue avec lui au bal, qui possède une belle fortune, 50 000 livres, elle est sidérée par sa traîtrise.

Marianne pleure la trahison de Willougby (Chris Hammond, 1899)

La manière dont Marianne et Willougby se rencontrent est symbolique : c'est dans une salle luxueuse, pleine à craquer et épouvantablement chaude, ce dont il faut bien s'accommoder. Quand elle aperçoit Willougby, Marianne veut se diriger droit sur l'homme qu'elle aime, mais la foule, les règles de politesse à respecter, les convenances, la chaleur oppressante, tout l'enferme et la paralyse. Willougby a beau jeu de la saluer avec toutes les apparences de la politesse, si elle s'écrie, en rougissant violemment : « Grand Dieu, Willougby, qu'est-ce que cela veut dire ? », c'est qu'elle a conscience de la fausseté et de la superficialité absolue de tout ce qui l'entoure[5]. Elle s'effondre lorsque, le lendemain du bal, il lui retourne ses lettres et sa mèche de cheveux, accompagnées d'un billet froidement poli (dicté par Miss Grey, apprend-on plus tard).

Lorsqu'elle apprend sa conduite passée envers la nièce de Brandon, Eliza, et découvre rétrospectivement le risque qu'elle a couru, faute de pouvoir hurler sa douleur, elle s'enferme dans un chagrin muet et désespéré et n'a qu'une envie, fuir Londres. Elle découvre avec consternation la souffrance muette et le courage d'Elinor lorsque se dévoile l'engagement d'Edward avec Lucy Steele. Mais cette découverte, au lieu de l'inciter à se dominer, à l'exemple de sa sœur, la démoralise encore plus, la plongeant dans d'amers regrets et de cruels remords[6]. La possibilité de quitter enfin la ville, où le comportement de John et Fanny Dashwood n'a rien de fraternel, est un vrai soulagement. Les Palmer les ont emmenées avec eux à Cleveland, qui n'est qu'à dix-huit miles de Barton, et Marianne entretient son chagrin par de longues promenades solitaires dans le parc. Lorsqu'elle prend froid, elle ne lutte pas et se laisse mourir de chagrin.

Savoir raison retrouver

La maladie de Marianne a des aspects psychosomatiques et certains symptômes confinent à la folie[7]. Elle est malade de l'intensité de ses passions et de son rêve brisé. Sa fièvre comateuse est une fuite devant la réalité, celle de la trahison, mais aussi celle des convenances sociales. Mais cette maladie est finalement le coût à payer pour entrer dans une vie calme et tranquille. Symboliquement, avant, ses yeux étincelaient, et lorsqu'elle reprend conscience, elle a un regard raisonnable quoiqu'alangui (rational though languid gaze). Plutôt que de mourir comme le ferait une véritable héroïne romantique, Marianne prend conscience que se laisser aller serait une lâcheté, une sorte de suicide et un acte égoïste, comme elle le dira à Elinor[8], après avoir appris, de la bouche de sa sœur, la venue à Cleveland et les excuses de Willougby : « Si j'étais morte, ç'aurait été un suicide » (Had I died,— it would have been self-destruction). Elle surmonte lentement sa maladie et en profite pour faire un sérieux examen de conscience concernant son comportement depuis sa rencontre avec le jeune homme. La douloureuse expérience l'a assagie, mais n'a pas changé son caractère, aussi se lance-t-elle avec un enthousiasme renouvelé dans un programme d'études, entre musique, lectures et promenades[9]. Elle accepte même l'idée de « demeurer toujours avec sa mère, cherchant son seul plaisir dans la solitude et l'étude » (remaining for ever with her mother, finding her only pleasures in retirement and study)[10].

Marianne accepte les visites du colonel Brandon (C.E. Brock, 1908)

Elle accepte aussi de pardonner à Willougby, et reçoit ses excuses et ses explications, mais pas de sa bouche, de celle d'Elinor, ce qui atténue beaucoup leur force émotionnelle. Marianne n'était pas suffisamment riche pour que le jeune homme léger et dépensier brave la colère de sa tante, qui le menaçait de le déshériter devant son refus de réparer les conséquences de la séduction d'Elisa, et Elinor n'aura pas trop de mal à faire admettre à sa sœur que, compte tenu de leur caractère respectif, leur mariage n'aurait pas pu être heureux[11]. Il doit maintenant apprendre à vivre sans elle, comme elle a appris à vivre sans lui. Mais le colonel Brandon n'est pas loin, figure silencieuse et protectrice, lui qui, comme elle, a été blessé par un premier amour malheureux et qui, grâce à sa générosité, retrouvera la joie de vivre.

Du roman à l'écran

Éléments d'analyse du personnage

Premier amour

Comme lady Delacour dans Belinda de Maria Edgeworth, Marianne, l'héroïne romanesque de l'amour unique et éternel doit apprendre à accepter l'idée d'une second amour, à la fois pour elle, et pour celui qu'elle épouse[12]. D'ailleurs, Jane Austen a ironiquement présenté un second attachement comme supérieur à un premier à la fin du chapitre II de Jack and Alice (Juvenilia)[13], Lady Williams affirmant à Alice : « Je suis moi-même le triste exemple des misères associées en général à un premier amour, et je suis déterminée à éviter à l'avenir une semblable infortune.[...] Un second attachement a rarement de graves conséquences » (I am myself a sad example of the Miseries in general attendant on a first Love & I am determined for the future to avoid the like Misfortune. [...] A second attachment is seldom attended with any serious consequences).

La ressemblance entre Marianne et sa mère, dont elle est la préférée, est une question de caractère, mais pas seulement. Elles sont toutes les deux romanesques et facilement enthousiastes, et suivent le même cheminement sentimental : comme sa mère l'a fait quelque vingt ans auparavant, Marianne donne finalement son cœur à un homme qui a déjà connu un premier attachement, même s'il n'est pas veuf comme Henry Dashwood. Et comme Emma Woodhouse plus tard, elle s'attache à un homme qui est une figure protectrice, voire paternelle.

Critique de la sensibilité et du romanesque

Jane Austen préfère nettement Elinor (« My Elinor » Lettre à Cassandra du 25 avril 1811), et dans une certaine mesure condamne le refus de Marianne de se plier aux usages. Certes, par son attitude, Marianne souligne l'hypocrisie de certaines conventions sociales, l'étiquette de la conversation, le formalisme des visites, mais c'est sous le coup des émotions et avec le désir de calquer sa vie sur des valeurs liées au culte de la sensibilité. Elle se conduit en personnage de roman, et son romantisme exacerbé est considéré comme dangereux pour la vie du groupe : le poids des conventions va l'obliger à les accepter, ou, comme Ophélie[N 1], se laisser mourir[14].

Mais l'évolution de la société fait que le lecteur moderne trouve la romanesque Marianne beaucoup plus attachante et fascinante que la prudente Elinor et, dans le cadre d'une vision féministe du roman, considère son acceptation finale des conventions et son mariage avec le mélancolique Brandon, un homme de 17 ou 18 ans plus âgé qu'elle[N 2], comme un pis aller, voire un châtiment[15]. Ce qui explique en partie la nécessité, pour les œuvres portées à l'écran de rendre les personnages masculins plus « dignes » des héroïnes dont ils obtiennent la main, car de nos jours, les sentiments l'ont emporté sur la raison, et le débat au centre du roman, entre émotionnel et raisonnable, cœur et raison, sentimental et rationnel, cède de plus en plus à la pression de l'émotionnel[16].

Marianne à l'écran

Raison et sentiments a fait l'objet de plusieurs adaptations, mais moins nombreuses que d'autres romans de Jane Austen. Ainsi, Marianne Dashwood est interprétée par :

Annexes

Notes

  1. Kate Winslet, la Marianne du film Raison et Sentiments, d'Ang Lee, joue Ophélie l'année suivante dans le Hamlet de Kenneth Branagh
  2. Mais Mr Knighley a 16 ans de plus qu'Emma Woodhouse, et ça ne gène pas autant le lecteur moderne.

Références

  1. Jane Austen 2003, p. xxii (éd Penguin classics)
  2. Jane Austen 1864, p. 60
  3. Lydia Martin 2007, p. 150
  4. Jane Austen 2003, p. 373 (éd Penguin classics)
  5. Jane Austen 2003, p. 369 (éd Penguin classics)
  6. Jane Austen 1864, p. 239
  7. Jane Austen 2003, p. 361 (éd Penguin classics)
  8. Jane Austen 1864, p. 308
  9. Jane Austen 1864, p. 306
  10. Jane Austen 1864, p. 339
  11. Jane Austen 1864, p. 313
  12. Jane Austen 2003, p. xxiii (éd Penguin classics)
  13. Jack and Alice sur Pemberley.com
  14. Jane Austen 2003, p. 381 (Penguin Classics)
  15. Lydia Martin 2007, p. 202
  16. Lydia Martin 2007, p. 71

Bibliographie

Les références au texte original se trouvent dans l'édition ci-dessous, qui reprend la deuxième édition, celle de 1813.

Articles connexes

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