Animaliste

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'L'animalisme ou un animaliste est un terme inventé [Qui ?] pour désigner ceux qui défendent le droit des animaux d'une façon qui dépasse une considération strictement écologique, c'est-à-dire animaux considérés ou défendus en tant qu'individus et non abstractions de l'« environnement ».

L'animalisme est une contestation de la confusion entre l'agence et la patience morale : ce n'est pas parce qu'un animal n'est pas agent moral, responsable de ses actes, qu'il n'a pas de droits, qu'il n'est pas patient moral et que les agents moraux sont dispensés de devoirs envers lui.

L'animalisme peut être compris soit comme l'élargissement des valeurs humanistes à toutes les autres espèces animales capables de ressentir de la souffrance, soit comme une intégration de l'humanisme dans une doctrine morale plus globale, contestant la centralisation de la morale sur l'être humain adulte (ce qui induit que les enfants, nourrissons, sont considérés de facto respectables uniquement parce que en croissance, hypothétiquement adulte responsable de ses actes, et non en tant que tel). Terme nouveau, l'optique qu'il défend est en réalité ancienne, préhistorique (période d'où est issue le jaïnisme), et redécouverte aujourd'hui du fait de la déconstruction effective de la civilisation occidentale post-humaniste (ou post-chrétienne) confrontée à son histoire et à d'autres civilisations, cultures, religions, nées pourtant au sein de l'humanité.

Sommaire

L'animalisme selon le Droit

le philosophe américain Tom Regan, professeur à l'université d'État de Caroline du Nord (et président en 1993 de l' American Society for Value Inquiry), et qui est célèbre pour sa défense du végétarisme et des animaux dans le cadre du droit, en premier lieu prend appui, pour développer sa théorie du droit animalist, sur la considération de la vie mentale des animaux, considérée selon leur degré de complexité, et en arrive à ce bilan :

« La conclusion de T. Regan est la suivante : certains animaux ont une vie mentale suffisamment complexe pour avoir une expérience propre de leur bien-être. En d'autres termes, ils ont une vie mentale assez complexe pour que ce qui leur arrive leur importe. »

— Jean-Yves Goffi, Droits des animaux et libération animale, Si les lions pouvaient parler, essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik [1].

Ce faisant, les conséquences de ce point de vue amènent à considérer l'animal en tant que tel comme détenteur de droits :

« Les êtres qui sont les sujets d'une vie ont une valeur inhérente. Seul le langage des droits est apte à exprimer l'exigence de ne pas leur infliger des dommages sans des raisons contraignantes. (...) On est le sujet d'une vie dès lors qu'on est capable de manifester une vie mentale assez complexe pour s'intéresser à son bien-être (...). Il s'ensuit que les animaux sont des sujets d'une vie et qu'ils sont des titulaires de droits, même s'ils ne le savent pas. »

— Jean-Yves Goffi, Droits des animaux et libération animale, Si les lions pouvaient parler, essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik [2].

Les obligations qu'impose une telle conception du droit vont au-delà de la pratique du végétarisme :

« Tom Regan considère comme injustifiables des pratiques ou des institutions comme la chasse, la pêche, l'alimentation carnée, les cirques, les zoos, l'élevage intensif. (...) Il englobe dans la même condamnation l'expérimentation sur l'animal dans une perspective médicale ou biologique (...). Il n'admet de transgression au principe de (non)-dommage que dans des cas soigneusement définis d'auto-défense ; ceux-ci ne correspondent pratiquement jamais à notre façon courante d'en user avec les animaux (...) Être le sujet d'une vie (...) suffit à conférer des droits et à justifier la protection du titulaire de ces droits, avant même que quoi que ce soit ait été énoncé à propos de ce qui rend la vie digne d'être vécue. La puissance publique doit protéger impartialement ces droits, indépendamment de toute conception du bien et du mal [3]. »

— Jean-Yves Goffi, Droits des animaux et libération animale, Si les lions pouvaient parler, essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik [4].

La « philosophie animalière » chez Jacques Derrida

Dans son dernier ouvrage (posthume), L'Animal que donc je suis, qui est dans la ligne droite de son œuvre philosophique liée à la déconstruction, Jacques Derrida conçoit la question de l'« animal » comme une réponse à la question du propre de l'« homme », met ainsi en doute la capacité à ce dernier d'être en droit de se faire valoir toujours aux dépens de l'« animal », alors qu'il semble bien que ce réflexe conceptuel soit, par essence, un préjugé, et non le fruit d'un raisonnement philosophique garant de ce droit :

« Il ne s'agit pas seulement de demander si on a le droit de refuser tel ou tel pouvoir à l'animal (parole, raison, expérience de la mort, deuil, culture, institution, technique, vêtement, mensonge, feinte de la feinte, effacement de la trace, don, rire, pleur, respect, etc. – la liste est nécessairement indéfinie, et la plus puissante tradition philosophique dans laquelle nous vivons a refusé tout cela à l'« animal »), il s'agit aussi de se demander si ce qui s'appelle l'homme a le droit d'attribuer en toute rigueur à l'homme, de s'attribuer, donc, ce qu'il refuse à l'animal, et s'il en a jamais le concept pur, rigoureux, indivisible, en tant que tel. »

— L'animal que donc je suis (p. 185), Jacques Derrida.

Le philosophe développe donc la nécessité philosophique d'un nouveau genre en son sein, « la philosophie animalière », considérant que si la question de l'« animal » a été fuie (ou ignorée) pendant des siècles par les philosophes, elle doit devenir centrale et incontournable, afin que le discours philosophique puisse encore se revendiquer du domaine de la pensée humaine :

« L'animal nous regarde et nous sommes nus devant lui. Et penser commence peut-être là. »

— L'animal que donc je suis (p. 50), Jacques Derrida.

Cet « animalisme » philosophique vient d'une nécessité éthique face aux « proportions sans précédent de cet assujettissement de l'animal » [5] – bien que presque totalement invisible – né « de la violence industrielle, mécanique, chimique, hormonale, génétique, à laquelle l'homme soumet depuis deux siècles la vie animale » [5], violence à l'encontre des animaux comparée par le philosophe Jacques Derrida à la Shoah (génocide qui tient son caractère « exceptionnel » du fait qu'il est aujourd'hui encore le seul de type industriel [6]) :

« De quelque façon qu'on l'interprète, quelque conséquence pratique, technique, scientifique, juridique, éthique, ou politique qu'on en tire, personne aujourd'hui ne peut nier cet événement, à savoir les proportions sans précédent de cet assujettissement de l'animal. (...) Personne ne peut plus nier sérieusement et longtemps que les hommes font tout ce qu'ils peuvent pour dissimuler ou pour se dissimuler cette cruauté, pour organiser à l'échelle mondiale l'oubli ou la méconnaissance de cette violence que certains pourraient comparer aux pires génocides (il y a aussi des génocides d'animaux : le nombre des espèces en voie de disparition du fait de l'homme est à couper le souffle). De la figure du génocide il ne faudrait ni abuser ni s'acquitter trop vite. Car elle se complique ici : l'anéantissement des espèces, certes, serait à l'œuvre, mais il passerait par l'organisation et l'exploitation d'une survie artificielle, infernale, virtuellement interminable, dans des conditions que des hommes du passé auraient jugées monstrueuses, hors de toutes les normes supposées de la vie propre aux animaux ainsi exterminés dans leur survivance ou dans leur surpeuplement même. Comme si, par exemple, au lieu de jeter un peuple dans des fours crématoires et dans des chambres à gaz, des médecins ou des généticiens (par exemple nazis) avaient décidés d'organiser par insémination artificielle la surproduction et la surgénération de Juifs, de Tziganes et d'homosexuels qui, toujours plus nombreux et plus nourris, aurait été destinés, en nombre toujours croissant, au même enfer, celui de l'expérimentation génétique imposée, de l'extermination par le gaz et par le feu. Dans les mêmes abattoirs. (...) Si elles sont « pathétiques », ces images, c'est aussi qu'elles ouvrent pathétiquement l'immense question du pathos et du pathologique, justement, de la souffrance, de la pitié et de la compassion. Car ce qui arrive, depuis deux siècles, c'est une nouvelle épreuve de cette compassion. »

— Jacques Derrida, L'Animal que donc je suis.

Critiques

Selon Raoul Jomphe, réalisateur de Phoques - Le film, c'est de l'anthropomorphisme et de l'extrémisme que de vouloir rendre plus important la vie d'animaux que les intérêts commerciaux des chasseurs, comme le font les groupes animalistes dans le cas de la chasse aux phoques[réf. nécessaire], qui est liée avant tout à l'industrie de la fourrure.

Raoul Jomphe, qui n'est ni anthropologue ni historien des religions, oublie que la culture originelle des Inuits (aujourd'hui chrétiens) est en réalité bien plus proche de l'optique des animalistes que la sienne, qui semble bien défendre le point de vue strictement économique de l'industrie de la fourrure : aujourd'hui aucun produit animal n'est nécessaire à la survie de l'humanité qui produit globalement trop de céréales qui finissent surtout pour l' engraissage des animaux tués pour leur viande, contrairement aux anciens temps, et encore, dans des zones extrêmes et très rares comme le Pôle Nord ; les Bishnoïs, Hindous habitant le désert du Thar, bien que vivant dans des conditions très difficiles, sont des animalistes et végétariens fervents.

Article détaillé : Végétarisme#Solidarité.

Ainsi, dans son Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger rappelle que l'Être tout-puissant auquel croient les Inuits est Arnarquashaad (« la grande dame majestueuse »), « divinité marine maîtresse des animaux et des tempêtes », habitant « dans les profondeurs marines où elle vit en compagnie des poissons et des autres animaux ; sa maison est gardée par les phoques ». Lorsque les Esquimaux étaient confrontés à la famine, il incombait au seul chaman d'inciter Arnarquashaaq de remettre les animaux en liberté afin que les hommes soient autorisés à chasser [7] : nous sommes donc loin de l'animal-objet qui n'a de prix que tué (souvent en masse), tel une « abstraction environnementale », dénuée d'individualité, de ceux qui contestent l'animalisme.

En effet, les Inuits pratiquaient (avant d'être convertis au christianisme) toujours des rites de chasse, longs et complexes, ayant deux buts : premièrement garantir que les animaux se laisseront chasser afin de fournir leur nourriture aux hommes, et deuxièmement assurer que l'âme ou souffle vital de l'animal tué ne se plaigne pas des hommes qui l'ont tué auprès d'autres animaux ou auprès de son dieu, ce dernier peuvant interdire à ces mêmes hommes d'entrer dans leur paradis lors de leur mort [7].

Les antispécistes et sympathisants (jaïns, hindous, etc.) pensent donc que c'est Raoul Jomphe qui fait preuve d'anthropocentrisme et de spécisme en essayant de créer une barrière fictive entre les humains et les autres animaux (alors que le génotype des humains est identique à 98% à celui des bonobos) et en ne voulant pas tenir compte de la souffrance des autres animaux juste parce qu'ils ne font pas partie de l'espèce humaine.

Chez Orwell

Dans son roman la ferme des animaux, George Orwell met en scène une doctrine philosophique, l'animalisme, pour la liberté des animaux et contre la domination des humains. L'animalisme est en réalité une parodie du communisme.

Liens internes

Antispécisme

Références

  1. Jean-Yves Goffi, professeur agrégé de philosophie et docteur d'Etat en lettres et sciences humaines, Droits des animaux et libération animale, Si les lions pouvaient parler, essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik, éd. Gallimard, p.900, ISBN 2-07-073709-8
  2. Jean-Yves Goffi, professeur agrégé de philosophie et docteur d'Etat en lettres et sciences humaines, Droits des animaux et libération animale, Si les lions pouvaient parler, essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik, éd. Gallimard, p.902, ISBN 2-07-073709-8
  3. Note de Jean-Yves Goffi : « L'objection classique consiste à tenir l'affirmation de droits pour une théorie déjà morale dans son principe. »
  4. Jean-Yves Goffi, professeur agrégé de philosophie et docteur d'Etat en lettres et sciences humaines, Droits des animaux et libération animale, Si les lions pouvaient parler, essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik, éd. Gallimard, p.902-903, ISBN 2-07-073709-8
  5. a et b l'animal que donc je suis, Jacques Derrida, éd. Galilée
  6. Le silence des bêtes, la philosophie à l'épreuve de l'animalité, Elisabeth de Fontenay, éditions Fayard.
  7. a et b Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, le livre de poche, p.298-299

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Animaliste de Wikipédia en français (auteurs)

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