Le bon-sauveur

Le bon-sauveur

Centre hospitalier spécialisé du Bon Sauveur

Le Centre hospitalier spécialisé du Bon Sauveur à Caen, couramment surnommé le Bon Sauveur ou le BS, est installé dans un ancien couvent transformé en hôpital psychiatrique à partir du XIXe siècle par la Congrégation des Filles du Bon Sauveur fondée dans la première partie du XVIIIe siècle.

Sommaire

Histoire

La double fondation de la Congrégation des Filles du Bon Sauveur

En 1720, Anne Le Roy fonda à Vaucelles, sur la rive droite de l'Orne, l'Association de Marie, une communauté non cloîtrée visant à reprendre le travail de la Visitation de Caen ; elle fut rapidement surnommée le Petit Couvent. Établies rue du Four, elles déménagèrent en 1732 dans des bâtiments situées rue d'Auge[1]. Louis XV reconnut en 1734 cette communauté religieuse qui prit alors le nom de « Filles du Bon Sauveur », toutefois, ce n'est qu'en 1751 que le Parlement de Rouen enregistra les lettres-patentes du Roi. Elles avaient la charge « des filles et femmes débauchées » que la police faisait arrêter. Par la suite, elles commencèrent à accueillir des femmes aliénées.

En 1792, la communauté fut dispersée. Une partie s'établit dans une maison près de la place Saint-Sauveur, puis rue Saint-Martin à partir de 1799, et consacrèrent leur temps à l'éducation de quelques jeunes filles. L'autre partie resta dans les locaux de la communauté, rue d'Auge, d'où elles furent chassées en 1795 ; elles partirent alors avec les malades à Mondeville.

Grâce à l'abbé Pierre-François Jamet, chapelain de la communauté depuis 1790, les Filles du Bon Sauveur purent se réunir en 1805. Elles reprirent leurs activités charitables dans l'ancien couvent des Capucins fondé en 1577 sur le territoire du prieuré de Brécourt, offert par le cardinal Farnèse, alors abbé de l'Abbaye aux Hommes, dans la paroisse Saint-Ouen de Villers[2]. Le conseil général du Calvados, sous l'impulsion du comte de Montlivault, préfet du Calvados, octroie des subventions aux sœurs afin qu'elles construisent de nouveaux bâtiments[3].

Le développement de l'Hôpital du Bon Sauveur

Le Bon Sauveur et son environnement en 1870

Sous l'impulsion de l'abbé Jamet[4], l'asile se développa rapidement et entra dans une véritable démarche thérapeutique. Conçu à l'origine comme un simple lieu d'enfermement des marginaux et des inadaptés sociaux, le Bon Sauveur devint peu à peu un espace de soins où les aliénés pouvait recevoir un traitement plus humanitaire. En 1816, une importante école pour les sourds-muets fut fondée dans la Communauté du Bon Sauveur. En 1818, le préfet Montlivault décide que les hommes aliénés, auparavant incarcérés à la prison de Beaulieu, seraient également admis au Bon Sauveur afin d'y recevoir des soins[3].

À partir de cette date, le Bon Sauveur se développe et devint un des plus importants établissements psychiatriques de France. En 1838, il devient asile départemental. Selon Jean-Étienne Esquirol, « cet établissement est remarquable par son étendue et par sa bonne tenue ». Les hommes et les femmes sont alors strictement séparés. Deux bâtiments sont réservés aux hommes. Le plus important est réservé aux aliénés qualifiés de paisibles ; il est isolé par une enceinte plantée de tilleuls et des arcades servent de promenoirs. Le deuxième corps de bâtiment est destiné « aux idiots, aux aliénés en démence et aux épileptiques ». Enfin une section avec son jardin à part permet d'isoler les aliénés dit furieux. Les femmes sont accueillies dans un long bâtiment (cent toises) de trois étages. Le grand jardin devant cette aile et les cours à l'arrière de celle-ci sont divisés en quatre sections permettant de séparer les patientes en fonction de leur état. Une galerie permet également la circulation au rez-de-chaussée[3]

De 251 malades en 1829, l'établissement passa à 1 060 en 1876. A cette date, la population totale du Bon Sauveur atteignait 1 720 personnes si on ajoute aux malades les 260 religieuses et novices, les 215 élèves des écoles pour sourds et muets, ainsi que le pensionnat pour jeune fille. Le maximum est atteint en 1899 avec 1 439 patients, ce qui fait du Bon-Sauveur le troisième hôpital psychiatrique de France[5]. Les Filles du Bon Sauveur ont fondé des instituts dans la France entière :

Elles sont également implantées en Irlande, au Pays de Galles, en Espagne, en Italie et à Madagascar.

Le Bon Sauveur pendant la Seconde guerre mondiale

En juillet 1942, les forces d'occupation allemandes évacuent l'hôpital et y installent un mois plus tard un Kriegslazarett (hôpital militaire).

En vertu du décret de loi du 11 juillet 1938, la ville est divisée en six secteurs dans lequel s'organisent l'action de la Défense passive. Des centres d'accueil sont ouverts pour que les réfugiés trouvent un abri et de la nourriture et pour qu'on organise leurs déplacements. Le Centre d’accueil n° 5 au Bon-Sauveur fait partie du secteur n°1. Dès le 6 juin 1944, 300 personnes se réfugient au Bon-Sauveur ; dix jours plus tard, on dénombre 1 250 réfugiés. Du fait de l'ordre d'évacuation, le chiffre baisse avant de remonter à nouveau après la libération de la rive gauche de la ville, le 9 juillet. Une semaine plus tard, le centre d'accueil est à nouveau vidé et ferme définitivement le 15 octobre.

Pendant la durée de la bataille de Caen, le Bon-Sauveur soignent les blessés qui affluent. Un bloc opératoire de trois salles d’opérations est ouvert dans le pavillon du Sacré-Cœur. L'établissement forme avec l'abbaye aux Hommes un îlot sanitaire, protégé des bombardements aériens. Les alliés, puis les allemands, lancent plus de 200 obus sur le site ; 50 morts, ainsi qu'une centaine de blessés, sont comptabilisés.[6]

Projet

Depuis 1984, les sourds et malentendants sont pris en charge par le Centre de rééducation de l'ouïe et de la parole à Bretteville-sur-Odon. La Congrégation des Filles du Bon Sauveur a quitté l'enclos situé dans l’ancien faubourg de la rue Caponnière. Le lycée Jeanne-d'Arc qui occupait une partie des locaux a déménagé dans le quartier de Beaulieu. Ce site, disposant de vastes jardins à deux pas du centre-ville, offre d’importantes opportunités.

Une partie des locaux a d'ores et déjà été réaffectée. Ils abritent désormais la Direction régionale des Affaires culturelles. Les activités du Centre hospitalier spécialisé ont été maintenues et l'établissement fait l'objet d'importants investissements inscrits dans le Plan Psychiatrie et Santé Mentale[7]. Des logements ont été aménagés dans les anciens locaux du lycée sur la place Villers. La Congrégation religieuse devrait bientôt vendre les locaux au groupe Eiffage qui a prévu d'y construire un ensemble de résidences de standing (280 logements), renommé « Caen grand parc »[8]. Il est prévu de détruire une partie des bâtiments et notamment le cloître, jugé sans valeur architectural, afin d'aménager un parc. La chapelle, inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, sera préservée, sans qu'une affectation précise lui ait été donnée.

D’autres propositions ont été avancées. La Maison des États-Unis[9] devrait s’y implanter ainsi qu’une antenne de l'université du Texas pour l’accueil d’étudiants, de chercheurs et d’entreprises américains. Le Conseil général du Calvados prépare la création d’un hôtel maternel destiné à recevoir des familles mono-parentales.

D'autres projets ont été abandonnés. On pensait réunir tous les services de l'École des Beaux-Arts de Caen[10] mais il fut finalement choisi de construire un nouveau bâtiment sur la presqu'île portuaire. Le Conseil régional de Basse-Normandie souhaitait acquérir la chapelle pour y installer l’Orchestre régional de Basse-Normandie[11] mais ce dernier a déménagé dans les locaux de la Renaissance et de l'hôtellerie au Plateau sur la commune de Mondeville.

Personnalités internées au Bon Sauveur

Patrimoine architectural

Portail d'entrée

Portail sur la rue Caponière

L'entrée principale au Bon-Sauveur se fait au no 93 de la rue Caponière. On pénètre dans l'enceinte par un portail d'entrée datant du début du XVIIIe siècle. Légèrement en retrait par rapport à la rue, ce portail est constitué d'un mur avec bossages réguliers ouvert par une porte ; cette dernière est encadrée par quatre colonnes surmontées par des chapiteaux ioniques, le tout étant couronnée par une architrave avec agrafe, elle-même surmontée d'une corniche et d'un attique avec vaste table nue.

Ce portail donnait autrefois accès à l'hôtel Faudoas situé rue Saint-Jean. Ce dernier fut détruit en partie en 1833 par l'architecte départemental Harou-Romain pour ouvrir une nouvelle rue. Le portail fut alors démonté et remonté en 1834 à son emplacement actuel[12]. Il s'ouvre désormais sur une cour ouverte, derrière le chevet de la chapelle.

Chapelle

La chapelle du Bon Sauveur

Cette chapelle fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis 26 septembre 2006[13].

En 1605, les Capucins se font construire une nouvelle chapelle à l'emplacement d'un premier lieu de culte construit à la fin du XVIe siècle et tombé en ruine. Jugée trop exiguë, cette nouvelle chapelle est transformée en infirmerie et la construction d'une nouvelle église est entamée en 1634. Les travaux se terminent en 1635 et l'église est dédiée en 1636. Elle reprend le vocable de l'ancienne chapelle dédiée à saint Michel et à saint Jacques le Majeur[14]. L'édifice prenait la forme d'une croix latine avec transept saillant et chœur en hémicycle.

Les dispositions intérieures ont ensuite été modifiées pour l'usage de la Congrégation des Filles du Bon Sauveur. Entre 1869 et 1873, Charles Auvray construit, perpendiculairement à l'ancienne église Saint-Michel-et-Saint-Jacques-le-Majeur, un grand bâtiment et élève un clocher en charpente revêtu d'ardoises et bordé par deux galeries.

En 1956, Louis Rême reconstruit la chapelle à partir des fondations de l'ancienne église du XVIIe siècle tout en conservant les bâtiments néo-gothiques construits au XIXe siècle. Le plafond est constitué de caissons et l'éclairage est permis par des dalles de verre. Trévedy conçoit les cartons et Gabriel Loire réalise les vitraux. À cette époque, l'ancien cloître des moines qui subsistait au nord-est de l'église est reconstruit également.

L'édifice est désaffectée depuis 1999. La chapelle en totalité, ainsi que la façade et la toiture correspondante du bâtiment d'honneur situé au nord de la cour d'honneur, sont inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 26 septembre 2006[15].

Notes et références

  1. Ces locaux furent repris par les Capucins en 1859. Ils ont été détruits en 1944 et en partie reconstruits à l'identique (Localisation sur Wikimapia)
  2. Une portion de la rue Caponière actuelle s'appelait jusqu'en 1889 rue des Capucins.
  3. a , b  et c Jean-Étienne Esquirol, Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, Paris, Chez J-B Baillière, 1838, pp. 473–478
  4. Béatifié le 10 mai 1987 par Jean-Paul II.
  5. Ouest-France, 03/11/2008
  6. La vie à Caen pendant la bataille
  7. Plan Psychiatrie et Santé Mentale
  8. Ouest-France, 7 août 2008
  9. Maison des États-Unis
  10. École supérieure des beaux-arts de Caen
  11. l’Orchestre régional de Basse-Normandie
  12. Cf. Philippe Lenglart, Caen, architecture et histoire, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 2008
  13. Base Mérimée
  14. Christophe Collet, Caen, cité médiévale : bilan d'histoire et d'archéologie, Caen, Caen Archéologie, 1996
  15. Ministère de la Culture.

Bibliographie

  • Simon G.A. Chanoine, La mère Anne Le Roy et les origines du Bon Sauveur de Caen (1692-1781), Imprimerie Ozanne et Cie, 1953
  • Simon G.A. Chanoine, Bon Sauveur de Caen : l'Institut du Bon Sauveur de Caen, les origines et l'expansion d'une grande œuvre, Imprimerie Ozanne et Cie, 1957
  • Edmond Chrétien, Le Bienheureux Pierre-François Jamet, Serviteur des handicapés et recteur d'université, 1762-1845, (Epiphanie), Cerf, Paris, 1987
  • Pierre Morel, Du Bon Sauveur au CHS : deux siècles et demi de psychiatrie caennaise, Paris, Éditions du Lys, 1992
  • Comte d'Osseville, « Courrier des Œuvres - La Charité en province - Le Bon Sauveur de Caen » dans les Annales de la charité, Paris, Adrien Le Clere et Cie, 1862, p. 120 à 137
  • Vastel, Hygiène publique. Rapport statistique sur la maison d'aliénés du Bon-Sauveur de Caen, pendant les années 1829 et 1830], Paris, 1832 [texte intégral]

Articles connexes

Liens externes

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