Amour

Amour
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Le couple emblématique Roméo et Juliette, tableau de Frank Dicksee (1884).

L'amour désigne un sentiment d'affection et d'attachement envers un être ou une chose, qui pousse ceux qui le ressentent à rechercher une proximité, pouvant être physique, spirituelle ou même imaginaire, avec l'objet de cet amour, et à adopter un comportement particulier (plus ou moins rationnel) en conséquence.

En tant que concept général, l'amour renvoie la plupart du temps à un profond sentiment de tendresse envers une personne. Toutefois, même cette conception spécifique de l'amour comprend un large éventail de sentiments différents, allant du désir passionné et de l'amour romantique, à la tendre proximité sans sexualité de l'amour familial ou de l'amour platonique, et à la dévotion spirituelle de l'amour religieux. L'amour sous ses diverses formes agit comme un facteur majeur dans les relations sociales et occupe une place centrale dans la psychologie humaine, ce qui en fait également l'un des thèmes les plus courants dans l'art.

Le verbe aimer peut renvoyer à une grande variété de sentiments, d'états et de comportements, allant d'un plaisir général lié à un objet ou à une activité (« j'aime le chocolat », « j'aime danser ») à une attirance profonde ou intense pour une ou plusieurs personnes (« j'aime mon mari », « j'aime mes enfants »). Cette diversité d'emplois et de significations du mot le rend difficile à définir de façon unie et universelle, même en le comparant à d'autres états émotionnels.

Sommaire

Sentiment riche et complexe

L'allégorie de l'amour est habituellement le cœur.

Le mot français amour, comme le verbe aimer qui lui est relatif, recouvre une large variété de significations distinctes quoique liées. Ainsi, le français utilise le même verbe pour exprimer ce que d'autres langues expriment par des verbes différents : « j’aime ma petite amie » et « j’aime les sucreries » par exemple (alors qu'en anglais, on dira respectivement « to love » et « to like », et en espagnol « querer» ou "amar" et « gustar »). On constate aussi une telle variété pour le mot amour, par exemple dans la pluralité des mots grecs désignant l’amour. Les différences culturelles dans la conception de l'amour redoublent donc la difficulté d'en donner une définition universelle. Le substantif amour a néanmoins une extension moins large que le verbe aimer : on parlera rarement, par exemple, d'« amour » des sucreries, même si l'on dit les « aimer ». Le sens du verbe aimer, qui peut aussi exprimer l'amitié, ou plus simplement une affection pour quelque chose qui est source de plaisir, est donc plus large que celui du mot amour.

Bien que la nature ou l’essence de l'amour soit un sujet de débats, on peut éclaircir plusieurs aspects de cette notion en s'appuyant sur ce que l'amour n'est pas. En tant qu'il exprime un sentiment fort et positif, on l'oppose communément à la haine, voire à l'indifférence, la neutralité ou l'apathie. En tant que sentiment, plus spirituel que physique, on l'oppose souvent au sexe ou au désir sexuel. En tant que relation privilégiée et de nature romantique avec une personne, on le distingue souvent de l'amitié, bien que l'amitié puisse être définie comme une forme d'amour, et que certaines définitions de l'amour s'appliquent à une proche amitié[1].

L'amour désigne un fort attachement affectif à quelqu'un ou à quelque chose. S'il renvoie souvent, dans l'usage courant, aux relations humaines, et plus précisément à ce qu'une personne ressent pour une autre, l'amour peut néanmoins aussi être impersonnel : il est en effet possible de dire qu'une personne éprouve de l'amour pour un pays (par exemple son propre pays : voir patriotisme), pour la nature, ou encore pour un principe ou un idéal, si elle lui accorde une grande valeur et qu'elle s'y sent très attachée. De même, on peut ressentir de l’amour pour un objet matériel, un animal ou une activité, si l'on entretient des liens affectifs forts ou étroits avec ces objets (ou qu'on s'identifie à eux). Lorsque l'amour d'un objet devient exclusif, voire excessif ou pervers, on parle de fétichisme ou d'idolâtrie.

L'amour entre les personnes, quant à lui, est un sentiment généralement plus intense qu'un simple sentiment amical ou affectueux. Il peut cependant se présenter sous différentes formes et à des degrés d'intensité divers, de la simple tendresse (quand on dit « aimer » les enfants, par exemple) au désir le plus ardent (chez les amants passionnés par exemple). Ainsi, l'amour entre les membres d'une même famille n'est pas le même qu'entre des amis ou au sein d'un couple d'amoureux. Quand il est ressenti avec une grande intensité et qu'il exerce un fort pouvoir érotique (ou une attirance sexuelle), on parle d'amour « passionnel » ou de « passion amoureuse », utilisant souvent l'image de la flamme ou de la brûlure pour décrire l'effet qu'il exerce sur les sens et l'esprit. Quand cette passion provoque une identification si étroite avec une personne qu'elle tend à unifier les deux amants, on parle d'amour « fusionnel ».

L'apparition plus ou moins subite de l'amour passionnel est décrite dans la langue courante comme un désaisissement (« tomber amoureux », « coup de foudre »), provoquant chez celui qui l'éprouve des comportements destinés à séduire l'être aimé et visant à obtenir la réciprocité de cet amour, qui s'exprimera le cas échéant par des actions et des gestes amoureux – parmi lesquels les caresses, les baisers et les rapports sexuels, ces derniers étant désignés dans plusieurs langues par l'expression : « faire l'amour ». Ces pratiques et ces gestes sont en partie culturels et peuvent faire l'objet – tout comme l'étude des interdits liés à l'amour – d'une approche anthropologique ou sociologique.

Outre les différences culturelles dans les pratiques liées à l'amour, les idées et les représentations sur l'amour ont également beaucoup changé selon les époques. L'amour platonique, l'amour courtois et l'amour romantique sont ainsi des conceptions distinctes et apparues à des époques précises de l'Histoire. Il existe aussi un certain nombre de désordres psychiques liés à l'amour, et étudiés par la psychologie, comme l'érotomanie ou le narcissisme. Certaines formes d'amour sont par ailleurs perçues comme des perversions ou des déviances (voir paraphilie), telles que la pédophilie (attirance sexuelle pour les enfants) et la zoophilie (attirance sexuelle pour les animaux). De telles amours peuvent être étudiées aussi bien par la psychologie que par les sciences humaines et sociales.

À cause de la nature complexe et difficile à saisir de l'amour, les discours sur l'amour se réduisent souvent à des clichés, que l'on retrouve dans un certain nombre de dictons sur l'amour, depuis la phrase du poète Virgile : « L'amour triomphe de tout (omnia vincit amor) », jusqu'au célèbre : « L'amour rend aveugle ». Le philosophe Leibniz en donnait cette définition : « Aimer, c'est se réjouir du bonheur d'autrui »[2].

Dans l'histoire, la philosophie et la religion (ainsi que la théologie qui lui est liée) ont beaucoup médité sur le phénomène amoureux, source constante d'inspiration pour les arts plastiques, littéraires et musicaux. La psychologie, au siècle dernier, a renouvelé les réflexions sur le sujet. Ces dernières années, des sciences telles que la biologie, la neurologie et la neurobiologie, mais aussi la zoologie et l'anthropologie, ont amélioré notre compréhension de la nature et de la fonction de l'amour.

Historique

Grèce antique

Éraste et Éromène, détail d'une coupe attique du Ve siècle av. J.-C. (musée du Louvre).
Article détaillé : Éros (philosophie).

Ce terme d'amour, recouvre quatre sentiments distincts de la Grèce antique : l'éros, la philia, l'agapê et la storgê.

La philia se rapproche de l'amitié telle qu'on l'entend aujourd'hui, c'est une forte estime réciproque entre deux personnes de statuts sociaux proches. Elle ne pouvait exister à l'époque qu'entre deux personnes du même sexe, du fait de l'inégalité entre les sexes. C'est une extension de l'amitié. L'éros désigne l'attirance sexuelle, le désir. Dans la pensée platonicienne, il est parfois vu comme l'une des passions néfastes que produit l'épithumia (ou « appétit »), mais aussi comme une « divine folie » qui est « la cause des plus grands biens pour les hommes »[3]. Cependant il pouvait se mêler à la philia à travers la pédérastie[4], qui liait un amant d'âge mûr (« éraste ») à un jeune aimé (« éromène »).

L'agapê est l'amour du prochain, une relation univoque que l'on rapprocherait aujourd'hui de l'altruisme. Il se caractérise par sa spontanéité, ce n'est pas un acte réfléchi ou une forme de politesse mais une réelle empathie pour les autres qu'ils soient inconnus ou intimes. Dans la tradition chrétienne des pères de l'Église, ce mot est assimilé au concept de charité, bien que celui-ci soit plus proche d'une relation matérielle établie avec des personnes en souffrance. L’agapê originel ne revêt pas cette connotation morale de responsabilité devant une autorité divine. La storgê décrit l’amour familial, comme l’amour, l'affection d’un parent pour son enfant.

Société américaine des années 1960

D'après la revue Planète, les relations amoureuses aux États-Unis, selon leur type, s'exprimaient dans les années 1960 par trois mots : « love », le sentiment amoureux ; « sex », les rapports sexuels sans préjuger des sentiments, présents ou non ; et « fun », le simple échange de relations intersexe allant du simple flirt à des relations plus poussées, mais sans intention d'engagement ni d'une part ni de l'autre.

Approche philosophique

« Vivre d'amour et d'eau fraîche » est un idéal rêvé par certains. Ni guerre ni labeur ; uniquement l'amour. « Peace and Love » (« Paix et amour »). Plaisir de la non-violence, de la séduction, de l'érotisme et des divertissements sexuels.

L'amour est un thème abordé avec profondeur par la philosophie. Par exemple, pour répondre à cette question : « l'homme est-il à la source de l'amour qu'il vit ou l'amour est-il un concept naturel qui s'impose à l'homme ? », le philosophe Baruch Spinoza, qui s'est beaucoup penché sur la question, notamment dans son Éthique, définit ainsi que : « L'amour n'est autre chose que la joie, accompagnée de l'idée d'une cause extérieure ; (...) Nous voyons également que celui qui aime s'efforce nécessairement de se rendre présent et de conserver la chose qu'il aime[5]. »

En fait, le discours inaugurant l'éventuel lien entre la philosophie et l'amour est Le banquet de Platon. Ironiquement, ce discours inaugure et clôture simultanément; le thème de l'amour «humain» ayant été remplacé par celui de l'amour «divin» par le christianisme. À vrai dire, il est peut-être plus approprié de parler de dénigrement plutôt que de remplacement tant le discours philosophique occidental a réduit le thème de l'amour homme-femme a une simple question de plaisir corporel, de péché, de concupiscence, etc. A fortiori, voire étrangement, il semble que c'est par le biais de la littérature que le thème de l'amour a été traité par les philosophes. Pensons à Rousseau, Goethe, Voltaire, etc. Sur cette dernière remarque, c'est-à-dire sur le déplacement du lieu-tenant de l'interrogation sur l'agapé grec vers la littérature, nous renvoyons à Derrida.

Le philosophe Arthur Schopenhauer avance que l'amour n'est qu'une illusion de la Volonté (l'essence de toute chose selon lui) qui cherche à se perpétuer elle-même à travers la reproduction. Le XXe siècle n'est pas en reste. Outre Sartre, c'est principalement Emmanuel Lévinas qui interpella le monde philosophique en développant le thème de l'altérité : Le Temps et l'autre, Totalité et infini, etc. Ce dernier porta même l'éthique au rang de philosophie première, réel bouleversement dans l'égo-centrisme occidental.

Approche psychologique

Élégie et manque d'amour
peinture utopique de William Bouguereau.

Psychisme

Sur le plan psychique, la psychanalyse considère que les premières relations parents-enfants sont déterminantes dans l'esprit d'une personne et de sa perception de l'amour. Les relations mère-fils ou père-fille, notamment, sont particulièrement marquantes. Les relations parents-enfants sont généralement déséquilibrées : le parent répond aux besoins de l'enfant. Il est dit dans ce cas que l'amour de l'enfant est captatif et celui des parents oblatif.

En grandissant l'enfant apprendrait à rééquilibrer ces relations. Cet apprentissage peut échouer à tel ou tel moment, et l'adulte en gardera un manque de maturité s'il n'en prend pas conscience et une perception de l'amour plus ou moins blessée. Les relations de ses parents entre eux seraient aussi importantes dans la construction de cette idée de l'amour.

Comblement d'un manque

L'amour peut être perçu essentiellement comme la quête d'un manque, lorsque la notion oblative ne s'est pas développée. L'amour que apporté à un individu ou un objet naîtrait par ce qu'il apporte à un individu ou est susceptible de lui apporter. « Aimer » ne serait autre qu'une façon inconsciente d'avouer sa propre impuissance à l'autonomie pour un besoin particulier à un moment donné. Besoin d’aimer ou besoin de se sentir aimé ne serait autre qu'un besoin égoïste, qu'une attente de la personne qui pourrait combler les ‘manques’ immatériels ou matériels qu'elle ne serait pas capable de satisfaire par elle-même. Par exemple, en Occident, le besoin d'un enfant entraînerait le besoin d’une compagne ou d’un compagnon à nos côtés, besoin qui nourrit un sentiment d’amour ou de besoin d’amour pour la personne attendue pour concevoir cet enfant.

La réalité psychique du besoin d’enfant résiderait plus dans un besoin de sécurité motivé apparemment par le bien de l'enfant : le nourrir et l'accompagner vers l’âge adulte. Mais cette attitude, apparemment généreuse, sous-tendrait en fait un désir caché chez certains parents d'être accompagné vers la vieillesse. Dans ce type de situation, « aimer » ou dire « je suis amoureux(se) », serait une façon inconsciente de dire : « j’espère que la personne pour laquelle j’éprouve des sentiments amoureux m’apportera les choses que j’attends d’elle ». Tant qu'il est senti chez la personne aimée la présence des choses attendues de sa part, le sentiment perdure, mais si la personne aimée perd ou ne dispose pas d'une partie de ce que l'autre attend, le sentiment d’amour s’estompe ou s’éteint. Lorsque ce sentiment s'estompe, il n'est pas rare d’entendre : « Nos deux chemins se sont séparés » car « mes besoins ont changé », « nous n'avons pas suivi la même route », etc. À ce moment, la personne qui se sent « en danger » peut être sujette à des crises d'anxiété. La personne quittée peut y être plus ou moins indifférente ; si tel n’est pas le cas celui qui est « abandonné » aura probablement un sentiment de tristesse, de jalousie, de colère ou même de haine...

Approche biologique

Zoologie (comportements hominoïdes amoureux)

Zoologiquement, la vie et le comportement sexuels de l'homme présentent de nombreux points communs avec ceux des autres primates, et plus généralement avec l'ensemble des mammifères. L'observation de l'espèce la plus proche de l'homo sapiens, le chimpanzé nain du Congo ou bonobo (Pan paniscus), ainsi que celle des autres grands singes, suggère que l'amour ne serait qu'une forme évoluée de phénomènes existant déjà chez nos cousins sous forme atténuée.

Physiologiquement, le coït tel qu'il est observé chez l'homo sapiens ne diffère guère de l'accouplement chez les grands singes. En revanche, la séquence amoureuse, des premières approches, de la séduction jusqu'à l'accouplement, semble avoir évolué parallèlement à l'hypertrophie du cortex cérébral dont a été dotée notre espèce au cours de son évolution récente. Les aptitudes à l'idéation, l'imagination, l'anticipation et à la stratégie qui en résultent ont complexifié le processus à l'extrême.

L'attachement durable, la formation de couples relativement stables s'observe également chez nos cousins, mais sans atteindre la diversité des comportements individuels, la durée, et le rôle fondamental de l'imaginaire constatés dans la vie amoureuse humaine. Un autre facteur qui distingue l'humain des singes, avec d'énormes conséquences, est la disponibilité quasi constante de la femelle humaine à l'accouplement, ce qui n'existe pas chez les autres mammifères.

Les zoologues se sont en outre intéressés à l'avantage concurrentiel, du point de vue de l'espèce, que donne l'amour tel qu'il se manifeste chez l'homme. Il apparaîtrait comme nécessaire à la sécurisation du couple durant la période d'extrême vulnérabilité des jeunes, elle-même suivie de la phase de développement de l'intelligence d'un adulte, moments qui, rapportés à leurs équivalents chez les espèces proches, sont extrêmement longs.

En outre, les comportements sexuels se manifestent de manière extrêmement variable chez les animaux[6]. D'un point de vue évolutif, la grande variété des comportements amoureux influencerait la diversité des espèces.

Neurologie et biochimie

Les études animales de l’attachement ont montré que les différents types d’attachement (filial, romantique, fraternel, amical, pour un animal, un habitat, un milieu ou pour un objet) ont des bases neurobiologiques en partie communes. Chez l’Homme, l’attachement « romantique » met en jeu globalement les mêmes régions cérébrales, ainsi que certaines structures impliquées dans les récompenses[7]. L’attachement "romantique" dépendrait, au moins en partie, du contexte socioculturel. En effet, il est observé que dans les sociétés où l’activité érotique se déroule simplement et quotidiennement, l’attachement romantique est moins marqué et plus "apaisé" que dans les passions et les extases sentimentales de l’amoureux occidental, “qui soupire comme une fournaise” pour un impossible idéal romantique[8]. Plusieurs auteurs ont souligné la ressemblance entre certains aspects de la passion amoureuse (altération de l’état mental, exaltation de l’humeur, pensées intrusives de l’objet aimé…) et certains troubles psychiques (observés par exemple dans les troubles bipolaires et obsessionnels-compulsifs)[9]. En schématisant, il semblerait que la mise en jeu du système des récompenses, facteur primordial de la sexualité humaine[10],[11], induise une "dépendance" à l’objet "aimé" qui conduirait à des états de "manque" lorsque cet objet est inaccessible[12]. Ces états psychiques intenses provoqués par les passions amoureuses sont à l'origine, non seulement d'accomplissements remarquables dans les arts, la poésie et la littérature, mais également de bouleversements individuels (tentatives de suicide, crimes passionnels …) ou sociaux (selon la légende, la guerre de Troie fut provoqué en raison de l'enlèvement d'Hélène par le prince Pâris, qui fut subjugué par sa beauté extraordinaire).

Quant à l'amour maternel, chez les animaux, une intervention dans un processus naturel comme l'accouchement perturbe l'attachement de la femelle envers son petit. Ainsi, « des brebis parturientes ayant subi une anesthésie péridurale ne manifestent pas de comportement maternel[13] ».

Approche anthropologique


Amour et famille

Dans son dernier ouvrage, Le Premier Amour (Plon, 1999), les enfants sont de grands passionnés et savent très tôt ce qu'aimer veut dire, on aime à trois ans comme on aimera toute sa vie', explique le psychosociologue Francesco Alberoni[14].

Le lien originel serait la première histoire d’amour selon les chercheurs, une continuation de quête à toutes les histoires amoureuses convoitées. L’attachement sexuel présenterait dès la naissance une activité neurophysiologique qui se maintiendrait dans l'enfance pour déborder physiquement sur l’âge adulte avec l’afflux d’hormones provoquant des réponses physiologiques à l'adolescence. Jean-Pol Tassin, neurobiologiste au Collège de France, indique que les histoires d'amour sont des éléments émotionnels dans le processus cérébral qui sont un prolongement du lien maternel. « Dès la naissance, un rapport à la mère basé sur la recherche de plaisirs sensoriels se crée, explique-t-il. Avec ce premier rapport hédoniste, l'enfant au cours de son développement se bâtit ce que l'on peut appeler un “bassin attracteur” : il intègre petit à petit ses satisfactions premières et va passer sa vie à rechercher chez les autres des stimulis analogues. » [15]

La famille est un lieu riche en relations amoureuses : amour conjugal, amour maternel, et de manière plus générale, parental, amour filial, fratrie.

L'importance de l'affection des membres d'une même famille entre eux est illustrée par l'émotion vécue dans les grands évènements tels qu'une naissance, un mariage, un succès, une épreuve, un accident, un décès.

Relations sexuelles

Article détaillé : Relation sexuelle.

L'amour ne diffère pas fondamentalement dans les diverses cultures humaines, les parades de séduction restant à la base les mêmes en Afrique, en Orient, en Europe ou en Amérique du Nord[réf. nécessaire]. C'est plutôt l'attitude à l'égard du désir féminin, dont la répression est fréquente dans beaucoup de sociétés (voir aussi Comportement et langage), qui change de forme extérieure.

Comportement amoureux dans le monde

Un baiser amoureux.

Le comportement sexuel varie fort peu suivant les diverses sociétés humaines. Les modes de séduction, de contacts, les parades et les expressions faciales ne présentent que des différences mineures et très extérieures. L'Europe n'a plus le monopole de la représentation massifiée du comportement amoureux ; pourtant, les deux grandes industries cinématographiques du monde, occidentale et indienne[réf. nécessaire], montrent de manière saisissante le caractère uniforme des représentations collectives de la sexualité dans des cultures différentes, a fortiori sachant que ces deux cinémas ont chacun une aire d'influence qui va bien au-delà de leurs sphères géographiques propres. Les films Indiens sont depuis longtemps projetés dans tous les cinémas du Moyen-Orient et du monde arabe, tandis que le cinéma occidental a depuis longtemps fait la conquête du Japon et de la zone d'influence chinoise.[réf. nécessaire]

Néanmoins certains détails comportementaux sont culturellement acquis. Le baiser avec la langue, par exemple, qui semble naturel en Occident, en Chine, dans le monde arabe, en Inde (civilisations ô combien expertes en matières de raffinements érotiques, du fameux Kâma Sûtra, écrit par le brahmane Vatsyayana vers le début de l'ère chrétienne aux contes des mille et une nuits), était probablement inconnu en Afrique subsaharienne avant l'arrivée des Européens. Dans Ma vie secrète, un anonyme licencieux de l'époque victorienne rapporte qu'il a dû « apprendre » cette pratique, qui n'allait pas de soi. Il s'agirait donc d'un trait culturel, mineur, mais réel.

L'homosexualité est un comportement attesté depuis la plus haute Antiquité et fort bien documenté. D'un point de vue psychologique, l'amour entre homosexuels ne diffère pas significativement de l'amour hétérosexuel.

Internet a modifié quelque peu les relations amoureuses dans le monde en facilitant les contacts à distance. De nombreux couples issus de continents différents se sont formés grâce à ce nouveau média.

Comportement et langage

Paradoxalement, l'acte le plus naturel du monde (la reproduction) tout comme certaines fonctions corporelles (la défécation) sont accompagnés chez l'Homme d'interdits sociaux visibles au niveau du langage et du comportement. Il existe dans toutes les sociétés humaines des tabous relatifs à ces fonctions. Par exemple l'Homme est le seul animal[réf. nécessaire] qui se réunit en groupe pour manger mais, dans certaines cultures, s'isole pour déféquer. De même, l'acte sexuel se fait de préférence dans l'isolement (l'amour en groupe est considéré comme déviant). Le langage est lui-même empreint de ces valeurs morales qui distinguent ce qui est « propre » de ce qui est « sale ». De tous temps, la plupart des religions ont considéré comme nuisible pour la vie de l'individu le fait de vouloir satisfaire toutes les pulsions sans critères de limite (voir libertinage, célibat, abstinence) ou au contraire pour en faire le centre de leur philosophie dans certaines sectes (le gourou s'adjuge toutes les femelles du groupe). Le langage distingue ainsi dans sans doute toutes les langues du monde plusieurs niveaux pour désigner la copulation : poétique (union), vulgaire (baiser et une infinité d'autres termes), médical-scientifique (coït), etc. Quelques exemples d'euphémismes qui évitent d'être trop explicite : alors que les expressions faire l'amour, to make love sont sans équivoque, il est préférable d'éviter la formulation directe (choquante) en disant « coucher avec quelqu'un » ou même to sleep with somebody en anglais, mit jemandem schlafen en allemand (alors que justement il n'est pas question de dormir). Au même titre, sich lieben (s'aimer en allemand) reste ambigu et peut désigner autant le sentiment que l'acte charnel. Le choix du partenaire résulte en fin de compte d'un équilibre subtil entre l'attirance consciente ou culturelle (goûts communs, littérature, musique, niveau de langage, richesse, comportement social, etc.) et l'attirance inconsciente ou naturelle (physique, odeur, sentiment de sécurité en vue de la procréation, etc.).

Arts

De toute époque, l'amour, comme « désir », a inspiré les artistes de toutes les disciplines artistiques. C'est un thème récurrent et majeur avec le temps; conséquences de la naissance, de la vie et la mort.

Dans les arts plastiques

Psychè et L'Amour, par William Bouguereau (1889).

L'amour a toujours été un thème de prédilection dans l'histoire de la peinture et de la sculpture, par la représentation de situations amoureuses ou par la symbolique ou l'allégorie, faisant intervenir des personnages mythologiques.

Certains thèmes ou personnages mythologiques ou historiques reviennent :

Éros (ou Cupidon), dieu des amours profanes, est souvent représenté dans des scènes comme sujet principal, ou comme personnage secondaire pour évoquer la présence symbolique de l'amour. Enfant ou adolescent espiègle et capricieux, ailé et portant un arc avec lequel il tire des flèches d'or dans les cœurs humains, ce qui leur apportent amour et désir d'amour. Les scènes les plus représentées sont : l'amour d'Éros pour Psyché, Éros l'enfant turbulent désarmé par sa mère Aphrodite, la victoire de l'amour sur les œuvres humaines (voir la célèbre version du Caravage) ou la lutte entre l'amour profane et l'amour sacré.

Aphrodite (ou Vénus), déesse de l'amour, mère de Éros/Cupidon, inspire souvent les peintres, notamment pour l'épisode de sa naissance. Elle apparaît au monde déjà adulte, nue et sortant de la mer : les versions de Botticelli (cf. La naissance de Vénus), Cabanel, Fantin-Latour ou Bouguereau comptent parmi les plus célèbres.

• La vie amoureuse tumultueuse de Zeus/Jupiter a également fait l'objet de nombreuses représentations : l'enlèvement de Léda, d'Europe ou de Ganymède sont parmi les thèmes les plus souvent traités.

• Les grandes histoires d'amour de l'histoire ou de la littérature comme Tristan et Yseult, Roméo et Juliette, Ulysse et Pénélope et bien d'autres ont été traitées en peinture, surtout dans les périodes romantiques (préraphaélisme, romantisme, etc.).

Par ailleurs, nombre de scènes amoureuses de la vie quotidienne des hommes ont été représentées, depuis la cour faite à l'être aimé au drame amoureux, en passant par le baiser langoureux ou le libertinage. Un exemple est le tableau de Jean Honoré Fragonard nommé le Verrou.

Dans la littérature

L'art poétique et le roman sont, avec la chanson, quelques-uns des moyens de prédilection de l'expression verbale de l'amour. À travers les âges, la littérature a reflété des tendances de l'amour, des divinités mythologiques à l'amour réaliste de notre époque.

Le français présente une curiosité grammaticale : le mot amour est ordinairement au masculin au singulier, mais souvent au féminin au pluriel (« Un amour mort » / « Des amours mortes »)[16].

Religions

Victoire de l'Amour sacré sur l'Amour profane, tableau de Giovanni Baglione (vers 1602).

Principe fondateur de la religion chrétienne, les sociétés judéo-chrétiennes sont fortement marquées par cette notion religieuse de l'amour. L'amour est un des facteurs qui peuvent pousser un individu à avoir la foi en son Dieu. La théologie est la spécialité qui traite de ce sujet. L'amour du prochain se définit comme une force intérieure qui pousse un individu à rechercher la paix et à la partager avec les autres. Le désir d'amour se traduit par celui d'être avec l'autre ou les autres, celui d'accepter de recevoir et de donner, celui de dialoguer, de vivre avec, de comprendre, d'accompagner, etc.

Dans les bouddhismes Mahayana et Vajrayana (bouddhismes vietnamiens, chan, zen, lamaïsme), l'Amour est l'une des quatre qualités d'être que le pratiquant doit développer, l'un des « Quatre Infinis » ou « Quatre Incommensurables » : l'amour, la compassion, la joie et l'équanimité. Les tibétains définissent l'amour comme un souhait du bonheur de l'autre ; la compassion, comme un souhait de cessation de la souffrance de l'autre ; la joie, comme une participation à son bonheur ; l'équanimité comme le fait d'être attentif de façon semblable à tout être et toute chose sans établir un attachement privilégié. Tout pratiquant du bouddhisme Mahayana doit souhaiter la « boddhicitta » - « l'esprit d'éveil » - : souhaiter obtenir l'éveil ou les qualités spirituelles pour le bien des êtres, et ultimement, libérer définitivement les souffrances humaines. Karuna (sansk.), est traduit par « compassion » en français et « loving-kindness » en anglais, une activité d'attention aimante envers l'autre. Au Tibet, la compassion est décrite comme l'attitude de la mère attentive face à ses enfants.

Dans le bouddhisme Mahayana, d'une façon générale, la compassion, ou « amour-tendresse » est à développer conjointement à la sagesse (compréhension de la nature réelle, objective des phénomènes, philosophie du non-soi, etc.) La sagesse permet de s'affranchir de l'idée du soi, donc de toute tendance égotique ou narcissique. En cela, elle participe à l'émergence d'une « compassion infinie ». De même, la sagesse exige une grande compassion pour être actualisée : l'extinction de l'illusion du soi, pour les bouddhistes, exige une infinie dévotion, une immense abnégation. Aussi, pour les bouddhistes du Tibet, sagesse et compassion (ou « amour-tendresse ») se développent l'un l'autre jusqu'à conduire le pratiquant dans une « Terre pure » de boddhisattva - c'est-à-dire jusqu'à l'actualisation du potentiel humain d'amour, de joie, de compassion et d'équanimité.

Dans le bouddhisme ancien, selon l'enseignement du Bouddha, cette vision de l'amour n'apparaît pas. Le Bouddha insiste surtout sur le détachement qui conduit à la suppression du désir, et donc au bonheur durable (cessation de la souffrance, nirvana). Ce n'est qu'entre les I° et IVe siècles après J.-C. qu’émergera le bouddhisme Mahayana pour lequel l’action de compassion et d’amour envers l’autre prime sur l’ascèse et la méditation.

Pour les bouddhismes issus des développements du Mahayana et du Vajrayana, amour, joie et compassion ne sont pas des émotions mais de véritables qualités d'êtres. Les émotions telles la colère, la jalousie, la peur, l'avidité, l'orgueil, passion, ne sauraient durer, elles sont passagères et proviennent de l'attachement et du désir. Au contraire, l'amour, la joie et la compassion peuvent se développer infiniment et sans être nécessairement dépendantes d'un objet ou de la présence d'un être. Le pratiquant peut les porter en lui, les développer infiniment et au-delà de tout attachement.

Notes et références

  1. Ainsi, la philia chez les Grecs de l'Antiquité (voir la section sur l'amour dans la Grèce antique).
  2. G. W. Leibniz, Confessio philosophi, Wikisource édition.
  3. Platon, Phèdre, 266a-b. Ces deux sortes d'amour correspondent aux deux types d'amour classiquement opposés : l'amour vulgaire (ou profane) et l'amour céleste (ou sacré).
  4. Il est cependant noté que pour les anciens le « vrai » amour était bien souvent l'amour viril (voir les larmes versées par Achille sur le corps de Patrocle et son indifférence pour Briséis, par exemple, dans l'Illiade), alors que l'amour « mixte » était souvent considéré comme le fait d'hommes efféminés ou victimes d'un dieu, comme l'est Paris. Cependant, ce cliché est généralement nié dans la poésie amoureuse antique qui traite en grande majorité de l'amour mixte mais il est souvent présenté comme une maladie, une malédiction. Voir, par exemple, à Rome Ovide et ses Amores Catulle et Délia, ou en Grèce Appolonios de Rhodes ou Téocrite pour la comparaison entre amour « mixte » et amour viril
  5. Spinoza et Nous - Philosophie de l'affirmation - Citations de Spinoza
  6. Le biologiste Thierry Lodé parle de « biodiversité amoureuse ».
  7. BARTELS A. , ZEKI S.. The neural basis of romantic love, Neuroreport, 2000 11(17) : 3829-3834
  8. ELWIN Verrier, Maison des jeunes chez les Muria, 1978,Gallimard
  9. MARAZZITI D. , CASSANO G. B. The neurobiology of attraction, Journal of Endocrinological Investigation, 2003, 26(3 Suppl : 58-60
  10. (en) AGMO Anders Functional and dysfunctional sexual behavior Elsevier 2007.
  11. (fr) WUNSCH Serge, Thèse de doctorat sur le comportement sexuel [PDF] EPHE-Sorbonne, Paris, 2007.
  12. REYNAUD Michel. L'amour est une drogue douce ... en général, Robert Laffont, 2005
  13. « Le rôle de l'odorat dans les relations interindividuelles des animaux d'élevage », 1997, INRA Prod. Anim., 10, 339-348.
  14. “On aime à trois ans comme on aimera toute sa vie” propos recueillis par Catherine Marchi
  15. la biologie à la conquête de l’amour
  16. Pour une discussion détaillée, voir Maurice Grevisse et André Goosse, Le Bon Usage, p. 593, 14e édition, 2008.

Annexes

Bibliographie

Littérature
  • le roman brittonique anonyme Tristan et Iseut
  • Apollinaire, « Le Mal-aimé » in Alcools et Poèmes à Lou
  • Aragon, Cantique à Elsa
  • Barthes, Roland, Fragments d'un discours amoureux
  • Breton, l'Amour fou
  • Bruckner, Pascal, Lune de fiel
  • Lord Byron, Don Juan
  • Cohen, Albert, Belle du Seigneur
  • Dante, Vita Nova
  • Eluard, Derniers poèmes d'amour
  • Guillaume de Lorrain et Jean de Meung, le Roman de la Rose
  • Pétrarque, Canzoniere
  • Plutarque, De l'Amour (Erotikos)
  • Poe, Edgar Allan, Lettres d'amour
  • Sade, Marquis de, Les Crimes de l'amour
  • Shakespeare, Romeo and Juliet
  • Stendhal, De l'amour
Philosophie ancienne, moderne et contemporaine
Histoire et sociologie
  • F. Alberoni, Le choc amoureux, trad. fr. Ramsay, 1981 ; L'érotisme, trad. fr. Ramsay, 1986 ; Le vol nuptial, trad. fr. Plon, 1994 ; Je t'aime, tout sur la passion amoureuse, trad. fr. Plon, 1997.
  • Élisabeth Badinter, L'amour en plus : histoire de l'amour maternel (XVIIe-XXe siècle), Flammarion, 1980, ISBN 2 08 081100 2.
  • Z. Bauman, L'amour liquide. De la fragilité des liens entre les hommes, Le Rouergue, 2004.
  • J. Duvignaud, La genèse des passions dans la vie sociale, PUF, 1990.
  • M. Foucault, Histoire de la sexualité, trois tomes (La volonté de savoir ; L'usage des plaisirs ; Le souci de soi ), Gallimard, 1976-1984.
Religion

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