Isostasie

Isostasie

L'isostasie est un phénomène par lequel les éléments de la croûte ou, plus généralement, de la lithosphère qui se trouvent enfouis à de faibles profondeurs (de l'ordre de 100 km) sont soumis à la même pression indépendamment des irrégularités topographiques en surface. La compensation isostatique contrecarre l'érosion. C'est ainsi que la roche plutonique est mise à jour.

Sommaire

Description du concept

Le concept d'isostasie (ou équilibre isostatique) a été formulé par des géodésiens afin d'expliquer leurs observations qui indiquaient que les chaînes de montagnes exercent sur un fil à plomb ou sur un gravimètre une attraction moindre que celle à laquelle on devrait s'attendre compte tenu de la masse des montagnes[note 1]. Il se base sur l'hypothèse que même en terrain fort accidenté, il existe en profondeur une surface de compensation sur laquelle les tensions se réduisent à une simple pression hydrostatique (ou mieux, dans ce contexte : pression lithostatique) s'exerçant normalement partout sur la surface de compensation. Si le concept existait depuis longtemps, le nom « isostasie » ne fut proposé qu'en 1889 par le géologue américain Clarence Edward Dutton (1841–1912). Ce néologisme est dérivé du mot grec isostasios, de iso (égal) et statikos (stable) : il signifie en gros « même équilibre stable partout ». Dutton note qu'il aurait préféré utiliser le terme « isobarie » (égale pression), mais il était déjà utilisé dans un autre contexte. « Équilibre isostatique » signifie que les éléments de la croûte ou, plus généralement, de la lithosphère qui se trouvent enfouis à des profondeurs pas trop grandes (de l'ordre de 100 km, par exemple) sont soumis à la même pression indépendamment des irrégularités topographiques en surface. La profondeur à laquelle l'équilibre isostatique est atteint s'appelle « profondeur de compensation ». Cette dernière peut varier d'un endroit à l'autre.

Si toutes les masses topographiques sont compensées, on dit que l'équilibre isostatique est complet. Si seulement une partie des masses topographiques est compensée, on parle de « sous-compensation » ; dans le cas contraire, c'est-à-dire si l'effet des masses compensatoires introduites dans les calculs isostatiques dépassent l'effet des masses topographiques, on parle de « surcompensation ». En outre, on distingue l'« isostasie locale » de l'« isostasie régionale » : dans le premier cas, des parties du relief aussi petites que l'on veut se trouvent compensées par la distribution des masses en profondeur, tandis que dans le deuxième cas, seul des blocs appréciables, de 50 ou 100 kilomètres de diamètre, sont compensés isostatiquement, mais des éléments de ces blocs peuvent être en non-équilibre.

L'isostasie désigne un état statique, et non un phénomène de rééquilibrage dynamique de l'altitude de la croûte continentale par rapport au géoïde, comme il est souvent dit. La manière dont l'équilibre isostatique est atteint n'a pas d'importance dans les calculs géodésiques, comme nous le verrons plus loin. Il est hautement dommageable pour la précision du vocabulaire scientifique que de nombreux géologues et tectoniciens utilisent au XXIe siècle des termes comme « soulèvement isostatique » ou « rebond isostatique ». En outre, l'analogie répétée ad infinitum qu'un morceau de croûte (plus récemment, de lithosphère) en équilibre isostatique est comme un iceberg flottant dans la mer sous l'action de la poussée d'Archimède qui équilibre la pesanteur est pour le moins simpliste, et le plus souvent ne rend pas compte de manière correcte comment l'équilibre isostatique est atteint. Cette image d'un iceberg en flottaison est suggérée par l'hypothèse d'Airy exposée plus loin, mais fait peu de cas des forces internes qui sont en présence dans la lithosphère, l'asthénosphère, et les parties plus profondes du manteau terrestre. D'autre part, la façon dont Airy décrit l'état isostatique n'est qu'une possibilité parmi d'autres : sa validité n'est pas universelle. Néanmoins, la surface de contact entre la base de l'iceberg et l'eau de mer donne une idée exacte d'une surface de compensation.

Historique du concept d'isostasie

Le premier qui semble avoir eu une idée, assez confuse, de ce qu'est l'isostasie, fut probablement Léonard de Vinci (1452–1519)[1]. Son raisonnement s'inscrit encore dans le cadre du système géocentrique de Ptolémée, mais stipule que la densité des montagnes est inférieure à celle des terres plus basses. Cette idée rejoint le modèle d'isostasie « à la Pratt » exposé ci-dessous. Environ deux siècles et demi après Leonardo, plus exactement en 1749, Pierre Bouguer (1698–1758), membre éminent d'une fameuse expédition envoyée par l'Académie des sciences en Équateur pour y déterminer la longueur d'un degré de méridien dans le but de clarifier la figure de la Terre, exprime dans un livre[2] la conviction que l'attraction de l'énorme masse des Andes est bien plus faible que celle à laquelle on s'attendrait de la part du volume de matière représenté par ces montagnes[note 2]. Puis, un peu plus tard, Roger Boscovich (1711–1787) fournissait une explication du phénomène découvert par Bouguer en écrivant[3] : « Les montagnes, je pense, doivent s'expliquer principalement comme étant dues à la dilatation thermique du matériau en profondeur, ce qui fait remonter les couches rocheuses proches de la surface ; le vide à l'intérieur de la montagne compense pour les masses situées au-dessus. » C'est ici qu'est utilisé pour la première fois le mot « compenser », et le point de vue de Boscovich approche de près l'hypothèse d'isostasie émise plus tard par John Henry Pratt (1809–1871).

Références

  1. John P. Delaney (1940). Leonardo da Vinci on isostasy, Science 91, 546.
  2. Pierre Bouguer (1749). La figure de la Terre, Paris, p. 364.
  3. Roger Joseph Boscovich (1750). De litteraria expeditione per pontificiam ditionem, p. 450.

Notes

  1. Dans la cas des mesures au fil à plomb, on parle de déviation de la verticale (ou anomalie de la verticale), dans le cas de mesures de la pesanteur on parle d'anomalie gravimétrique (ou anomalie de la pesanteur).
  2. Au Chimborazo en 1738, Bouguer, après avoir calculé théoriquement la déviation de la verticale à une de ses stations, en fonction de la masse de la montagne et trouvé que la valeur observée était inférieure à la valeur calculée, soupçonna l'existence sous la montagne de cavités ou de masses de densité anormalement faibles. À ce titre, on doit le considérer comme le précurseur des théories modernes de l'isostasie.

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • J. Dubois & M. Diament (1997). Géophysique, Masson, Paris. 205 pp. ISBN 2-225-83033-9.
  • W.A. Heiskanen & F.A. Vening Meinesz (1958). The Earth and Its Gravity Field, McGraw-Hill, New York. X + 470 pp.
  • K. Lambeck (1988). Geophysical Geodesy: The Slow Deformations of the Earth, Clarendon Press, Oxford. XII + 718 pp. ISBN 0-19-854437-5.
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