Hypothèse polémique sur la responsabilité du virus de l'immunodéficience humaine dans le sida

Hypothèse polémique sur la responsabilité du virus de l'immunodéficience humaine dans le sida

Hypothèses alternatives sur la responsabilité du VIH dans le sida

Depuis 1984, différents mouvements pour la réévaluation du sida (AIDS reappraisal movement) ou mouvements dissidents du sida (AIDS dissident movement), également appelés de façon péjorative mouvements négationnistes, plaident pour une réévaluation de la cause virale du sida.

Ce mouvement réunit de façon informelle des activistes, des journalistes, des scientifiques et des personnes séropositives au VIH qui refusent le consensus scientifique selon lequel le virus de l'immunodéficience humaine (ou VIH) est la cause du syndrome d'immunodéficience acquise (ou sida). Ces dissidents soutiennent que ce consensus a provoqué des diagnostics inexacts, une terreur dans les esprits, des traitements toxiques et un gaspillage des fonds publics, en même temps qu'un mésusage sans précédent des normes et méthodes scientifiques.

Certains scientifiques sceptiques (parmi lesquels Kary Mullis, Prix Nobel de Chimie en 1993, Peter Duesberg et le Groupe de Perth) affirment qu'il n'existe pas de preuve formelle du lien entre le VIH et le sida[1].

Avant l'avènement de la trithérapie, le mouvement de réévaluation avait beau jeu de critiquer le modèle accepté officiellement, au vu des résultats très mitigés obtenus avec les premiers traitements thérapeutiques (monothérapie à l'AZT essentiellement) et dans l'élaboration de vaccins.

Depuis 1996, grâce à la mise en place des traitements par trithérapie, la majorité de la communauté scientifique considère que le rôle causal du VIH est une chose prouvée et que les arguments des dissidents sont pour la plupart erronés et dépassés, et susceptibles de mettre en danger la santé publique en dissuadant les gens d'utiliser des traitements à l'efficacité vérifiée.

Sommaire

Historique

  • 1981 : Le Dr Michael Gottlieb fait le premier rapport sur cinq malades homosexuels à Los Angeles, il s'oriente vers une maladie contagieuse[2].
  • 1983 : un groupe de chercheurs et de médecins à l'Institut Pasteur, dirigé par Luc Montagnier, découvre un nouveau virus chez un patient présentant les signes et les symptômes qui précèdent souvent le sida. Ils appellent leur découverte virus associé à la lymphadénopathie ou LAV [3], et ils envoient des échantillons à l'équipe de Robert Gallo aux États-Unis.
  • 1984 : le 23 avril, dans une conférence de presse tenue à Washington deux semaines avant la publication des articles, Margaret Heckler, alors Secrétaire aux Services de Santé, annonce que Gallo et ses collègues ont découvert un virus qui est la cause « probable » du sida. Celui-ci, dénommé HTLV-III, est probablement un virus de la classe des HTLV (Human T-Lymphotropic Virus). Il publie son travail le 4 mai 1984 dans le Science magazine[4],[5].
  • 1984 : Casper Schmidt répond à la publication des papiers de Gallo en écrivant « The Group-Fantasy Origins of AIDS », qui est publié par le Journal of Psychohistory[6]. Il avance que le sida est un exemple « d'hystérie épidémique » dans laquelle les populations reproduisent de façon inconsciente des conflits sociaux et il compare la situation à des cas documentés d'hystérie épidémique dans le passé qui ont fait croire à tort qu'il s'agissait d'épidémies.
  • 1986 : ayant été reconnus comme génétiquement indifférenciables, les virus découverts par Montagnier et Gallo sont rebaptisés VIH[7].
  • 1987 : Peter Duesberg met en question pour la première fois la théorie qui place le VIH à l'origine du sida dans son article « Les rétrovirus en tant que substances cancérigènes et pathogènes : attentes et réalité », publié dans le journal Cancer Research[8]. Cette publication coïncide avec le début d'importantes campagnes de santé publique et de la promotion de l'AZT comme traitement. Il réitère ses propos le 29 juillet 1988 dans une lettre publiée par le journal Science[9].
  • 1988 : Le groupe de Perth, conduit par Eleni Papadopulos-Eleopulos, publie son premier article mettant en question certains aspects des idées dominantes sur le VIH et le sida[10]. La conclusion est qu'il n'existe « aucune raison qui force à préférer l'hypothèse virale du sida à une autre fondée sur l'activité d'agents oxydants. »
  • 1990 : Robert Root-Bernstein publie son premier article relu par des pairs et y expose en détail ses objections contre la conception prédominante sur le sida et le VIH ; le titre en est : « Connaissons-nous la cause/les causes du sida ? »[11]. Et il met en question aussi bien la théorie prédominante que la théorie dissidente en les jugeant toutes deux inexactes.
  • 1991 : le Group for the Scientific Reappraisal of the HIV-AIDS Hypothesis (Groupe pour la Réévaluation Scientifique de l'hypothèse du sida lié au VIH), comprenant douze chercheurs, médecins et activistes, soumet une lettre courte à différents journaux. Une autre lettre semblable devait être publiée 4 ans plus tard dans le journal Science[12].
  • 1994, le 28 octobre : Robert Willner, un médecin interdit d'exercice pour avoir, entre autres, traité un patient de sida avec une thérapie à l'ozone, pique publiquement son doigt avec du sang dont il affirme qu'il vient d'un malade infecté par le VIH[13]. Willner meurt d'une crise cardiaque l'année suivante.[14].
  • 1995 : le groupe dissident Continuum place une publicité dans The Pink Paper offrant une récompense de £1,000 « à la première personne qui découvrira un article scientifique établissant qu'on a pu réellement isoler le VIH » (selon l'ensemble spécifique de règles établi par le groupe lui-même)[15].
  • 1996 : divers chercheurs, parmi lesquels Duesberg, relèvent le défi de Continuum, en affirmant que le VIH existe indubitablement.
  • 2000 : le Président d'Afrique du Sud, Thabo Mbeki, invite plusieurs dissidents à rejoindre son Groupe consultatif présidentiel sur le sida[16],[17]. La communauté scientifique répond par la déclaration de Durban, un document où elle affirme que le VIH est la cause du sida et que signent plus de 5 000 chercheurs et médecins[18].
  • 2006 : Celia Farber, journaliste et dissidente parmi les plus connues sur la question du sida, publie dans l'édition de mars de Harper un essai intitulé « Out of Control: AIDS and the Corruption of Medical Science », dans laquelle elle résume un certain nombre d'arguments en faveur de la réévaluation du sida et accuse d'incompétence, de conspiration et de fraude la communauté médicale dominante[19].
  • 2007 : l'avocat sud-africain Anthony Brink présente un dossier d'accusation à la Cour Pénale internationale contre Zackie Achmat et la Campagne d'Action pour le Traitement (TAC), en affirmant que leurs efforts pour développer l'approche de la médication antirétrovirale en Afrique du Sud constitue « un génocide » et en suggérant qu'Achmat soit enfermé dans « une petite cage blanche d'acier et de béton » et « éradiqué »[20]. Le TAC répond en décrivant l'accusation comme « absolument démentielle »[21].
  • 2008 : Kevin De Cock, directeur de l'ONUSIDA admet[23] qu'il n'existe plus de menace de pandémie du Sida chez les hétérosexuels.

Les dissidents

Parmi ceux qui critiquent les idées prédominantes sur le sida, on trouve des personnes séro-positives, des fonctionnaires, des chercheurs, des médecins et des activistes de plusieurs pays.

Le chercheur dissident le plus réputé et le plus influent est probablement Peter Duesberg, professeur de biologie moléculaire et cellulaire à l'Université de Californie à Berkeley ; depuis 1987, il combat les idées prédominantes sur l'origine du sida[8].

On trouve encore d'autres chercheurs comme David Rasnick (qui possède des brevets sur les inhibiteurs de protéase utilisés dans le traitement du sida)[24] et Rodney Richards (qui a aidé à mettre au point certains des premiers tests d'anticorps commercialisés pour le VIH)[25]. Kary Mullis, lauréat du Prix Nobel et inventeur de la réaction en chaîne par polymérase (PCR en anglais), a exprimé sa sympathie pour les théories dissidentes[26].

Parmi d'autres dissidents connus, on peut nommer l'Australien Hiram Caton, professeur de science politique et d'histoire, la journaliste Celia Farber et l'activiste Christine Maggiore. Le bassiste Nate Mendel, avec le groupe de rock Foo Fighters, a exprimé son soutien aux idées dissidentes, au bénéfice desquelles il a organisé un concert en janvier 2000, destiné à l'organisation dissidente Alive & Well AIDS Alternatives[27].

Les organisations dissidentes comprennent le Groupe de Perth (Perth Group) et le Groupe pour la Réévaluation Scientifique de l'hypothèse sur le VIH et le sida[28].

Les dissidents repentis

Devant l'accumulation de nouvelles études et de nouvelles données, plusieurs spécialistes éminents qui s'étaient associés à un moment à la réévaluation du sida ont depuis changé leur point de vue et ont admis que le VIH joue un rôle dans l'origine de la maladie[29]. Robert Root-Bernstein, l'auteur de Revoyons la question du sida : le prix tragique d'un consensus prématuré[30] et jadis critique du paradigme VIH/sida, a depuis pris ses distances avec les dissidents, en disant : « Ce qu'avancent les négationnistes est manifestement incohérent en regard des études existantes. Quand je contrôle les études existantes, je n'approuve pas leur interprétation des données, ou, pire encore, je n'arrive pas [du tout] à trouver ces études. »[31]. Dans un article 2005, Root-Bernstein et al. ont écrit : « Il est bien connu que l'infection due au VIH-1 a pour conséquence une baisse graduelle des CD4 T-lymphocytes ».[32]

Joseph Sonnabend, qui jusqu'à la fin des années 1990 considérait comme non résolue la question de la cause du sida, a changé son opinion en voyant le succès des médicaments antirétroviraux les plus récents et a déclaré : « Il existe maintenant de fortes preuves que le VIH joue un rôle... Les médicaments qui peuvent vous sauver la vie peuvent également vous tuer dans des circonstances différentes. C'est là une distinction que les négationnistes ne semblent pas comprendre. » [31]

Aussi bien Sonnabend que Root-Bernstein préfèrent maintenant une hypothèse moins controversée, en suggérant qu'il faut l'intervention supplémentaire de cofacteurs pour que le VIH provoque le sida. Malgré tout, après novembre 2006, quelques sites Internet dissidents proclament toujours que Root-Bernstein et Sonnabend nient le rôle du VIH dans le sida.[33]

Les points de contestation

Voir aussi : Hypothèse de Duesberg

Ceux qui appartiennent à cette communauté de dissidents sont apparemment unis par leur désaccord avec le concept qui voit dans le VIH la cause du sida, mais en réalité leurs positions spécifiques diffèrent sensiblement selon les groupes.

Les arguments des dissidents sont :

  • Le modèle épidémique élaboré en 1984 à partir de l'hypothèse virale n'a pas été vérifié dans les faits. En effet, la maladie ne s'est pas répandue dans les pays développés à la manière foudroyante escomptée dans les années 1980 [34]. De même, en Afrique, l'épidémie a évolué de manière très contradictoire [35] [36]. La population de la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne, au lieu de stagner puis de diminuer comme le prévoyaient les modélisations de l'Onusida, a continué à progresser très fortement. L'exemple du Botswana est frappant, puisque les agences internationales telles que le Bureau de recensement américain prévoyait une augmentation annuelle de la population de ce pays égale à 0,76% avec sida, et de 2,5% sans sida pour 2000 [37]. La réalité est que la population a augmenté de 2,55% par an entre 2001 et 2004[38] [39].
  • Les données officielles concernant les probabilités de transmission sont ridiculement faibles hormis celles liées aux transfusions sanguines[40].
  • L'évolution des cas de sida peut être corrélée à la montée en puissance de l'utilisation de l'AZT[41], suivie de la brutale diminution de ces cas lors de l'introduction de la trithérapie (en particulier la lamivudine et les inhibiteurs de protéase).[42]
  • D'autres modèles peuvent rendre compte de l'apparition du sida.

Les dissidents essayent d'expliquer ces contradictions par plusieurs hypothèses :

  • les tests dits "VIH" seraient en fait des tests du sida.[43] [44]
  • le sida en Afrique regroupe d'autres maladies comptabilisées différemment jusqu'au début de l'épidémie, car la mortalité due à ces maladies est actuellement attribuée au sida.
  • le VIH n'existe pas (ou il n'a pas été isolé de façon adéquate).
  • le virus ne répond pas aux critères posés par les postulats de Koch.[45]
  • les anticorps contre le VIH neutralisent le virus et le rendent inoffensif. [46]

Comme causes du sida ils suggèrent les médicaments consommés à des fins récréationnelles ou non, la malnutrition et jusqu'aux médicaments antirétroviraux (le médicament qui est essentiellement sur la sellette est l'AZT[47]) qu'on utilise pour traiter le syndrome.[48]

De telles affirmations ont été abondamment examinées dans la littérature médicale et scientifique à comité de lecture ; le consensus scientifique qui s'en est dégagé est qu'elles ont été réfutées de façon convaincante et que c'est bien le VIH qui provoque le sida.[49] [50] [51]. Matthew Irwin et David Crowe ont fait une critique d'un de ces documents [52] en indiquant qu'ils font essentiellement appel à l'argument d'autorité.

L'accumulation de preuves concernant les avantages importants de la médication anti-VIH moderne est actuellement regardée comme la principale confirmation du rôle du VIH dans l'apparition du sida.[53] [54] [55] [56] [57].

Cependant, certains remettent en cause le mécanisme d'action supposé de la trithérapie, suggérant que son efficacité provient des propriétés oxydoréductrices intrinsèques des substances utilisées, dans le droit fil de l'hypothèse du stress oxydatif tentant à montrer l'importance des oxydants (peroxynitrites) dans l'infection à VIH[58],[59].

Problématique

Si tous les arguments scientifiques sont en faveur d'une corrélation étroite entre la présence d'anticorps mesurés par les tests et l'apparition d'une infection chronique chez l'homme conduisant à une immunodépression sévère (sida), les sceptiques tels Rodney Richards s'appuient sur une spécificité [60] moyenne de ces anticorps par rapport au "virus de l'immunodéficience humaine" pour affirmer qu'il ne serait pas la cause essentielle du développement du sida.

De même, la spécificité médiocre des tests de charge virale chez les personnes non traitées a été avancée en 2006 par le Dr Benigno Rodriguez de l'Université de Cleveland[61].

Un des reproches essentiels faits aux tests d'anticorps par le Groupe de Perth est que, contrairement aux sérologies habituelles où la spécification d'une limite indique simplement que le taux d'anticorps présents n'est plus suffisant pour que la personne demeure immunisée - comme c'est le cas pour la rubéole par exemple -, les tests en question présentent une limite au dessus de laquelle il est affirmé que ces anticorps sont bien des anticorps au VIH, alors qu'en-dessous de cette limite, la détection qui est faite serait celle d'anticorps provenant de réactions croisées avec d'autres protéines.

Pour les scientifiques sceptiques, cette réponse sérologique est universelle, et correspond à une activation du système inmmunitaire normale, mais exacerbée chez les personnes qui présentent les maladies opportunistes associées au sida.

Selon une étude de 1991 de Faulk et Labarrère[62], il a par exemple été retrouvé suffisamment d'antigènes (P24, GP120) correspondant aux anticorps dits "associés au VIH" dans les placentas de femmes non infectées pour que cette limite soit dépassée, et les sceptiques estiment que cette "anomalie" est justifiée de manière plus claire par l'hypothèse qu'ils avancent.

Le professeur Luc Montagnier le 8 décembre 2003 au cours du colloque[63] sur le sida en Afrique au Parlement Européen de Bruxelles, précise que le virus se trouve bien dans les cellules malades, mais il indique que la mort massive (apoptose) des lymphocytes T4 non infectés par le virus est due à un signal chimique provenant des cellules infectées dans un processus que ce même professeur relie au stress oxydant. Cette mort massive et indirecte des cellules T4 non infectées est bien connue, et plusieurs travaux ont été réalisés et publiés sur ce thème par plusieurs équipes indépendantes. Ainsi, l'Institut Pasteur[64] indique que le virus a la capacité in vitro d'induire l'apoptose des lymphocytes T CD4+ en l'absence de toute réplication virale et activation lymphocytaire. Une étude[65] expérimentale publiée en décembre 2006 dans le journal Apotosis indique que les microvésicules qui se forment au détriment des cellules du système immunitaire apparaissent lors de leur apoptose ou de leur activation. Ces microvésicules, lorsqu'elles sont phagocytées par d'autres macrophages, entraînent l'apoptose de ces derniers, d'une manière dose-dépendante.

Les sceptiques en concluent qu'il y a confusion entre les effets cytopathogènes du VIH et les signaux chimiques et biologiques de l'organisme dont le système immunitaire est activé. Cette activation, selon les sceptiques, ne serait pas due à ce virus - ce qui d'ailleurs n'a toujours pas été démontré, ainsi qu'il est indiqué dans la publication de Silvestri et Feinberg[66], où le terme "HIV-infected" représente en fait une personne séropositive - mais serait le fait de nombreux facteurs environnementaux parfois liés à l'activité sexuelle, que le Groupe de Perth décrit sous le vocable stress oxydatif[67], rejoint en cela par Peter Duesberg, Claus Koehnlein et David Rasnick[68].

De même, la mathématicienne Rebecca Culshaw[69] [70], spécialisée dans la modélisation de la cinétique de l'infection des cellules, émet des réserves sur l'hypothèse actuelle de la pathogénie du sida.

Impact en dehors de la communauté scientifique

Le concept selon lequel c'est le VIH qui cause le sida est largement considéré comme prouvé à l'intérieur de la communauté scientifique et dans le reste de la société. Pourtant le mouvement dissident a eu un certain impact, en faisant du débat une question civile et politique aussi bien qu'une question scientifique et de santé publique.

Impact en Amérique du Nord et en Europe

Le scepticisme à l'égard du VIH en tant que cause du sida a commencé presque immédiatement après l'annonce de la découverte du VIH. Un des premiers sceptiques importants a été le journaliste John Lauritsen, qui a soutenu dans ses articles pour The New York Native que le sida avait été en réalité provoqué par un vasodilatateur, le nitrite amylique, et que c'est une conspiration du gouvernement qui avait caché la vérité.[71]

La publication de l'article « first AIDS » de Peter Duesberg en 1987 a apporté un nouvel appui aux théories dissidentes. Peu après, la revue Science constatait que les remarques de Duesberg lui avaient valu « une grande attention dans les mass-média, particulièrement dans la presse gay où il fait figure de héros ». Il faut dire que le soutien apporté à Duesberg par la communauté gay s'est volatilisé quand il a fait toute une série de déclarations perçue comme homophobes ; dans une interview pour the Village Voice, en 1988, Duesberg s'est dit convaincu que l'épidémie de sida avait été « provoquée par un style de vie qui était criminel voici vingt ans. »[72] Au cours des années suivantes, d'autres sont devenus incrédules par rapport à la théorie du VIH du fait que les chercheurs n'arrivaient pas au début à mettre au point un traitement efficace ou un vaccin contre le sida.[73] Des journalistes comme Neville Hodgkinson et Celia Farber ont essayé de propager des idées dissidentes dans les mass-média des États-Unis et de Grande-Bretagne; plusieurs documentaires de télévision ont également été réalisés pour permettre le questionnement du statut quo.[74]

En 1996-1997, l'introduction d'une thérapie antirétrovirale extrêmement active (HAART), a permis d'améliorer de façon importante la survie et la santé générale des personnes affectées par le VIH.[75] [76] [77] [78] L'action positive du traitement par médication anti-VIH est considérée comme une preuve de plus du rôle du VIH dans l'apparition du sida, et plusieurs dissidents importants ont été amenés à accepter le rôle causal du VIH. Aujourd'hui, les arguments des dissidents qui nient cette activité indéniable de la trithérapie sont de plus en plus déconsidérés et perçus comme une obstination dangereuse à ne pas accepter la réalité. Ces théories n'en continuent pas moins à exercer une grande influence dans certaines communautés ; une enquête menée en 2005 à l'occasion de la Gay Pride dans quatre villes américaines a constaté que 33 % des personnes interrogées doutaient que le VIH provoque le sida.[79]

Les activistes du sida se sont inquiétés du fait que les arguments des dissidents sur le peu de nocivité du VIH puissent être responsables d'un accroissement en nombre des infections qui lui sont dues. Selon Stephen Thomas, directeur de Centre pour la Santé des Minorités (Center for Minority Health) de l'Université de Pittsburgh :[80] « Les gens ne comprennent pas. Ils voient partout des conspirations au lieu de songer à se protéger, à passer des tests et à rechercher quels soins et quels traitements leur conviennent. »

Impact en Afrique du Sud

Dans le passé le gouvernement du Président sud-africain Thabo Mbeki a apporté son appui aux conceptions des dissidents ; des critiques accusent ces derniers d'être responsables par leur influence de la lenteur et de l'inefficacité de la réaction gouvernementale face à l'épidémie du sida.

La déclaration de Durban

En 2000, quand s'est tenue à Durban une Conférence internationale sur le sida, le Président Mbeki a convoqué un Groupe consultatif Présidentiel comprenant un certain nombre de dissidents, y compris Peter Duesberg et David Rasnick.[81]. La presse générale a été exclue des réunions de ce Groupe ; un correspondant invité a écrit que Rasnick avait plaidé pour que les tests du VIH fussent légalement interdits et qu'il avait nié avoir constaté la moindre preuve d'une catastrophe par le sida en Afrique du Sud ; Duesberg de son côté « avait fait une présentation si éloignée de la réalité médicale en Afrique que plusieurs médecins locaux en hochaient la tête. »[17]

Dans son message adressé à la Conférence internationale sur le sida, Mbeki a réitéré son point de vue selon lequel le VIH n'était pas entièrement responsable du sida, à la suite de quoi des centaines de délégués sont sortis pendant sa communication.[82] Mbeki a aussi envoyé une lettre à un certain nombre de dirigeants dans le monde pour exprimer sa méfiance devant cette représentation de « l'expérience occidentale sur la réalité africaine » et il comparait la communauté des chercheurs qui avait accepté la théorie en cours à ceux qui avaient soutenu le régime qui permettait l'apartheid. Le ton et le contenu de cette lettre de Mbeki ont amené des diplomates américains à se demander au départ s'il ne s'agissait pas d'un canular.[83] [84] Cette conduite du président a consterné les scientifiques et les activistes appartenant au courant majoritaire et ils ont répondu par la déclaration de Durban, un document où ils affirmaient que le VIH était bien la cause du sida et qui a été signé par plus de 5.000 chercheurs et médecins.[18] Cette déclaration a reçu une réponse de la part de Matthew Irwin et David Crowe[85]

Critique de la réponse gouvernementale

La ministre sud-africaine de la Santé Manto Tshabalala-Msimang s'est aussi attiré de violentes critiques pour avoir souvent conseillé aux malades des remèdes comme l'ail, le citron et l'huile d'olive[86] [87] [88], en même temps qu'elle insistait sur la toxicité possible des médicaments antirétroviraux, qu'elle appelait « des poisons ».[89] La South African Medical Association l'a accusée « de jeter le trouble sur un public vulnérable ».[90]. En septembre 2006, un groupe de plus de 80 chercheurs et universitaires a demandé « la révocation immédiate du Dr Tshabalala-Msimang comme ministre de la Santé et la fin de la politique désastreuse et pseudoscientifique qui a caractérisé l'attitude du gouvernement sud-africain devant le VIH/sida. »[91]. En décembre 2006, Nozizwe Madlala-Routledge, ministre adjointe de la Santé, a avoué qu'aux niveaux les plus élevés on avait nié la réalité sur le sida.[92]

Le gouvernement de Mbeki a été largement critiqué pour avoir retardé la mise en route de programmes destinés à fournir des médicaments antirétroviraux aux malades du sida dans un état avancé et aux femmes enceintes séropositives. Le programme national de traitement n'a commencé qu'après que la Campagne d'Action pour le Traitement (TAC) eut conduit à intenter un procès contre les ministres du gouvernement, en les proclamant responsables de la mort de 600 personnes séropositives par jour parce qu'elles n'avaient pas pu accéder à la médication.[93] L'Afrique du Sud a été un des derniers pays de la région à commencer un tel programme de traitement et la mise en route a été beaucoup plus lente que prévue.

À la XVIe Conférence internationale sur le sida, Stephen Lewis, délégué spécial des Nations Unies pour le sida en Afrique, a attaqué le gouvernement de Mbeki pour la lenteur de sa réaction devant l'épidémie de sida et à sa soumission aux théories dissidentes :

« C'est (l'Afrique du Sud) en Afrique le seul pays... dont le gouvernement persiste à ne rien comprendre, à reculer les échéances et à ne rien faire quand il s'agit de mettre en route le traitement... C'est le seul pays d'Afrique dont le gouvernement continue à promouvoir des théories plus dignes d'extrémistes que d'un État qui se soucie de ses ressortissants. »[94]

En 2002, Mbeki a demandé que son nom ne soit plus utilisé dans la littérature dissidente et que les dissidents arrêtent de signer des documents en ajoutant « Membre du Groupe consultatif sur le sida créé par le Président Mbeki ».[95]

Au début de 2005, l'ancien président sud-africain Nelson Mandela a annoncé que son fils était mort des complications de sida. Cette annonce publique a été vue autant comme un effort pour combattre la stigmatisation associée au sida, que comme une « déclaration politique conçue pour forcer le Président [Mbeki] à ne plus nier les faits. »[96]

En 2007, Thabo Mbeki conserve un certain scepticisme vis-à-vis de l'hypothèse officielle[97].

Risque et dégâts

Un grand nombre d'experts et d'activistes du sida assurent que le mouvement de réévaluation du sida met des vies en danger en persuadant les gens de ne plus se protéger lors des rapports sexuels ou de ne plus prendre leur traitement antirétroviral. On lit en particulier dans la déclaration de Durban :

C'est le VIH qui provoque le sida. Il est malheureux que quelques personnes qui se font entendre continuent à nier cette évidence. Innombrables sont ceux à qui une telle position coûtera la vie.

En réponse à de telles accusations, le Groupe dissident de Perth a nié encourager les rapports sexuels non protégés ou la consommation de drogue ; effectivement, ils soutiennent que le sexe anal passif et l'usage de drogue accroissent le risque d'être atteint du sida et devraient être évités.

Duesberg soutient que le VIH en lui-même est inoffensif, et que les personnes contaminées par ce virus seront traitées avec des médicaments dont il assure qu'ils sont la cause du sida. Pour lui, le risque et les dégâts proviennent de la peur liée à cette maladie, peur qui précipite les traitements par certains médicaments qu'il juge dangereux. De plus il tient de source gouvernementale qu'il faut en moyenne 1000 rapports sexuels non protégés avec un partenaire séropositif au VIH pour être à son tour infecté. Il déclare toutefois que l'emploi de préservatifs peut être utile après tout, car il « protège les gens de l'infection par le VIH, qu'ils pourraient attraper après 1000 rapports non protégés, les mettant ainsi à l'abri du sida que provoquerait le traitement anti-VIH. »[98]

Références

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