Donnees archeologiques sur les premiers ecrits en hebreu ancien

Donnees archeologiques sur les premiers ecrits en hebreu ancien

Données archéologiques sur les premiers écrits en hébreu ancien

Sommaire

Introduction

Il s'agit ici de situer l'apparition des premiers écrits en hébreu ancien, ainsi que l'époque de l'alphabétisation de la population de royaume de Juda et du royaume d'Israël.

De nombreuses inscriptions proto-sinaïtiques ont été retrouvées à Sérabit el-Khadim, dont la datation précise — Moyen Empire ou Deuxième Période Intermédiaire — reste encore en discussion et dont le déchiffrement pose encore de multiples problèmes[1]. Le premier alphabet connu, appelé alphabet linéaire, alphabet protocananéen ou alphabet protosinaïtique, pourrait être une adaptation de l'écriture égyptienne[2]. Elle semble avoir été créée, pour transcrire leur propre langue, par des ouvriers Bédouins[3] parlant un ou plusieurs idiomes sémitiques et travaillant vers -1700 dans les mines égyptiennes de turquoise du Sinaï.

Un célèbre alphabet de type cunéiforme, dérivé de l'alphabet protocananéen mais utilisant des signes mésopotamiens, permet de graver de nombreuses tablettes d'argile à Ougarit (côte syrienne, -1300, -1200).

L'alphabet phénicien, ultérieur (-1100, à Biblos), dérive lui aussi de l'alphabet linéaire protocananéen.

C'est après -1000 que, de Byblos, l'alphabet phénicien diffuse vers l'est et le sud et que, peu à peu, les alphabet paléo-hébraïque et araméen se différencient [4].

L'alphabet araméen sera, ensuite, à l'origine de l'hébreu carré, encore en usage actuellement, après l'abandon du paléo-hébraïque (sauf par les Samaritains).

Le territoire de Juda ne s'étendait pas au Sinaï (qui était sous domination égyptienne), celui d'Israël ne s'étendait pas à Biblos (qui était un port phénicien): l'invention de l'alphabet ne s'est donc faite ni sur l'étendue géographique correspondant au royaume de Juda ni sur celle correspondant au royaume d'Israël. Enfin les mines égyptiennes de turquoise du Sinaï, bien identifiées, dont l'habitat des ouvriers est bien identifié également, sont sans rapport avec le mythique Mont Sinaï de la Bible, dont il n'existe aucune trace archéologique attestée.

Premières traces de l'usage de l'hébreu

Aucune trace d'un écrit en hébreu ancien de quelque nature que ce soit n'a été retrouvée datant du royaume de David ni du royaume de Salomon.

Ni le calendrier de Gézer (inscription lithographique, -1000) ni l'abécédaire de Tell Zayit (-1000) ne constituent des traces attestées de l'usage de l'hébreu ancien.

L'araméen (Aram est la Syrie) est introduit via Babylone et la Perse et son usage en Juda est attesté vers -600. Une des inscription les plus ancienne qui ait été retrouvée[5] semble être la Stèle de Tel Dan, postérieure à -1000 (son écriture en araméen dérive du phénicien). Les premiers textes bibliques (en araméen) qui ont été retrouvés sont datés de -300 (les manuscrits de la Mer Morte s'échelonnent entre -300 à +100).

Le nombre d'ostraca (morceaux de matériau sur lequel on a écrit ou dessiné) trouvés en Juda augmente considérablement, de façon soudaine, à partir de -800: c'est cette soudaine croissance qui atteste, sans ambiguïté, que la population du royaume de Juda apprend à lire l'hébreu à partir de -800. Bien que, à en croire la Bible, on écrivait d'abondance à sa cour, la population de Jérusalem n'était donc, en fait, pas encore alphabétisée sous le règne de Salomon, aucune trace écrite n'ayant été retrouvée [6]. Dans le royaume d'Israël, à Samarie, on a retrouvé un grand nombre d'ostraca attestant qu'il existe déjà une solide organisation bureaucratique sous les Omrides (-900), avec un usage à grande échelle de l'écriture. De plus, les jarres omrides de vin et d'huile d'olive portent des indications sur la provenance des produits, destinées à être lues par tous ceux qui les utilisent. L'archéologie démontre ainsi que le royaume d'Israël s'alphabétise un siècle avant le royaume de Juda. Selon Monica Rector[7], « Les écritures alphabétiques ont sur les autres systèmes l'avantage de ne faire appel qu'à un petit nombre de signes [...] Il existe toutefois une relation entre l'effort que demande l'apprentissage d'un système de signes et son utilisation. [...] [C]ette simplification de l'apprentissage se traduit par un surcroît de travail au stade de l'utilisation [...] [C]'est alors la longueur des mots écrits qui augmente. »

Fonction de l'écriture hébraïque sous Ézéchias

Sous Ézéchias (-727, -698) en revanche, l'inscription proto-hébraïque gravée dans le tunnel de Siloé confirme clairement que la population est alors alphabétisée. Destinée à être lue, cette inscription commémorative est écrite dans le but de fournir une information au lecteur, ce qui montre le rôle que l'on assigne désormais à l'écrit et l'importance qu'on lui accorde. Antérieurement, les stèles commémoratives que l'on trouve en abondance dans toutes les grandes cultures ont toutes un style de récit fortement laudateur, que l'on ne comprend que si l'on sait qu'on attribue alors à l'écriture une fonction magique. Cette fonction est attestée en Égypte par le nom même des écoles qui forment les scribes : c'est dans les Écoles de Vie (au sein des Maisons de Vie) que les scribes apprennent, par la magie de l'écriture, à créer les enveloppes virtuelles capables de recevoir la vie[8]. Le percement du tunnel de Siloé, tour de force technologique [9] se trouve mentionné dans la Bible (Ézéchias « avait construit la piscine et le canal pour amener l'eau dans la ville » 2R 20,20) : le présent laisse maintenant des traces écrites et les récits bibliques auront désormais un fondement historique précis, même s'ils arrangent certains faits. Ce n'est pas du tout le cas quand les rédacteurs de la Bible décrivent un passé mythique sans fondement historique précis.

Comparaison avec les autres cultures du Proche-Orient

À titre de comparaison sur les grands royaumes, nous disposons d'un nombre important de tablettes sumériennes antérieures à -3000 (archives d'Orouk) et de papyrus égyptiens antérieurs à -2500 (archives des Maisons de Vie). À l'époque d'Akhénaton (-1350) ou de Ramsès II (-1250), les rois entretiennent entre eux, dans tout le Proche-Orient, une correspondance diplomatique régulière (Lettres d'Amarna) dans laquelle tous les monarques d'une certaine importance se trouvent régulièrement mentionnés. L'archéologie montre ainsi que le royaume de Juda est très en retard par rapport à tous les grands royaumes qui l'entourent puisque, dans tous ces royaumes, les populations savent lire depuis longtemps. L'absence de toute trace d'écrit datant du royaume de Salomon est particulièrement frappante : voir, à ce sujet, Données archéologiques sur David et Salomon.

Notes

  1. Dominique Valbelle, p.2026 du Dictionnaire de l'Antiquité, Direction Jean Leclant, éditions PUF 2005
  2. Linéaire signifie qu'il n'est pas nécessaire de voir le signe qui suit pour déterminer la valeur du signe qu'on lit. Les hiéroglyphes ne sont pas un système d'écriture linéaire (il faut lire, par exemple, le déterminatif placé après le signe pour identifier ce signe). L'alphabet linéaire n'est pas complet : les voyelles ne sont pas notées, il faut donc une compréhension préalable de la langue pour rétablir ces voyelles et pouvoir lire le texte. À l'inverse, un texte écrit au moyen d'un alphabet complet (alphabet grec par exemple) se lit sans connaissance préalable de la langue, mais ce n'est pas parce qu'on l'a lu qu'on l'a compris pour autant. La compréhension nécessite la maîtrise de la langue. L'écriture en hiéroglyphes, du fait du grand nombre de signes, est plus difficile à lire mais pas nécessairement plus difficile à comprendre. La grande masse des Égyptiens n'écrivait pas, mais elle comprenait probablement certaines inscriptions, gravées dans les parties publiques des temples, en hiéroglyphes qui lui étaient familiers.
  3. Christiane Desroches Noblecourt, Le Fabuleux héritage de l'Égypte, éditions Pocket, 2006, pp.118-133.
  4. Françoise Briquel Chatonnet et Pierre Bordreuil, p.744 du Dictionnaire de l'Antiquité, direction Jean Leclant, éditions PUF, 2005.
  5. Naissance de la Bible. Une écriture au fil des siècles, Le Monde de la Bible, Hors série 2006, éditions Fayard, p.25
  6. « Les rois sacrés de la Bible » p. 147
  7. Histoire de l'humanité T. 2, Des origines de l'écriture à l'invention de l'alphabet, éditions UNESCO, 2001, pp. 181-193. ISBN 92-3-202811-5.
  8. Claire Lalouette, Thèbes ou la naissance de l'empire, éditions Flammarion, 1995, p. 53 et note 69 p. 589.
  9. Ronny Reich, Université de Haïfa, film « La Bible dévoilée », chap. 7 de l'épisode 3.

Liens internes

Voir également :

Documents très récents pour approfondir le sujet

  • Israël Finkelstein et Neil Silberman, « Les rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon », Éditions Bayard, 2006.
  • Un film en 4 parties, « La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie », a été réalisé en 2005 par Thierry Ragobert, écrit par Isy Morgensztern et Thierry Ragobert, sur le travail d’Israël Finkelstein et de Neil Asher Silberman, avec la participation de Jacques Briend, Professeur honoraire de l'Institut catholique de Paris, et de Thomas Römer, Professeur d’Ancien Testament à l'université de Lausanne. Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman jouent leur propre rôle. Le film a été diffusé sur Arte et sur France 5, le coffret de 2 DVD est sorti en février 2006 aux Éditions Montparnasse.
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