Émeutes du 10 mai 1790 à Montauban

Émeutes du 10 mai 1790 à Montauban

Les émeutes du 10 mai 1790 de Montauban sont un évènement contre-révolutionnaire ayant pris place du 10 au 29 mai 1790 dans la ville de Montauban. Ayant mis aux prises des éléments royalistes, nobles et catholiques aux patriotes et aux protestants, elles s'inscrivent dans un ensemble d'évènements politiques révolutionnaires ou contre-révolutionnaires dans de nombreuses villes du Sud de la France (Arles, Nîmes, Toulouse...).

Sommaire

Les contentieux religieux

Les premiers remouds politiques remontent à l'année précédente, et seront amplifiés dans les premiers mois de 1790. Le 5 octobre 1789, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ratifiée par le roi Louis XVI, déclare l'égalité entre les Hommes, quelle que soit leur religion. L'Assemblée, s'appuyant sur ce texte, va donc mener une politique de conciliation vis-à-vis des minorités religieuses : les Juifs Séfarades obtiennent la citoyenneté active le 28 janvier 1790, et le 16 avril, l'Assemblée Constituante déclare comme étant sous sa protection les Juifs d'Alsace, en proie à une vagues d'actes violents.

Dans les villes du Sud-Est de la France, ces décisions sont diversement accueillies: les patriotes se réjouissent de ces coups portés au vestiges de l'Ancien Régime, tandis que les protestants espèrent se voir attribuer la citoyenneté active, et ainsi être reconnu comme égaux des catholiques. A l'inverse, ces derniers désirent que la Constituante reconnaissent le catholicisme comme religion d'Etat, prémunissant ainsi la région des troubles liés à une éventuelle répartition des lieux de cultes (de nombreux temples protestants ayant été reconvertis de force en églises à la révocation de l'édit de Nantes)[1]. Enfin, les aristocrates royalistes ou hostiles à l'œuvre de la Constituante comptent sur la proximité des Etats du Prince de Sardaigne (beau-père du prince émigré d'Artois) et sur la présence de nombreux agents des princes pour soulever la population.

Un contexte de troubles

Plusieurs tensions entre catholiques et protestants, exacerbées par des heurts entre royalistes et patriotes, vont éclater dans la région et précipiter les dissensions entre Montalbanais. Le 3 janvier 1790, à Pont-Saint-Esprit, une fédération royaliste réunit les gardes nationaux de vingt-sept communes des deux rives du Rhône, qui jurent d'êtres prêts à sacrifier « leurs biens et leur vies à la gloire de leur Souverain ». Cette "fédération" est présidée par le marquis de la Fare, qui se félicite de ces "Provençaux fidèles et ardents royalistes disposés à se grouper pour mettre fin aux désordres et réduire les factieux à l'impuissance"[2]. Quinze jours plus tard, une autre fédération du même ordre se rassemble à Romans. Ces fédérations, tenues en réponse à leurs homologues patriotes de Saint-Paul-Trois-Châteaux (20 décembre 1789) et Valence (31 janvier 1790), ne sont pas sans démontrer la présence de sentiments royalistes bien ancrés dans la population comme au sein des gardes nationaux locaux [3].

La virulence de ces oppositions va s'aggraver avec les évènements de Nîmes et d'Uzès, respectivement le 6 avril et le 2 mai. A Nîmes, des échauffourées mettent aux prises les catholiques et les aristocrates de la ville, menés par l'agent des Princes François Froment et formés en légion, avec les soldats du Régiment de Guyenne et les gardes nationaux patriotes. A Uzès, les citoyens catholiques de la ville demandant à la Constituante de déclarer le catholicisme religion d'Etat. Cette déclaration entraîne des heurts entre patriotes et éléments royalistes de la population.

Les évènements

Le coup de force royaliste du 10 mai

Lorsque le 10 mai, la garde nationale commence à s'organiser, elle doit faire face à un corps de volontaires catholiques et encadrés par des prêtres et des aristocrates locaux. Des rumeurs, faisant état d'un complot patriote orchestré par le Constitutionnel Jeanbon Saint-André, dans le but de redonner aux protestants les temples qui leur avaient été confisqués en 1689 sur l'ordre de Louis XIV, et qui étaient devenus des églises entre temps. De plus, plusieurs éléments du régiment de Touraine-Infanterie et du Royal-Pologne-Cavalerie se distinguent en fraternisant avec les insurgés et en faisant preuve d'un comportement réactionnaire. Des heurts éclatent entre les deux camps, cinq gardes nationaux sont tués, et les patriotes, en infériorité numérique, sont refoulés. Cinquante-cinq patriotes (des protestants et des militaires) sont enfermés, et Puymonbrun, commandant-général de la garde nationale, manque d'être tué.

Les gardes nationaux de Du Puymonbrun et de Jean, comte d'Esparbès et de Lussan et baron de La Mothe-Bardigues (gouverneur militaire du district de Montauban) accompagnés de nombreux protestants craignant une nouvelle Saint-Barthélémy, fuient la ville et appellent à l'aide les gardes nationales des autres villes de la région.

La contre-offensive patriote

Appelées en renfort, les gardes nationaux de Bordeaux se mettent en marche le 15 mai, après proclamation du maire de la ville, le vicomte de Noë. Au passage, ils se fédèrent aux gardes nationaux de Cahors, ainsi qu'avec des éléments de certaines légions toulousaines. Le 29 mai 1790, les 1500 gardes nationaux et les médiateurs envoyés par le Ministre de la Guerre pénètrent dans la ville et parviennent à libérer les patriotes emprisonnés. Peu de documents traitent de la fin de la révolte, aussi il est très difficile de connaître les pertes des deux camps, ou même de savoir s'il y a eu effectivement siège. La répression ne semble pas avoir été excessive, les meneurs ayant peut-être été tués au combat.

Dans les mois qui suivirent, le département du Lot fut secoué par des troubles: les paysans brûlèrent des châteaux, et la noblesse s'organisa pour se défendre; D'Esparbès, ainsi que deux autres commissaires envoyés par la Convention, tentèrent de rétablir le calme, mais, fustigés pour leur mollesse, ils furent convoqués par l'Assemblée. Les affrontements entre catholiques et protestants, et, par extension, entre royalistes et patriotes, continuèrent dans le Sud (à Perpignan, à Nîmes, à Uzès...), sans toutefois prendre autant d’ampleur que les évènements de Montauban. Il faudra attendre le soulèvement d'Arles, l'année suivante, pour voir reparaître une telle violence entre les défenseurs du Roi et ceux de la Convention.

Notes et références

  1. Chronique de la Révolution, Larousse, 1988
  2. Consciences épiscopales en exil, 1789-1814, Bernard de Bryé, page 144
  3. La garde nationale: 1789-1871: une force politique ambiguë, Georges Carot, page 66

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Émeutes du 10 mai 1790 à Montauban de Wikipédia en français (auteurs)

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