Bible latine

Bible latine

Vulgate

La Vulgate, du latin Vulgata, vulgaire au sens de « commune », dénomination qui serait due à Roger Bacon, est la traduction de la Bible en latin réalisée en grande partie par Jérôme de Stridon au début du Ve siècle, et reconnue comme « authentique » par l'Église catholique lors du concile de Trente.

Prologue de l'évangile de Jean, Vulgate clémentine

Sommaire

Mise en œuvre de la traduction

Au IVe siècle, les traductions latines des textes de la Bible, réalisées à partir de la version grecque et caractérisées, à l'origine, par leur littéralisme (elles seront désignées par la suite sous le terme générique de Vetus latina, vieille latine ; il en existe deux types de variantes : africaine, la plus ancienne, et européenne) finissent par devenir fort diverses en qualité et en précision à cause de la multiplication des manuscrits ; c'est pourquoi le pape Damase commande à Jérôme une version plus uniforme et plus fidèle. Dans une lettre adressée à Damase, Jérôme exprime ses doutes à propos de l'accueil que recevra cette révision : Vous voulez qu'avec les matériaux d'un ancien ouvrage j'en refasse un nouveau (...) quel est l'homme de nos jours, savant ou non savant, qui, se décidant à prendre en main notre ouvrage, et voyant discréditer le texte dont il se sert habituellement et dans lequel il a appris à lire, ne se récrie aussitôt, et ne me traite de faussaire, de sacrilège ?[1]. Toutefois, selon Pierre Nautin, ancien directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études et érudit de la littérature patristique, plusieurs des lettres entre Jérôme et Damase auraient en fait été écrites par Jérôme après la mort de Damase. Et d'après Glen L. Thompson[2], de nombreuses fausses lettres, censées avoir été échangées entre Damase et Jérôme, ont circulé entre le VIe et le VIIIe siècles. [3].

Jérôme commence la traduction du Nouveau Testament en 382 et celle de l'Ancien Testament en 385. Faisant face à des difficultés d'interprétation, il se rend en Palestine pour consulter les docteurs juifs, spécialistes du texte hébreu. Son désir est de retrouver la veritas hebraica par-delà l'héritage grec. Il lui faudra plus de quinze ans pour mener son travail à bien. Il achève son œuvre en 405.

La réception de la traduction de Jérôme à l'époque

Cette façon de recourir aux traditions rabbiniques pour établir le texte de la Bible chrétienne a été désapprouvée à son époque, par exemple par Rufin et Augustin d'Hippone qui pensaient qu'il fallait suivre la Septante[4], selon l'usage des Églises issues des milieux juifs hellénisés et païens, devenu prédominant dans le christianisme après la prédication de Paul.

Leslie Hoppe, docteur en religion enseignant les études de l’Ancien Testament à Chicago, rapporte dans le St Anthony Messenger, que le travail de Jérôme de Stridon a produit des remous à son époque. Sa traduction « irritait les oreilles de ses contemporains (…) parce que son idée de la traduction différait de celle en vigueur à l’époque (…) On attendait des traducteurs qu’ils fassent une traduction aussi littérale que possible (…) tout le monde n’apprécia pas ses efforts. Son travail fut présenté comme « teinté de judaïsme ». [5]Ses adversaires l'accusèrent donc d’avoir traduit les textes comme un profanateur ou un falsificateur et d'avoir « suivi les Juifs »[6].

Le travail de Jérôme de Stridon

Pour les Évangiles, la Vulgate reprend la révision qu'en a faite Jérôme, à Rome, entre 382 et 384. La traduction est ici faite sur des manuscrits grecs. Tous les autres livres du Nouveau Testament ne doivent rien à Jérôme. Leur révision latine est attribuée de façon très vraisemblable à des contemporains de Jérôme, le cercle pélagien de Rome, dont Rufin le Syrien qu'il avait bien connu à Bethléem.

Jérôme de Stridon par le Caravage

Le Psautier de la Vulgate est le psautier dit « gallican », parce que très utilisé en Gaule, révision attribuée à Jérôme . Elle a été effectuée à Bethléem sur la base du texte grec de la Septante d'Origène. La traduction effectuée sur le texte hébreu par Jérôme est postérieure et n'a jamais fait l'objet d'une utilisation liturgique. Elle ne s'est donc pas imposée lors de l'édition réalisée à Tours au IXe siècle, par Alcuin.

Jérôme n'a généralement pas traduit les textes que la tradition catholique nomme deutérocanoniques, à l'exception des livres de Tobie et de Judith à partir du texte de la Septante origéenne, puisque ces livres ne font pas partie du canon hébraïque. En conséquence, la traduction latine de ces autres textes absents de la Bible hébraïque : Sagesse, Siracide, les deux livres des Maccabées, Baruch ne doit rien à Jérôme et reflète d'anciennes versions d'inégale valeur. Tous les autres textes de l'Ancien Testament ont été traduits par Jérôme sur un texte hébreu très proche du texte massorétique, à Bethléem entre 392 et 405.

La Vulgate, texte de référence

Épître de Jérôme dans la Bible de Gutenberg

Dès le VIIIe siècle, les copies manuscrites recommencent à s'écarter du texte de Jérôme. C'est Alcuin, abbé de Saint-Martin de Tours qui, sur la demande de Charlemagne effectue un travail de restauration, qui sera mené à son terme par Théodulfe, évêque d'Orléans. Gutenberg, l'inventeur des caractères mobiles, réserva à la Bible latine de Jérôme l'honneur d'être le premier livre imprimé (1456).

Confrontée à la montée de la Réforme protestante qui a favorisé la diffusion du texte biblique auprès d'un large public, l'Église catholique ressent la nécessité de réaffirmer sa doctrine. Sur décision du Concile de Trente (1545-1563), un statut d'« authenticité » incontestable est donné à la version de saint Jérôme en 1546 :

«  Le sacro-saint synode [...] dispose et déclare que cette édition ancienne de la Vulgate qui a déjà été approuvée dans l'Église par le long usage de tant de siècles, doit être tenue pour authentique dans les lectures, disputes, prédications et exposés publics. »

— Denzinger 1506, Décret touchant l'Édition & l'usage des Livres Sacrés, IVe session du concile de Trente

La Vulgate ne fait référence que d'un point de vue doctrinal et dans l'usage public de l'Église latine :

« Si le concile de Trente a voulu que la Vulgate fût la version latine « que tous doivent employer comme authentique », cela, chacun le sait, ne concerne que l'Église latine et son usage public de l'Écriture, mais ne diminue en aucune façon - il n'y a pas le moindre doute à ce sujet - ni l'autorité ni la valeur des textes originaux... Cette autorité éminente de la Vulgate ou, comme on dit, son authenticité, n'a donc pas été décrétée par le concile surtout pour des raisons critiques, mais bien plutôt à cause de son usage légitime dans les Églises, prolongé au cours de tant de siècles. Cet usage, en vérité, démontre que, telle qu'elle a été et est encore comprise par l'Église, elle est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi ou les moeurs... Une authenticité de ce genre ne doit pas être qualifiée en premier lieu de critique, mais bien plutôt de juridique. »

— Pie XII, Encyclique Divino Afflante Spiritu

En 1593, une version révisée est publiée, la Vulgate sixto-clémentine.

La Vulgate est aujourd'hui encore la version de référence dans l'Église latine, après une révision promulguée en 1979 par Jean-Paul II : la Néo-Vulgate.

C'est également à la Vulgate que se réfère la Congrégation pour le culte divin en 2008 lorsqu'elle abolit la transcription « yahwiste » du Tétragramme et la remplace par l'expression « le Seigneur » (« Dominus » dans la Vulgate)[7].

Annexes

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • P.-M. Bogaert, La Bible latine des origines au Moyen Age. Aperçu historique, état des questions, Revue théologique de Louvain, 19, 1988, 137-159.

Notes et références

  1. Jean Martianay et Pouget, Vulgate, lettres et traités, éditions des Bénédictines, Paris, 1693
  2. Théologien américain, Martin Luther College, New Ulm, MN. Thompson cite P. Nautin, 'Le premier échange épistolaire entre Jérôme et Damase: lettres réelles ou fictives?' (1983), p. 331-334.
  3. http://faculty.wlc.edu/thompson/fourth-century/Jerome/JeromeEpistle19authenticity.pdf Site de Glen L. Thompson.
  4. Voir l'article « La Bible latine : de la Vetus latina à la Néo-Vulgate » de Pierre Gandil dans Résurrection n°99-100
  5. http://www.americancatholic.org/messenger/Sep1997/feature2.asp Article de Leslie Hoppe
  6. His opponents labelled him a falsifier and a profaner of God, claiming that through his translations he had abrogated the sacred traditions of the Church and followed the Jews Encyclopedia Judaica (9:1376)
  7. Article de Zenit, 24 octobre 2008.
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