Noblesse d'apparence

Noblesse d'apparence

On regroupe dans l'appellation noblesse d'apparence l'ensemble des personnes, de nationalité française, qui descendent légitimement d'une famille dont le principe de noblesse héréditaire, quoique incontestable[réf. nécessaire], n'a jamais fait l'objet d'un enregistrement régulier par les Autorités françaises à l'époque où celles-ci reconnaissaient la noblesse[1], c'est-à-dire jusqu'au 30 janvier 1875[2].

Il faut toutefois garder à l'esprit que la qualification de noblesse d'apparence est un usage sémantique qui ne s'appuie, bien entendu, sur aucun fondement juridique, aux termes de la législation française actuelle.

La noblesse d'apparence est communément confondue, de manière tout à fait abusive[réf. nécessaire], avec la fausse noblesse : il convient de différencier ces deux expressions, qui ne visent pas les mêmes catégories sociales[réf. nécessaire].

Sommaire

La noblesse d'apparence en France

Qu'entend-on exactement par noblesse d'apparence?

Rappel historique et origine de l'expression

L'administration royale de l'Ancien Régime (AR) qualifiait parfois de noblesse d'apparence les personnes et/ou les familles dont la qualité de noble n'était pas usurpée[réf. nécessaire] mais, ne satisfaisant pas les critères (juridiques) alors requis pour bénéficier pleinement des droits et avantages de ce statut - droits nobiliaires héréditaires en France seule, n'était donc pas validée par le pouvoir : en effet, si le principe de noblesse d'un noble d'apparence était admis par le pouvoir, celui-ci ne lui reconnaissait pas dans sa juridiction les avantages réservés à cet ordre.

Cette distinction visait alors, surtout, les membres de familles nobles étrangères en visite dans le royaume, dont la qualité d'origine était reconnue mais qui perdaient alors, provisoirement, sur le seul sol français, leurs droits nobiliaires sur le plan juridique[3], du fait de leur statut d'étranger[4].

L'expression noblesse d'apparence fut ensuite reprise par les membres de l'ancienne noblesse française pour qualifier les nouveaux-venus de l'Empire, dont beaucoup portaient des titres nobiliaires sans jouir d'aucun des droits que l'Ancien Régime y attachait naguère.

Passé le 30 janvier 1875, les gouvernements français successifs ne se sont plus occupés - juridiquement s'entend - de noblesse, en invoquant le caractère égalitaire de la société française. Cette inertie juridique volontaire a suspendu[5] jusqu'alors, sans soulte aucune, la procédure d'accession vers la noblesse héréditaire de certains individus, et donc de leurs descendants légitimes.

Ainsi, certaines familles, descendant régulièrement de nobles viagers, reconnus comme tels sous l'Ancien Régime, et dont la noblesse héréditaire était alors en cours de confirmation<[réf. nécessaire]ref>Principe dit de noblesse progressive.</ref>, sont dites de noblesse inachevée, et ne relèvent donc absolument pas de la fausse noblesse[réf. nécessaire], leur statut d'origine ayant été répertorié officiellement. Néanmoins, l'Ancien Régime ne reconnaissait pour réelle noblesse que l'héréditaire, et la viagère ne donnait pas accès à l'un des principaux avantages de cet ordre, fondé sur la seule hérédité légitime, la participation à l'Assemblée de la noblesse[6].

On peut aussi, par extension, considérer comme relevant de la noblesse d'apparence les descendants légitimes de certains bourgeois héréditaires des bonnes villes françaises sous l'Ancien Régime, leurs ancêtres ayant alors bénéficié de droits nobiliaires restreints[7], quoique héréditaires[réf. nécessaire].

D'autre part, les descendants légitimes de porteurs de certains titres du XIXe siècle, accordés régulièrement à titre viager, mais dont la confirmation héréditaire n'a pu être engagée du fait du refus de la République de légiférer en la matière, font eux-aussi pleinement partie de la noblesse inachevée[8], c'est-à-dire de la noblesse d'apparence.

Enfin, de nombreuses familles, aujourd'hui françaises et descendantes légitimes de nobles héréditaires réguliers étrangers, relèvent aussi, à défaut d'autre classification, de la noblesse d'apparence selon la définition communément admise. En effet, leur statut correspond peu ou prou à celui des familles de noblesse inachevée, la validation (demandée ou pas) de leur statut d'origine n'ayant jamais été officialisée, dans le strict respect des lois égalitaires de la République.

En résumé, tout(e) citoyen(ne) français(e), descendant(e) légitime d'une famille autrefois répertoriée comme noble, à titre viager ou pas, mais dont le statut n'a pas fait l'objet d'une validation officielle par l'administration française relève de la noblesse d'apparence, mais pas de la fausse noblesse, le statut originel étant indiscutable[réf. nécessaire].

Les deux grandes sources de famille de noblesse d'apparence sont donc les familles dites de noblesse inachevée et les familles à la noblesse d'origine étrangère[9], dont le statut n'a pas été confirmé en France:


Familles de noblesse inachevée

  • - Anoblissement par charge/office (AR) : De très nombreuses charges et offices[10] donnaient de plein droit à leur titulaire la noblesse personnelle[11], donc viagère, mais qui pouvait devenir héréditaire passé une période probatoire[12], variable selon la charge[13] et/ou la région et/ou les époques (en général, d'au moins vingt ans)[14]. Un des principaux moyens d'anoblissement héréditaire[15] de l'Ancien Régime, obtenu donc après un certain temps passé[16] à un certain poste administratif, sous réserve de vie conforme aux bons usages[17]. Si l'anoblissement par charge, tel qu'il était pratiqué sous l'Ancien Régime, n'a pas été repris au XIXe siècle, ses bénéfices n'ont pas été abolis et donc simplement suspendus, et certaines familles en cours d'anoblissement ont d'ailleurs pu, sur leur requête, obtenir le statut visé à la Restauration.
  • - Anoblissement (progressif[18]) par ordre de chevalerie (AR) : Tout chevalier de Saint-Louis bénéficiait de certains droits nobles viagers. Laquelle noblesse personnelle pouvait devenir héréditaire, après proposition de l'Ordre au Roi et acceptation par ce dernier, pour tout titulaire fils et petit-fils légitime de titulaires. Là encore, la suppression de l'ordre a entraîné la suspension de cette procédure anoblissante.
  • - Anoblissement par fonction[19] (AR) : Concernait surtout les élus des bonnes villes[20]. Là encore, une certaine période probatoire assortie d'une acceptation de l'Administration royale étaient nécessaires pour valider tout à fait l'accession de son bénéficiaire et de sa famille légitime au sein de la noblesse héréditaire.
  • - Titre viager en attente de confirmation : La plupart des titres conférés par Napoléon Ier l'ont été à titre viager, et devaient, pour devenir pleinement héréditaires, être assortis de la constitution d'un majorat. Si cette contrainte a été levée par le roi des Français, certaines familles bénéficiaires n'ont toujours pas fait confirmer officiellement l'hérédité de leur titre, et portent donc des titres en attente de ratification quoique conférés régulièrement.
  • - Titre obtenu par fonction (Empire): institué par Napoléon Ier, certains hauts fonctionnaires (président de la Cour de cassation, etc.) ou élus importants (maires des bonnes villes, reprenant là de nombreuses dispositions de l'anoblissement par fonction de l'Ancien Régime) pouvaient, à l'appréciation de l'Empereur, obtenir un titre viager[21] correspondant à leur rang dans la nouvelle hiérarchie. La période probatoire était assez mouvante, selon l'intérêt de l'Empereur et l'importance du notable concerné. Certains dossiers de demande ont ainsi été constitués sans ratification du pouvoir[22], et restent donc suspendus à une autorisation administrative.
  • - Titre de chevalier légionnaire héréditaire[23] (Légion d'Honneur) : Là encore, Napoléon Ier a repris à son compte bien des dispositions de l'Ordre de Saint-Louis, ne serait-ce que l'hérédité des bénéfices de la Légion d'Honneur à la troisième génération successive de chevaliers. Le titre est toujours conféré par la République française à titre viager, et la disposition portant l'hérédité dudit titre n'a pas été abolie, mais n'est plus appliquée. De nombreuses familles peuvent ainsi revendiquer l'application de cette disposition à leur profit[24].


Familles à la noblesse d'origine étrangère[25]

Si les familles étrangères réputées nobles dans leur pays d'origine et installées en France après cette date font ipso-facto partie de la noblesse d'apparence, puisqu'elles n'ont pas été reconnues juridiquement, pour cause, comme nobles par les Autorités françaises, la réalité de la noblesse de certaines, notamment russes, est indiscutable [26] : ainsi de certaines familles de Russes blancs[27]. Par assimilation, les descendants français légitimes de membres répertoriés de la hidalguia espagnole, de nobles musulmans ou de dirigeants héréditaires de chefferies africaines, etc., installés en France, relèvent aussi de la noblesse d'apparence.

Notes et références

  1. Ou plutôt l'hérédité des titres réguliers, pour le XIXe siècle.
  2. Date butoir passée laquelle les gouvernements français successifs se sont toujours refusés de légiférer en la matière, en invoquant le principe de l'égalité de tous les citoyens français à leur naissance.
  3. Ils conservaient toutefois certains des avantages de la noblesse personnelle, comme le droit d'être présenté. Leur noblesse viagère était toutefois reconductible au profit de leurs enfants légitimes nés en France, lesquels enfants légitimes recouvraient généralement de plein droit le statut paternel une fois installés dans leur pays d'origine, selon la législation qui y avait cours.
  4. En effet, l'article 1707 du Titre de la Noblesse en France stipule que les étrangers nobles ... n'y sont point reconnus pour nobles. C'est-à-dire qu'ils ne jouissent pas de la totalité des droits des personnes de cet ordre en France.
  5. Et non supprimé, du fait de l'absence même de législation précise à cet endroit.
  6. Instructions du Garde des Sceaux (6 mars 1789) : ... Les personnes pourvues de charges donnant la noblesse mais qui ne l'ont pas acquise par vingt ans d'exercice ne sont pas considérées comme nobles, ...
  7. Restriction sur certains droits d'usage, notamment pour les fiefs, et noblesse personnelle exerçable sur le seul territoire de la bonne ville concernée, fors le droit de présentation.
  8. Bien que lesdits titres n'aient jamais été associés à un quelconque droit nobiliaire. Néanmoins, l'Association d'entraide de la noblesse française reconnaissant les titres d'Empire héréditaires comme principe de noblesse, il est donc juste de les considérer comme tels.
  9. A ne pas confondre avec les familles nobles d'origine étrangère, c'est-à-dire celles dont le principe de noblesse héréditaire, quoique relevant d'un autre pays, a été entériné légalement en France.
  10. Bouillé et Necker en dénombraient 4000 (sic!) : voir l'Administration des finances, tome III, page 145.
  11. Les bénéfices de la noblesse personnelle commençaient le jour de la réception et de l'enregistrement du bénéficiairedans son office.
  12. Si le titulaire d'une charge portant anoblissement mourrait au cours de ses fonctions, avant d'avoir pu achever sa période probatoire, celle-ci était suspendue et pouvait être reprise et achevée par celui de ses descendants qui reprenait son office.
  13. Ainsi, la charge de Trésorier de France, selon les régions, ne portait anoblissement qu'au profit du troisième titulaire (anoblissement au 3e degré) pendant vingt ans dans la même famille. Ce qui amenait la période probatoire à quelques soixante ans...
  14. Période probatoire à l'issue de laquelle le futur anobli obtenait des lettres de vétérance, attestation juridique au vu de laquelle l'administration royale pouvait composer le dossier menant à l'anoblissement effectif... Une fois les Lettres d'anoblissement obtenues, le bénéficiaire devait les signifier pour enregistrement au Parlement, à la Chambre des Comptes et à la Cour des Aides. En résumé, il fallait rajouter quelque deux à cinq ans à la date de l'obtention des lettres de vétérance pour obtenir un anoblissement officiel.
  15. La fameuse savonnette à vilains.
  16. Le cas échéant, cette probation pouvait être partagée entre un père et son fils, pourvu que chacun remplisse les mêmes fonctions successivement : l'autorisation de cette succession en acquisition de noblesse était bien entendu nécessaire.
  17. Et souvent conforme aux exigences religieuses d'alors.
  18. Au 3e degré
  19. Au 1er degré, c'est-à-dire au profit du 1er titulaire.
  20. Ainsi les fameux capitouls de Toulouse, qui pouvaient postuler, comme les échevins de Lyon, à l'anoblissement au sortir de leur charge.
  21. Il fallait, pour qu'il devienne héréditaire, que ce titre soit associé à un majorat. Voir le paragraphe précédent.
  22. Ne seraient-ce que ceux constitués durant les Cent Jours. Une fois enregistrés les droits de renouvellement, des Lettres de patente de renouvellement étaient émises.
  23. Noblesse progressive : titre passant héréditaire au 3e degré, sur confirmation officielle.
  24. Certaines le font. Il existe une association regroupant certaines de ces familles.
  25. C'est-à-dire non validée légalement en France.
  26. L' Union de la noblesse russe, association regroupant certaines familles de noblesse russe, et l' Association d'entraide de la noblesse française, regroupant la quasi-totalité des familles de noblesse française, déjà citée, ont d'ailleurs des liens.
  27. Attention, tous n'étaient pas reconnus nobles héréditaires dans l'Empire russe : voir les articles sur la noblesse et la bourgeoisie héréditaire russes.

Sources

  • Jourdan, Decrusy, Ysambert, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la révolution de 1789 (Référence (volume XXe) en ligne), Paris, 1827
  • Cottereau fils (Thomas), Le droit général de la France et le droit particulier à la Touraine et au Lodunois, Tours, 1781
  • Mis de Bouillé, Mémoires, Paris, 1822
  • P.M. Dioudonnat: Encyclopédie de la fausse noblesse et de la noblesse d'apparence, 4 vol., Sedopols, Paris, 1976-1997. (ISBN 9782904177187)

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Noblesse d'apparence de Wikipédia en français (auteurs)

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