Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l'État d'Israël, 1945-1949

Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l'État d'Israël, 1945-1949

Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l’État d’Israël, 1945-1949[1] est un essai historique de Tsilla Hershco paru en 2000, dans lequel elle analyse l’attitude de la France, et plus particulièrement du Quai d’Orsay, à l’égard des événements dramatiques qui se produisirent après la Seconde Guerre mondiale, alors que la Shoah et la question de la Palestine et de la création de l’État d’Israël trouvèrent leur pleine expression sur la scène internationale. L’ouvrage, en hébreu, est basé sur une thèse de doctorat réalisée à l’université Bar-Ilan, sous la direction du professeur Simon Schwarzfuchs et intitulée : La France, la communauté juive de Palestine et le judaïsme français, 1945-1949.

Cette étude a été rendue possible par une dérogation spéciale accordée à Tsilla Hershco lui ayant permis de consulter les dossiers du ministère des Affaires étrangères portant sur la question de la Palestine, dossiers qui sont normalement interdits d’accès pour une durée de soixante ans par la loi du 3 janvier 1979.

Le livre met au jour les processus, les luttes et les dilemmes qui se déroulèrent et se posèrent dans les coulisses et qui façonnèrent la politique proche-orientale de la France dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale.

Parallèlement, le livre décrit et analyse les efforts diplomatiques déployés par les sionistes pour obtenir le soutien de la France au combat pour la création d’un « Foyer national pour les Juifs » en Palestine.

La comparaison entre les documents français et sionistes a permis à Tsilla Hershco de vérifier et de jeter une lumière nouvelle sur les versions de chacune des parties concernant l’action diplomatique secrète de l’époque. Elle lui a également permis de cerner et d’analyser l’influence de chacune des parties sur les positions et la politique de l’autre.

Sommaire

La France et la question d’Eretz Israël : 1945 – 1946

La position de la France à l’égard du Foyer national juif en Palestine subit l’influence de l’attitude traditionnellement hostile du ministère français des Affaires étrangères qui considérait le sionisme comme un danger pour les intérêts de la France dans le monde arabe et à l’égard des lieux saints de Terre sainte.

Aussitôt après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en mai 1945, une tentative fut faite de définir une nouvelle politique à l’égard du problème juif et du mouvement sioniste dans le cadre d’un « Comité d’étude questions juives » mis en place par le ministère français des Affaires étrangères.

Cependant, les travaux de Tsilla Hershco montrent que le mandat de ce comité et son attitude sélective concernant les documents et les témoignages personnels amenèrent le Quai d’Orsay à se retrancher dans ses vieilles positions vis-vis du problème juif et de la question de la Palestine.

Le comité ne tint aucun compte du régime de Vichy et de sa responsabilité à l’égard de la persécution des Juifs de France. Le comité s’en tint aux stéréotypes selon lesquels le sionisme devait être considéré comme étant susceptible de mettre en danger les intérêts de la France dans le monde arabe en général et en Afrique du Nord en particulier. Il ne tint pas compte des relations spéciales qui s’étaient nouées pendant la guerre entre la communauté juive de Palestine et les hommes de la « France libre ». De même, il n’accorda que peu de poids aux rapports des représentants de la France au Levant et aux États-Unis qui mettaient l’accent sur le potentiel positif que pouvait comporter pour les intérêts de la France des relations avec la communauté juive de Palestine.

De plus, les recherches de Tsilla Hershco montrent qu’aucun réel effort n’ayant été fait pour réviser d’une manière approfondie les intérêts et les positions de la France au Proche-Orient, la posture de la France apparut comme truffée de contradictions internes et de conceptions sans rapport avec la situation nouvelle. Ce qui engendra embarras, hésitations et indécision qui empêchèrent la France de tirer profit des circonstances pour promouvoir ses intérêts en fonction de ses aspirations et de ses besoins nationaux.

La position qui fut définie par le Comité d’étude questions juives se révéla elle aussi inadéquate compte tenu des changements qui s’étaient produits dans l’attitude de nombreux Français à l’égard de la question de la Palestine et du problème des réfugiés juifs. La catastrophe qui s’était abattue sur le peuple juif et la situation dramatique des rescapés suscitèrent une profonde sympathie dans les milieux politiques français, socialistes surtout, et au sein de l’opinion publique française. Les opérations des organisations clandestines de Palestine contre les Anglais suscitèrent un mouvement de sympathie en France du fait de l’analogie établie avec le combat de la résistance française contre les Allemands et d’un sentiment de revanche à l’encontre de la Grande-Bretagne qui avait chassé la France du Levant peu auparavant.

À l’initiative de la direction sioniste et avec l’aide de divers milieux en France, surtout de la gauche et au ministère de l’Intérieur, la France devint un terrain d’action privilégié des activistes de l’immigration clandestine en Palestine des rescapés des camps de la mort et un centre de transit de milliers de réfugiés des territoires précédemment sous occupation allemande à destination de la Palestine via les ports du midi de la France. Cette activité clandestine provoqua de sérieuses frictions entre la France et la Grande-Bretagne et de graves divergences de vues entre les ministères français des Affaires étrangères et de l’Intérieur, qui atteignirent leur apogée avec l’affaire de l'Exodus 1947.

La France et le plan de partage : 1947 – 1948

Tsilla Hershco montre que du moment où la question de la Palestine accéda à la scène internationale, à partir de février 1947, lorsque la Grande-Bretagne renonça à son mandat pour le remettre aux Nations unies, la France fut dénuée d’une politique claire et nette à l’égard de cette nouvelle situation. En tant que membre des Nations unies et du Conseil de sécurité, la France se devait de prendre position à l’égard du rapport de l’UNSCOP, la commission de l’ONU chargé d’étudier la question, qui recommandait la création en Palestine de deux États, un juif et un arabe (plan de partage).

La France hésita entre diverses positions vis-à-vis de ce problème : les représentants de la France dans les pays arabes multipliaient les mises en garde contre le préjudice qui serait porté à la France dans le monde arabe et en Afrique du Nord par un vote en faveur du plan de partage. Des avertissements parvinrent aussi de l’ambassadeur de France à Moscou, le général Catroux, selon lequel le plan de partage servirait les intérêts soviétiques dans la région.

À l’inverse, l’ambassadeur de France à Washington, Henri Bonnet, préconisait un vote en faveur du plan de partage, faisant ressortir l’influence du lobby juif sur l’administration américaine et l’opinion publique des États-Unis et mettant en garde contre le danger que présenterait pour les relations franco-américaines un vote de la France hostile au plan de partage.

De son côté, René Neuville, le Consul général à Jérusalem, s’opposa d’abord au plan de partage, appréhendant ses conséquences pour les institutions françaises à Jérusalem. Il changea toutefois d’avis par la suite du fait que le plan de partage recommandait l’internationalisation de Jérusalem.

Cependant, pour des raisons morales et humanitaires, des ministres socialistes, un bon nombre de membres de l’Assemblée nationale et la presse française firent pression en faveur d’un soutien de la France au plan de partage. Ils considéraient que, les deux grandes puissances appuyant le plan de la majorité, la France ne devait en aucun cas être celle qui le ferait échouer. Il faut souligner que le Quai d’Orsay était lui-même sensible à ces arguments, de peur que l’image de la France ne soit ternie.

Jusqu’à la veille du vote aux Nations unies, le Quai d’Orsay resta indécis : fallait-il voter contre, s’abstenir ou voter pour le plan de partage ? L’incapacité du ministre de Affaires étrangères, Georges Bidault, et de ses services de présenter une position sans ambiguïté facilita la tâche des amis du mouvement sioniste en France. Au moment décisif, ils réussirent à faire pencher la balance en faveur d’un vote positif de la France.

Aussitôt après le vote à l’ONU, le 29 novembre 1947, le Quai d’Orsay commença à regretter que la France ne se soit pas abstenue, d’autant plus que son vote n’avait pas été décisif pour l’obtention de la majorité. Des critiques furent aussi émises selon lesquelles le plan de partage n’était pas réalisable. Ces critiques prirent plus d’ampleur à la suite des incidents sanglants qui éclatèrent en Palestine dès le lendemain du vote de l’ONU. Le Quai d’Orsay essaya de battre en retraite. Cette politique fut renforcée par l’orientation dans le même sens qui se fit jour au Département d’État américain et qui atteint son point culminant avec la publication du « plan de tutelle » américain (mars 1948) destiné à se substituer au plan de partage.

Les débats aux Nations unies sur les problèmes de mise en application du plan de partage offrirent à la France une occasion de redorer son blason international. Paris ne réussit cependant pas à trouver un équilibre entre les considérations contradictoires et à énoncer une politique comportant un ordre de priorités clairement défini.

Cela apparut très nettement dans l’attitude que la France adopta à l’égard du plan de tutelle américain. D’une part, la France souhaitait contenter les États-Unis du fait de l’importance du « plan Marshall » pour le redressement de l’économie française. De l’autre, les Français ne voulaient pas paraître chercher à imposer le plan de tutelle de peur de compromettre leurs relations avec le monde arabe.

Des personnalités telles qu’Alexandre Parodi, l’ambassadeur de France aux États-Unis, et René Neuville à Jérusalem, prirent conscience du potentiel résidant dans le conflit palestinien pour la promotion des intérêts de la France en essayant d’assumer un rôle de médiateur. Mais ils ne parvinrent pas à traduite cette ambition en mesures concrètes. Les aspirations contradictoires à la conservation du statut de puissance moyen-orientale d’une part et, de l’autre, la crainte de se voir impliquée dans le conflit et chargée d’obligations amenèrent la France à adopter une politique versatile et inconséquente. Cette attitude empêcha la France de faire de la question palestinienne un levier qui lui aurait permis de retrouver son rayonnement au Proche-Orient.

La France et la reconnaissance d’Israël

Après la proclamation de l’État d’Israël en mai 1948, la France se demanda si elle devait reconnaître de facto le nouvel État. Bien que les États-Unis et l’Union soviétique eussent reconnu l’État d’Israël dès sa création, la France hésita et ne finit par le reconnaître qu’en janvier 1949. Le Quai d’Orsay expliqua le choix du moment par l’accalmie qui était intervenue sur le front de la guerre israélo-arabe et l’ouverture de négociations sur des accords d’armistice.

Comme dans l’affaire du vote sur le plan de partage, Tsilla Hershco montre que le ministère français des Affaires étrangères se trouva exposé, en ce qui concerne la reconnaissance d’Israël, à des pressions contradictoires : d’une part les pressions de l’opinion et des milieux politiques (surtout socialistes) en faveur de la reconnaissance immédiate de l’État d’Israël et, d’autre part, les pressions des représentants de la France dans les pays arabes qui recommandaient de ne pas reconnaître Israël ou à tout le moins de surseoir à cette reconnaissance. À cela s’ajoutèrent la crainte que la Grande-Bretagne ne s’assure la sympathie des Arabes si Paris reconnaissait Israël avant Londres et les doutes quant à la capacité de l’État d’Israël de résister à l’assaut arabe. L’absence d’une ligne politique clairement définie quant à l’attitude de la France à l’égard de cette question aboutit à une politique d’atermoiement accompagnée de promesses antinomiques aux Arabes et aux Israéliens.

Dans cette affaire comme dans celle du plan de partage, la France ne présenta pas la position clairement définie d’une puissance menant une politique calculée en fonction de considérations et d’intérêts bien compris. Là encore, le Quai d’Orsay se félicita de la modération des réactions arabes à la reconnaissance française d’Israël. Cependant, comme lors du vote sur le plan de partage, les Français ne firent rien pour tirer les conclusions de leur surestimation de l’ampleur des réactions négatives des Arabes.

La question des institutions françaises, de l’internationalisation des lieux saints et de Jérusalem : 1947 – 1949

La seule initiative dont le Quai d’Orsay fit preuve fut de lier la reconnaissance d’Israël à la question des droits des institutions françaises et d’un dédommagement pour les dégâts causés à ses institutions pendant la guerre en Palestine. La question des institutions fut présentée par René Neuville comme constituant le principal intérêt de la France dans la région. La France mit à profit la reconnaissance de l’État juif, qui serait intervenue de toute façon à un moment ou à un autre, pour parvenir à un accord avec Israël sur les droits de ses institutions.

Tout comme la question des institutions françaises, celles des lieux saints et de l’internationalisation de Jérusalem devinrent un élément central de l’intérêt porté par la France à la question palestinienne. Paris prêta une grande importance au projet d’internationalisation de Jérusalem et à la création pour la ville d’un statut spécial - le « Corpus Separatum » - sous régime international. Le Quai d’Orsay voyait dans ces questions un tremplin pour le renouvellement de l’influence de la France dans la région et un moyen de conserver son statut traditionnel de protectrice des lieux saints.

La France participa activement aux travaux de la commission des Nations unies chargée d’élaborer un statut pour Jérusalem, la plupart de ses propositions visant à limiter les pouvoirs des Juifs dans la Ville sainte. Neuville ne cessa de mettre en garde contre des initiatives israéliennes susceptibles de renforcer l’emprise d’Israël sur Jérusalem. D’autre part, la France était membre du comité de trêve chargé de parvenir à un cessez-le-feu à Jérusalem et de démilitariser la ville. De plus, la France incita le Vatican à adopter une politique plus active en faveur de l’internationalisation de la ville.

Le livre de Tsilla Hershco est la première étude historique à présenter en détail les efforts déployés par la France pour assurer l’internationalisation de Jérusalem et les contacts diplomatiques dans ce sens entretenus par les Français avec le Vatican. Il ressort des documents de l’époque que ce fut la France qui fut à l’origine de l’intervention du Vatican en faveur d’un régime international à Jérusalem. Cependant, à un moment donné, la France comprit qu’elle devait parvenir à un compromis en souscrivant au plan du Comité de conciliation qui accordait une large autonomie à Jérusalem à Israël et à la Jordanie. En fin de compte, la France se rangea cependant à la ligne imposée par le Vatican et soutint le projet de résolution australien de décembre 1949 appelant à l’internationalisation de Jérusalem en tant que « Corpus Separatum ». Le refus israélien de toute internationalisation de la ville juive sonna le glas des espoirs de la France de parvenir à un quelconque règlement. Elle perdit ainsi une nouvelle occasion de renflouer son influence dans la région.

Le mouvement sioniste et la France

La seconde partie du livre porte sur l’attitude du mouvement sioniste et de l’État d’Israël à ses débuts à l’égard de la France. Aussitôt après la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’apparut à l’évidence de tous l’ampleur de la tragédie qui s’était abattue sur le peuple juif, les sionistes intensifièrent leur action pour obtenir l’abrogation du Livre blanc de 1939 et en particulier des limitations à l’immigration juive en Palestine. Ils virent en la France un objectif central de leur action dans le domaine de l’immigration clandestine compte tenu de la situation de la France sur les bords de la Méditerranée et des relations que les sionistes avaient nouées avec les dirigeants socialistes français. À la base de cette « orientation française » se trouvait le point de vue des dirigeants sionistes selon lequel la France et les sionistes avaient des intérêts communs au Levant contre leurs adversaires britanniques et la Ligue arabe. Les sionistes considéraient en particulier que la France et eux-mêmes avaient pour intérêt commun d’empêcher la mainmise des Musulmans sur le Liban et d’assurer le maintien de la prédominance des Chrétiens dans ce pays.

Ces espoirs des dirigeants sionistes à l’égard de la France étaient teintés d’une bonne part de romantisme découlant de la conception d’une France mère de la Révolution et qui fut la première à reconnaître des droits aux Juifs. Mais concurremment, les dirigeants sionistes manifestèrent aussi un réalisme dénué d’illusions. Ils comprirent que la France avait une orientation et des intérêts clairement pro-arabes. C’est pourquoi ils proposèrent à la France une collaboration discrète.

Les espoirs placés par les sionistes en la France s’avérèrent fondés pour ce qui est du soutien qu’ils obtinrent de larges milieux au sein du grand public et de l’administration française pour tout ce qui concerne l’organisation de l’immigration juive via la France. Dès la fin de 1944, la France devint une plaque tournante de l’action semi-clandestine des envoyés des organisations sionistes. Par la suite, les sionistes mirent en place en France des camps de recrutement et d’entraînement militaire et acquirent même des armes et des munitions provenant des entrepôts de l’armée française.

Lorsque le plan de partage de la Palestine fut soumis aux Nations Unies, les sionistes accordèrent une grande importance au vote de la France compte tenu de l’influence qu’ils lui prêtaient sur les pays catholiques et musulmans. Ils engagèrent une action diplomatique intensive dans le but de créer un lobby pro-sioniste parmi les hommes politiques français. C’est dans cette perspective que furent envoyés en France en mai 1947, Maurice Fischer et Émile Nadjar. Ils réussirent à réunir des informations sur l’état des esprits dans les milieux gouvernementaux français et à exercer une influence sur des hommes politiques et l’opinion publique en France. Le soutien de personnalités telles que Léon Blum et René Mayer fut particulièrement important. Ils surent convaincre leurs collègues du gouvernement par des arguments à la fois moraux et de « real-politik ».

Si la campagne des sionistes pour un vote de la France en faveur du plan de partage fut couronnée de succès, il n’en alla pas de même pour ce qui est des efforts diplomatiques déployés pour empêcher la France de battre en retraite à l’égard de ce plan. Les sionistes ne parvinrent pas à mobiliser les Français en faveur d’un soutien actif au plan de partage. Les envoyés sionistes ne se rendirent pas compte à temps de l’intention du gouvernement français de retirer leur soutien à ce plan. Ils furent mus longtemps par un optimisme qui s’avéra infondé. C’est ainsi, par exemple, que le représentant de l’Agence juive aux États-Unis, Eliahou Eilat, affirma que l’ambassadeur Parodi s’opposait au plan de tutelle des Américains alors que les documents du Quai d’Orsay font clairement apparaître qu’il avait recommandé de collaborer avec Washington.

Le combat des sionistes en faveur de la reconnaissance de l’État d’Israël par la France mit lui aussi en évidence les maladies d’enfance de la diplomatie israélienne. Les représentants israéliens prirent à la lettre les promesses des diplomates français et envoyèrent à Jérusalem des rapports optimistes et trompeurs quant aux intentions de la France.

Israël ne parvint pas à faire de la question des institutions françaises un atout pour obtenir une reconnaissance française plus rapide. Les Israéliens considéraient avoir fait le maximum de concessions aux Français en ce qui concerne les institutions françaises et les droits des ressortissants français en Israël.

La question de l’internationalisation de Jérusalem devint un autre sujet de discorde entre Israël et la France. Il est vrai qu’au début, les dirigeants sionistes acceptèrent, encore qu’à contre-cœur, l’idée de l’internationalisation parce qu’elle figurait dans le plan de partage. Mais au fur et à mesure de l’amélioration de la situation militaire d’Israël, ses dirigeants firent peu à peu marche arrière jusqu’à retirer leur soutien au projet d’internationalisation, arguant qu’au plus fort des combats la ville juive avait été abandonnée à elle-même par les Nations unies et les pays chrétiens et que ce n’était que grâce à l’esprit de sacrifice de ses habitants juifs qu’elle avait été sauvée de l’invasion arabe. Israël fit aussi valoir que la ville juive n’englobait pratiquement pas de lieux saints. Cependant, Israël se déclara prêt à garantir la sécurité des lieux saints sur le territoire sous son contrôle ainsi que la liberté d’accès à ces lieux. Parallèlement, Israël commença à créer des faits accomplis sur le terrain pour affermir la souveraineté israélienne sur la Jérusalem juive, telle que l’application de la loi israélienne à Jérusalem dès février 1949.

Dans le cadre des délibérations de la Commission de conciliation et après la publication de ses recommandations concernant l’élaboration d’un statut pour Jérusalem, en septembre 1949, les Israéliens s’efforcèrent de convaincre les Français du bien-fondé de leur point de vue afin de réduire le préjudice porté par cette question aux relations entre les deux pays. Le vote de la France en faveur du retour au projet de « Corpus Separatum » en décembre 1949 surprit les Israéliens, mais ils évitèrent d’en faire porter la responsabilité à la France elle-même pour la mettre entièrement sur le compte de l’influence du Vatican sur Paris. À un certain moment, les dirigeants israéliens essayèrent de parvenir à un accord avec le Vatican sur la question de Jérusalem, mais ces tentatives restèrent lettre morte de par la répugnance du Vatican à conclure un accord avec les sionistes.

La genèse de l’âge d’or

Pour Tsilla Hershco, les relations entre la France et le Foyer national juif en Palestine, dans la période qui suivit la Seconde Guerre mondiale, se caractérisèrent par des offensives de charme des sionistes et des gestes de refus des Français.

Les dirigeants sionistes réussirent à tirer profit de la sympathie qu’éveilla la tragédie juive au sein d’une grande partie de l’opinion publique française pour obtenir le soutien de la France à la création d’un État juif. Ils ne parvinrent cependant pas à obtenir le soutien diplomatique de la France alors qu’Israël se battait pour son existence.

La négociation diplomatique conduisit toutefois à un rapprochement des positions sioniste et française. Progressivement, la France se rendit compte du potentiel que pouvait présenter l’État d’Israël pour la promotion d’intérêts vitaux pour la France tel que l’endiguement de la Ligue arabe. Ce point de vue constitua la genèse et la base des relations privilégiées qui se développèrent entre Israël et la France à la fin des années 1950 et au début des années 1960.

Références

  1. Tsilla Hershco, Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l’État d’Israël, 1945-1949 (préface Shimon Peres, traduction Claire Darmon), éditions Honoré Champion, coll. « Bibliothèque d’études juives » (no 16), série « Histoire » (no 12), 2003, 296 p. (ISBN 2-7453-0678-2).

Voir aussi


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l'État d'Israël, 1945-1949 de Wikipédia en français (auteurs)

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