Banalisation de la drogue

Banalisation de la drogue

Drogue

Une drogue est un composé chimique, biochimique ou naturel, capable d'altérer une ou plusieurs activités neuronales et/ou de perturber les communications neuronales. La consommation de drogues par l'homme afin de modifier ses fonctions physicologiques ou psychiques, ses réactions physicologiques et ses états de conscience n'est pas récente.

Certaines drogues peuvent engendrer une dépendance physique ou psychologique. L'usage de celles-ci peut avoir pour conséquences des perturbations physiques ou mentales.

Le terme « drogue » recouvre essentiellement deux aspects : la nature des effets biologiques que la drogue induit d'une part et, d'autre part, les rapports que celui qui la consomme entretient avec elle. Il faut qu'un composant chimique donné soit consommé pour qu'il puisse répondre à l'appellation de « drogue ». Le mode et la fréquence de consommation influe directement sur l'accoutumance ou la dépendance au produit.

Un système de régulation de la production, du commerce et de la consommation des drogues a été mis en place au cours du XXe siècle. Les règles édictées par les États tiennent compte des implications politiques, sociales et sanitaires de la consommation de drogues et déterminent la réglementation de leur usage ou leur interdiction. Une politique de prohibition plus ou moins généralisée a également été mise en place pour les produits stupéfiants. La législation mise en place permet donc elle aussi de préciser la notion de drogue.

Sommaire

Étymologie

L'étymologie du terme est imprécise. Pour la plupart des ouvrages modernes[1], le terme « drogue » provient du terme néerlandais « droog » (matière sèche)[2]. Pour Claude Saumaise et Gilles Ménage ce mot dérive de « droga » fait à partir du persan « droa » (odeur aromatique).[1] Certains pensent que ce mot pourrait venir aussi de l'hébreu « rakab » (parfum)[3] ou de l'arabe « drâwa » (balle de blé).[1] En 1752, dans le dictionnaire de Trévoux, le terme drogue est défini comme « un terme général de marchandise d'épicerie de toute sorte de nature, et surtout des pays éloignées, lesquelles servent à la médecine, aux teintures et aux artisans ». Selon, ce dictionnaire le terme désigne aussi « des choses de peu de valeurs qu'on veut mettre en commerce ». [1] Les drogues étaient donc des matières premières (plantes exotiques, c’est-à-dire épices, produits pharmaceutiques ou autres) mises en ventes par les herboristeries et les drogueries. Pour l'Académie nationale de pharmacie, une drogue est tout produit ayant quelque propriété médicamenteuse, employé à l'état brut, tel qu'il existe dans la nature, ou après des opérations matérielles qui n'exigent aucune connaissance pharmaceutique. Selon l'origine de la drogue, il sera question de drogue végétale ou de drogue animale. Dans la suite de cet article, ne sera développée que l'acception plus récente du terme « drogue » et qui ne concerne que les effets psychotropes d'une substance.

Quelles notions sont recouvertes par le terme « drogue » ?

L'usage du terme « drogue » peut prêter à confusion car il relève d'une sémantique multiple[4]. La prise en compte de plusieurs paramètres permet de mieux cerner la notion de drogue. Pour Pierre-Arnaud Chouvy, « la drogue est tout d'abord un produit d'origine animale, végétale ou synthétique, qui, introduit dans l'organisme par quelque moyen que ce soit, a sur celui-ci des effets biodynamiques, et qui peut, dans certains cas, créer une accoutumance plus ou moins grave »[4].

La notion de drogue, en plus d'être caractérisée par des éléments biochimiques, est également caractérisée par la législation internationale sur les stupéfiants. La première convention internationale sur le sujet s'est tenue en 1909 à Shanghai et concernait surtout l'opium et ses dérivés. De nombreuses conférences internationales se sont tenues (conventions internationales de 1961, 1971 et 1988), et ont permis de réguler la production, le commerce et la consommation des produits définis comme « stupéfiants ». Cependant, les contours du terme restent flous, puisque la nature de l'emploi d'une même substance peut déterminer son caractère licite ou illicite[4].

Le terme « drogue » recouvre donc plusieurs aspects : la nature des effets biologiques que la drogue induit d'une part, et d'autre part les rapports que celui qui la consomme entretient avec elle. Il faut qu'un composé chimique donné soit consommé pour qu'il puisse répondre à l'appellation de « drogue ». C'est le mode et la fréquence de consommation qui créé l'accoutumance ou la dépendance au produit. On peut donc penser que c'est le consommateur (à travers ses modes de consommation), plus que le produit qui détermine quelle substance sera, pour lui, une drogue[5]. Un troisième élément permettant de définir une drogue sont les normes imposées par une société donnée. Ces trois éléments permettent d'appréhender la drogue comme un phénomène de société[4].

On constate grâce à ces éléments qu'un même produit peut occuper des places différentes dans des systèmes de valeurs et de modes de vie différents. En conséquence, le même produit peut devenir une panacée ou un fléau pour une société. Le cas de la coca permet d'illustrer ce propos : elle représente une menace pour les États-Unis, alors qu'elle symbolise l'identité culturelle bolivienne pour les boliviens[6].
Cette différence d'approche d'un même produit est liée à la notion de tolérance socio-culturelle, selon laquelle dans un pays où une substance est produite, un état d'équilibre relatif s'installe entre cette substance et les usagers où elle est intégrée dans un rituel social, mystique ou religieux. Ce rituel s'accompagne d'une tradition de l'usage du produit véhiculant des prescriptions d'utilisation, les quantités à utiliser, les dangers relatif à l'usage[1].

Au vu de ces éléments anthropologiques, il est donc nécessaire de prêter attention aux divers systèmes de valeurs dans lesquels sont intégrés les produits psychoactifs. Chouvy pense que les différentes utilisations et perceptions des drogues sont caractérisées par des recours à des références à la tradition et à la modernité qui peuvent être contradictoires[4]. Tradition et modernité désignent ici des mouvements historiques ; ce qui impose également de faire preuve d'un relativisme historique quand on souhaite traiter des problématiques liées à la drogue. Ce relativisme historique est aussi important que le relativisme culturel évoqué plus haut[4].

Les représentations collectives de la drogue

Dans les années 1960 et notamment dans les sociétés occidentales, le terme drogue prend progressivement un sens péjoratif synonyme du terme stupéfiant[2],[7],[8],[9] se limitant aux psychotropes illégaux[7][10] (par exemple dans « trafic de drogue »). Ce glissement du sens du terme est attribué à la mise en place des législations internationales et à l'émergence d'un phénomène massif de toxicomanie. Dans cette vision légaliste, l'alcool ou le tabac ne sont donc pas considérés comme des drogues malgré les comportements compulsifs qu'ils peuvent induire.

Ce sens péjoratif est renforcé par un imaginaire populaire nettement différent entre l'alcool, les médicaments psychotropes et les drogues où l'usage ancestral et chamanique des psychotropes s'efface en quelques décennies au profit d'une imagerie négative symbolisée par quatre représentations déchéance, compulsion, irresponsabilité et animalité[11]

L'évolution linguistique décrite précédemment témoigne d'une rupture culturelle quant au rapport aux substances psychotropes[8]. En effet, le rapport entre l'homme et les drogues est considéré comme un phénomène anthropologique majeur[4].

Pour R.E Schultes et A. Hofmann, il semble évident que l'utilisation des « plantes à drogue » [12] remonte aux premiers pas de l'homme dans la connaissance de son environnement végétal. Ces plantes permettent alors à l'homme de rentrer en contact avec un autre monde, le monde des esprits, un royaume surnaturel[13]. C'est de cette division que naitra une division entre le monde sacré et le monde profane. Les rapports qu'entretient l'homme avec les drogues ont influencé l'élaboration de systèmes de valeurs, en établissant par exemple « un ordre spatial à la surface de la terre en correspondance avec un ordre cosmique, surnaturel, idéologique qui fait partie intégrante de leur patrimoine culturel »[14].

Les traces d'utilisation de plantes hallucinogènes remontent si loin dans la préhistoire que certains auteurs[15],[16] estiment que l'idée de Dieu aurait pu apparaître chez les hommes à la suite d'expériences hallucinatoires[4].

La notion de drogue ne peut être séparée des contextes culturels au sein desquels elle évolue. En effet, les représentations collectives que des sociétés culturelles se font d'un seul et même produit peuvent se révéler diamétralement opposées. Chouvy souligne de plus que le relativisme est de rigueur quand on aborde la notion de drogue, et qu'il faut distinguer les représentations collectives, qui sont partiales, partielles et contradictoires, des réalités objectives, qui se traduisent par des données objectives, mais qui sont insuffisantes[4].

Les différentes acceptions

La notion de drogue peut être utilisée pour recouvrir plusieurs réalités, qui prennent en compte la relation particulière qu'entretient un individu ou une nation avec un produit considéré[4].

Certains organismes définissent la drogue comme étant un synonyme du terme scientifique substance psychoactive, expression neutre sans connotation juridique[17].

En France, l'Académie Nationale de médecine adopte la définition suivante du terme drogue :

« Substance naturelle ou de synthèse dont les effets psychotropes suscitent des sensations apparentées au plaisir, incitant à un usage répétitif qui conduit à instaurer la permanence de cet effet et à prévenir les troubles psychiques (dépendance psychique), voire même physiques (dépendance physique), survenant à l'arrêt de cette consommation qui, de ce fait, s'est muée en besoin.[...] En aucun cas le mot drogue ne doit être utilisé au sens de médicament ou de substance pharmacologiquement active[18]. »

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L'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) propose la définition suivante pour le terme « drogues » :

«  produit psychoactif naturel ou synthétique, utilisé par une personne en vue de modifier son état de conscience ou d’améliorer ses performances, ayant un potentiel d’usage nocif, d’abus ou de dépendance et dont l’usage peut être légal ou non "[19] »

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Les professeurs david Cohen et Guilhème Pérodeau rappelle que : "En d'autres termes, aucune caractéristique chimique ne peut distinguer entre un psychotrope appelé " drogue " et un autre appelé " médicament "[20]


Pour l'Institut de santé publique belge une drogue est une substance psychoactive utilisée à des fins non-médicales[21].

Juridiquement, le terme « drogue » renvoie aux substances illicites par opposition à d’autres substances telles l'alcool, la nicotine ou les médicaments psychotropes[22].

Le terme drogue est parfois utilisé par extension pour qualifier produit causant un comportement compulsif incluant une dépendance ; on parle alors de toxicomanie. De plus, le terme « drogue » est également utilisé pour désigner l'objet d'une addiction (des comportements répétés et supposés par le sujet prévisibles, maîtrisables). On peut citer par exemple les achats compulsifs, la dépendance à Internet, les dépendance au jeu vidéo, le jeu pathologique, la sexualité ou le surentraînement sportif[23],[24].

Expressions dérivées

Le dictionnaire de Trévoux définit aussi le substantif « drogueur » (qui fournit, qui vend des drogues), disparu depuis, et le verbe « droguer » (donner ou prendre des médicaments).[1]

Les nombreux glissements successifs du champ sémantique du terme « drogue » indiquent que son usage renvoie à des notions subjectives. Ainsi, le glissement sémantique de la locution « être drogué », qui induit l'idée que c'est le produit qui dirige l'usager - même s'il a pu être drogué à son insu - vers la locution « être un drogué » qui assimile l'usager à son « vice », montre le passage d'un qualificatif (être quoi ? drogué) à un substantif (être qui ? un drogué). Cette évolution montre comment l'usager ne devient qu'une représentation de son produit, réduit à un simple objet, il est plus facile à stigmatiser.[8]

Drogue perceptuelle et drogue cognitive

Il existe des substances qui ne sont pas considérées comme des substances psychoactives, mais qui ont cependant un effet non-fonctionnel et direct sur le système nerveux qui affecte l'état mental d'une personne ; ces substances sont appelées « drogues perceptuelles »[25]. Un exemple de drogue perceptuelle peut être la saccharine, qui a les mêmes effets sur le système nerveux que le fructose ou le lactose, mais sans être un glucide (il n'a donc pas de valeur nutritionnelle).

En étendant la notion de drogue perceptuelle, on peut se rendre compte que nombre d'autres stimuli peuvent produire des effets perceptuels qui ne sont pas associés à un bénéfice de la personne qui perçoit ces stimuli, comme c'est le cas de la pornographie par exemple[25].

Lorsqu'un individu est motivé pour lire un texte, qui peut alors lui procurer certaines sensations (comme cela peut être le cas avec la lecture de textes pornographiques), on peut parler de drogue cognitive. L'effet de cette drogue dépend alors de ce qu'on lit et de ce qu'on comprend[25].

Opposition drogue licite - drogue illicite

Les termes drogue licite et drogue illicite sont utilisés depuis la mise en place des diverses législations sur les psychotropes[26].

Une drogue illicite est une drogue dont la consommation et la vente sont interdites par la loi d'un pays. Le caractère illicite de certaines drogues varie d'une législation (et donc d'un pays) à l'autre. Le cannabis, par exemple, est illicite en France mais autorisé sous réglementation stricte à la vente et à la consommation aux Pays-Bas.

Cette distinction entre les deux termes s'attache aux substances psychotropes consommées dans un but non-thérapeutique et susceptible d'induire une dépendance en les différenciant sur leur statut légal.

Les drogues appelées drogues licites désignent les substances psychotropes dont la consommation et la vente ne sont pas interdites par la loi d'un pays. Par drogue licite, on désigne en général l'alcool, le tabac, le café, les médicaments psychotropes ou les solvants organiques.

La distinction « drogues illicites » et « drogues licites » introduite ci-dessus ne saurait induire en aucune manière une distinction de fait entre « drogue dangereuse » (et/ou potentielllement létale) et « drogue inoffensive » (et/ou non potentiellement létale). En d'autres termes, une drogue licite peut être tout aussi dangereuse (ou pas) qu'une drogue illicite : il doit être bien clair que la distinction de ce paragraphe n'aborde en aucun cas cette distinction ni ne la sous-entend.

Drogue récréative

Le terme de drogue récréative est un terme dérivé de l'expression usage récréatif, qui désigne avant tout l'environnement de consommation. L'usage intervient alors dans une optique festive, l'effet désinhibant des psychotropes étant recherché par les usagers.

Ce terme désigne une consommation occasionnelle et modérée n'entraînant aucune complication pour la santé ou le comportement[27]. Cette consommation récréative s'oppose ainsi à la notion de consommation problématique qui définit la toxicomanie.

Le fait de présenter les psychotropes illégaux comme des substances récréatives est considéré comme incitatif car occultant les problèmes de marginalisation qu'un usage abusif de ces produits peut induire[réf. nécessaire]. C'est le cas notamment en France où l'incitation à l'usage de psychotrope illégaux est pénalement répréhensible[28].

Usage détourné

Le terme usage détourné désigne l'utilisation d'un médicament en dehors d'indications thérapeutiques. Il s'applique à l'usage de médicaments dans le cadre du dopage mais aussi à l'utilisation de psychotropes pour modifier volontairement l'état de conscience. Ce terme induit un jugement moral. L'usage détourné désigne souvent l'usage de sédatifs, d'opiacés ou de stimulants à des fins non-médicales, comme ce peut être le cas avec la buprénorphine, la kétamine, la morphine, ou d'autres.

Histoire

Article détaillé : psychotrope.

Les drogues ont toujours et partout existé[29]. La culture du pavot à opium était par exemple connue en Mésopotamie 4 000 ans avant l'ère chrétienne, l'utilisation de la feuille de coca est attestée en Équateur et au Pérou en 2 100 et 2 500 av. J.-C. et la référence la plus ancienne connue aux usages psychoactifs du cannabis date de 2 700 av. J.-C. en Chine[30].

L'extension géographique des plantes alcaloïdes a en partie déterminé leur utilisation par les hommes, qui ont pu découvrir ou répandre leur utilisation au cours des migrations. Ainsi, même les régions les moins pourvues en plantes psychoactives ont tout de même connu très tôt l'offre de drogues diverses et variées par le mécanisme des échanges[29].

Au XVIIe siècle apparait la notion de « substance vicieuse », proposée par l'économiste Jean-Baptiste de Montyon, qui, au cours d'une réflexion sur la fiscalité, propose de taxer les comportements immoraux[31]. À la fin du XIXe siècle, Thomas Larchevêque, dans une thèse consacrée au monopole du tabac, définit les substances vicieuses comme des biens dont « la consommation nuisible ou au moins inutile ne procure aucun avantage à l'organisme et qui ne sont que des excitants pernicieux du système nerveux »[32].

Ce qui est qualifié de drogue au cours du XXe siècle ressort de la catégorie des « substances vicieuses », définies pour la première fois au siècle précédent[33].

L'histoire, la géographie, la localisation, la diffusion et la consommation des drogues changent brusquement à partir du XIXe siècle avec les progrès de la pharmacologie et de la médecine allopathique, ainsi que l'expansion de la civilisation industrielle et de l'internationalisation des échanges [34].

La notion de drogue s'applique alors aux principes actifs et conserve ce sens en pharmacologie (préparations des apothicaires puis médicaments)[7] et reste d'ailleurs ainsi employé par certaines personnes âgées. En anglais, drug est une traduction de médicament.

La mise en œuvre au tournant du XIXe siècle-XXe siècle d'un système de contrôle international des drogues instaurant des mécanismes de régulation de la production, du commerce et de la consommation de certaines drogues introduit une séparation entre les drogues dites « licites », désignées par le terme « médicaments », qui sont contrôlés, et les drogues « illicites », désignées par le terme « stupéfiants »[35]. Ainsi un même composé chimique peut être appelé médicament ou drogue, selon son usage[36].

La régulation mise en place à partir du XIXe siècle créé alors deux marchés transnationaux, interconnectés mais disposant cependant chacun de leur fonctionnement et de leurs acteurs propres : pour les médicaments, c'est l'industrie pharmaceutique et les médecins allopathes ; pour les stupéfiants, c'est la police, les tribunaux ou la douane d'un côté et les trafiquants de l'autre[29].

Typologie des drogues

Article détaillé : Classification des psychotropes.

Il existe de nombreuses classifications des drogues. Ces classifications ont été établies au cours du XXe siècle en prenant en compte leurs effets, leur famille pharmacologique, leur activité sur le système nerveux, leur dangerosité (en fonction de la dépendance physique, psychique et de l'accoutumance), leurs implications sociales ou leur statut juridique.

En fonction des facteurs pris en compte, on verra donc certains produits réglementés et ayant une action psychotrope (alcool, tabac ou médicaments psychotropes par exemple) peuvent être considérés ou pas comme étant des drogues.

Aux Pays-Bas, en 1972, le rapport Baan définit les drogues en termes de potentialité d'un risque d'usage et non en termes de nocivité d'une substance. Cette définition est considérée comme l'élément fondateur de la politique hollandaise en matière de drogue considérant qu'un produit n'est pas par nature une drogue mais peut le devenir de par son usage[37]

Une liste de critères est établie pour juger des effets positifs et négatifs de l’usage du produit pour l’usager et pour la société afin de déterminer un risque acceptable :

  1. les propriétés pharmacologiques du produit (existence ou non de tolérance) ;
    1. le mode de consommation (ingestion, injection, inhalation) ;
    2. la fréquence d'usage ;
    3. la personnalité de l'usager ;
  2. la possibilité de fractionner les doses ;
  3. le groupe d'usagers (âge, situation sociale) ;
  4. les risques de danger pour autrui (travail, conduite automobile) ;
  5. la possibilité de réglementer la production et de normaliser l'usage ;
  6. la possibilité d'évaluer l'usage (dosage dans le sang, les urines, etc.).

C'est cette notion de risque acceptable qui est considérée comme à l'origine de la différenciation drogue douce/drogue dure. Les drogues douces qui présenteraient un risque acceptable étant moins pénalisées que celles présentant un risque inacceptable.

Opposition drogue douce - drogue dure

Drogue dure est un terme qui qualifie des substances à même de provoquer une dépendance psychique et physique forte[38],[39] Ce terme désigne généralement les dérivés de cocaïne et d'héroïne[40].

Ces termes sont apparus lors de la mise en place des réglementations internationales concernant les drogues. Ils ont un sens historique fortement attaché à la réglementation de l'époque où seuls les dérivés morphiniques, cocaïniques et cannabiques étaient visés par les lois[8], même si leur définition stricte peut s'adapter à d'autres produits.

Le terme de drogue douce désigne presque exclusivement le cannabis, du fait que celui-ci induise une dépendance mentale très faible et que le risque de décès par surdose soit nul.[38]. On oppose cette expression à drogue dure.

L'appellation « drogue douce » est contestée par certains, dans la mesure où il peut exister dans certains cas un « usage dur des drogues douces »[41]. Dans de tels cas, la prise d'un produit habituellement qualifié de drogue douce peut conduire à la toxicomanie. L'ambiguité du qualificatif "douce" pour une drogue conduit à préférer l'expression "drogue lente".

Opposition drogue de synthèse - drogue naturelle

Le terme de drogue de synthèse s'emploie surtout par opposition au terme drogue naturelle. La drogue naturelle est issue de produits naturels ayant subit peu ou pas de transformations comme les champignons hallucinogènes ou le cannabis ; alors que la drogue de synthèse désigne principalement des substances comme l'ecstasy ou le LSD qui nécessitent une synthèse en laboratoire.

Cette distinction est contestée par certains auteurs, dans la mesure où la résine de cannabis, généralement considérée comme naturelle, peut parfois subir des manipulations chimiques visant à en augmenter le principe actif (le THC)[42]. De plus, ces auteurs considérent que l'usage du terme naturel peut prêter à confusion quant à la dangerosité du produit.

Implications socio-sanitaires de la consommation de drogue

Articles détaillés : psychotrope et toxicomanie.

Les effets des drogues sont qualifiés de psychotrope ; ils peuvent modifier l'esprit, la volonté, le jugement, etc. En effet, les drogues agissent généralement grâce à un ou plusieurs alcaloïdes et modifient les transmissions synaptiques.

La consommation de drogues est associée à des problèmes sociaux et de santé qui varient selon le type, la quantité et le mode d'absorption de la substance mise en cause[43]. La consommation répétée de drogue peut conduire à la toxicomanie et avoir des conséquences sanitaires.

Il est cependant important de préciser que toutes les drogues n'ont pas les mêmes effets. Ce qui remet d'ailleurs en cause la classification drogues douces/dures. Ce classement a été établi en prenant comme seul critère les effets négatifs que les drogues peuvent entrainer sur l'organisme, or il y a d'autres critères à prendre en compte : Certaines drogues comme le cannabis sont faciles à se proccurer, et de plus elle ne coutent pas cher, c'est un critère important. Car si le consommateur de cannabis peut trouver son produit facilement et peu cher, il aura tendance à en consommer de plus en plus et donc à devenir accro. Par comparaison, la cocaine reste une drogue beaucoup plus chère et beaucoup plus difficile à trouver, ce qui explique qu'elle ne soit souvent utilisée que dans le domaine festif et donc ponctuellement.

Politique de prohibition des drogues

Article détaillé : Prohibition des drogues.

Une des caractéristiques des drogues et de leur marché est la prohibition et la répression dont elles font l'objet à l'échelle mondiale. Ce sont historiquement les États-Unis qui en sont les premiers financiers et promoteurs[29]. La répression et la prohibition sont basées sur le présupposé que l'usage de drogues (stupéfiants) est moralement répréhensible car lié à la recherche de plaisir. Les considérations de santé publique, qui justifient officiellement la politique de prohibition, sont alors subordonnées à ce présupposé émanant d'une culture dominante à l'éthique protestante[29]. C'est à la fois pour protéger la société dominante des effets délétères de l'abus de drogues que pour permettre à la société de profiter des bienfaits thérapeutiques des substances psychoactives que sera votée en 1906 la première loi fédérale de régulation des médicaments aux États-Unis, le Pure Food and Drug Act. Les débats à ce sujet, portant principalement sur l'opium et ses produits dérivés, ont débouché sur l'adoption du Harrison Narcotics Tax Act en 1914[44], et la philosophie de cette loi a été appliquée à d'autres produits par la suite[45].

Au début du siècle, les substances étaient importées depuis l'étranger, les colonies et anciennes colonies européennes, territoires soumis à des puissances politiques, industrielles et marchandes qui tiraient des bénéfices du commerce de l'opium et du cannabis comme par exemple la Grande-Bretagne via la Compagnie anglaise des Indes orientales et qui ira jusqu'à déclarer des guerres au nom du libre commerce de l'opium dans ce que l'on a nommé les guerres de l'opium. Les puissances européennes ont contesté la position prohibitionniste des États-Unis jusque dans les années 1950, époque où celles-ci ont cessé de tirer des profits du commerce des drogues dans leurs colonies[46].

Le régime prohibitionniste est donc partiellement fondé sur des bases conflictuelles sociales, ethniques et géopolitiques, ces trois dimensions étant inextricables selon Pierre-Arnaud Chouvy et Laurent Laniel. Ces auteurs considèrent également que la classification des substances et la législation afférente ne reposent pas sur un fondement scientifique mais sur des bases idéologiques, morales et politiques[29].

Les politiques actuellement en vigueur mettent l'accent sur les propriétés chimiques des produits et nie que les effets des drogues dépendent aussi des représentations sociales liées à leur usage[47]. Les orientations politiques prises par rapport aux drogues donnent lieu à des débats controversés, qui donnent lieu à des représentations partielles et partiales[29]. Chouvy et Laniel soulignent que ce qu'ils appellent « déterminisme pharmacologique » sert les intérêts d'institutions puissantes telles la médecine, la presse, la police et le gouvernement ; ce qui explique la prééminence de cette approche sur les politiques publiques[29].

Géo-économie de la drogue

Article détaillé : Trafic de stupéfiant.

La consommation, la production, le trafic et le commerce des drogues sont entrées dans la modernité au XXe siècle et ont renforcé les clivages existant entre le Riche et le Pauvre à l'échelle mondiale. Les pays Pauvres étaient plutôt considérés comme producteurs et les pays Riches comme consommateurs[29]. Les évolutions récentes de la géo-économie des drogues bouleversent toujours les rapports Nord-Sud. Les pays du sud sont toujours les principaux producteurs/exportateurs de drogue, mais sont également devenus des consommateurs majeurs. Parallèlement, le Nord n'est plus uniquement consommateur mais produit aussi des drogues de synthèse et du cannabis dans des proportions parfois importantes (aux États-Unis par exemple)[29]. Tous les pays sont donc devenus à la fois producteurs, consommateurs et pays de transit, dans des proportions qui sont très variables d'un pays à l'autre.

Les écarts grandissants entre le Nord et le Sud à l'échelle mondiale continuent de dynamiser la production et le trafic de drogue. Dans certains pays, les paysans n'ont souvent d'autre alternative économique que de cultiver pavot, cannabis ou coca. En effet, ces cultures de rente leur permettent de survivre à des déficits alimentaires souvent structurels dans des contextes économiques et politiques difficiles[48].

Ethan A. Nadelmann explique que l'économie des drogues illicites à l'échelle mondiale est clairement le résultat de l'intervention étatique à l'échelle mondiale[49]. Il précise que « la construction des normes internationales constitue un enjeu et un instrument de pouvoir, notamment du Nord sur le Sud »[50].

Les drogues illicites et leur commerce font partie, plus que jamais, du processus de mondialisation, qu'il s'agisse des trafiquants bénéficiant de la prohibition ou des États menant une « guerre à la drogue »[29]. « Les années 1980 ont été marquées par le développement des productions et la prise en main de leur distribution par diverses organisations criminelles nationales à travers le monde, les années 1990 auront (quant à elles) été placées sous le signe de l'internationalisation de ces activités »[8].

Selon le rapport annuel de l'ONU DC, l'année 2005-2006 a vu le marché des drogues illicites stagner. À l'échelle mondiale, 42 % des cargaisons de cocaïne, 26 % de celles d'héroïne auraient été interceptées. Selon le même rapport, en Afghanistan la production d'opium en 2006 aurait cru de 45 % en un an, représentant 49 % de la production mondiale, le Triangle d'or reste devant avec 50 % de la production mondiale, le dernier pour cent est une production dispersée dans le monde, souvent a usage privée.

Annexes

Notes et références

  1. a , b , c , d , e  et f Yves Pélicier, Guy Thuillier, La drogue, PressesUniversitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1972 (réimpr. septième édition) (ISBN 2-13-044843-7) 
  2. a  et b Dictionnaire Hachette encyclopédique, Grand format, Hachette, 2001 
  3. MILDT: définitions tirée du site de la MILDT (gouvernement français)
  4. a , b , c , d , e , f , g , h , i  et j Chouvy, Des plantes magiques au développement économique, p. 12-14
  5. Pelt, p.14
  6. Hector Cordova Eguivar, Centre tricontinental, 1996, p. 25-36
  7. a , b  et c L. Manuila, A. Manuila, M. Nicoulin, Dictionnaire médical, Éditions Masson, 1991 (réimpr. 4° édition) (ISBN 2-225-81957-2) 
  8. a , b , c , d  et e Denis Richard, Jean-Louis Senon, Marc Valleur, Dictionnaire des drogues et des dépendances, Larousse, 2004 (ISBN 2-03-505431-1) 
  9. Dictionnaire encyclopédique Quillet, Quillet, 1962 
  10. Lexique du rapport du comité spécial du sénat (canadien) sur les drogues illicites, septembre 2002 [1]
  11. représentations du mot drogue dans l'imaginaire populaire selon des études sociologiques dans A. Ehrenberg, Drogues et médicaments psychotropes, 1998 
  12. terme utilisé ici pour les plantes hallucinogènes
  13. Les Plantes des dieux p.9
  14. voir P. et G. Pinchemel, La face de la Terre, Paris, Armand Colin, 1988
  15. Peter T. Furst, Introduction à la chair des dieux, Édition L'esprit frappeur, 2000 (ISBN 2-84405-097-2) 
  16. Weston La Barre, Les plantes psychédéliques et les origines chamaniques de la religion, Édition L'esprit frappeur, 2000 (ISBN 2-84405-105-7) 
  17. Cité des Sciences et de l'Industrie: organisme scentifique français
  18. Pierre Delaveau, Communiqué portant sur la définition du mot « drogue », Académie Nationale de Médecine, Paris, 28 novembre 2006
  19. Drogue et toxicomanie
  20. "Drogues" et "médicaments" mis en contexte
  21. Marc Roelands, Définition du mot « drogue », Institut de santé publique, Bruxelles (Belgique)
  22. Rapport du comité spécial du sénat (canadien) sur les drogues illicites, présidé par Pierre Claude Nolin, septembre 2002
  23. Marc Valleur, Dan Velea, « Les addictions sans drogue(s) », Toxibase, n°6, juin 2002
  24. voir aussi : Exemples d'addictions
  25. a , b  et c Stephen E. G. Lea, Paul Webley, « Money as tool, money as drug : The biological psychology of a strong incentive », Behavioral and Brain Sciences, Cambridge University Press, Lire en ligne
  26. Exemples : Yasmina Salmandjee, Les drogues, Tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation, Eyrolles, coll. « Eyrolles Pratique », 2003 (ISBN 2-7081-3532-5) , rapports officiels français (rapport Pelletier, Rapport Roques, etc.), publications de l'OFDT ou de la MILDT, etc.
  27. « Usage récréatif, abus et dépendance », Drogues : Savoir plus, risquer moins, Comité permanent de lutte à la toxicomanie du QuébecLire en ligne
  28. Article L3421-4 du Code de la Santé Publique : « La provocation au délit prévu par l'article L. 3421-1 ou à l'une des infractions prévues par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal, alors même que cette provocation n'a pas été suivie d'effet, ou le fait de présenter ces infractions sous un jour favorable est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Est punie des mêmes peines la provocation, même non suivie d'effet, à l'usage de substances présentées comme ayant les effets de substances ou plantes classées comme stupéfiants. »
  29. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j  et k Pierre-Arnaud Chouvy et Laurent Laniel, « De la géopolitique des drogues illicites », Hérodote n° 112, p. 7-26, 1er trimestre 2004, La Découverte, Lire en ligne
  30. Chouvy, Des plantes magiques au développement économique, p. 18-24
  31. René Stourm, Systèmes généraux d'impôts, Lib. Felix Alcan, Paris, 3e éd., 1912, p.38-39
  32. Thomas Larchevêque, Droit français du monopole des tabacs, thèse, Paris, 1887, Lib. nouvelle de droit et de jurisprudence, Arthur Rousseau éd., p. 121.
  33. Yann Bisiou, « Le contrôle de l'offre des drogues » in Addictions, Santé, Droits et devoirs, contributions d'un atelier organisé par la FFA dans le cadre des 23es journées nationales de l'ANIT à Nantes les 6 et 7 juin 2002.
  34. Anne Coppel, « Consommation : les paradis artificiels sont-ils éternels ? », in Guy Delbrel, Géopolitique de la drogue, CEID, Paris, La Découverte Documents, 1991:16
  35. F.X. Dudouet, « De la régulation à la répression des drogues. Une politique publique internationale », Les cahiers de la sécurité intérieure, n° 52, 2e trimestre 2003.
  36. Collectif FTP, Petit dico des drogues, Édition L'esprit frappeur, 1997 (ISBN 2-84405-002-0) 
  37. Hélène Martineau et Émilie Gomart, Politiques et expérimentations sur les drogues aux Pays-Bas, OFDT, 2000
  38. a  et b On notera néanmoins que certains décès peuvent être indirectement liés à la consommation, par exemple un accident de la route. Pour plus de détails, voir : Yasmina Salmandjee, Les drogues, Tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation, Eyrolles, coll. « Eyrolles Pratique », 2003 (ISBN 2-7081-3532-5) 
  39. Les cas de décès par abus de drogue dure sont donc plus fréquents.
  40. Rapport de la commission d'enquête sur la politique nationale (française) de lutte contre les drogues illicites du 3 juin 2003
  41. J.P. Couteron. L'usage dur des drogues douces. La mise en place d'un outil d'autoévaluation de la consommation. Cahiers de Profession Banlieue (Les), 2001, (décembre) : 51-69
  42. Amine Benyamina, Le cannabis et les autres drogues, Solar, 2005 (ISBN 2-263-03904-X) 
  43. « Fiche 5 » des Résultats de l'enquête sociale et de santé 1998 pour la région de l'Outaouais, 2001
  44. E. Bertram, Drug War Politics, The Price of denial, University of California Press, Berkeley, 1996, ch. 4
  45. R.Bonnie, The Marijuana conviction : A History of Marijuana Prohibition in the United States, Lindesmith Center, New York, 1999, ch. 1 et 2
  46. Guillermo Aureano, « L'État et la prohibition de (certaines) drogues », in Cemoti, n° 32 - Drogue et politique, juillet-décembre 2001, Lire en ligne
  47. N. Zinberg, Drug, Set and Setting : The basis for Controlled Intoxicant Use, Yale University Press, New Haven, 1984
  48. C'est notamment la cas en Afghanistan, en Colombie ou au Congo, voir Pierre-Arnaud Chouvy et son site Geopium pour plus de précisions
  49. Ethan A. Nadelmann, « Régimes globaux de prohibition et trafic international de drogue », Revue Tiers Monde, t. XXXIII n°131, « Drogues et développement », 1992, p. 537-552
  50. Ethan A. Nadelmann, op. cit. p. 538

Bibliographie

  • Collectif FTP, Petit dico des drogues, Édition L'esprit frappeur, 1997 (ISBN 2-84405-002-0) 
  • Drogues et dépendance, MILDT, 2006
  • Yasmina Salmandjee, Les drogues, Tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation, Eyrolles, coll. « Eyrolles Pratique », 2003 (ISBN 2-7081-3532-5) 
  • Schultes, R. E., Hofmann A., Les plantes des dieux, Paris, Les Éditions du Lézard, 1990.
  • Jean-Marie Pelt, Drogues et plantes magiques, Paris, Fayard, 1983.
  • Pierre-Arnaud Chouvy, Des plantes magiques au développement économique. Le recours à l'économie de la drogue dans les pays du sud, Mémoire de DEA, Université de Paris X / Université de Paris I / Institut National Agronomique Paris Grignon, 1997, (fr) Lire en ligne
  • Wadih Fayad, Aperçu sur les drogues, les anesthésiques, ... et leurs origines
  • « Le Marché des drogues illicites », Bulletin des stupéfiants Vol. LVI, n° 1 et 2, 2004, Office contre la drogue et le crime, Nations Unies, Lire en ligne
  • Max Milner, L’imaginaire des drogues : de Thomas de Quincey à Henri Michaux, Paris, Gallimard, 2000 [les drogues à travers la littérature].

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