Violence politique

Violence politique
Le 1er mai 1891 en France, la troupe tire sur des manifestants défilant sans permission. Trois manifestants sont également jugés et la peine de mort est réclamée contre l'un d'entre eux par l'avocat général. En représailles, le 11 mars 1892, l' « anarchiste » Ravachol fait exploser une bombe artisanale dans l'immeuble du Président du procès.

La violence politique est un concept utilisé en sciences sociales et politiques qui fait référence à « des destructions [ou] des atteintes physiques dont le but, le choix des cibles ou des victimes, la mise en oeuvre et/ou l'effet ont une signification politique [et] tendent à modifier le comportement des protagonistes dans une situation de négociation »[1],[2].

Le concept recouvre de nombreuses activités. Dans le contexte de conflits armés, son spectre comprend des actes ou des événements comme la tentative isolée d'assassinats, la guérilla locale ou à petite échelle, la rébellion armée ou la résistance, le terrorisme politique, l'état de terreur, la répression ou la guerre[3]. La violence politique s'exprime également en dehors de conflits armés, par exemple au travers du contrôle social exercé par l'État[4] ou une de ses réponses, la grève de la faim[5].

L'usage du concept de « violence politique » a pour objectif de prendre de la distance par rapport au caractère légitime ou non de son expression pour au contraire se focaliser sur son caractère coercitif (l'usage de la force ou sa menace) et sur les moyens pour la réguler.


Sommaire

Description du concept

Définition

L'étude de la « violence politique » s'intéresse à la place de l'usage de la force dans les systèmes politiques, démocratiques ou non. Les premiers travaux remontent aux années 1970 avec Ted Robert Gurr (en) et Harold L. Nieburg (en). Ce dernier en particulier lui a donné une définition souvent reprise à savoir : « [l]es actes de désorganisation, destruction, blessures, dont l'objet, le choix des cibles ou des victimes, les circonstances, l'exécution, et/ou les effets acquièrent une signification politique, c'est-à-dire tendent à modifier le comportement d'autrui dans une situation de marchandage qui a des conséquences sur le système social ». Cette approche est liée à la volonté de nombreux auteurs, principalement américains, de ne prendre en compte dans la « violence politique » que « des actes quantifiables et mesurables », comme par exemple les nombres d'émeutes ou de grèves..., pour extraire le concept « de tout contexte normatif d'évaluation et de jugement »[2].

Des chercheurs, comme Yves Michaud, ont toutefois remis en cause l'idée même de donner une définition de la « violence politique » qui fasse consensus. De leur point de vue, il n'est pas possible de qualifier un fait de « violent politiquement » car ce choix dépend trop de la perspective adoptée : celle de l'auteur (ou de l'instigateur) d'un côté ou celle de la victime (ou de la personne ciblée) de l'autre[2].

Classification

Le spectre des actions et des événements couverts par le concept de violence politique est vaste. Il est présenté dans le tableau suivant établi par Paul Wilkinson (academic) (en)[3]

Grande échelle Petite échelle
* Émeutes et violence urbaine * Actes isolés de sabotage ou attaques de propriétés
* Rébellion armée ou résistance * Tentative isolée d’assassinat
* Révolution ou contre-révolution * Guerre des gangs et vendettas
* État de terreur ou répression * Terrorisme politique
* Guerre civile * Guérilla locale ou à petite échelle
* Guerre limitée * Terrorisme transnational et international
* Guerre nucléaire * Raids de type guérilla sur des États étrangers

Exemples de phénomènes étudiés

Des concepts variés ont été présentés ou étudiés par les chercheurs en tant que forme de violence politique.

  • Le terrorisme est étudié dans « le spectre de la violence politique » par les chercheurs parce qu'il n'y a « aucun consensus concernant les actes méritant l’étiquette ‘terrorisme’, car toujours sujet à discussion. [Cela constitue un problème] car sans donner une définition acceptable et cohérente pour tous de l’acte terroriste, il est impossible de condamner un Etat, un mouvement, etc. »[3]. « (...) Il est nécessaire de faire une différenciation entre les diverses conditions de la violence et de distinguer les divers modes de conflits, quelle que soit la façon dont on les nomme, [pour] améliorer [la] compréhension de leurs origines, les facteurs qui les affectent et apprendre à y faire face »[3].
  • La grève de la faim « consiste à faire souffrir son corps en imputant cette violence au pouvoir d'en face [et] retourner contre ce dernier ce qu'il a pratiqué ou est susceptible de pratiquer (...). » « Le corps [devient] un support du marquage politique (...) pour des acteurs ayant un accès limité aux autres formes de protestations. » Pour lutter contre ce phénomène, des « pratiques de gavage de force [ont d'ailleurs] longtemps existé à l'encontre des grévistes de la faim. »[5]

Intérêts sémantique et scientifique de l'expression

Philippe Braud décrit l'intérêt sémantique de l'expression « violence politique » en particulier dans le contexte scientifique[1]. La dénonciation d'une violence traduit plus le rejet de comportements jugés non acceptables que la mesure de cette violence et en conséquence, les actes de violence politique ne peuvent se définir à partir « des perceptions contradictoires ou conflictuelles qui s’imposent dans les débats » en particulier du fait de la charge émotive liée à ces actes et de par « les discours de stigmatisation de l’adversaire » qui accompagnent cette dénonciation. Or, l'analyse scientifique des événements doit se baser sur « un concept qui satisfasse aux critères de cohérence intellectuelle (...) tout en demeurant (...) en connexion minimale avec les perceptions du sens commun ».

A ce niveau, l'expression « violence politique » a un double intérêt sémantique et scientifique : elle met l'accent sur le caractère coercitif des actions c'est-à-dire sur l'emploi ou la menace d'user de la « force » et elle porte une « charge émotionnelle » qui oblige à étudier les faits au travers de leurs conséquences psychosociales dans la vie politique et non pas aux travers de leurs justifications ou condamnation par les acteurs. Dans cette perspective, le problème particulièrement important pour les systèmes démocratiques de « la maîtrise des comportements d’agressivité ou de peur » et la « mise en place d'une régulation plus précise des manifestations pulsionnelles et émotionnelles (...) tenant compte de la situation sociale » devient envisageable[1].

Le problème de la légitimité de l'usage de la violence

Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis procèdent aux bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki pour obtenir la capitulation inconditionnelle du Japon. Leur légitimité ou non est aujourd'hui l'objet de débats entre historiens.

Les actions de violence politique sont souvent sujettes à des jugements de valeurs car dans les démocraties occidentales pluralistes, la « condamnation morale » de la violence est devenue « quasi unanime »[4].

Philippe Braud rapporte pourtant des exceptions, comme l'apologie de la violence des colonisés par Jean-Paul Sartre ou celle des « violences révolutionnaires ». Avec la même idée mais appliquée en sens inverse, il rappelle la stigmatisation de l'inaction militaire comme lors de la Guerre du Golfe ou celle de Bosnie avec un vocabulaire et des arguments faisant référence à la situation de la montée du régime nazi. Il met cependant en garde contre le « raisonnement (...) qui consiste à ne qualifier comme violences que les comportements jugés illégitimes, réservant aux autres l’emploi d’un lexique euphémisant : coercition, contrainte, force, etc. » et conclut que « si indiscutable que soit la nécessité sociale de cette approche éthique de la violence, ce n’est pas le terrain sur lequel se situe l’analyse de la science politique. »[4]

Annexes

Notes et références

  1. a, b et c Philippe Braud, La violence politique dans les démocraties européennes occidentales, Cultures & Conflits, n°9, p.272.
  2. a, b et c Cyril Tarquinio, La violence politique.
  3. a, b, c et d Tanguy Struye de Swielande, Le terrorisme dans le spectre de la violence politique, Les Cahiers du RMES, juillet 2004.
  4. a, b et c Philippe Braud, La violence politique : repères et problèmes, Cultures & Conflits, 09-10, printemps-été 1993.
  5. a et b Philippe Braud, La violence politique dans les démocraties européennes occidentales, Cultures & Conflits, n°9, p.328.

Documentation

Bibliographie

  • Xavier Crettiez, Les formes de la violence, La Découverte, 2008.
  • Paul Hollander (en), Political Violence: Belief, Behavior, and Legitimation, Palgrave Macmillan, 2008.
  • Philip Herbst, Talking terrorism: a dictionary of the loaded language of political violence, Greenwood Publishing Group, 2003.

Articles

Liens externes


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